Que du bonheur (avec vos capteurs) conception et interprétation de Thierry Collet, mise en scène de Cédric Orain

Que du bonheur (avec vos capteurs) conception et interprétation de Thierry Collet, mise en scène de Cédric Orain

 

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Cela se veut être un « spectacle de magie interactif qui nous plonge dans un monde où l’humain et le numérique commencent à fusionner». Au cours d’une brève conférence, Thierry Collet se rend compte, dit-il qu’aujourd’hui, «les machines font son métier mieux que lui, les algorithmes sont plus rapides que son cerveau pour retrouver les cartes choisies, les logiciels sont plus exacts que son intuition pour lire dans les pensées des spectateurs. »  Il prétend aussi qu’il fait intervenir dans ses tours des capteurs connectés, des applications de smartphone et des nouvelles technologies pour créer des doubles numériques d’objets. Mais, à la fin, le magicien bien connu, précise au public que nenni, il n’y a pas plus de gestion numérique que de beurre en branches et que tout est question de trucages ( bien entendu, en grand professionnel, il ne les dévoilera pas) mais aussi d’influence. «Le mentaliste de spectacle est un menteur, oui. C’est un genre de prestidigitation très particulier et ambigu, car beaucoup de gens croient aux rêves prémonitoires, à la télépathie, à la voyance. Les démonstrations du mentaliste semblent plus « réelles» que celles d’un manipulateur de cartes. Mais tout ce que je fais, est truqué. »

Sur le plateau, juste une simple table en bois comme on en trouve dans les coulisses de tous les théâtres et derrière quelques accessoires comme des sacs en papier, un carton, une bouteille de bière et un écran modèle agrandi du téléphone portable qu’il a à la main. Aux tours classiques de cartes qu’il va deviner sans aucune difficulté, se succèdent d’abord un numéro soi-disant technologique. A un spectateur, il remet un verre et un décapsuleur qui serait selon ses explications, connecté (mais à quoi on ne saura jamais) et une bouteille de bière qu’il lui demande d’aller boire en coulisse. Armé de son seul smartphone, Thierry Collet va faire s’afficher sur le grand écran, le prénom : Christophe et l’âge : cinquante et un ans, de ce spectateur qu’il fait ensuite revenir sur le plateau. Lequel déclare exacts prénom et âge… Bluffant. Complice dans la salle mais peu probable, manipulation mentale ou réelle connexion informatique mais comment? En tout cas, le public est médusé.

Avec son  assistant magicien Marc Rigaud qui est ailleurs, en tout cas pas dans la salle, Thierry Collet va aussi demander à une spectateur de lui prêter son porte-feuille et grâce à une soi-disant modélisation en 3 D, l’objet se retrouvera entre les mains de son assistant qui en tirera une carte bleue. Mais comme par miracle, le dit porte-feuille reviendra sur la petite table. Thierry Collet demande alors au spectateur de venir vérifier qu’il n’y manque rien. «Si, dit-il, il manque la carte bleue ». «Normal, lui répondra le magicien très simplement, je pense qu’elle est dans la poche de mon pantalon. » Et, bien sûr, il l’en tire aussitôt et la rend au spectateur….

Avec quelques autres tours aussi bien réalisés, l’heure passe très vite. Thierry Collet à la fois très humble et proche du public, est vraiment excellent, même si la mise en scène de Cédric Orain manque de rythme… Il aurait dû mieux diriger celui qui est passé aussi par le Conservatoire National et qui, visiblement, a un grand plaisir à parler avec le public. D’autant plus que, dit-il : «Cela m’intéresse de raconter des histoires, d’emmener les spectateurs dans des récits. J’ai envie que ma magie raconte des histoires. » Mais depuis la première, les choses se sont peut-être resserrées. Mentalisme ou pas, reste une série de numéros de tout premier ordre réalisés avec virtuosité à savourer sans modération.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 6 novembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème).

Puis en tournée en France et Belgique.

 


Archive pour 26 octobre, 2021

Hilda, de Marie NDiaye, mise en scène d’Élisabeth Chailloux

Hilda de Marie NDiaye, mise en scène d’Élisabeth Chailloux

 

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Nous ne verrons pas, cette servante, cette femme de service, de compagnie et qui fait tout ce que sa patronne exige. Hilda, immense et en même temps, réduite à un nom, est l’objet du caprice et de la convoitise de Madame Lemarchand -un nom propre (ô ironie!) d‘ une classe sociale qui établit son pouvoir sur l’argent. Et peu importe l’idéologie proclamée: «Je suis de gauche»? Nous oublions presque qu’Hilda est aussi, d’abord, la femme de Frank Meyer, un époux apparemment bienveillant et militant de la domination masculine: il ne faut quand même pas trop en demander…

On dit qu’Hilda est belle, travaille bien et ne dit mot : elle n’a pas en effet… son mot à dire. Au prix de sa propre vie, mari et enfants sacrifiés, elle devra combler toutes les frustrations de Madame qui la vampirise jusqu’à extinction.  Un film d’horreur, dit Élisabeth Chailloux. L’enquête de la sociologue Caroline Ibos* traite de cette nouvelle forme de servitude. «La patronne voudrait que ses enfants comptent plus que ma chair. Mais ça ment, c’est juste le travail.» (…) « Des femmes migrantes, originaires du monde pauvre, laissent leurs propres enfants au pays pour venir prendre soin de ceux de la bourgeoisie occidentale ». C’est donner l’échelle géopolitique de cette exploitation de femmes pauvres et compétentes, qu’il ne faut pas payer trop cher, puisqu’elles aiment ça: s’occuper des enfants des autres.

Ici, nous sommes au-delà de l’enquête. Marie NDiaye prend la question avec une sorte de fureur verbale. Le texte bouillonne, roule, martèle, écrase. Pas de nuances mais un échantillonnage d’excès éclairés plein feu. Cette Madame Lemarchand peut évoquer le ton des Bonnes de Jean Genet, dans une situation inversée et à d’autres moments, la plainte modulée d’une femme abandonnée, le sifflement vipérin du chantage, la brutalité du vainqueur… Aucune place pour le mystère : craquages de la tortionnaire puis revirements… Corrigeons : nous sommes presque tentés de croire, un instant, à ses larmes de crocodile. Elle cherche à s’emparer de Frank, le mari car il représente une partie de Hilda et, dans son caprice totalitaire, Madame veut TOUT.

Nathalie Dessay est l’interprète parfaite de celle qui se fabrique, faute de consistance, une série de postures : suppliante : « Donnez-moi Hilda, je ne peux vivre sans elle. » Dominatrice: «Camarade ». Tyran (le mot n’a pas de féminin). Perverse, manipulatrice, pauvre créature abandonnée: le mot qui touche sans doute au plus près la vérité de cette coquille vide. Dans ces variations empruntées aux personnages féminins des opéras qu’une bourgeoise se doit de fréquenter, Madame maudit comme la Reine de la Nuit, souffre comme Violetta, tue comme Médée… Victimes directes ou indirectes d’une nébuleuse de la tyrannie patriarcale. Nathalie Dessay brille ici de tous ses feux, apportant la rigueur et l’ampleur du chant lyrique à ce rôle. Palette de nuances au millimètre, énergie sans faille, souplesse et énergie d’un corps qui semble d’acier, avec toujours une étincelle d’humour : elle ne déjoue pas son personnage mais a le nécessaire pas de côté pour que cette Madame ne soit pas tout simplement insupportable.

Comment vivre à côté de ce torrent ? Gauthier Baillot, mari ferme mais perdant, renonce peu à peu. Même pas un adversaire : qui peut lutter contre le rouleau compresseur capitaliste? Peut-être une jeunesse insolente et anarchiste : à la fin de la pièce, le personnage joué par Lucile Jégou. On aurait pu imaginer la présence muette de cet homme contraint de «s’écraser“: cela lui aurait-il donné trop de forces ? La pièce serait-elle l’illustration d’une lutte des classes perdue d’avance pour «les plus modestes », entrés même un peu dans le jeu de la classe dominante ? Ce monstre ordinaire, gonflé par ses passions reste toujours désespérément vide.  La pièce de Marie NDiaye a quelque chose de parfois «trop», dans son caractère obsessionnel et répétitif mais est aussi une très fine comédie de l’effroi, quelque chose comme une parole de l’épouvantable…

Christine Friedel

Les Plateaux Sauvages, Paris (XX ème), jusqu’au 30 octobre. T. : 01 83 75 55 70.

Qui gardera nos enfants de Caroline Ibos est publié aux éditions Flammarion.

 

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