Mère, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

Mère, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

D’abord quel plaisir de voir enfin, par ces temps difficiles, un théâtre où toutes les places sont occupées… Troisième opus du cycle Domestique, après les Seuls  et Sœurs, Mère est une fiction construite à partir d’éléments autobiographiques. Wouajdi Mouawad avait dix ans quand, pour fuir la guerre civile qui fait rage à Beyrouth et au Liban, il arrive avec sa mère, sa grande sœur et son frère, dans le XV ème à Paris… Un appartement meublé en location où il sent dépaysé : « Un immeuble de style haussmannien avec concierge, ascenseur et moquette avec bosses, alors que j’avais passé toute mon enfance dans une forêt peuplée d’animaux, a pour moi été une expérience lunaire. »Bien sûr, il va à l’école mais comme il parle seulement l’arabe libanais, il a du mal avec le français surtout avec des verbes aussi compliqués qu »aller », au présent de l’indicatif.

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© x La sœur, C h. Ochrent, la mère et devant l’enfant

Son père à la tête d’un commerce, est resté là-bas pour faire vivre sa famille. Sa mère, elle, comme beaucoup de ses compatriotes, pense revenir au Liban dans trois mois puis dans six  et puis dans un an… Et ce seront finalement cinq années d’exil avec à la clé, une inquiétude permanente du lendemain et, la peur de voir disparaître les proches qui sont restés là-bas. ou ailleurs comme dans le monde, comme la sœur de sa mère qui habite les Etats-Unis et à qui elle téléphone régulièrement.  Seul moyen d’information, le Journal sur la 2 de Christine Ockrent qui s’invite ici son micro devant elle posé sur une petite table, dans l’appartement,. comme à la télé mais pour de vrai comme disent  les enfants et  non sur un écran qui est bien là mais sans images. Et comme dans une machine à remonter le temps, on la retrouve avec son habituel: «Madame, Monsieur bonsoir.» trente-quatre ans plus tard.  La mère prépare un repas avec des oignons et des épices qui parfument la salle et la journaliste présente les nouvelles, les bonnes comme les mauvaises mais reçoit les reproches de la mère,  parce qu’elle ne parle pas assez de la guerre au Liban. Une fabuleuse idée de mise en scène… Et Christine Ockrent est visiblement aussi à l’aise sur cette grande scène, que sur un plateau de télévision.

Le petit garçon qu’était Wajdi Mouawad voit sa mère téléphoner en larmes à son père réfugié dans une cave chez des voisins mais le réseau est en mauvais état et cela coupe souvent. Tous les beaux immeubles 1900 de ce quartier ne sont plus que ruines comme on le voit en vidéo- pour une fois réellement utile et efficace- sur le mur du fond. Et, catastrophe, le magasin du père finira par être pillé. La famille partira ensuite pour le Québec où sa mère mourra deux ans plus tard puis son père. Wajdi Mouawad y passera toute sa jeunesse avant de revenir en France où il a créé une quarantaine de spectacles.

Il est là au début dans la salle, très humble et souriant; il demande aux spectateurs d’éteindre leur portable, avant de leur expliquer rapidement la genèse du spectacle et ensuite de passer sur le plateau, où il y juste un long mur en bois avec deux portes frontales. L’auteur et metteur en scène n’a pas voulu tomber (et il a eu raison) tomber dans l’hyperréalisme. Et le scénographe Emmanuel Clolus a choisi la sobriété: de cet appartement du XV ème, nous ne verrons qu’une photo projetée d’un tableau d’Henri Matisse dont une reproduction ornait la salle à manger. Il y a quelques chaises, un canapé, un fauteuil, une grande table de cuisine où la mère prépare inlassablement les repas… A la fin, nous verrons la projection d’un photo en noir et blanc très émouvante avec la famille réunie autour de la table avec au mur, le tableau de Matisse. Wajdi Mouawad est présent sur scène, un peu à la façon de Tadeusz Kantor, autrefois,  veillant en silence au bon déroulement du spectacle. Incarnation irréprochable de la mère par Aïda Sabra et de la sœur par Odette Makhlouf.  Emmanuel Abboud, Théo Akiki, Dany Aridi, Augustin Maîtrehenry jouent en alternance le petit garçon. Celui que nous avons vu ce soir-là, un peu joufflu, cheveux noirs, était tout aussi impeccable et plus vrai que nature.

Un spectacle juste et précis avec une exceptionnelle direction d’acteurs. Wajdi Mouawad réussit par le bais du théâtre, à nous faire ressentir l’impression douloureuse d’avoir eu une guerre-mère : «Tous les Libanais ont deux mères dit-il, la seconde, qui les a mis au monde autant que leur propre mère, est la guerre. Je n’échappe pas à cela. Être l’enfant de ces deux mères est une prise de conscience tout à fait réelle. »  Il réussit grâce à une mise en scène d’une remarquable finesse à passer d’un récit autobiographique vers le fictionnel. Cette mère parle constamment arabe mais sur-titré et tout ici est tellement vrai que cela ne nuit en rien au spectacle et les scènes au téléphone avec son mari sont de vrais moments d’anthologie. Et on voit en filigrane que, Wouajdi Mouawad, lucide, n’oubliera jamais ce que sa vie aurait été sans cette guerre civile qui l’a marqué à jamais. «Si j’étais resté au Liban, j’aurais été quelqu’un de complètement différent, sans doute eu d’autres enfants que les miens. C’est vertigineusement troublant de se dire que ces êtres-là existent grâce à un événement aussi épouvantable que la guerre! De la même manière, je n’aurais probablement jamais fait de théâtre : c’est donc une guerre de 400.000 morts, sans compter les disparus et les conséquences irréparables à venir, qui m’a sauvé ! Un prix chèrement payé, non ? »

Le témoignage d’un homme lucide qui a donc vécu une guerre à distance de son cher pays plusieurs fois martyrisé, et encore l’an dernier par une explosion monstrueuse. Allez absolument voir ce spectacle que certains ont trouvé un peu long mais ces deux heures et demi, pour nous, ont très vite passé. Et c’est sans doute l’un des meilleurs et des plus exigeants de cet excellent auteur : nous n’avons qu’un Wouajdi Mouawad! Ici l’intimité d’une famille -et surtout celle d’un enfant devenu écrivain et metteur en scène- rejoint l’universel. Et nous nous souviendrons longtemps de cette mère libanaise si attachante, même et surtout quand elle hurle en arabe au téléphone tout son désespoir. Ou, quand, tout en préparant le dîner, elle engueule son petit garçon, parce qu’il fait des fautes de conjugaison en français… Enfin une très bonne soirée et longuement saluée par le public. On vous le redit: allez voir ce spectacle, vous ne le regretterez pas.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 30 décembre, Théâtre de la Colline, rue Malte-Brun Paris ( XX ème). T. : 01 44 62 52 52. 


Archive pour novembre, 2021

La Maladie Blanche de Karel Čapek, traduction d’Alain van Crugten, par la compagnie Jolie Môme

La Maladie Blanche de Karel Čapek, traduction d’Alain van Crugten, par la compagnie Jolie Môme

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Photo PhilippeCaro

 La pièce, écrite en 1937 et montée avec succès au Théâtre national de Prague la même année, fut encensée par Max Brod et Thomas Mann ! L’auteur tchèque est connu pour son théâtre polémique avec entre autres,  La Guerre des Salamandres et R.U.R. (Les Robots universels de Rossum) avec pour la première fois, le mot « robot » :travailleur en tchèque. Il fait ici figure de visionnaire car sa dernière œuvre -il meurt en 1938- rejoint notre actualité: une épidémie accable le pays: des taches blanches  sur la peau chez les plus de quarante-cinq ans qui meurent dans une douleur et une puanteur atroces. Le docteur Galén -rebaptisé ici Bougalen- un médecin des pauvres, trouve un remède mais refuse de soigner les riches, à moins qu’ils n’instaurent la paix. Le Maréchal, dictateur va-t-en guerre, victime du mal à son tour, va, pour recevoir le traitement, céder aux conditions du docteur et déclare : « Non à la guerre ! Non à la guerre!  » Mais la foule se déchaîne et piétinera le médecin comme son médicament.

En trois actes et quatorze tableaux, La Maladie blanche met en lumière avec un humour grinçant les forces antagonistes d’une société où le profit est roi. Le capitalisme en crise génère nationalisme belliqueux et mesures liberticides: instruments d’un pouvoir déliquescent. De quoi alimenter l’esprit combatif de Jolie Môme… Ce collectif participe depuis longtemps à toutes les luttes populaires et a gardé sa verve militante.

Dans le style du théâtre d’intervention, il reprend les bonnes vieilles méthodes brechtiennes, avec un zeste de commedia dell’arte : visages blancs, costumes emblématiques de fonctions sociales. Les jeunes acteurs se plient à un jeu frisant la caricature et forcent le trait mais sans excès. Cette farce noire se prête à un traitement didactique et burlesque, avec des archétypes sociaux: un marchand de canons accompagné d’un chef de guerre, un conseiller d’Etat, propriétaire d’une clinique et entouré de médecins à sa botte, une presse et une petite bourgeoisie serviles, une nation au patriotisme fanatique… Quelle que soit leur classe sociale, tous veulent tirer  bénéfice de l’épidémie: les uns, en agitant la peur pour garder le pouvoir, les autres en spéculant sur les ventes d’un traitement-miracle.

En montrant la résistance du docteur Bougalen, son engagement désintéressé et sans faille pour la cause pacifiste, Karel Čapek rend évident le système mafieux des industriels et politiciens.  La compagnie Jolie Môme met son énergie au service d’un texte étonnant qui, encore aujourd’hui, résonne étrangement. Une mise en scène bien huilée, un rythme soutenu par une musique jouée sur scène et un style de jeu affirmé emportent l’adhésion du public, venu nombreux à la Belle Etoile. Cette ancienne salle des fêtes devenue gymnase, est mise à disposition de ce collectif par la ville de Saint-Denis depuis 2004. Un lieu chaleureux et à découvrir… situé dans un quartier en pleine mutation et où Jolie Môme propose des soirées cabarets, des ateliers de théâtre et reçoit des groupes militants.

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 5 décembre, La Belle Étoile, 14 rue Saint-Just, La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Métro : Front Populaire. T. : 01 49 98 39 20.

Le texte de la pièce est publié aux éditions de La Différence..

 

Festival de danse de Cannes-Côte d’Azur: La Martha Graham dance company

Festival de danse de Cannes-Côte d’Azur

 La Martha Graham dance company

Une programmation d’une grande richesse avec vingt-huit compagnies internationales et françaises. Brigitte Lefèvre a ouvert son dernier festival, avec cette compagnie (voir Le Théâtre du blog). A la soirée d’ouverture, David Lisnard, maire de Cannes récemment élu président de l’influente association des maires de France, a accueilli Brigitte Lefèvre et l’a nommée citoyenne d’honneur de la ville.

© J. Couturier

© J. Couturier

Pour sa première venue en Europe depuis la pandémie, la plus ancienne compagnie de danse américaine offre un programme avec, en partie, des œuvres historiques. Steps in the Street (1936) créée en réponse à la montée du nazisme en Europe, met en lumière neuf danseuses. Et Ekstasis, un solo de six minutes de Martha Graham en 1933 à New York, a été reconstitué par Virginie Mecene à partir de photos d’archives en noir et blanc et d’écrits de la célèbre chorégraphe. Un concentré de sensualité, magnifiquement interprété par Natasha Diamond-Walker.

Scavengers a été créé cette année. Suite à la pandémie, Andrea Miller imagine des couples inconnus qui se découvrent physiquement, après plusieurs mois de privation sensorielle. Et un solo final interprété par Anne Souder intègre l’ensemble des mouvements initiés par ces couples. Un moment à la fois beau et émouvant… Enfin Acts of light (1981) réunit les seize membres de la compagnie: un bel exemple de la technique Martha Graham mettant les corps à rude épreuve. Sous la direction de Janet Eilber, sa responsable artistique, ils font revivre quelques pièces de la chorégraphe américaine sans doute la plus inventive du XX ème siècle.

 Jean Couturier

 Spectacle vu au Palais des festivals à Cannes ( Alpes-Maritimes) le 27 novembre.

Le 30 novembre, International Tanzwochen, Neuss (Allemagne).

Les 3 et 4 décembre, Zorlu Performing Art Center, Istanbul (Turquie).

Le festival de danse se poursuit jusqu’au 12 décembre. T. : 04 92 98 62 77.

 

 

 

 

 

Brèves de comptoir, tournée générale, adaptation de Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio, mise en scène de Jean-Michel Ribes

Brèves de comptoir, tournée générale, adaptation de Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio, mise en scène de Jean-Michel Ribes

« Le bistrot, c’est un espace de liberté (..). Il produit et distribue de l’alcool, dit Jean-Michel Ribes, mais aussi du langage, celui qu’on écoute ou pas, de tous ceux qui se sentent exclus ailleurs. Le bar est un endroit de banalité où l’on trouve des pépites. Jean-Marie Gourio (…)guette le génie populaire, devient le découvreur d’un langage qui naît là, comme d’autres trouvent de l’or dans la boue. » Le metteur en scène avait fait de ces Brèves un film, puis un spectacle au Théâtre du Rond-Point et réitère l’opération à l’Atelier,  avec cette fois seulement  six acteurs -au lieu de huit- rompus à l’exercice de faire rire, un des plus difficiles qui soient et dont le théâtre contemporain n’est guère friand: Nanou Garcia, Gilles Gaston-Dreyfus, Philippe Magnan, Philippe Vieux mais aussi Marie-Christine Orry et Philippe Duquesne, des ex-Deschiens, la compagnie fondée par Macha Makeieff et Jérôme Deschamps.  Une bonne distribution et tous sont aussitôt identifiables: l’ouvrier en bleu de travail, le bourgeois bien habillé, le patron du café avec son grand tablier blanc, etc… Et Emmanuelle Fabre a créé une brasserie des années cinquante, plus vraie que nature sous les éclairages de Jacques Rouveyrollis et comme on en voyait autrefois dans les gares importantes quand il n’y avait pas encore de TGV aux espaces anonymes, inconfortables, froids imaginés par des architectes sans beaucoup d’imagination ! Un bar en zinc, avec de hautes étagères emplies de bouteilles, des lustres à globes et rideaux blancs coupe-vent et bien sûr ,ces tables rondes où on peut juste disposer quelques verres à pied de vin blanc.

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Et les brèves dans ce lieu de vie où toutes les classes sociales étaient admises, fusent autour d’un même thème, leur vie quotidienne : « Quand tu as une vie de con, faut surtout pas être intelligent, tu souffres plus.» « Plus je bois et plus je suis saoul, parce que moi, je suis logique!» «Heureusement qu’il y a les comptoirs pour s’accouder, sinon on serait debout sur la terre comme des cons ! » «Les putes font le plus vieux métier du monde et surtout les vieilles putes.» « Je vis ma vie, tu vis la tienne, chacun vit sa vie, je sais que c’est triste  mais c’est comme ça. »  « Je vais  pas vivre ta vie ni toi la mienne, on fait pas la même taille. » « Moi ma femme peut pas me quitter, vu que je suis jamais là. »

Mais aussi la politique: «J’écoute pas les hommes politiques, je me fais ma propre opinion toute seule et ça m’empêche pas d’avoir la même opinion que tout le monde.» Mais aussi cette merveilleuse phrase sur le temps qui passe:  » La photographie fixe l’instant présent pour en faire du passé, c’est malin. » Et surtoutla mort et la vieillesse: «Même le jour de ma mort, je croirai pas en Dieu n’attendrai le lendemain pour être sûr.». Les  planètes: « J’ai la lune à côté de chez moi, des fois je la regarde. » «Sur le soleil, il fait jamais nuit. »
Et
l’art moderne et contemporain, la musique: «Picasso, vu le prix que cela coûte, quand j’en aurai fais un, j’arrêterai. » «L’art sertà ce que des mecs se prennent pour des artistes, voilà c’est tout.« Le problème avec Mozart, c’est que c’est de la musique, un footballeur aussi doué m’intéresserait plus.  » Rien ne ressemble plus à du Mozart qu’à du Ravel quand t’y connais zéro.  » Et le cinéma : « Je suis incapable de regarder un film en version originale, je lis les textes en bas, après je regarde l’image mais ils ont déjà fini de parler, je sais pas qui a dit quoi. « » Mais aussi bien entendu, le Gouvernement, la vie sociale: « Les syndicats ne servent pas à grand-chose, ils ne défendent que les syndiqués. »
La religion : « Jésus s’était même pas essuyé les pieds avant de marcher sur l’eau, tu vas pas boireça! » « J’ai lu un bout du Nouveau Testament c’est comme tout, ça vaut pas l’Ancien. «  La Justice : «Pas la même pour tous, si je tue un Noir, je vais en prison, si un Noir me tue, je vais au cimetière, à chaque fois, c’est le Blanc qui trinque. » La télévision et les médias «Avec la télé,on a plus de temps de se parler et c’est pas plus mal vu, qu’on a rien à se dire. » «L’actualité passe tellement vite de nos jours, si tu vas chercher une bière, tu rates une guerre! » Et cerise sur le gâteau: « Les fleurs,  c’est des bites.  » Incroyable mais c’était aussi un mot du philosophe Olivier Revault d’Allonnes, notre prof au lycée Condorcet…il y a quelques dizaines d’années!

Sous la forme d’un dialogue échevelé, de petites phrases spontanées, dans un sacré de cocktail de bêtise mais aussi de vraie pensée. Et elles en disent souvent plus long sur la vie d’un pays, que bien des analyses, vaguement teintées de sociologie. « Toute l’aventure des Brèves de comptoir a commencé ce jour où j’ai entendu cette petite phrase: « Est-ce qu’une plante carnivore peut être végétarienne ? Je crois pas… » lancée en l’air par un client accoudé devant un petit verre de vin blanc. Amusé, et pour ne pas l’oublier -bon réflexe- je la notais. Le lendemain, j’en notais une seconde au Relais Lagrange, place Maubert, puis une troisième au Chinon, une quatrième et une cinquième au Bar du Métro. »

Ici, nous sommes bien dans un café d’autrefois et les brèves fusent souvent en écho. Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio les ont très habilement tricotées, mais  ce dialogue peine parfois à en être tout à fait un… Les acteurs, eux, s’ils ont parfois tendance à bouler leur texte, sont impeccables et ont tous une belle présence. Et pourtant ici quelque chose ne fonctionne pas bien… La faute à quoi? D’abord à un texte inégal qui aurait mérité d’être resserré: il y a d’excellentes brèves et d’autres qui le sont beaucoup moins. Le public, pas très jeune ni très nombreux ce dimanche, décroche et quelques spectateurs se sont même enfuis… Tout se passe comme si Jean-Michel Ribes, pourtant très bon directeur d’acteurs, avait laissé faire un peu les choses. Pourquoi, même si c’est évidemment un parti-pris, les personnages restent-ils toujours sans exception sur le plateau, ce qui rend les choses statiques et pourquoi y-a-t-il ces petites pauses où tous lèvent la tête, alignés, pour voir ensemble passer un train, des voitures, un orage… Cela casse un rythme déjà un peu lent, surtout au début. Quand on regarde la captation de sa précédente mise en scène, elle nous paraît plus enlevée et teintée d’une belle folie. Mais ici, les choses ont tendance à s’installer et malgré encore une fois les grandes qualités de cette distribution, nous avons eu la nette impression que le spectacle aurait été plus fort en une heure.
«C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. » disait déjà Molière dans La Critique de l’Ecole des femmes On nous répondra sûrement que le public ne viendrait pas jusque là pour un temps aussi court. Note à benêts: les places sont à 45 et 35 € au parterre! (mais il y a des réductions pour les habitants du XVIII ème). Ceci explique sans doute aussi cela. A vous de voir, mais vous pouvez aussi relire ces Brèves de comptoir devenues et à juste titre,  un vrai classique…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 28 novembre au Théâtre de l’Atelier, place Charles Dullin, Paris (XVIII ème).

L’Île d’Or, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, « en harmonie » avec Hélène Cixous

L’Île d’Or, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, en harmonie avec Hélène Cixous

 Le Japon a toujours fait partie de l’A.D.N. de la directrice et metteuse en scène où elle a découvert quand elle s’y est rendue pour la première fois en 1963 -il y a donc presque soixante ans- un théâtre traditionnel (nô, kyogen, kabuki, etc.) à la fois très simple et d’une rare beauté et qui devait largement influencer ses créations  pendant un demi-siècle. En retour, le Japon lui a décerné le prestigieux Kyoto Prize en juin 2019 pour l’ensemble de son œuvre… Comme dans Les Naufragés du fol espoir (2016), elle revient au thème de l’île et des utopies.

Cornélia, une dame pas très jeune allongée sur un lit en fer d’hôpital rêve et/ou délire qu’elle est au Japon, sur une île d’or,  la Kanemu Jima. Une réplique d’Ariane Mnouchkine? Yamamura Mayumi, le maire de cette île, prépare un festival où joueraient des compagnies venues du monde entier, malgré des conflits internes ou des guerres un peu partout, comme La Diaspora des Abricots, une troupe afghane exilée, Notre-Dame du Théâtre Socialiste Brésilien et une compagnie du coin Les Lanternes Démocratiques, une autre venue de Hong Kong, La Démocratie, Notre Désir ou encore Le Grand Théâtre de la Paix au Proche Orient. Et aussi enfin une  compagnie française Paradise Today dont le nom fait allusion au bien connu Paradise Now du Living Theatre dirigé par Judith Malina et Julian Beck qui avait fait scandale en 68, parce qu’ils mettaient en scène des acteurs presque nus se révoltant contre la morale et l’ordre établi, en particulier sexuel.

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Parmi les opposants à cette politique culturelle et au festival du maire, un trio de méchants veut même obtenir son annulation et installer un casino sur cette île intacte, avec des financements étrangers… Bref, le vieux conflit Culture contre ressources importantes pour les habitants d’une région… Et Ariane Mnouchkine, avec la complicité de son amie Hélène Cixous, fait aussi allusion aux manifestations contre la Chine à Hong-Kong et à de très puissants ex-dirigeants comme Trump ou futurs ex-dirigeants comme Bolsonaro, mais aussi au conflit israélo-palestinien avec un couple haut en couleurs, lui arabe et elle juive…

Nous avons vu à peu près tous les spectacles du Théâtre du Soleil depuis Les Petits Bourgeois de Maxime Gorki, y compris une opérette d’après Jacques Offenbach et une très courte (sept minutes) mais formidable petite forme d’agit-prop devant les usines Renault à Boulogne-Billancourt. Et fait rarissime dans l’histoire du théâtre, le Théâtre du Soleil est toujours là où il s’est implanté dans les anciennes salles d’une rare qualité architecturale avec ses fermes Polonceau, d’une usine de cartouches. Le Soleil, c’est aussi et avant tout une coopérative de travailleurs avec un esprit communautaire: salaire identique, coulisses visibles et accueil du public d’une rare gentillesse, dîner pas très cher dans un merveilleux cadre peint inspiré par le spectacle.

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©x Photo d’une répétition

Et toujours là aussi, la grande Ariane, à quatre-vingt ans sonnés, accueillant elle-même le public, continuant à déchirer les tickets à l’entrée, veillant à la distribution de plaids et au bon déroulement de la représentation jusqu’à la fin. Chapeau! Une sorte de trésor national vivant, comme il y en a justement au Japon et très respecté, même quand les gens ne la connaissent pas. Il y a une vingtaine d’années, il nous souvient d’une jeune apprentie-comédienne à qui je signalais la présence d’Ariane Mnouchkine dans une rue d’Avignon et qui nous avait dit: « Mais non, ce n’est pas Ariane Mnouckhine ! Elle, c’est une jeune femme brune et très mince… »  Le temps avait passé mais l’image de cette jeune femme, brillante et tenace, était connue aussi dans un village du Vaucluse.

Directrice, metteuse en scène, pédagogue reconnue offrant des stages gratuits, elle a refusé d’être aux commandes d’un Centre Dramatique National ou d’occuper un poste officiel. Et elle a su avec une intelligence du théâtre exceptionnelle, préserver la vie de cette compagnie connue dans le monde entier.  Les quelque vingt ministres de la Culture qui se sont succédé, lui ont toujours accordé les indispensables subventions pour faire vivre cet endroit. Seul, Maurice Druon en 1973 avait eu ces mots plus que malheureux : «Les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l’autre devront choisir.  Que l’on ne compte pas sur moi pour subventionner, avec l’argent du contribuable, les expressions dites artistiques qui n’ont d’autre but que de détruire les assises de notre société. »  Il avait vite reçu en boomerang, une belle volée de bois vert… Une légendaire manifestation le 13 mai 73 pour marquer «l’enterrement de la liberté d’expression » avec un corbillard tiré par six beaux chevaux noirs et une vingtaine de jeunes acteurs qui battaient le glas sur des tambours enrubannés de noir. S’étaient ainsi ligués: en tête le Théâtre du Soleil, L’Ensemble théâtral de Gennevilliers, le Théâtre de la Tempête et celui de l’Aquarium, la compagnie Vincent-Jourdheuil, l’action pour le Jeune Théâtre ( au nom des quarante troupes qu’elle représentait), tous solidaires contre la bêtise et la vulgarité du ministre… Depuis, plusieurs centaines de milliers de gens ont vu fidèlement les spectacles qu’a créés en cinquante ans le Théâtre du Soleil.

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Et cette Île d’Or? Le thème est dans le droit fil des thématiques du Théâtre du Soleil, les artistes doivent lutter pour leur survie dans une scénographie réussie: toiles peintes sur le plateau et en fond de scène, signées Elena Antsiferova et Diane Hequet comme autrefois Guy-Claude François, disparu en 2014 et qui travailla pour le Soleil pendant quarante ans, aimait en créer mais aussi de beaux praticables en bois, des accessoires de grande qualité. Et il y a des images fabuleuses créées avec une rigueur exemplaire par Ariane Mnouchkine: impossible de ne pas y retrouver sa patte, notamment dans les scènes où les personnages sont noyés dans de grandes soies flottant au vent. Ou un chameau en bois, oscillant de la tête qui va se séparer en deux… Le théâtre dans le théâtre, un thème qu’elle n’a cessé d’explorer. Et une belle scène de bunraku (les marionnettes japonaises)…Ou encore, presque à la fin, une remarquable scène d’hélicoptère.

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Tout est minutieusement réglé avec des lumières très étudiées et une direction très précise de cette grande directrice d’acteurs, même quand ils son nombreux sur le plateau… la machine ici est parfaitement huilée. Ariane Mnouchkine a toujours un remarquable savoir-faire et rien n’est laissé au hasard. Comme dans ce rassemblement final, de toute beauté avec une trentaine d’interprètes. Et un salut que beaucoup de metteurs en scène peuvent lui envier… Cela ressemble à un grand livre d’images pour enfants, à savourer lentement et sans aucune modération, puisque le spectacle dure trois heures et quart, pause comprise de vingt minutes. Et il y a, comme d’habitude, de beaux costumes, des masques d’une grande finesse d’Erhard Stiefel qui en a créé tellement pour le Soleil, la musique de Jean-Jacques Lemêtre jouée par deux jeunes interprètes dans une grande pièce aux claustras de bois côté cour. Et de remarquables effets sonores pour dire l’orage et la pluie.

Oui, mais voilà malheureusement, tout et loin de là, n’est pas de cette exceptionnelle qualité! D’abord une dramaturgie faiblarde et mal ficelée, où le public ne se retrouve pas bien. Ces très courtes scènes évoquent parfois celles de L’Age d’or jouée sur une grande pelouse en tapis-brosse imaginée par Guy-Claude François que le Théâtre du Soleil avait créé en 1975. « Nous ne ressuscitons pas les formes théâtrales passées, commedia del arte ou théâtre traditionnel chinois, disait à l’époque Ariane Mnouckine, nous voulons réinventer des règles du jeu qui dévoilent la réalité quotidienne en la montrant non pas familière et immuable, mais étonnante et transformable. » Mais cette fois rien d’étonnant dans ce patchwork de textes, notamment de Fedor Dostoievski, Anton Tckekhov…

Et il y a dans cette mise en scène quelque chose de répétitif injustifié qui nuit gravement au spectacle: avec une bonne dizaine de fois, la mise en place pour quelques minutes de praticables sur roues en caoutchouc qui, assemblés, formeront une scène mais qui seront aussi vite démontés et remis en coulisse avec certes, une grande virtuosité par les acteurs… Cela ressemble à une sorte de ballet permanent, sans défaut mais sans véritable raison d’être et qui a dû exiger un énorme travail de répétition pour atteindre un tel résultat, mais évidemment, cela déconcentre le regard… Autre point noir : un texte vraiment faible, sans aucun doute issu d’improvisations, qui va dans tous les sens, avec une inversion permanente et factice-pour faire japonais? -de la phrase, qui tourne au procédé.

Bref, le compte n’y est pas même s’il y a quelques bons moments quand l’image prime sur le texte mais ce beau livre d’images est trop long et on s’ennuie, passée la première heure. Nous aurions aimé voir cette opération qui a mobilisé des dizaines de personnes, mise au service d’un vrai texte, comme ceux de Shakespeare ou d’Eschyle qu’Ariane Mnouchkine avait somptueusement montés… autrefois. Donc à vous de voir, si cela vaut le coup, d’autant plus que les places sont à 35 €. Mais reste déjà le plaisir d’aller au Théâtre du Soleil où la salle est toujours pleine avec même des jeunes gens ! Si, si ! Le lieu chaleureux respire l’intelligence et cela fait du bien. Il y a incomparable, une gentillesse de ceux qui accueillent le public. Effet immédiat : les spectateurs sont attentifs les uns aux autres, se parlent, vous invitent à leur table, s’il y a de la place. Bref, un autre monde que celui des théâtres officiels et même, si la salle a été transformée depuis, flotte encore ici le parfum de ces spectacles-culte du XX ème siècle qu’ont été 1789, il y a déjà cinquante et un ans, et juste après: 1793, une révolution à l’époque avec un autre rapport au public qui était parfois mélangé aux acteurs. Désolé, Ariane Mnouchkine, mais votre Île d’Or nous a paru décevante et ne nous aura fait rêver qu’à de rares moments.

Philippe du Vignal

Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. Métro Château de Vincennes + navette gratuite.

Et au T.N.P. à Villeurbanne ( Rhône), du 9 au 26 juin.

 

 

A Bright Room called Day, (Une Chambre claire nommée jour, de Tony Kushner, traduction de Daniel Loayza, mise en scène de Catherine Marnas

Visuel 1 A Bright Room Called Day 1

© Pierre Planchenault

A bright Room called Day, (Une chambre claire nommée jour) de Tony Kushner, traduction de Daniel Loayza, mise en scène de Catherine Marnas

Un titre paradoxal qui dit la lumière, alors que la pièce s’enfonce dans la nuit nazie. Dans le vaste appartement d’Agnès, à Berlin, des amis, la plupart artistes et appartenant à l’intelligentsia de gauche, vont se trouver  confrontés, impuissants, à la fin de la République de Weimar et à l’élection d’un monstre, soutenu par les puissances capitalistes, grâce aux dissensions entre communistes et sociaux-démocrates. Et ce, dans un temps très court : du réveillon, où, fin saouls, ils célèbrent le nouvel an 1932,  à l’incendie du Reichstag en février 1933, l’autodafé du 10 mai devant l’Opéra et l’ouverture du camp de Dachau… La petite bande, sidérée, se dispersera et Agnès restera seule en proie à ses cauchemars, hantée par le fantôme d’une « Allemagne-Mère-Blafarde » et par un diable faustien de carnaval…

Cela se passe sous l’œil critique d’une punkette années quatre-vingt, Zillah Katz (Sophie Richelieu): un personnage de cabaret commentant cette catastrophe historique, par rapport avec la réélection de Ronald Reagan. Une activiste bombe sur les murs de New York: «Reagan = Hitler, Weimar aussi était une démocratie ! ». L’amalgame ne fonctionne pas et la pièce, non plus. Les interventions de la comédienne tombent à plat quand a lieu une action poignante dans l’appartement. Comment combler ce hiatus spatio-temporel? L’auteur lui-même, par l’intermédiaire de Xillah, son double fictionnel, (Gurshad Shaheman) explique comment il a écrit sa première pièce en 1985, en réaction à la politique délétère de Ronald Reagan avec suppression des droits sociaux et des syndicats, homophobie et xénophobie. La pièce fit scandale car «rien ne peut être comparé au nazisme » ! Xillah entre en dialogue avec la protagoniste de 1985, pour remettre la pièce au goût du jour…

 «Au moment même où je demande les droits de la pièce, écrit Catherine Marnas, je lis dans un journal américain que Tony Kushner veut réécrire cette première pièce, en y ajoutant un troisième feuilletage temporel : le présent et la présidence de Trump.». Suivent de nombreux échanges entre la metteuse en scène et l’auteur, aboutissant à une version de cette pièce en deux heures trente, parfois un peu bancale. L’action se déroule donc sur trois échelles temporelles, Xilla et Zillah Katz observant les Berlinois d’antan et prenant le public à témoin mais l’intrigue principale reste prépondérante et, de loin, la plus intéressante: qualité de la langue, densité des personnages qui permet aux comédiens de leur donner chair. La tonalité de cabaret avec Just a Gigolo, une chanson en clin d’œil à la comédie musicale américaine de la première partie, cède le pas à de plus graves débats esthétiques et politiques de ces années-là.

Les jeunes acteurs- musiciens entrent vite dans la peau de ces personnages complexes. Simon Delgrange est un cinéaste nerveux, transfuge hongrois et trotskiste révolutionnaire. Annabelle Garcia donne corps et profondeur à Paulinka Erdnuss, une starlette opiomane et fragile, seule à faire acte de résistance. Julie Papin, en Agnès, s’étiole progressivement, cédant, impuissante, à ses peurs et Agnès Pontier incarne une peintre militante, droite dans ses bottes et bravant la censure nazie. Yacine Sif El Islam habille d’humour et cynisme Baz, un homosexuel anarchiste soutenant les thèses de Wilhelm Reich, le premier à voir venir le mal.

Tout ce petit monde s’agite dans le huis-clos d’un appartement. Sophie Richelieu, coiffure afro, en tenue vinyle, montée sur talons vertigineux, raconte l’ascension d’Hitler scandée par les dates et photos d’époque sur un écran géant malheureusement caché, comme l’orchestre, par le mur de l’appartement ! Ce décor massif occupant le centre du plateau laisse peu de place au hors-champ et à la fluidité d’une mise en abyme narrative. Et la musique de Boris Kohlmayer, jouée dans un coin de la scène se trouve marginalisée.

Reste le plaisir d’un théâtre dense et charnel. Merci à Catherine Marnas de nous faire découvrir cette pièce baroque, tonique, servie par une direction d’acteurs impeccable et des interprètes d’une grande justesse. Tony Kushner, en actualisant son œuvre, met en parallèle l’Histoire et notre présent. «Avons-nous convoqué le Diable ici pour le soustraire au monde extérieur ? » dit l’un des personnages. “Nous sommes en danger”, scande la troupe dans une ultime chanson. Et nous, aujourd’hui, faisons-nous face, quand certaines démocraties filent vers un système totalitaire ?

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 5 décembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème) T. : 01 44 95 98 21.

Le 8 décembre, NEST, Thionville (Moselle) ; les 14 et 15 décembre, Comédie de Caen, Caen (Calvados) .

Du 4 au 6 mai, Théâtre Olympia, Tours (Indre-et-Loire).

 

 

Paresse de Chloé Brugnon et Maxime Kerzanet, d’après Le Droit à la paresse de Paul Lafargue, mise en scène de Chloé Brugnon

Paresse de Chloé Brugnon et Maxime Kerzanet, d’après Le Droit à la paresse de Paul Lafargue, mise en scène de Chloé Brugnon

Valeur travail! A quelques mois des élections présidentielles, proclamée, statufiée, sacralisée. Il était temps de (re)lire Le Droit à la paresse (1883) de Paul Lafargue, un nécessaire contre-poison au fameux « travailler plus pour gagner plus» de Nicolas Sarkozy. Aux premiers jours de la Révolution française de 1789, le peuple réclamait du pain. La dite Révolution ayant accouché de la classe bourgeoise qui lui imposera ses valeurs, le prolétariat du XIX ème siècle réclamera et obtiendra progressivement le droit au travail ! Il n’est de révolution que celle du soleil …

Entre utopie, nostalgie d’un passé imaginaire, provocations et analyses très fines de la production, le gendre de Karl Marx rêve à une paresse joyeuse et prouve que trois heures de travail par jour suffisent à combler les besoins de notre société. Il observe très justement que les machines ont rendu plus pénible le travail des ouvriers qui a été dévalorisé… Mais qu’aurait-il dit, du numérique et de la dématérialisation ? Tout cela, vous pouvez le lire sur Internet.

Chloé Brugnon et Maxime Kerzanet ont réalisé un spectacle intime, au festival des caves en Franche-Comté : « Je voulais parler seul d’une chose qui concerne tout le monde, le travail » et puis, confinement aidant, ils en on fait autre chose. Avec l’intention, cette fois de parler aussi paresse. Aboulie, apathie, engourdissement, inertie, mollesse, nonchalance, hésitation, torpeur, procrastination, oblomovisme (voir Oblomov de Gontcharov), bartleby’sme, comme celui de Bartleby, le scribe d’Herman Melville)…

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Avec ce spectacle, ils expérimentent toutes les formes possibles de paresse sauf une, la douce fainéantise. Paul s’invente un Auguste pour diluer dans l’incertitude la première version de la pièce. Ensuite, il dilue aussi chaque action dans la suivante et arrive quand même à se faire un café dont l’effet ne semble pas agir. Il invite sur scène quatre spectateurs, s’adresse à eux un bon moment en oubliant le public, puis les renvoie dans la salle. Il ne se passe rien ? Oh ! Si ! Les objets se contrarient dans un fatras de décor récupéré, dont un mur impressionnant et hanté, emprunté à un autre spectacle.

Du magma du discours, sortent de vraies pépites tirées ou non de Paul Lafargue : «À mesure que la machine se perfectionne et abat le travail de l’homme avec une rapidité et une précision sans cesse croissantes, l’ouvrier, au lieu de prolonger son repos d’autant, redouble d’ardeur, comme s’il voulait rivaliser avec la machine. Oh ! concurrence absurde et meurtrière ! » Il y aussi des références nostalgiques à Tchekhov:  Les Trois sœurs s’achève sur : «Nous travaillerons » et Oncle Vania sur un «Nous nous reposerons ». Et aussi une forte pensée d’Armand Gatti ou d’Antoine Vitez, un projet loufoque et un retour à un Lafargue visionnaire, prévoyant un éphémère Ministère du temps libre : «En régime de paresse, pour tuer le temps qui nous tue seconde par seconde, il y aura des spectacles et des représentations théâtrales toujours et toujours; c’est de l’ouvrage tout trouvé pour nos bourgeois législateurs. On les organisera par bandes courant les foires et les villages, donnant des représentations législatives. » Et de donner les rôles les plus grotesques aux ci-devant oppresseurs.

Malheureusement reste encore une paresse très au goût du jour: « Ar-ti-cu-lez » conseillait-on autrefois aux acteurs. Surtout, n’articulez pas, leur dit-on aujourd’hui, ce serait forcer le sens, l’imposer au public qui doit aussi travailler…. Mais devant cette paresse, la tâche ici est trop lourde. Il faut que «les certitudes du public prennent le large»! Bien élevé, il attend avec patience que cette Paresse lui donne quelque chose à voir et à entendre, ce qui arrive quelques fois. Sinon, il se prend aussi pour Oblomov et se dit qu’il n’est pas venu pour rien grâce aux pépites signalées plus haut mais il envoie sa rêverie se promener ailleurs.

Parfois, le comédien chante avec une belle voix légère et alors, nous respirons tous. Un spectacle déconcertant, un « travail en cours » mais… déjà fait, toujours au présent (?), à partir -mais assez loin- de Paul Lafargue. Il a au moins le mérite de réactiver son Droit à la paresse

Christine Friedel

Théâtre de la Cité Internationale, boulevard Brune, Paris (XIV ème) jusqu’au 7 décembre. T. : 01 85 53 53 85.
Rencontre avec l’équipe artistique le jeudi 2 décembre, à l’issue du spectacle.

 

 

Les Misérables de Victor Hugo, adaptation de Lazare Herson-Macarel et Chloé Bonifay, mise en scène de Lazare Herson-Macarel

Les Misérables de Victor Hugo, adaptation de Lazare Herson-Macarel et Chloé Bonifay, mise en scène de Lazare Herson-Macarel

Jean Valjean a fait de la tôle mais est toujours poursuivi par l’horrible Javert ici, inspecteur de police Après bien des aventures, aidé par un vieil homme qui ment aux flics afin de lui éviter une nouvelle condamnation pour vol et un retour en prison, il devient avocat, rencontre Fantine, une mère célibataire ouvrière obligée de vendre ses cheveux pour payer la pension qu’elle doit aux affreux Thénardier, les gérants d’un bar-restaurant minable qui gardent sa fille Cosette. Lui, surtout n’hésitera pas à extorquer le maximum d’argent à Jean Valjean…

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Parents indignes, ils laissent tomber leur fils Gavroche et leur fille Eponine. A une distribution d’aide alimentaire aux étudiants, Cosette rencontre Marius dont elle tombera amoureuse. Puis, nous assisterons aux luttes du personnel soignant épuisé et en grève d’un hôpital psychiatrique au Kremlin-Bicêtre et qui décidera finalement de construire une sorte de barricade contre les portes et fenêtres avec le mobilier pour interdire aux policiers d’entrer en force. Bref, une peinture d’une société qui ressemble à la nôtre avec son prolétariat mais sans être celui qu’avait créé Victor Hugo dont on peut lire des citations du roman original qui s’inscrivent en fond de scène. Et sur le plateau, il y a une vie intense sur presque trois heures sans entracte grâce à une scénographie réussie de Margaux Nessi qui a imaginé de petits lieux avec juste quelques éléments symboliques : un enseigne lumineuse de café, quelques tables et chaises, etc.

Là où cela va moins bien : des personnages comme Cosette, Fantine, Marius et surtout Jean Valjean sont bien de leur siècle comme le père et la mère Thénardier, mais pas vraiment crédibles quand on les transpose dans le nôtre. Comme l’ont fait Chloé Bonifay et Lazare Herson-Macarel Même si les acteurs font leur boulot, ils n’ont guère le temps d’installer leur personnage et du coup, il manque à ce spectacle une véritable émotion… Lazare Herson-Macarel a imaginé une suite sans fin de courtes séquences sur une musique électronique, avec changement permanent de châssis et accessoires que les acteurs mettent en place à vue ou presque. Rien à dire, c’est bien fait mais ce déménagement permanent est une curieuse idée comme cette série de petits projecteurs éblouissants que le metteur en scène a imaginé pour que nous ne voyons pas les changements de décor… Un procédé répétitif qui devient lassant, même s’il ne casse pas vraiment le rythme. Comme s’il se passe tout le temps quelque chose sur le plateau, on ne s’ennuie pas mais les personnages réduits à des silhouettes en costume actuel, ne sont guère convaincants. Et comment croire une seconde à cette fin avec ces barricades transposées en révolte d’hôpital… Et surtout quel sens cela peut-il bien avoir ?

«Donc l’action sera contemporaine pour nous comme elle l’était pour l’auteur en 1845» dit Lazare Herson-Macarel mais comment ne pas voir que c’est un syllogisme et qu’il faut se méfier d’une actualisation à tout va… La démarche est loin d’être nouvelle surtout chez les auteurs (Giraudoux, Anouilh avec une Antigone au texte assez facile, voire vulgaire comme si celui de Sophocle n’était plus lisible!) On retrouve aussi cette actualisation des mythes universels tragiques et chez des metteurs en scène comme Peter Sellars avec Les Perses d’Eschyle, Peter Stein avec L’Orestie du même immense dramaturge ou encore Luc Bondy avec un Tartuffe de Molière en costumes et appartement contemporains. Cela permet de parler de la société d’aujourd’hui mais à une condition : ne pas en faire une sorte de copié-collé mais recréer un monde où l’on retrouve un vrai Jean Valjean, une vraie Cosette, etc. Ce qui semble moins difficile quand il s’agit d’une tragédie ou d’une comédie existante mais, pour un roman adapté à la scène, le mode d’emploi ne peut pas être le même…et est sans doute plus compliqué, voire impossible. A moins de réécrire complètement ce célèbre roman. Et les citations projetées, même si elles sont très bien choisies, ne sont pas un pont suffisant avec la misère sociale en 2021. Comparaison n’est pas raison et la question revient, lancinante : en quoi une réactualisation comme celle-ci qui a des allures de B.D. , rend-elle service à l’œuvre originale et/ou donne-t-elle une meilleure lecture du roman, puisque, de roman, il s’agit bien au départ. Cette adaptation donne-t-elle au public les indispensables outils pour mieux appréhender une œuvre aussi célèbre? Rien d’évident, même si, encore une fois, tout, dans une mise en scène est réalisé avec un savoir-faire indéniable. Bref, un travail tout à fait honnête mais qui ne nous a pas vraiment convaincu…

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué au Théâtre de la Tempête , Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre, du 5 au 25 novembre. T. : 01 43 28 36 36.
Et sera ensuite en tournée.

 

 

Quartett d’Heiner Muller, traduction de Jean Jourdheuil et Béatrice Perregaux, mise en scène de Patrick Schmitt

Quartett d’Heiner Muller, traduction de Jean Jourdheuil et Béatrice Perregaux, mise en scène de Patrick Schmitt

Cet auteur et théoricien allemand (1930-1995) que passionnait la relecture des textes de Sophocle, Euripide mais aussi Shakespeare, écrivit il y a déjà plus de quarante ans cette pièce devenue culte, avec des scènes entre la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, les personnages principaux des Liaisons dangereuses, tirées du célèbre roman par lettres de Choderlos de Laclos. Cela se passe dans un salon d’une maison du XVIII ème siècle puis dans un bunker après la troisième guerre mondiale. Quartett, l’une des œuvres plus jouées du théâtre contemporain en Allemagne, a été créée par Bob Wilson en 1980, puis été mise en scène dans sa version française  par Marc Liebens (1983) et deux ans plus tard par Patrice Chéreau (1985). Ensuite par Hans-Peter Cloos (2003) et Matthias Langhoff  (2006) et de nouveau par Bob Wilson en 2006… Et Sami Frei et Jeanne Moreu en firent une lecture au festival d’Avignon.

Cette reprise du texte initial de Choderlos de Laclos par Heiner Muller prend une autre allure, celle d’un quartet. Merteuil joue Valmont, Valmont joue Tourvel et Merteuil. Et Merteuil, la jeune Cécile de Volanges. Puis Valmont reprend le rôle de Tourvel, et Merteuil, celui de Valmont. Bref, un jeu de miroirs à l’infini et aussi pervers que peuvent l’être ces aristocrates. Valmont : «Je crois que je pourrais m’habituer à être femme. » Ce à quoi, la Merteuil répond : « Je voudrais le pouvoir. » Alors, Valmont lui propose de continuer à jouer. La marquise se Merteuil: «Jouer, nous?  Quoi, continuons ? »

 © Chantal Depagne:Palazon 2021

© Chantal Depagne:Palazon

« Du jeu au jeu-dans-le-jeu, dit le metteur en scène avec raison, la frontière est poreuse et favorise les glissements qui s’opèrent entre l’univers du réel et celui du fantasme. Nos deux naufragés, comme survivants d’une guerre des sexes, vont s’affronter à “tour de rôles“ sur leur terrain de jeu privilégié l’érotisme ; remède unique pour repousser la mort et à la fois s’y fondre, et avec une arme redoutable le langage. Personnages-acteurs, mais aussi spectateurs d’eux-mêmes, chacun est pour l’autre à la fois, miroir et adversaire. Inséparables, qui sait, peut-être ? » Sur le plateau de la belle Salle en bois du Théâtre de l’Epée de bois, un grand praticable rectangulaire noir où va se jouer cette confrontation entre ces personnages hors du commun servis, elle, par une jeune fille et lui, par un jeune homme, tous deux respectueux et obéissants mais d’une autre classe sociale et bien entendu, absolument muets et qui les aident à passer les costumes de leur double personnage. Emmanuelle Meyssignac, parfaite comme Patrick Schmitt, ont su trouver la bonne distance pour faire vivre d’abord le jeu auquel se livrent Merteuil et Valmont. Il y a dans l’air quelque chose d’un lent rituel érotique qui va peut-être recommencer mais auquel nous n’assisterons pas…

«Et peut-être ferais-je mieux de parler des minutes, dit la Merteuil, où j’ai su vous utiliser, vous si remarquable dans la fréquentation de ma physiologie, pour éprouver quelque chose qui m’apparaît dans le souvenir comme un sentiment de bonheur. Vous n’avez pas oublié comment on s’y prend avec cette machine. Ne retirez pas votre main. Non que j’éprouve quelque chose pour vous. C’est ma peau qui se souvient.. « Tout ici dans cette mise en scène est intelligent et au cordeau… Une seule réserve : les costumes noirs et parfois rouges, compliqués avec leurs tulles ne sont guère convaincants mais cela ne vous empêchera pas de savourer cette courte pièce aux dialogues aussi étonnants que ciselés…

Allez, encore deux répliques pour le voyage : Merteuil: «Le bonheur suprême est le bonheur des animaux. Assez rare qu’il nous tombe du ciel. Vous me l’avez fait éprouver de temps en temps, quand il me plaisait encore de vous utiliser à cela, Valmont et j’espère que vous ne repartiez pas les mains vides. Qui est l’heureuse élue du moment? Ou peut-on déjà dire la malheureuse. » Valmont: « C’est la Tourvel. Quant à celui qu’il vous est impossible de partager… Merteuil : « Jaloux. Vous, Valmont. Quelle rechute…» C’est sans doute la meilleure des pièces d’Heiner Muller dont son traducteur Jean Jourdheuil disait qu’il avait «réalisé un tour de force : introduire Sade chez Laclos et construire aujourd’hui un dispositif expérimental des “relations entre les sexes”. Bien vu.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 28 novembre, Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes et ensuite navette gratuite.T. : 01 48 08 39 74 01.

Le Champ des possibles de et par Elise Noiraud

Le Champ des possibles de et par Elise Noiraud

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© Baptiste Ribrault

 L’auteure a grandi depuis Pour que tu m’aimes encore, deuxième volet de sa trilogie titrée Élise, où, seule en scène, elle livre ses émois amoureux d’adolescente (voir Le Théâtre du blog). Aujourd’hui, troisième chapitre: la jeune fille a dix-huit ans: le moment de quitter sa famille et d’entrer dans le monde adulte. Mais pas facile de lâcher son Poitou natal pour monter à Paris et faire des études de lettres, trouver de petits boulots, survivre à la solitude et résister au chantage d’une mère, femme au foyer déprimée qui tire sur le cordon ombilical…

 Selon le principe d’«un théâtre de rien», un subtil jeu de lumières suffit à créer les diverses ambiances. La comédienne passe d’un personnage à l’autre, sans décor ou presque : une chaise et, en fond de scène, côté jardin, un coffre d’accessoires et elle réussit à nous entraîner dans une comédie auto-fictionnelle bien écrite et a su trouver la bonne distance entre son histoire personnelle et la fiction théâtrale : «Tout est vrai et tout est faux, dit-elle. Pour moi, l’autofiction, c’est le travail de création à partir d’une histoire vraie, mais sans s’astreindre à un «pacte de vérité». Quand on travaille à partir de son histoire, il faut rapidement s’en libérer.»

En toute liberté autour de son héroïne, elle crée une galerie de portraits où nous reconnaissons  les archétypes du prof, de l’animatrice de club sportif, de la bourgeoise branchée mais un brin réac, de la catho de province, etc. Et, omniprésente, un personnage de mère où chacun pourra reconnaître certains traits de la sienne. Loin de caricaturer, elle a le don d’épingler tics de langage, attitudes, postures et de rendre ces figures sociales drôles et vivantes, sans se priver d’émotion.
Certains moments sont de vrais morceaux de bravoure  comme celui où cette conseillère d’orientation qui, au début, résume la situation:  «Donc nous, Élise, on se voit aujourd’hui pour réfléchir ensemble à ton projet professionnel. Tu es familière un peu de cette notion? Eh ! Puis, voilà, voilà, tout à fait. Dix-huit ans, c’est la majorité, hein, c’est l’âge adulte, donc on sort de l’enfance, hein, on sort du confort de l’école et tu vas te demander, on va se demander ensemble: que faire maintenant? »

Dans la peau de l’héroïne, Elise Noiraud adopte un jeu plus en retrait et n’entre jamais en dialogue direct avec ses interlocuteurs et lui confie un rôle de témoin, en connivence avec le public. Elle sort un moment de sa réserve quand Elise s’enthousiasme pour la cause féministe, au risque de détonner. Mais elle retrouve vite la bonne distance: à l’exemple de Simone de Beauvoir, citée en exergue, la jeune fille, après un moment de déprime, réussit à s’affranchir des pressions familiales et à dire enfin non au chantage maternel larmoyant. Dans une mise en scène sobre et d’une forte intensité dramatique, entre comédie et performance, Elise Noiraud réussit à emporter le public bien au-delà d’une saga personnelle, avec le rire en prime. Souhaitons à ce dernier chapitre d’Élise autant de succès que les deux précédents, joués plus de trois cent fois.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 19 décembre et intégrales, les 12 et 19 décembre, de la trilogie:  La Banane américaine (l’enfance) ; chapitre II à 15 h 50 : Pour que tu m’aimes encore (l’adolescence) ; chapitre III à  17 h 35 : Le Champ des possibles (l’entrée dans l’âge adulte), Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.

Le 8 janvier, Le Carré, Château Gontier-sur-Mayenne (Mayenne) ; 14 janvier ; La Queue-lez-Yvelines (Yvelines); le 15 janvier, La Norville (Essonne); 20 janvier, L’Ilyade, Seyssinet-Pariset (Isère) ; le 21 janvier, Centre culturel Charlie Chaplin, Vaulx-en-Velin (Rhône); le 27 janvier, Espace culturel Sainte-Anne, Saint-Lyphard (Loire-Atlantique); le 28 janvier, Le Son du Fresnel, Beaucouzé (Maine-et-Loire); le 29 janvier, L’Escale Culture, Sucé-sur-Erdre (Loire-Atlantique).

Le 8 février, Le Prisme, Elancourt (Yvelines). Le 11 février, Théâtre de Marcoussis (Essonne) ; les 12 et 13 février, Espace Daniel Sorano, Vincennes (Val-de-Marne). Scène universitaire, Le Mans (Sarthe) ; le 24 février, Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine).

Le 8 mars, Théâtre de l’Espace de Retz, Machecoul (Loire-Atlantique); le 10 mars, Village-en-Scène, Bellevigne-en-Layon (Maine-et-Loire).

Les trois pièces sont publiées chez Actes Sud sous le titre Élise.

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