Le Festival international des Arts de Bordeaux-Métropole (suite et fin) La Coulée douce par l’Opéra Pagai
Le Festival international des Arts de Bordeaux-Métropole (suite et fin)
La Coulée douce par l’Opéra Pagai
Après quelque trois semaines de spectacles, avec, à la fois quatorze compagnies internationales mais aussi onze régionales et vingt trois de tout l’hexagone, un focus Liban, quatre journées professionnelles, deux soirées festives, etc. soit trente spectacles et expositions, cette Coulée douce clôt le festival. Une grande installation réalisée au Carré-Colonnes, Scène Nationale de Saint-Médard-en-Jalles (30.000 habitants) jouxtant Bordeaux. Le lieu est dirigé par Sylvie Violan qui est aussi à la tête du FAB.
Une installation hors-normes, étonnante et d’une grande poésie, à la fois dans le hall et dans les bureaux, sur le toit- terrasse et sur la scène mais aussi dans un merveilleux et grand jardin tout proche. « Une soirée en douceur, apaisée, un voyage du rêve à la réalité, du jour à la nuit tombée, avec du feu pour se guider. Une soirée décousue mais recousue par le fil que nous n’avons cessé de tirer malgré tout, celui de notre imaginaire, de notre besoin d’émerveillement, de nature, de vivant, de liberté… » Sylvie Violan, a fait très fort et a eu raison de laisser transformer l’ensemble de ce bâtiment en espace «naturel». Toute l’opération est orchestrée avec une parfaite maîtrise par une équipe technique et administrative, aidée par une trentaine de bénévoles efficaces.
D’abord inauguration «du plus haut carrelet de la région» par la (fausse) directrice de la proche Scène nationale de Blanquefort, l’adjoint au maire de Saint-Médard-en Jalles et et le président de l’association des carrelets de Gironde c’est à dire de grands filets carrés à mailles fines que l’on remonte avec une corde sur poulie à partir d’un petite baraque en bois sur pilotis. Rempli quand tout va bien, de petits poissons et de crevettes que l’on déguste aussitôt. Bien entendu, cette partie de pêche très populaire ne va jamais sans un coup de blanc ou rouge-on est en pays de vignes ! Sur la place devant le Carré-Colonnes, quelque deux cent personnes… Un technicien s’affaire à tirer sur un fil pour dévoiler sur le toit-terrasse justement une de ces petites maison en bois. Et, il y a, après cette inauguration et servi sur la place devant la Scène Nationale, un verre -à pied! de vin blanc avec crevettes et tartines beurrées. Tout cela gratuitement comme la déambulation! Des bénévoles préparent aussi des feux de bois dans de grandes coupes et allument des bougies dans des pots en terre qui nous guideront pour aller dans le proche jardin.
Puis nous sommes invités à entrer dans le hall, de chaque côté une rangée de plantes vertes dont les graines ont été offertes aux spectateurs du Carré-Colonnes pendant le confinement. Il les ont soigneusement semées dans des pots qui ensuite ont été entretenus par les techniciens du lieu…. Et il y a des bassins avec de nombreuses autres plantes, celles-là mises en place par l’Opéra Pagai. Comme ce bar à graines tenu par la jeune maraichère qui vous propose d’en semer aussi à votre tour:persil, tomates, etc. Plus loin une chanteuse accompagnée par un accordéoniste régale le public.
La suite ? Une montée dans les bureaux complètement investis par l’Opéra Pagai, l’équipe du Carré-Colonnes s’étant provisoirement réfugiée dans une salle de répétition… Dans l’un, un fromager qui prépare des faisselles de fromage blanc agrémenté d’épices, fruits secs… Plus loin au bout d’un couloir où pendent des peaux de moutons, un bureau remplis de bouquets d’herbes aromatiques.
Un autre est transformé en poulailler avec un tapis d’herbe verte et des casiers -d’où ont disparu les dossiers- rempli de paille et donc une dizaine de poules en liberté surveillée… Par un escalier de de secours en béton brut,, sous la surveillance bienveillante de pompiers un peu partout, nous grimpons jusqu’au toit-terrasse. Deux lits en fer forgé et à côté un trio un violoncelliste, un chanteur et un flûtiste jouent des airs de musique baroque… dans la nuit silencieuse.
Puis nous redescendons jusqu’au grand plateau, soigneusement clôturé par des barrières en bois, et transformé en une belle prairie elle aussi en herbe véritable… Avec une dizaine de moutons fraîchement tondus et un agneau de trois semaines. Au-dessus et pendue aux cintres par des câbles, la réplique de la petite maison en bois où «habitent » une jeune femme et sa petite fille, laquelle se balance sur une escarpolette. Et dans la salle tout près de la scène, un pianiste qui joue du Chopin, le public lui étant remplacé par des rangées de maïs fourrager. Les visiteurs et surtout les enfants étant subjugués par cette installation aussi simple que poétique.
Puis, on peut finir ou commencer- c’est au choix- ces deux heures de promenade insolite par une incursion dans un grand jardin appartenant à la municipalité et mis à la disposition de la Scène Nationale. Après avoir été défriché par des bénévoles, la jeune maraîchère qui gère aussi le petit restaurant du Carré-Colonnes, y cultive des légumes qui serviront à préparer des soupes pour le public. Un endroit insolite, plein lui aussi de poésie, avec des centaines de petites bougies. On ne discerne pas bien les plantations mais il y a des bancs pour faire une pause et rêver dans la nuit qui tombe doucement sur Saint-Médard-en-Jalles… Que demande le peuple? L’Opéra Pagai n’a pas raté son coup! Une bouffée d’air frais aussi poétique que loufoque, comme cette Coulée douce, loin des -souvent prétentieux- spectacles parisiens, cela ne se refuse pas…
Philippe du Vignal
Installation vue le 21 octobre au Carré-Colonnes, Scène Nationale de Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) de 18 h 30 à 21 h 30.