Le Festival international des Arts de Bordeaux-Métropole Stillness in the fall par un collectif de photographes libanais

Le Festival international des Arts de Bordeaux-Métropole

 Stillness in the fall par un collectif de photographes libanais

Unknown-2 Cette exposition est, à l’initiative de Rima Maroun, le fruit d’un appel lancé par Hammana Artist House, une fondation d’art au Liban. S’est ainsi formé un collectif solidaire de photographes de ce petit pays, y habitant encore ou vivant du moins en partie à l’étranger. Sont ici présentées sur grandes feuilles de papier juste accrochées à des cimaises de contre-plaqué ou en format vidéo, les photos faites en quelques années par six hommes et six femmes de génération différente. Ils ont une lecture tout à fait passionnante de la situation actuelle dans ce pays malade d’une corruption politique endémique et victime comme on sait d’une crise socio-économique. En 2019, la révolution l’a précipitée et cette crise sans précédent a encore été aggravée l’an dernier à la même époque à la suite d’une gigantesque explosion dans le port de Beyrouth, avec quelque trois cent morts et des centaines de blessés et sans abri. Est ensuite arrivé le covid dans ce pays où tout semble s’effondrer et où il faut tenter de survivre même quand l’inflation est galopante et quand l’électricité comme l’eau, la wifi, manquent souvent. Et où il faut faire venir de l’étranger, les médicaments indispensables… Bref rien n’aura été épargné aux habitants de ce pays où une très faible minorité détient pouvoir et capital. Reste l’entraide et la solidarité!

« Nous devions nous voir, disent les artistes de ce collectif pour la première fois le 17 octobre 2019, le premier soir de la révolution. Nous avons donc dû annuler cette première rencontre. Nous étions tous engagés personnellement dans la révolution et avons donc laissé tomber l’idée pendant deux ou trois mois avant de prendre la décision de se revoir.  Le pays est entré en banqueroute à ce moment-là. Pour ces artistes, « rendre un cliché, la regarder et essayer de comprendre la réalité. »

 0S6A7979_s-819x1024Leva Saudargaité Douaihi, architecte, vit actuellement en Afrique du Sud. Avec Les Dernières Graine, elle montre comment dans une ville chaotique, la nature arrive quand même elle aussi à survivre. Elle a, entre autres photographié un arbre décapité sur un trottoir en mauvais état ou une touffe de plantes accrochées à une façade. Un cliché , d’une merveilleuse petite verdure inattendue dans une ville ravagée et qui semble redonner l’espoir d’une meilleure existence au quotidien à ses habitants qui, petit à petit, la quittent et souvent, s’exilent à jamais.

Paul Gorra( ci-dessous) lui a pris des photos juste pendant la tragique explosion ou ensuite d’immeubles en cours de rénovation. Là aussi deux facettes d’une ville, entre une mort qui est sans doute le résultat d’une mauvaise gestion politique à l’échelle de tout un pays, et une vie ou plutôt une survie…

Manu Ferneini, la plus jeune de ce collectif ( vingt-trois ans) avec Le naufrage ne veut pas « raconter une histoire linéaire » avec ses images mais « transcrire un sentiment permanent et troublant : celui de vivre un naufrage au ralenti. » Comme avec cette photo d’un homme âgé seul assis sur son lit, visiblement accablé dans un appartement dévasté par l’explosion.

Myriam Boulos, elle, dans un format vidéo associe images et texte. Depuis les trois événements successifs qui ont marqué à jamais l’histoire récente de son pays, et surtout depuis la révolution, « Tout, dit-elle, a été physiquement et émotionnellement déroutant, épuisant mais aussi beau et triste. Comme un éveil. C’était comme si nous sortions à peine d’une relation abusive pour finalement se dire : non ce n’est pas normal. » “A travers cette ville, dit-elle, j’essaie de trouver ma place et de comprendre la société libanaise, contradictoire et fragmentée dont chaque partie survit dans sa propre bulle. Je me demande aussi comment se réinventer dans une société patriarcale et capitaliste.” Ses séries traitent de féminité et de révolte et ont été exposées de par le monde, notamment à Paris à l’Institut des cultures d’Islam.

Envahie par un nuage de gaz lacrymogènes, elle a pris toutes ses photos les yeux fermés…. « Et quand l’explosion a eu lieu, nous nous sommes cachés dans la salle de bains, en attendant de mourir. » Ses photos témoignent du croisement permanent dans ce genre de situation, entre l’extérieur et l’intérieur, entre un événement collectif et l’intime. »Je me rappelle les larmes d’Andréa, alors que nous marchions vers sa maison détruite. »

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Elsie Haddad avec Perturbation a voulu montrer de façon plus conceptuelle : « la situation dans l’industrie de la publicité extérieure, parfait exemple de la mauvaise gestion collective pour laquelle le Liban est devenu célèbre»comme le déclarait déjà le propriétaire d’une société spécialisée… en 2004. De remarquables photos en noir et blanc de squelettes en ferraille de grands panneaux publicitaires qui submergeaient les bords des routes désormais vides de toute affiche. « Un société de consommation oppressante » dit-elle aussi mais quand ces panneaux ne servent plus à rien dan un pays qui s’effondre, est-ce bien mieux?  Et ses cliché témoignent clairement, comme une métaphore, de l’absence de commerce véritable donc de relations entre les gens dans un pays en ruines… Pourquoi en effet faire de la pub pour des produits qu’on ne peut même plus se procurer dans un « pays qui consomme sans produire. Où tout a été stigmatisé pour embellir les dysfonctionnements profondément dissimulés. »

Out-of-Hand-1024x683-1Et aussi dans un format vidéo : Hors de Contrôle de Betty Ketchedjian, une œuvre d’inspiration conceptuelle remarquablement filmée. La chute avec fracas d’une pile d’un vingtaine d’assiettes soigneusement empilées sur un évier en inox. Comme un autre métaphore domestique de la catastrophe qui s’est abattue, là aussi en quelques secondes, sur une ville qui n’avait pas besoin de cela.

«Prendre des photos pour comprendre la réalité.» Une phrase qui dit tout… Et cette belle exposition, mériterait d’être à nouveau présentée en plein centre ville de Bordeaux. Le Liban, c’est loin de la France mais pas tant que cela, et ce pays a toujours été culturellement proche de nous. Un grand sourire au passage à Robert Abirached d’origine libanaise (voir Le Théâtre du Blog) qui nous quittés il y a quelques mois et qui aurait sans doute beaucoup aimé cette exposition…

Philippe du Vignal

L’exposition a été présentée du 1er au 23 octobre à la Fabrique POLA, 10 quai de Brazza, Bordeaux ( Gironde).

 

 

 


Archive pour 2 novembre, 2021

Le Festival international des Arts de Bordeaux-Métropole Stillness in the fall par un collectif de photographes libanais

Le Festival international des Arts de Bordeaux-Métropole

 Stillness in the fall par un collectif de photographes libanais

Unknown-2 Cette exposition est, à l’initiative de Rima Maroun, le fruit d’un appel lancé par Hammana Artist House, une fondation d’art au Liban. S’est ainsi formé un collectif solidaire de photographes de ce petit pays, y habitant encore ou vivant du moins en partie à l’étranger. Sont ici présentées sur grandes feuilles de papier juste accrochées à des cimaises de contre-plaqué ou en format vidéo, les photos faites en quelques années par six hommes et six femmes de génération différente. Ils ont une lecture tout à fait passionnante de la situation actuelle dans ce pays malade d’une corruption politique endémique et victime comme on sait d’une crise socio-économique. En 2019, la révolution l’a précipitée et cette crise sans précédent a encore été aggravée l’an dernier à la même époque à la suite d’une gigantesque explosion dans le port de Beyrouth, avec quelque trois cent morts et des centaines de blessés et sans abri. Est ensuite arrivé le covid dans ce pays où tout semble s’effondrer et où il faut tenter de survivre même quand l’inflation est galopante et quand l’électricité comme l’eau, la wifi, manquent souvent. Et où il faut faire venir de l’étranger, les médicaments indispensables… Bref rien n’aura été épargné aux habitants de ce pays où une très faible minorité détient pouvoir et capital. Reste l’entraide et la solidarité!

« Nous devions nous voir, disent les artistes de ce collectif pour la première fois le 17 octobre 2019, le premier soir de la révolution. Nous avons donc dû annuler cette première rencontre. Nous étions tous engagés personnellement dans la révolution et avons donc laissé tomber l’idée pendant deux ou trois mois avant de prendre la décision de se revoir.  Le pays est entré en banqueroute à ce moment-là. Pour ces artistes, « rendre un cliché, la regarder et essayer de comprendre la réalité. »

 0S6A7979_s-819x1024Leva Saudargaité Douaihi, architecte, vit actuellement en Afrique du Sud. Avec Les Dernières Graine, elle montre comment dans une ville chaotique, la nature arrive quand même elle aussi à survivre. Elle a, entre autres photographié un arbre décapité sur un trottoir en mauvais état ou une touffe de plantes accrochées à une façade. Un cliché , d’une merveilleuse petite verdure inattendue dans une ville ravagée et qui semble redonner l’espoir d’une meilleure existence au quotidien à ses habitants qui, petit à petit, la quittent et souvent, s’exilent à jamais.

Paul Gorra( ci-dessous) lui a pris des photos juste pendant la tragique explosion ou ensuite d’immeubles en cours de rénovation. Là aussi deux facettes d’une ville, entre une mort qui est sans doute le résultat d’une mauvaise gestion politique à l’échelle de tout un pays, et une vie ou plutôt une survie…

Manu Ferneini, la plus jeune de ce collectif ( vingt-trois ans) avec Le naufrage ne veut pas « raconter une histoire linéaire » avec ses images mais « transcrire un sentiment permanent et troublant : celui de vivre un naufrage au ralenti. » Comme avec cette photo d’un homme âgé seul assis sur son lit, visiblement accablé dans un appartement dévasté par l’explosion.

Myriam Boulos, elle, dans un format vidéo associe images et texte. Depuis les trois événements successifs qui ont marqué à jamais l’histoire récente de son pays, et surtout depuis la révolution, « Tout, dit-elle, a été physiquement et émotionnellement déroutant, épuisant mais aussi beau et triste. Comme un éveil. C’était comme si nous sortions à peine d’une relation abusive pour finalement se dire : non ce n’est pas normal. » “A travers cette ville, dit-elle, j’essaie de trouver ma place et de comprendre la société libanaise, contradictoire et fragmentée dont chaque partie survit dans sa propre bulle. Je me demande aussi comment se réinventer dans une société patriarcale et capitaliste.” Ses séries traitent de féminité et de révolte et ont été exposées de par le monde, notamment à Paris à l’Institut des cultures d’Islam.

Envahie par un nuage de gaz lacrymogènes, elle a pris toutes ses photos les yeux fermés…. « Et quand l’explosion a eu lieu, nous nous sommes cachés dans la salle de bains, en attendant de mourir. » Ses photos témoignent du croisement permanent dans ce genre de situation, entre l’extérieur et l’intérieur, entre un événement collectif et l’intime. »Je me rappelle les larmes d’Andréa, alors que nous marchions vers sa maison détruite. »

©x

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Elsie Haddad avec Perturbation a voulu montrer de façon plus conceptuelle : « la situation dans l’industrie de la publicité extérieure, parfait exemple de la mauvaise gestion collective pour laquelle le Liban est devenu célèbre»comme le déclarait déjà le propriétaire d’une société spécialisée… en 2004. De remarquables photos en noir et blanc de squelettes en ferraille de grands panneaux publicitaires qui submergeaient les bords des routes désormais vides de toute affiche. « Un société de consommation oppressante » dit-elle aussi mais quand ces panneaux ne servent plus à rien dan un pays qui s’effondre, est-ce bien mieux?  Et ses cliché témoignent clairement, comme une métaphore, de l’absence de commerce véritable donc de relations entre les gens dans un pays en ruines… Pourquoi en effet faire de la pub pour des produits qu’on ne peut même plus se procurer dans un « pays qui consomme sans produire. Où tout a été stigmatisé pour embellir les dysfonctionnements profondément dissimulés. »

Out-of-Hand-1024x683-1Et aussi dans un format vidéo : Hors de Contrôle de Betty Ketchedjian, une œuvre d’inspiration conceptuelle remarquablement filmée. La chute avec fracas d’une pile d’un vingtaine d’assiettes soigneusement empilées sur un évier en inox. Comme un autre métaphore domestique de la catastrophe qui s’est abattue, là aussi en quelques secondes, sur une ville qui n’avait pas besoin de cela.

«Prendre des photos pour comprendre la réalité.» Une phrase qui dit tout… Et cette belle exposition, mériterait d’être à nouveau présentée en plein centre ville de Bordeaux. Le Liban, c’est loin de la France mais pas tant que cela, et ce pays a toujours été culturellement proche de nous. Un grand sourire au passage à Robert Abirached d’origine libanaise (voir Le Théâtre du Blog) qui nous quittés il y a quelques mois et qui aurait sans doute beaucoup aimé cette exposition…

Philippe du Vignal

L’exposition a été présentée du 1er au 23 octobre à la Fabrique POLA, 10 quai de Brazza, Bordeaux ( Gironde).

 

 

 

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