Pédagogies de l’échec, texte et mise en scène de Pierre Notte
Pédagogies de l’échec, texte et mise en scène de Pierre Notte
Au septième étage, le bureau de l’assistant de direction est le seul à tenir encore debout au-dessus du vide, entouré de décombres. Un tremblement de terre, un virus, une guerre a frappé la ville ? Peu importe… Deux survivants de l’entreprise, la directrice, forcément autoritaire et l’employé modèle, forcément obséquieux, vont continuer à travailler, sans papier ni crayon, sans dossiers ni téléphone… Une activité dérisoire et sans raison, avec pour seul objectif: continuer à fonctionner. Les rapports hiérarchiques jouent encore jusqu’au moment où ils vont s’ébranler…
Pierre Notte épingle avec un humour pince sans rire la hiérarchie sociale qui s’exprime dans le monde du travail. Pas de psychologie : les rapports de force deviennent absurdes dans cette situation. La machine tourne à vide mais les protagonistes continuent à l’alimenter. Dehors, on construit des échafaudages qui ne servent à rien : il faut bien que les affaires prospèrent…
Dans une scénographie minimaliste délimitant zones de confort et béances dangereuses, Caroline Marchetti imprime à son rôle une fermeté sans faille et Frank Duarte lui oppose une résistance polie, au prix d’un orgueil et d’une colère ravalée. Sur ce petit plateau, la dame de fer et l’homme à l’échine souple partagent une proximité, voire une intimité en respectant la hiérarchie, jusqu’à n’en plus pouvoir. Les rapports de force tanguent à mesure que la situation s’enlise, mais sans jamais vraiment s’inverser. Les dialogues sont minimalistes, ce qui permet aux comédiens d’adopter un jeu où s’affirme le langage corporel.
Cette pièce drôle et cruelle, écrite il y a six ans, résonne d’autant plus que nous avons vécu un bouleversement qui a remis en cause le monde du travail et les priorités de notre vie quotidienne. Pourtant, le monde d’après semble n’avoir pas encore tiré les leçons de cette crise. « Pédagogies de l’échec répond à une interrogation quant à l’inscription parfois jusqu’à l’extrême du travail dans nos emplois du temps. Tous les systèmes ont quelques chose de dingue, non ? » dit Pierre Notte qui signe aussi une mise en scène impeccable. On pourra voir ce spectacle d’une heure quinze pendant la tournée qui se prépare.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 27 novembre, du mercredi au samedi, Les Déchargeurs, nouvelle scène théâtrale et musicale, 3 rue des Déchargeurs, Paris 2e . T. : 01 42 36 00 50.
Eté 2022 Festival d’ Avignon ; 7 octobre Espace Bernard-Marie Koltès Metz (Moselle) ; octobre : Sapziu Culturale Natale Rochiccioli, Cargèse (Corse)
La pièce est publiée à l’Avant-scène Théâtre