Le Bruit des loups, création et interprétation d’Etienne Saglio, musique de Madeleine Cazenave

Le Bruit des loups, création et interprétation d’Etienne Saglio, musique de Madeleine Cazenave

Auteur associé au Théâtre du Rond-Point à Paris, jongleur et magicien, Étienne Saglio a été formé par Raphaël Navarro ( voir Le Théâtre du Blog). C’est, comme il dit, « un spectacle en forme de conte » d’abord dans une grande salle au carrelage noir assez bizarre. Le magicien  balaye quelques feuilles mortes qui renaissent sans arrêt, toujours plus nombreuses. Une grande plante verte sort de son pot, et au fond, une porte étroite comme dans les contes de fées où on on aperçoit la silhouette d’un géant très inquiétant.

 

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Etienne Saglio attrape un gros rat qu’il remet dans la coulisse mais le même rat se retrouve aussitôt sur une étagère et il le croquera en recrachant la longue queue du dit rat…. La scénographie de Benjamin Gabrié relève de l »excellence et, en quelques secondes, nous allons passer de cet inquiétant espace clos tout en perspective, à une forêt envoûtante avec tapis de feuilles mortes et une vingtaines de gros arbres majestueux… Il y a successivement un adulte et un enfant pareillement habillés d’un pantalon rouge, des chants d’oiseaux plus vrais que nature, un loup qui vient rôder auprès d’un corps tombé des cintres, et au fond, une forêt avec un beau cerf qui se tourne vers nous. C’est à la fois absolument invraisemblable et d’un réalisme absolu dans un cocktail espace-temps très réussi. Il y a une véritable merveille : un renard qui marche sur deux pattes et se balade au début en bord de scène avec un écriteau où est inscrit le logo : interdiction de portable… Tout cela sur les mélodies au piano de Madeleine Cazenave… Renard espiègle et sautillant que l’on retrouvera plusieurs fois tout au long du spectacle comme cette plante à silhouette humaine qui enserre de ses bars l’homme seul en scène.

Utopie ou réalité? On ne sait jamais trop et le spectacle a toute la saveur inimitable de l’imaginaire d’un beau livre pour enfants, de ceux qui favorisent les rêves. Et il y a vers la fin, des coups de tonnerre là-aussi hyper-réalistes…. L’enfant et le loup mais aussi le cerf et cet incroyable renard qui cabotine un peu… Nous ne vous dévoilerons pas bien entendu les mécanismes de magie grâce auxquels Etienne Saglio parvient à donner une dimension aussi onirique à ce spectacle d’une heure vingt qui dure le temps d’un rêve éveillé de quelques minutes mais encre une fois c’est d’une exceptionnelle qualité artistique.

Bien entendu, pour que tout univers fonctionne et qu’Etienne Saglio arrive à créer cet imaginaire collectif avec des personnages mythiques proches du petite chaperon rouge, du Géant, des grands et petits animaux de la forêt, il y faut un grand et long travail en amont mais aussi le savoir-faire de toute une équipe en matière de magie: création informatique et technologies, téléguidage, conception d’un plateau spécial, prestidigitation et illusionnisme, direction des trois acteurs seulement, création lumière et sons… Tout ici est très impressionnant et le public a salué debout cette performance exceptionnelle d’Etienne Saglio, Bastien Lambert, en alternance avec  Murielle Martinelli, et Guillaume Delaunay, Émile, Boston. Que vous soyez Parisiens ou non, ne ratez pas surtout ce spectacle qui est sans aucun doute le meilleur et le plus poétique de cette rentrée…

 Philippe du Vignal

Du 3 au 20 novembre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 454 95 98 21.

Et à Fréjus, Quimper, Laval, Annecy, Maubeuge, Genève et Fribourg (Suisse), Nice, Angers, Châteauroux, Vendôme, Calais, Chalon-sur-Saône, Clermont-Ferrand, Bourges, Strasbourg, Rennes…


Archive pour 12 novembre, 2021

Entretien avec Calista Sinclair

Entretien avec Calista Sinclair

© Sébastien Rande

© Sébastien Rande

-Une magicienne, ce n’est pas si fréquent…

-Non, c’est vrai; j’ai d’abord été l’assistant presque invisible (Bernard Black) d’Eric Antoine, à partir de 2007. J’ai une formation de danseuse puis j’ai rencontré Éric qui était dans ma classe à l’Ecole Jacques Lecoq à Paris.  J’imaginais la magie comme un art un peu ringard car on voit souvent les mêmes tours. Mais, quand j’ai commencé de jouer dans un spectacle de cet art pour la première fois, j’ai compris sa force particulière : le lien avec le public est direct et l’émotion immédiate. Rien de comparable comme la surprise, le rire ou l’émerveillement du public quand ils sont dans l’illusion. Dans Mystéric, j’ai fait mon premier tour de magie seule en scène avec le personnage de Bernard : c’était le Silent Treatment. J’ai appris ce tour avec Éric, Gérard Bakner, Dominique et Alexandra Duvivier Nous avions écrit le texte avec Étienne de Balasy. La première fois, je me souviens d’avoir été très surprise que le tour ait fonctionné ! Je me sentais exposée, j’avais l’impression que le public voyait ce que je faisais. J’ai appris à prendre confiance mais la pression pour réussir un tour est particulière en magie, on n’est jamais complètement détendu. 

Ma rencontre avec Éric Antoine fut importante sur le plan artistique. Mais souvent les retours du public nous aident et nous encouragent aussi dans notre parcours, comme notre entourage proche, nos assistants et techniciens qui donnent énormément à chaque spectacle sans être dans la lumière. En ce moment, je travaille avec Fleur Houdinière qui est productrice et qui me guide beaucoup pour écrire mon spectacle. Même si j’essaie de ne pas trop me concentrer sur les choses qui pourraient freiner notre développement car tous les obstacles font partie du chemin. Nous sommes souvent freinés par les budgets et le covid nous a aussi donné une bonne claque !

En ce moment, j’essaie d’écrire un spectacle magique à partir d’une histoire. Et cela m’oblige à inventer des tours pour raconter quelque chose, au lieu d’essayer de le faire avec un tour existant déjà. Un processus douloureux : on peut se tromper et créer un tour qui ne fonctionne pas…
Parfois, je choisis un tour qui existe déjà et essaye de le réaliser d’une façon originale mais je n’y arrive pas. S’il marche, il y a des raisons et c’est compliqué d’ajuster les détails. Plus facile de trouver un tour de magie sans déjà se poser la question de savoir ce qu’on aimerait raconter, puis de fabriquer des solutions soi-même. Au début, j’étais bloquée par l’idée que je ne savais pas bricoler. Maintenant je m’entoure de bons techniciens et je bricole à ma propre façon. J’ai un peu de mal à gérer la vie quotidienne, quand je crée un spectacle, cela exige 100% de mon attention. Il faut donner sa vie pour en insuffler dans son travail. 

-Quels artistes vous ont influencé ?

-Entre autres, Philippe Genty, la compagnie 14:20, Etienne Saglio et Yann Frisch  (voir Le Théâtre du Blog), Blizzard Concept, le Cirque du Soleil, la metteuse en scène Julie Taymor qui a mis en scène Le Roi Lion. Et je suis très impressionnée par David Copperfield, le maître de la magie moderne, Derren Brown et Derek Del Gaudio, même si leur magie est très différente de ce que je fais. Tous ont travaillé avec Sébastien Clergue, donc je dois aussi être marqué par lui!  Je préfère la magie de scène car je suis une enfant du théâtre qui, pour moi, est la vraie magie, un lieu de rencontres, transformations et cérémonies. 

J’adore regarder les enfants pour ne pas oublier ce que veut dire jouer. Comme danseuse, j’ai travaillé avec une compagnie aborigène en Australie, mon pays natal et ai l’envie d’exprimer des choses avec mon corpsl Je suis profondément touchée par cette culture et l’expression de l’esprit de cette terre qui me manque. Et l’enseignement de Jacques Lecoq continue à m’influencer toujours : c’est  l’école du corps dans l’espace, du clown, du masque et du mime…

- Quelques mots à un débutant ?

- 1) Ne cherchez pas le succès mais l’échange magique avec votre public. 2 ) Qu’il soit de mille personnes n’est pas plus important, que celui de trois personnes. 3) L’importance est l’émotion que vous leur donnerez et comment vous pourrez agir sur leur vie, par exemple, avec une simple sourire. 4) Formez votre voix, votre corps, votre sens du théâtre et votre musicalité : la magie se trouve au croisement… J’aimerais qu’elle soit considérée comme un art à part entière en France, et non comme un passe-temps ou un divertissement. Je pense que l’accès à la formation va démocratiser la magie et ouvrir des portes vers la créativité. Comme celle dispensée par Raphaël Navarro et Valentine Losseau au C.N.A.C.

Pour le moment, seules les filles ou les femmes de magiciens arrivent à pratiquer cet art en France et la transmission reste paternaliste…. J’aimerais inspirer des créations et transmettre. Si, entre femmes, nous partagions nos compétences et techniques, ferions-nous les choses différemment des hommes ? » En tout cas, je ne peux pas séparer culture et magie, et inversement.  Mais il y a l’art subventionné et le monde -souvent privé- de la magie. L’argent public devrait aussi subventionner nos spectacles ; les gens en France ont envie de les voir et cela rendrait aussi les théâtres municipaux plus accessibles. Les artistes qui travaillent dans le privé devraient se cultiver au maximum, en observant les mouvements des autres formes artistiques en France, pour ne pas rester entre eux et pouvoir faire avancer leur art en général. 

-Et dans la vie ?

Il y a ma famille, le trampoline, mes chiens, le yoga, les randonnées au soleil, la mer…

Sébastien Bazou

 Interview réalisée le 25 octobre.

 

 

Livres et revues : Steens de Hjalmar, Frictions, Ubu, Jeu

Livres et revues

Steens, l’Homme qui s’amuse avec la mort de Hjalmar

 L’auteur de cette biographie est un magicien reconnu qui, avec son épouse, a présenté ses spectacles dans le monde entier et a exposé une partie de sa collection en 95-96 au Musée d’Orsay. Il a écrit de nombreux articles techniques et historiques sur la prestidigitation. Né en 1881 à Moutiers-Saint-Jean (Côte d’Or), Charles-Louis-Fernand Brisbarre fut mouleur en cuivre à Paris, puis on ne sait comment il en vint vers 1906, sous le nom de Steens, à l’illusionnisme, en particulier à cet art de l’évasion, maintenant dit escapologie.   Le magicien doit en un temps record -il doit toujours y avoir une impression d’urgence pour le public- sortir d’un coffre solidement cadenassé, se débarrasser de cordes, chaînes…etc..

©xCela exige à la fois souplesse, endurance, force mais aussi sang-froid et un excellent savoir-faire… Le grand spécialiste vers 1900 en était le célèbre Harry Houdini: Ehrich Weisz (1874-1926) prit ce pseudonyme en hommage au grand magicien français Jean-Eugène Robert Houdin (1805-1871). Il pouvait s’évader d’une malle remplie d’eau fermée par des chaînes ou d’un cercueil bien enterré. Steens commença sa carrière en 1906 avec ce qu’on appelle techniquement le double empalmage de cartes à jouer: faire disparaître des cartes derrière une main puis les faire réapparaître. Un des autres tours était le Petit paravent aux apparitions ou dit Paravent japonais. Composé de trois éléments d’un centimètre d’épaisseur et montés sur six pieds articulés entre eux, dont Steens faisait sortir cages,lanterne allumée, saucisses, fleurs… Puis, le premier en France, il se consacra à l’escapologie en se jetant enchaîné dans la Marne pour réapparaître libre quelques instants plus tard. Et il s’évadera facilement d’une marmite fermée où il est immergé ou d’une grande caisse soigneusement ficelée et contrôlée par des spectateurs. Steens devenu célèbre fut ensuite invité dans le monde entier… Puis il se retira dans son village où il buvait beaucoup trop d’absinthe, vendit tout son matériel en 1938 avant de disparaître, assez oublié, l’année suivante…

Ce livre est riche de documents historiques: remarquables affiches, photos de spectacles, cartes postales… et trop ? nombreuses notes en bas de page. Et son auteur a bien su mettre en lumière la vie professionnelle de cet artiste disparu. Mais cette biographie qui a sans doute demandé un gros travail de recherche, aurait mérité une maquette solide et une meilleure relecture. Pourquoi ce doublon de quelques pages et cette absence systématique de justification en fin de ligne qui gêne la lecture? Dommage! Mais que cela ne vous empêche pas de faire connaissance avec ce célèbre mais bien oublié magicien français qui fut un peu le David Copperfield de son temps…

Philippe du Vignal

Frictions n° 33

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 «Nous y voilà donc, transformés en peuple de fantômes dans un monde égal à lui-même, c’est-à-dire en pleine déliquescence (…) soudainement révélé aux yeux de tous », écrit Jean-Pierre Han dans son éditorial. Ce numéro de la revue revient sur l’après Covid avec, en couverture, une seringue… Piqûre de rappel, annonçant les courtes et fines analyses d’Edward Bond sur la crise du Covid.

 Le dramaturge britannique voit la pandémie comme un révélateur. Dans La crise du coronavirus et la réalité démasquée, il démontre brillamment que « le système capitaliste fait marcher le monde sur la tête » : « L’origine du virus se trouve en Chine parce que c’est une nouvelle société au capitalisme débridé ». Dans la post-face à sa pièce Le Voleur de Chaussures, il démontre que les crises, sanitaires et climatiques, sont liées car ce système « pille la terre, déforme la réalité non seulement pour augmenter ses profits mais pour contrôler et séduire l’ancien prolétariat maintenant devenu classe consommatrice ». Le capitalisme « façonne la culture qui permet l’existence même de ce système » et pour Edward Bond : « Notre théâtre est aussi paralysé que le reste de la culture du divertissement. Nous avons de bons dramaturges qui écrivent de bonnes pièces à propos des maux de la société. Mais leurs pièces n’ont qu’un effet cosmétique. » Au terme de son implacable démonstration, il entrevoit une solution : «Une démocratie juste », difficile à créer, «parce que nous n’essayons même pas ». Ces Corona Papers sont introduits par Jérôme Hankins qui analyse les thématiques bondiennes en concluant avec l’écrivain, qu’il traduit et met en scène depuis des années : « Nous devons de nouveau faire confiance au théâtre ».

L’écrivain et metteur en scène Jean Lambert-Wild revient sur la fonction de l’artiste dans la société qui en est venue à distinguer ces derniers temps l’inessentiel , de l’essentiel. Reprenant  ce vocabulaire : « cette notification qu’on ne sert à rien », Pas de gilets de sauvetage pour les poètes file la métaphore du naufrage : « le bateau coule, je n’ai pas de gilet de sauvetage, mes camarades non plus » pour appeler à la résistance : « la bonne nouvelle, cela nous laisse encore une chance de flotter. »

Simon Capelle lui fait écho : « Dans le bataille contre le virus, nous ne servons à rien, peut-être parce qu’auparavant déjà, nous ne servions plus à grand chose ». Mais il se réfère à Antonin Artaud pour affirmer avec lui l’essentialité du théâtre : « Du point de vue humain, l’action du théâtre comme celle de la peste est bienfaisante, car elle pousse les hommes à se voir tels qu’ils sont ». Il consacre à l’auteur du Théâtre de la cruauté un article très argumenté portant notamment sur son projet Prophétie, qui le mena en Irlande sur les pas de William Butler Yeats en 1937, avant neuf années d’asile, notamment à Rodez… Simon Capelle a refait ce voyage d’île en île et nous en livre un récit à la fois documentaire et poétique..

Olivier Neveux, lui, en fin chercheur en histoire et esthétique du théâtre, pose la question paradoxale du politique dans le théâtre de Jean Genet. Ses réponses nous étonneront : « Si on l’étudie, soucieux quelques uns des aspects attestés du théâtre politique, on est bien décontenancé… »

Dans ce numéro superbement illustré par les images en pleine page de John de La Canne, l’étonnant portfolio de Bruno Boëglin qui révèle les talents de peintre de ce comédien et metteur en scène. L’association des amis de Bruno Boëglin a publié des reproductions de ses œuvres dans Bruno Boëglin, une vie dans le désordre des esprits, et organisé une exposition à Grenoble qu’on pourra aussi voir au Palais Bondy à Lyon en janvier prochain. On lira aussi dans ce numéro un Michel Simonot poète, avec Même arrachée, une évocation épique des cris de ceux que l’on torture, déchire, mêlés aux siens… « Même arrachée/ il vous restera l’écho de ma langue (…) en naitront des mots (…) vous ne pouvez enfermer mon silence (…) les sons que vous croyiez barbares/ sont devenus poèmes »… .

Comme en écho, Ça ne passe pas de Claudine Galea : dans ce texte en forme de déploration, la phrase du titre revient en leitmotiv. Quand elle ferme les yeux, l’autrice voit, sous le soleil tant chanté de la Méditerranée, « des corps vivants qui, chaque jour, passent par dessus bord », et, pour elle « ÇA NE PASSE PAS ». « 25.000 corps sombrent à Lampedusa le 4 octobre 2013/ 5.773 corps morts et 11.089 disparus entre le 1er janvier 2014 et le 30 juillet 2018 «  (…) « Combien de morts non comptabilisés ? » (…) ça ne passe pas/ ça ne peut pas passer / le droit maritime n’est pas respecté / le droit humain n’est pas respecté…  » Pour conclure : « LA MÉDITERRANÉE EST UN MUR ». La revue, dont les articles sont autant d’alertes adressées à notre intellect et/ou à notre sensibilité, se clôt sur ce terrible constat…

Mireille Davidovici

Frictions, 27 rue Beaunier Paris ( XIV ème). T. : 01 45 43 48 95. Ce numéro 15€. Abonnement à quatre numéros: 50 €.

Jeu n° 179

La revue québécoise de théâtre Jeu publie son numéro 179. Toujours excellement maquettée et riches de belles photos significatives. Das son éditiorial, Raymond Bertin remarque avec raison que partout dans le monde, après la crise du covid qui est encore loin d’être vraiment derrière nous, « les artistes trépignent, les institutions font des prouesses pour offrir des expériences artistiques squi ne soient pas que des succédanés ou sous-produits. »

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Au sommaire, un dossier sur le travail de la metteuse en scène Brigitte Haentjens formée à ‘Ecole Jacques Lecoq, qui a notamment monté Hamlet-Machine d’Heiner Muller mais aussi L’Opéra de Quat’Sous de Bertolt Brecht en 2021 et des créations collectives comme Strip ( 1983) et Nickel l’année suivante deux textes qu’elle a écrites. Deux mises en scène où elle témoigne d’un engament féministe et qui ont fait date au Québec par leux exigence et la qualité de leur direction d’acteurs..

A noter aussi dans ce riche numéro un remarquable texte de l’auteur haïtien  Richard Régis Jr, sur le théâtre tel qu’il est actuellement et sur le point crucial qu’est l’illusion scénique. Il essaye de voir comment le théâtre peut aider à réconcilier les habitants d’une planète bouleversée par l’arrivée de cette pandémie. Il ya aussi un entretien avec la scénographe Odile Gamache: pour elle, est essentiel le dialogue avec l’auteur et elle estime que tout travail scénique est le résultat d’un travail à deux.  » J’essaye, dit-elle, de proposer une direction et qu’on y aille ensemble. »  La remarquable photo de sa scénographie pour Les Larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder donne envie de mieuxconnaître le travail de cette scénographe qui, comme Brigitte Haentjens, est radicalement pour un travail associatif.  A lire ce numéro, même si on a peu l’occasion d’en voir des exemples en France, le théâtre québécois,  se porte bien…

Ph. du V.

 

Ubu n° 70/71

 

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Cette revue fête ses vingt-cinq ans avec un double numéro ! Deux cents pages qui s’ouvrent sur le festival d’Avignon. Celui de 2021, mais aussi tel que Gilles Costaz l’a vécu tout au long de ses années de critique amoureux du théâtre. Avec Avignon 75e année / Les Spirales de la ville close, il revient sur son fondateur: «Les grandes lignes sont dessinées d’une main ferme et ambitieuse par Jean Vilar. Ce qui va se modifier au fil des ans, c’est la dimension, l’échelle. »lI se souvient aussi de ces lieux qu’il a parcourus en vélo, encore hantés par tant d’auteurs, metteurs en scène, comédiens : « Avignon est une conque en spirale dont les souvenirs coulent en spirale sans fin où les grandes productions fracassantes comptent moins que les soirées modestes et secrètes… » Odile Quirot s’entretient avec Valère Novarina qui y fut programmé à plusieurs reprises et Jean-Pierre Thibaudat recueille les impressions de Nathalie Béasse qui y vient pour la première fois.Tiago Rodrigues qui va prendre la tête du festival fait le point avec Marina da Silva sur son engagement antifasciste et ses projets futurs..

Quant aux festivals européens, Hughes Le Tanneur constate que, sous le choc du covid, les programmateurs s’interrogent tous sur le monde d’après. Le besoin de tourner la page s’impose à Paris, Marseille comme à Vienne, Bruxelles… Chacun voit venir le monde d’après à l’aune de cette crise. Crise que Maïa Bouteiller évoque avec trois directeurs récemmement nommés en Ile-de-France, qui ont vécu leur baptême du feu en pleine pandémie, jonglant entre confinements et couvre -feu : Julie Deliquet au Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, Jeanne Candel, au théâtre de l’Aquarium et Mathieu Touzé au Théâtre 14 . Face à la tristesse, la solidarité s’impose à eux…

Le chorégraphe Rachid Ouramdane, directeur du Théâtre national de Chaillot confie à Chantal Boiron qu’ « il faut lutter pour que la rivière soit capable de changer de lit ». Héritier du hip hop, il entend sortir la danse des seules salles du théâtre pour investir tout le bâtiment, jusqu’à l’extérieur « du parvis à la coulée verte » avec « des promenades chorégraphiques, des performances de foule, des spectacles en plein air…»

 Après un focus sur la résistance de l’Université de théâtre et de cinéma à Budapest, place à la littérature dramatique : Ivre de mots, une pièce de Frank Siera traduite du néerlandais et présentée par Mike Sens. Les auteurs de ce double numéro sous titré Allons-y !/Let’s go !, largement illustrés et traduits en anglais, rebattent les cartes du paysage théâtral et, après être revenus sur la crise sanitaire, font place à l’actualité et regardent vers l’avenir…

M. D.

Ubu Scènes d’Europe, 217 boulevard Péreire, Paris (XVII ème). Ce numéro double : 30 €.

 

 

 

 

 

 

 

 

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