Les Filles du Saint-Laurent, texte de Rébecca Déraspe en collaboration avec Annick Lefebvre, mise en scène d’Alexia Bürger

Les Filles du Saint-Laurent, texte de Rébecca Déraspe en collaboration avec Annick Lefebvre, mise en scène d’Alexia Bürger

 Impérial, fougueux, vaste comme une mer, route de la conquête du Québec dont il dessine la géographie, le Saint-Laurent se prête aux mythes et à l’épopée d’une nation. L’autrice a pourtant choisi de le faire parler en confidence, dans une sorte de cruauté indifférente. Sur ses rives, il a rejeté sept corps de femmes. Que mènent  ces femmes à mourir dans un fleuve ? Pas toujours le fleuve lui-même, bouillonnant et glacial, parfois noyé de brumes mais plus souvent la vie familiale ou sociale qui tourne mal et lui, il les déposera pour qu’on les trouve, les raconte et leur donne un nom. La pièce sera autant celle des « trouveuses» que celle des noyées…

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Neuf femmes dont Louise Laprade, pionnière du renouveau théâtral au Québec dans les années soixante-dix, et un seul homme portent ces très beaux récits, ces dialogues forts et brefs, ces moments de vie. Amour, séparations, baisers,  adultères, misère, accidents bêtes : ces destinées ordinaires, brisées par la mort qui n’est jamais ordinaire, résonnent avec le chant du fleuve… Sur scène ou juste à sa périphérie, chacune et chacun va s’adresser à nous, soutenue par le groupe qui l’accompagne de petits bruitages, de sa présence et de son écoute. En retrait ou en avant, avec un jeu précis, intense et nous croyons à ces vies fantômes.

Nous sommes plus sceptiques sur la présence du Saint-Laurent. L’autrice (en fait, les trois autrices, tant la metteuse en scène et ses associées se tiennent par la main) n’a pas voulu lui donner une dimension épique mais en souligner plutôt la fluidité, le caprice. Mais l’allégorie, trop discrète, ne trouve pas sa juste place auprès des personnages. La tunique du fleuve  dans la même gamme écru des costumes très dessinés des autres personnages est un peu pauvre, comme sa place sur la scène et ce poème a du mal à avoir une consistance, à côté de récits et de dialogues si vivants dans leur adresse forte au public.

Un autre obstacle : à chaque croisement des récits et scènes, la metteuse en scène a choisi d’arrêter l’image, dans une sorte de statuaire non sans beauté. Mais cela crée un système répétitif pesant et qui ne donne pas vraiment de sens au spectacle. Paradoxalement, cette expression corporelle le pousse vers une abstraction peu compatible avec le drame  qui signifie action… Dommage de clore ainsi chaque séquence.

Wajdi Mouawad, directeur du Théâtre National de la Colline, exprime avec le choix d’une équipe qu’il avait déjà invitée, sa fidélité au pays de sa jeunesse. Les Filles du Saint-Laurent nous offre une écriture à la fois contemporaine par ses thèmes, mais ancrée dans une tradition, celle du fleuve fondateur du Québec, qui nous fait voir du pays.  En même temps, cette pièce nous replace dans un espace francophone où les «maudits Français» ne sont pas forcément au centre. Spectacle féminin ou féministe ? La pièce dépasse Metoo pour un vivre ensemble compliqué mais apaisé entre femmes et hommes. Un très beau texte, un acteur et des actrices fortes d’un bel engagement, des personnages auxquels on est sensible. De belles images et une mise en scène qui a sa radicalité et ses exigences, mais avec des bémols.

Christine Friedel

Théâtre National de la Colline, jusqu’au 21 novembre, 5 rue Malte-Brun Paris (XX ème). T. : 01 44 62 52 52

 

 

 

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