Le Champ des possibles de et par Elise Noiraud
Le Champ des possibles de et par Elise Noiraud
L’auteure a grandi depuis Pour que tu m’aimes encore, deuxième volet de sa trilogie titrée Élise, où, seule en scène, elle livre ses émois amoureux d’adolescente (voir Le Théâtre du blog). Aujourd’hui, troisième chapitre: la jeune fille a dix-huit ans: le moment de quitter sa famille et d’entrer dans le monde adulte. Mais pas facile de lâcher son Poitou natal pour monter à Paris et faire des études de lettres, trouver de petits boulots, survivre à la solitude et résister au chantage d’une mère, femme au foyer déprimée qui tire sur le cordon ombilical…
Selon le principe d’«un théâtre de rien», un subtil jeu de lumières suffit à créer les diverses ambiances. La comédienne passe d’un personnage à l’autre, sans décor ou presque : une chaise et, en fond de scène, côté jardin, un coffre d’accessoires et elle réussit à nous entraîner dans une comédie auto-fictionnelle bien écrite et a su trouver la bonne distance entre son histoire personnelle et la fiction théâtrale : «Tout est vrai et tout est faux, dit-elle. Pour moi, l’autofiction, c’est le travail de création à partir d’une histoire vraie, mais sans s’astreindre à un «pacte de vérité». Quand on travaille à partir de son histoire, il faut rapidement s’en libérer.»
En toute liberté autour de son héroïne, elle crée une galerie de portraits où nous reconnaissons les archétypes du prof, de l’animatrice de club sportif, de la bourgeoise branchée mais un brin réac, de la catho de province, etc. Et, omniprésente, un personnage de mère où chacun pourra reconnaître certains traits de la sienne. Loin de caricaturer, elle a le don d’épingler tics de langage, attitudes, postures et de rendre ces figures sociales drôles et vivantes, sans se priver d’émotion.
Certains moments sont de vrais morceaux de bravoure comme celui où cette conseillère d’orientation qui, au début, résume la situation: «Donc nous, Élise, on se voit aujourd’hui pour réfléchir ensemble à ton projet professionnel. Tu es familière un peu de cette notion? Eh ! Puis, voilà, voilà, tout à fait. Dix-huit ans, c’est la majorité, hein, c’est l’âge adulte, donc on sort de l’enfance, hein, on sort du confort de l’école et tu vas te demander, on va se demander ensemble: que faire maintenant? »
Dans la peau de l’héroïne, Elise Noiraud adopte un jeu plus en retrait et n’entre jamais en dialogue direct avec ses interlocuteurs et lui confie un rôle de témoin, en connivence avec le public. Elle sort un moment de sa réserve quand Elise s’enthousiasme pour la cause féministe, au risque de détonner. Mais elle retrouve vite la bonne distance: à l’exemple de Simone de Beauvoir, citée en exergue, la jeune fille, après un moment de déprime, réussit à s’affranchir des pressions familiales et à dire enfin non au chantage maternel larmoyant. Dans une mise en scène sobre et d’une forte intensité dramatique, entre comédie et performance, Elise Noiraud réussit à emporter le public bien au-delà d’une saga personnelle, avec le rire en prime. Souhaitons à ce dernier chapitre d’Élise autant de succès que les deux précédents, joués plus de trois cent fois.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 19 décembre et intégrales, les 12 et 19 décembre, de la trilogie: La Banane américaine (l’enfance) ; chapitre II à 15 h 50 : Pour que tu m’aimes encore (l’adolescence) ; chapitre III à 17 h 35 : Le Champ des possibles (l’entrée dans l’âge adulte), Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.
Le 8 janvier, Le Carré, Château Gontier-sur-Mayenne (Mayenne) ; 14 janvier ; La Queue-lez-Yvelines (Yvelines); le 15 janvier, La Norville (Essonne); 20 janvier, L’Ilyade, Seyssinet-Pariset (Isère) ; le 21 janvier, Centre culturel Charlie Chaplin, Vaulx-en-Velin (Rhône); le 27 janvier, Espace culturel Sainte-Anne, Saint-Lyphard (Loire-Atlantique); le 28 janvier, Le Son du Fresnel, Beaucouzé (Maine-et-Loire); le 29 janvier, L’Escale Culture, Sucé-sur-Erdre (Loire-Atlantique).
Le 8 février, Le Prisme, Elancourt (Yvelines). Le 11 février, Théâtre de Marcoussis (Essonne) ; les 12 et 13 février, Espace Daniel Sorano, Vincennes (Val-de-Marne). Scène universitaire, Le Mans (Sarthe) ; le 24 février, Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine).
Le 8 mars, Théâtre de l’Espace de Retz, Machecoul (Loire-Atlantique); le 10 mars, Village-en-Scène, Bellevigne-en-Layon (Maine-et-Loire).
Les trois pièces sont publiées chez Actes Sud sous le titre Élise.