L’Île d’Or, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, « en harmonie » avec Hélène Cixous

L’Île d’Or, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, en harmonie avec Hélène Cixous

 Le Japon a toujours fait partie de l’A.D.N. de la directrice et metteuse en scène où elle a découvert quand elle s’y est rendue pour la première fois en 1963 -il y a donc presque soixante ans- un théâtre traditionnel (nô, kyogen, kabuki, etc.) à la fois très simple et d’une rare beauté et qui devait largement influencer ses créations  pendant un demi-siècle. En retour, le Japon lui a décerné le prestigieux Kyoto Prize en juin 2019 pour l’ensemble de son œuvre… Comme dans Les Naufragés du fol espoir (2016), elle revient au thème de l’île et des utopies.

Cornélia, une dame pas très jeune allongée sur un lit en fer d’hôpital rêve et/ou délire qu’elle est au Japon, sur une île d’or,  la Kanemu Jima. Une réplique d’Ariane Mnouchkine? Yamamura Mayumi, le maire de cette île, prépare un festival où joueraient des compagnies venues du monde entier, malgré des conflits internes ou des guerres un peu partout, comme La Diaspora des Abricots, une troupe afghane exilée, Notre-Dame du Théâtre Socialiste Brésilien et une compagnie du coin Les Lanternes Démocratiques, une autre venue de Hong Kong, La Démocratie, Notre Désir ou encore Le Grand Théâtre de la Paix au Proche Orient. Et aussi enfin une  compagnie française Paradise Today dont le nom fait allusion au bien connu Paradise Now du Living Theatre dirigé par Judith Malina et Julian Beck qui avait fait scandale en 68, parce qu’ils mettaient en scène des acteurs presque nus se révoltant contre la morale et l’ordre établi, en particulier sexuel.

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Parmi les opposants à cette politique culturelle et au festival du maire, un trio de méchants veut même obtenir son annulation et installer un casino sur cette île intacte, avec des financements étrangers… Bref, le vieux conflit Culture contre ressources importantes pour les habitants d’une région… Et Ariane Mnouchkine, avec la complicité de son amie Hélène Cixous, fait aussi allusion aux manifestations contre la Chine à Hong-Kong et à de très puissants ex-dirigeants comme Trump ou futurs ex-dirigeants comme Bolsonaro, mais aussi au conflit israélo-palestinien avec un couple haut en couleurs, lui arabe et elle juive…

Nous avons vu à peu près tous les spectacles du Théâtre du Soleil depuis Les Petits Bourgeois de Maxime Gorki, y compris une opérette d’après Jacques Offenbach et une très courte (sept minutes) mais formidable petite forme d’agit-prop devant les usines Renault à Boulogne-Billancourt. Et fait rarissime dans l’histoire du théâtre, le Théâtre du Soleil est toujours là où il s’est implanté dans les anciennes salles d’une rare qualité architecturale avec ses fermes Polonceau, d’une usine de cartouches. Le Soleil, c’est aussi et avant tout une coopérative de travailleurs avec un esprit communautaire: salaire identique, coulisses visibles et accueil du public d’une rare gentillesse, dîner pas très cher dans un merveilleux cadre peint inspiré par le spectacle.

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©x Photo d’une répétition

Et toujours là aussi, la grande Ariane, à quatre-vingt ans sonnés, accueillant elle-même le public, continuant à déchirer les tickets à l’entrée, veillant à la distribution de plaids et au bon déroulement de la représentation jusqu’à la fin. Chapeau! Une sorte de trésor national vivant, comme il y en a justement au Japon et très respecté, même quand les gens ne la connaissent pas. Il y a une vingtaine d’années, il nous souvient d’une jeune apprentie-comédienne à qui je signalais la présence d’Ariane Mnouchkine dans une rue d’Avignon et qui nous avait dit: « Mais non, ce n’est pas Ariane Mnouckhine ! Elle, c’est une jeune femme brune et très mince… »  Le temps avait passé mais l’image de cette jeune femme, brillante et tenace, était connue aussi dans un village du Vaucluse.

Directrice, metteuse en scène, pédagogue reconnue offrant des stages gratuits, elle a refusé d’être aux commandes d’un Centre Dramatique National ou d’occuper un poste officiel. Et elle a su avec une intelligence du théâtre exceptionnelle, préserver la vie de cette compagnie connue dans le monde entier.  Les quelque vingt ministres de la Culture qui se sont succédé, lui ont toujours accordé les indispensables subventions pour faire vivre cet endroit. Seul, Maurice Druon en 1973 avait eu ces mots plus que malheureux : «Les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l’autre devront choisir.  Que l’on ne compte pas sur moi pour subventionner, avec l’argent du contribuable, les expressions dites artistiques qui n’ont d’autre but que de détruire les assises de notre société. »  Il avait vite reçu en boomerang, une belle volée de bois vert… Une légendaire manifestation le 13 mai 73 pour marquer «l’enterrement de la liberté d’expression » avec un corbillard tiré par six beaux chevaux noirs et une vingtaine de jeunes acteurs qui battaient le glas sur des tambours enrubannés de noir. S’étaient ainsi ligués: en tête le Théâtre du Soleil, L’Ensemble théâtral de Gennevilliers, le Théâtre de la Tempête et celui de l’Aquarium, la compagnie Vincent-Jourdheuil, l’action pour le Jeune Théâtre ( au nom des quarante troupes qu’elle représentait), tous solidaires contre la bêtise et la vulgarité du ministre… Depuis, plusieurs centaines de milliers de gens ont vu fidèlement les spectacles qu’a créés en cinquante ans le Théâtre du Soleil.

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Et cette Île d’Or? Le thème est dans le droit fil des thématiques du Théâtre du Soleil, les artistes doivent lutter pour leur survie dans une scénographie réussie: toiles peintes sur le plateau et en fond de scène, signées Elena Antsiferova et Diane Hequet comme autrefois Guy-Claude François, disparu en 2014 et qui travailla pour le Soleil pendant quarante ans, aimait en créer mais aussi de beaux praticables en bois, des accessoires de grande qualité. Et il y a des images fabuleuses créées avec une rigueur exemplaire par Ariane Mnouchkine: impossible de ne pas y retrouver sa patte, notamment dans les scènes où les personnages sont noyés dans de grandes soies flottant au vent. Ou un chameau en bois, oscillant de la tête qui va se séparer en deux… Le théâtre dans le théâtre, un thème qu’elle n’a cessé d’explorer. Et une belle scène de bunraku (les marionnettes japonaises)…Ou encore, presque à la fin, une remarquable scène d’hélicoptère.

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Tout est minutieusement réglé avec des lumières très étudiées et une direction très précise de cette grande directrice d’acteurs, même quand ils son nombreux sur le plateau… la machine ici est parfaitement huilée. Ariane Mnouchkine a toujours un remarquable savoir-faire et rien n’est laissé au hasard. Comme dans ce rassemblement final, de toute beauté avec une trentaine d’interprètes. Et un salut que beaucoup de metteurs en scène peuvent lui envier… Cela ressemble à un grand livre d’images pour enfants, à savourer lentement et sans aucune modération, puisque le spectacle dure trois heures et quart, pause comprise de vingt minutes. Et il y a, comme d’habitude, de beaux costumes, des masques d’une grande finesse d’Erhard Stiefel qui en a créé tellement pour le Soleil, la musique de Jean-Jacques Lemêtre jouée par deux jeunes interprètes dans une grande pièce aux claustras de bois côté cour. Et de remarquables effets sonores pour dire l’orage et la pluie.

Oui, mais voilà malheureusement, tout et loin de là, n’est pas de cette exceptionnelle qualité! D’abord une dramaturgie faiblarde et mal ficelée, où le public ne se retrouve pas bien. Ces très courtes scènes évoquent parfois celles de L’Age d’or jouée sur une grande pelouse en tapis-brosse imaginée par Guy-Claude François que le Théâtre du Soleil avait créé en 1975. « Nous ne ressuscitons pas les formes théâtrales passées, commedia del arte ou théâtre traditionnel chinois, disait à l’époque Ariane Mnouckine, nous voulons réinventer des règles du jeu qui dévoilent la réalité quotidienne en la montrant non pas familière et immuable, mais étonnante et transformable. » Mais cette fois rien d’étonnant dans ce patchwork de textes, notamment de Fedor Dostoievski, Anton Tckekhov…

Et il y a dans cette mise en scène quelque chose de répétitif injustifié qui nuit gravement au spectacle: avec une bonne dizaine de fois, la mise en place pour quelques minutes de praticables sur roues en caoutchouc qui, assemblés, formeront une scène mais qui seront aussi vite démontés et remis en coulisse avec certes, une grande virtuosité par les acteurs… Cela ressemble à une sorte de ballet permanent, sans défaut mais sans véritable raison d’être et qui a dû exiger un énorme travail de répétition pour atteindre un tel résultat, mais évidemment, cela déconcentre le regard… Autre point noir : un texte vraiment faible, sans aucun doute issu d’improvisations, qui va dans tous les sens, avec une inversion permanente et factice-pour faire japonais? -de la phrase, qui tourne au procédé.

Bref, le compte n’y est pas même s’il y a quelques bons moments quand l’image prime sur le texte mais ce beau livre d’images est trop long et on s’ennuie, passée la première heure. Nous aurions aimé voir cette opération qui a mobilisé des dizaines de personnes, mise au service d’un vrai texte, comme ceux de Shakespeare ou d’Eschyle qu’Ariane Mnouchkine avait somptueusement montés… autrefois. Donc à vous de voir, si cela vaut le coup, d’autant plus que les places sont à 35 €. Mais reste déjà le plaisir d’aller au Théâtre du Soleil où la salle est toujours pleine avec même des jeunes gens ! Si, si ! Le lieu chaleureux respire l’intelligence et cela fait du bien. Il y a incomparable, une gentillesse de ceux qui accueillent le public. Effet immédiat : les spectateurs sont attentifs les uns aux autres, se parlent, vous invitent à leur table, s’il y a de la place. Bref, un autre monde que celui des théâtres officiels et même, si la salle a été transformée depuis, flotte encore ici le parfum de ces spectacles-culte du XX ème siècle qu’ont été 1789, il y a déjà cinquante et un ans, et juste après: 1793, une révolution à l’époque avec un autre rapport au public qui était parfois mélangé aux acteurs. Désolé, Ariane Mnouchkine, mais votre Île d’Or nous a paru décevante et ne nous aura fait rêver qu’à de rares moments.

Philippe du Vignal

Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. Métro Château de Vincennes + navette gratuite.

Et au T.N.P. à Villeurbanne ( Rhône), du 9 au 26 juin.

 

 


Archive pour 28 novembre, 2021

L’Île d’Or, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, « en harmonie » avec Hélène Cixous

L’Île d’Or, création collective du Théâtre du Soleil, mise en scène d’Ariane Mnouchkine, en harmonie avec Hélène Cixous

 Le Japon a toujours fait partie de l’A.D.N. de la directrice et metteuse en scène où elle a découvert quand elle s’y est rendue pour la première fois en 1963 -il y a donc presque soixante ans- un théâtre traditionnel (nô, kyogen, kabuki, etc.) à la fois très simple et d’une rare beauté et qui devait largement influencer ses créations  pendant un demi-siècle. En retour, le Japon lui a décerné le prestigieux Kyoto Prize en juin 2019 pour l’ensemble de son œuvre… Comme dans Les Naufragés du fol espoir (2016), elle revient au thème de l’île et des utopies.

Cornélia, une dame pas très jeune allongée sur un lit en fer d’hôpital rêve et/ou délire qu’elle est au Japon, sur une île d’or,  la Kanemu Jima. Une réplique d’Ariane Mnouchkine? Yamamura Mayumi, le maire de cette île, prépare un festival où joueraient des compagnies venues du monde entier, malgré des conflits internes ou des guerres un peu partout, comme La Diaspora des Abricots, une troupe afghane exilée, Notre-Dame du Théâtre Socialiste Brésilien et une compagnie du coin Les Lanternes Démocratiques, une autre venue de Hong Kong, La Démocratie, Notre Désir ou encore Le Grand Théâtre de la Paix au Proche Orient. Et aussi enfin une  compagnie française Paradise Today dont le nom fait allusion au bien connu Paradise Now du Living Theatre dirigé par Judith Malina et Julian Beck qui avait fait scandale en 68, parce qu’ils mettaient en scène des acteurs presque nus se révoltant contre la morale et l’ordre établi, en particulier sexuel.

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Parmi les opposants à cette politique culturelle et au festival du maire, un trio de méchants veut même obtenir son annulation et installer un casino sur cette île intacte, avec des financements étrangers… Bref, le vieux conflit Culture contre ressources importantes pour les habitants d’une région… Et Ariane Mnouchkine, avec la complicité de son amie Hélène Cixous, fait aussi allusion aux manifestations contre la Chine à Hong-Kong et à de très puissants ex-dirigeants comme Trump ou futurs ex-dirigeants comme Bolsonaro, mais aussi au conflit israélo-palestinien avec un couple haut en couleurs, lui arabe et elle juive…

Nous avons vu à peu près tous les spectacles du Théâtre du Soleil depuis Les Petits Bourgeois de Maxime Gorki, y compris une opérette d’après Jacques Offenbach et une très courte (sept minutes) mais formidable petite forme d’agit-prop devant les usines Renault à Boulogne-Billancourt. Et fait rarissime dans l’histoire du théâtre, le Théâtre du Soleil est toujours là où il s’est implanté dans les anciennes salles d’une rare qualité architecturale avec ses fermes Polonceau, d’une usine de cartouches. Le Soleil, c’est aussi et avant tout une coopérative de travailleurs avec un esprit communautaire: salaire identique, coulisses visibles et accueil du public d’une rare gentillesse, dîner pas très cher dans un merveilleux cadre peint inspiré par le spectacle.

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©x Photo d’une répétition

Et toujours là aussi, la grande Ariane, à quatre-vingt ans sonnés, accueillant elle-même le public, continuant à déchirer les tickets à l’entrée, veillant à la distribution de plaids et au bon déroulement de la représentation jusqu’à la fin. Chapeau! Une sorte de trésor national vivant, comme il y en a justement au Japon et très respecté, même quand les gens ne la connaissent pas. Il y a une vingtaine d’années, il nous souvient d’une jeune apprentie-comédienne à qui je signalais la présence d’Ariane Mnouchkine dans une rue d’Avignon et qui nous avait dit: « Mais non, ce n’est pas Ariane Mnouckhine ! Elle, c’est une jeune femme brune et très mince… »  Le temps avait passé mais l’image de cette jeune femme, brillante et tenace, était connue aussi dans un village du Vaucluse.

Directrice, metteuse en scène, pédagogue reconnue offrant des stages gratuits, elle a refusé d’être aux commandes d’un Centre Dramatique National ou d’occuper un poste officiel. Et elle a su avec une intelligence du théâtre exceptionnelle, préserver la vie de cette compagnie connue dans le monde entier.  Les quelque vingt ministres de la Culture qui se sont succédé, lui ont toujours accordé les indispensables subventions pour faire vivre cet endroit. Seul, Maurice Druon en 1973 avait eu ces mots plus que malheureux : «Les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l’autre devront choisir.  Que l’on ne compte pas sur moi pour subventionner, avec l’argent du contribuable, les expressions dites artistiques qui n’ont d’autre but que de détruire les assises de notre société. »  Il avait vite reçu en boomerang, une belle volée de bois vert… Une légendaire manifestation le 13 mai 73 pour marquer «l’enterrement de la liberté d’expression » avec un corbillard tiré par six beaux chevaux noirs et une vingtaine de jeunes acteurs qui battaient le glas sur des tambours enrubannés de noir. S’étaient ainsi ligués: en tête le Théâtre du Soleil, L’Ensemble théâtral de Gennevilliers, le Théâtre de la Tempête et celui de l’Aquarium, la compagnie Vincent-Jourdheuil, l’action pour le Jeune Théâtre ( au nom des quarante troupes qu’elle représentait), tous solidaires contre la bêtise et la vulgarité du ministre… Depuis, plusieurs centaines de milliers de gens ont vu fidèlement les spectacles qu’a créés en cinquante ans le Théâtre du Soleil.

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Et cette Île d’Or? Le thème est dans le droit fil des thématiques du Théâtre du Soleil, les artistes doivent lutter pour leur survie dans une scénographie réussie: toiles peintes sur le plateau et en fond de scène, signées Elena Antsiferova et Diane Hequet comme autrefois Guy-Claude François, disparu en 2014 et qui travailla pour le Soleil pendant quarante ans, aimait en créer mais aussi de beaux praticables en bois, des accessoires de grande qualité. Et il y a des images fabuleuses créées avec une rigueur exemplaire par Ariane Mnouchkine: impossible de ne pas y retrouver sa patte, notamment dans les scènes où les personnages sont noyés dans de grandes soies flottant au vent. Ou un chameau en bois, oscillant de la tête qui va se séparer en deux… Le théâtre dans le théâtre, un thème qu’elle n’a cessé d’explorer. Et une belle scène de bunraku (les marionnettes japonaises)…Ou encore, presque à la fin, une remarquable scène d’hélicoptère.

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Tout est minutieusement réglé avec des lumières très étudiées et une direction très précise de cette grande directrice d’acteurs, même quand ils son nombreux sur le plateau… la machine ici est parfaitement huilée. Ariane Mnouchkine a toujours un remarquable savoir-faire et rien n’est laissé au hasard. Comme dans ce rassemblement final, de toute beauté avec une trentaine d’interprètes. Et un salut que beaucoup de metteurs en scène peuvent lui envier… Cela ressemble à un grand livre d’images pour enfants, à savourer lentement et sans aucune modération, puisque le spectacle dure trois heures et quart, pause comprise de vingt minutes. Et il y a, comme d’habitude, de beaux costumes, des masques d’une grande finesse d’Erhard Stiefel qui en a créé tellement pour le Soleil, la musique de Jean-Jacques Lemêtre jouée par deux jeunes interprètes dans une grande pièce aux claustras de bois côté cour. Et de remarquables effets sonores pour dire l’orage et la pluie.

Oui, mais voilà malheureusement, tout et loin de là, n’est pas de cette exceptionnelle qualité! D’abord une dramaturgie faiblarde et mal ficelée, où le public ne se retrouve pas bien. Ces très courtes scènes évoquent parfois celles de L’Age d’or jouée sur une grande pelouse en tapis-brosse imaginée par Guy-Claude François que le Théâtre du Soleil avait créé en 1975. « Nous ne ressuscitons pas les formes théâtrales passées, commedia del arte ou théâtre traditionnel chinois, disait à l’époque Ariane Mnouckine, nous voulons réinventer des règles du jeu qui dévoilent la réalité quotidienne en la montrant non pas familière et immuable, mais étonnante et transformable. » Mais cette fois rien d’étonnant dans ce patchwork de textes, notamment de Fedor Dostoievski, Anton Tckekhov…

Et il y a dans cette mise en scène quelque chose de répétitif injustifié qui nuit gravement au spectacle: avec une bonne dizaine de fois, la mise en place pour quelques minutes de praticables sur roues en caoutchouc qui, assemblés, formeront une scène mais qui seront aussi vite démontés et remis en coulisse avec certes, une grande virtuosité par les acteurs… Cela ressemble à une sorte de ballet permanent, sans défaut mais sans véritable raison d’être et qui a dû exiger un énorme travail de répétition pour atteindre un tel résultat, mais évidemment, cela déconcentre le regard… Autre point noir : un texte vraiment faible, sans aucun doute issu d’improvisations, qui va dans tous les sens, avec une inversion permanente et factice-pour faire japonais? -de la phrase, qui tourne au procédé.

Bref, le compte n’y est pas même s’il y a quelques bons moments quand l’image prime sur le texte mais ce beau livre d’images est trop long et on s’ennuie, passée la première heure. Nous aurions aimé voir cette opération qui a mobilisé des dizaines de personnes, mise au service d’un vrai texte, comme ceux de Shakespeare ou d’Eschyle qu’Ariane Mnouchkine avait somptueusement montés… autrefois. Donc à vous de voir, si cela vaut le coup, d’autant plus que les places sont à 35 €. Mais reste déjà le plaisir d’aller au Théâtre du Soleil où la salle est toujours pleine avec même des jeunes gens ! Si, si ! Le lieu chaleureux respire l’intelligence et cela fait du bien. Il y a incomparable, une gentillesse de ceux qui accueillent le public. Effet immédiat : les spectateurs sont attentifs les uns aux autres, se parlent, vous invitent à leur table, s’il y a de la place. Bref, un autre monde que celui des théâtres officiels et même, si la salle a été transformée depuis, flotte encore ici le parfum de ces spectacles-culte du XX ème siècle qu’ont été 1789, il y a déjà cinquante et un ans, et juste après: 1793, une révolution à l’époque avec un autre rapport au public qui était parfois mélangé aux acteurs. Désolé, Ariane Mnouchkine, mais votre Île d’Or nous a paru décevante et ne nous aura fait rêver qu’à de rares moments.

Philippe du Vignal

Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. Métro Château de Vincennes + navette gratuite.

Et au T.N.P. à Villeurbanne ( Rhône), du 9 au 26 juin.

 

 

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