Ce Silence entre nous de Mihaela Michailov, traduction d’Alexandra Lazarescou, mise en scène de Mathieu Roy
Ce Silence entre nous de Mihaela Michailov, traduction d’Alexandra Lazarescou, mise en scène de Mathieu Roy
« Ta mère a dit un jour : Sois une bonne fille Sois une bonne épouse Sois une bonne mère/ Pieuse/Patiente/Dévouée/Et tu as été Une bonne fille Une bonne épouse Une bonne mère/ Pieuse/ Patiente/ Dévouée … » De mères en filles, dans ou hors la sphère familiale, quels sont les rôles assignés aux femmes ? Comment se transmettent amour, violence, résignation ou révolte enfouis derrière les murs des maisons … A celles qu’on entend peu, jusqu’à la Vierge Marie, l’autrice roumaine donne la parole : en sept monologues, elle brise la chaîne des silences, dévoile des intimités. Paroles âcres ou tendres, que se partagent trois comédiennes, en français et en roumain, avec traduction simultanée vivement menée. Ysanis Padonou, Iris Parizot et Katia Pascariu arrivent sur le plateau avec, dans leurs valises, un décor. Elles vont en emboîter les montants pour construire des châssis et y tendre les toiles peintes colorées de Bruce Clarke. Avec des gros plans de visages et corps expressifs sur fonds brouillés où l’on peut lire quelques graffitis. Une scénographie nomade et évolutive :les actrices déploient une cabane, un cachot ou un retable, en fonction des situations.
Les récits de vie, comme autant de facettes de la condition maternelle, s’entrechoquent et se répondent, épanouissement mais aussi douleur de l’accouchement, avortement clandestin, échec de l’amour filial, viol, violence… Des histoires de femmes qui résonnent entre elles, pour réaliser un destin collectif marqué par le poids des traditions, du patriarcat, de la religion. Et qui laissent entrevoir une possible émancipation… entre autres avec le «non» de celle qui refuse d’être réduite à une matrice. Ces questions de transmission, aliénation et émancipation, Mihaela Michailov les décline en portraits d’un féminisme un peu volontariste, avec des mots simples mais qui cognent. En version originale et en traduction, les comédiennes s’emparent de ce texte et jouent constamment sur l’alternance des deux langues, sans que la traduction ne pèse. Les sonorités latines et slaves du roumain s’entrelacent avec le phrasé plus calme de la langue française et dans une belle harmonie.
Mathieu Roy a passé commande de ce texte à l’autrice roumaine et a réparti les monologues de Tăcera dintre noi, devenu Ce Silence entre nous, en un crescendo solidement architecturé. La scénographie, à géométrie variable, joue sur les opacités de toiles tendues. Manuel Desfeux a confié aux actrices le soin de manipuler des éclairages de fortune, qu’il a conçus indépendants d’une régie, pour délimiter des zones d’ombre et lumière. Un dispositif scénique qui peut s’adapter à tout lieu… En vue d’une belle tournée, que nous souhaitons à la compagnie du Veilleur.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 12 décembre, Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris ( XX ème). T. : 01 42 55 55 50.
Le 22 janvier, Centre Culturel Franco-Nigérien, Niamey (Niger).