Ce Silence entre nous de Mihaela Michailov, traduction d’Alexandra Lazarescou, mise en scène de Mathieu Roy

Ce Silence entre nous de Mihaela Michailov, traduction d’Alexandra Lazarescou, mise en scène de Mathieu Roy

ce silence

© Christophe Raynaud de Lage

« Ta mère a dit un jour : Sois une bonne fille Sois une bonne épouse Sois une bonne mère/ Pieuse/Patiente/Dévouée/Et tu as été Une bonne fille Une bonne épouse Une bonne mère/ Pieuse/ Patiente/ Dévouée … » De mères en filles, dans ou hors la sphère familiale, quels sont les rôles assignés aux femmes ? Comment se transmettent amour, violence, résignation ou révolte enfouis derrière les murs des maisons … A celles qu’on entend peu, jusqu’à la Vierge Marie, l’autrice roumaine donne la parole : en sept monologues, elle brise la chaîne des silences, dévoile des intimités. Paroles âcres ou tendres, que se partagent trois comédiennes, en français et en roumain, avec traduction simultanée vivement menée. Ysanis Padonou, Iris Parizot et Katia Pascariu arrivent sur le plateau avec, dans leurs valises, un décor. Elles vont en emboîter les montants pour construire des châssis et y tendre les toiles peintes colorées de Bruce Clarke. Avec des gros plans de visages et corps expressifs sur fonds brouillés où l’on peut lire quelques graffitis. Une scénographie nomade et évolutive :les actrices déploient une cabane, un cachot ou un retable, en fonction des situations.

Les récits de vie, comme autant de facettes de la condition maternelle, s’entrechoquent et se répondent, épanouissement mais aussi douleur de l’accouchement, avortement clandestin, échec de l’amour filial, viol, violence… Des histoires de femmes qui résonnent entre elles, pour réaliser un destin collectif marqué par le poids des traditions, du patriarcat, de la religion. Et qui laissent entrevoir une possible émancipation… entre autres avec le «non» de celle qui refuse d’être réduite à une matrice. Ces questions de transmission, aliénation et émancipation, Mihaela Michailov les décline en portraits d’un  féminisme un peu volontariste, avec des mots simples mais qui cognent. En version originale et en traduction, les comédiennes s’emparent de ce texte et jouent constamment sur l’alternance des deux langues, sans que la traduction ne pèse. Les sonorités latines et slaves du roumain s’entrelacent avec le phrasé plus calme de la langue française et dans une belle harmonie.

 Mathieu Roy a passé commande de ce texte à l’autrice roumaine et a réparti les monologues de Tăcera dintre noi, devenu Ce Silence entre nous, en un crescendo solidement architecturé. La scénographie, à géométrie variable, joue sur les opacités de toiles tendues. Manuel Desfeux a confié aux actrices le soin de manipuler des éclairages de fortune, qu’il a conçus indépendants d’une régie, pour délimiter des zones d’ombre et lumière. Un dispositif scénique qui peut s’adapter à tout lieu… En vue d’une belle tournée, que nous souhaitons à la compagnie du Veilleur.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 12 décembre, Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris ( XX ème). T. : 01 42 55 55 50.

Le 22 janvier, Centre Culturel Franco-Nigérien, Niamey (Niger).

 


Archive pour 3 décembre, 2021

Festival européen de Paris/Corps en mouvement, Beau geste, un film de Rachel Bénitah

Festival européen de Paris/Corps en mouvement

Beau geste, un film de Rachel Bénitah

La réalisatrice de La dernière Marche, un hommage à Walter Benjamin (2006), a aussi tourné Vivante le jour, un portrait de l’écrivaine Marie Depussé avec des malades mentaux dans sa cabane de réunion à la clinique de Cour-Cheverny (Loir-et-Cher) dite clinique de la Borde, un établissement psychiatrique fondée en 1953 par le docteur Jean Oury. La vie surprend et rompt le cours de choses. Du fond du corps, dans l’infiniment petit, surgit alors un « accident », une maladie. Comment y faire face? Rachel Bénitah a créé une collectivité après le cancer du sein qu’il l’a frappée. Et elle a gardé les traces de tous les soutiens amicaux qu’elle a reçus. La réalisatrice a alors proposé à chacun de les incarner, en rendant ces signes visibles, par des gestes ou mouvements de leur choix.  Des personnes se jettent à l’eau et pour une seule fois. Ici, des gestes simples mais sans début ni fin, apparaissent puis disparaissent aussi vite. Ils sont à eux-mêmes leur propre surgissement et leur propre flamme : sauts, tournoiements d’une petite fille l’été, marches, sauts de cabris sur la mousse, appui d’un coude sur un rocher, salut de la main, roulades au sol, pliage d’une serviette… Des gestes d’adultes, d’enfants ou animaux d’une variété belle en soi mais insaisissable.

 

©Rachel Bénitah

©Rachel Bénitah (capture d’écran)

La « solitude » de ces gens s’élargit et ils contractent un lieu, des sols, matériaux et lumières : pierre, bois, mousse, herbes, fleurs, terre, mer, ombres, coucher de soleil. Chaque gestuelle : être debout, assis ou avoir le corps ouvert ou replié, rythme sans violence le film et correspond à un fragment de territoire. Une œuvre, excellemment montée par Michael Henrokay-Delaunay. Dans un espace singulier, la lumière des corps, en frôlant l’espace, crée un « air » de cinéma, en passant de la maladie à la santé. Ce film se développe donc par contraction et éclosion simultanées. « Comme le remarquait Franz Kafka dans Les Aphorismes de Zûrau (1917-1918) : «Comprendre cette chose : le sol qui te porte, ne peut être plus grand que les deux pieds qui s’y posent. »

Ici, ces gestes n’imitent rien, ne représentent rien et une seule chose les articule: l’insistance à vivre, comme si Rachel Bénitah avait réussi à passer le relais. Sa maladie a donc fini par céder… « L’esprit n’est pas libre tant qu’il n’a pas lâché prise. », notait aussi Franz Kafka dans ce même livre. Le poète Joë Bousquet, grièvement blessé à vingt et un ans à la guerre de 14-18, qui restera paralysé et alité le reste de sa vie à Carcassonne où il meurt en 1950, écrit dans Les Capitales «qu’il faut être digne de ce qui nous arrive et trouver dans sa blessure, une force vitale qui consume toute forme de ressentiment. » 

On ne peut en vouloir à la vie, quand survient la maladie. Ou on s’enfonce, ou on sursaute.  La noyade charnelle ne se limite pas à un état et provoque une manière de penser. Et le ressentiment qui se loge alors dans la chair, opère un horrible travail de décomposition de la vie toute entière. Mais chaque instant du film prend de vitesse les germes négatifs et, à la multiplicité de la maladie, répond l’action collective et individuelle. Dans Beau Geste, les individus choisissent souvent des mouvements anormaux et ce faisant, s’approchent du  « gestus» brechtien. Mais avec une différence: ils ne se détachent pas de la parole (la fameuse « distanciation ») mais s’éloignent de leurs gestes habituels. Comme s’ils se se dédoublaient et cela devient chez eux une expérience vitale… Un lumineux visage de femme tissée d’ombre et de lumière précède en gros plan la série de ces gestes. En ouverture à une succession d’apparitions et sursauts dans un espace singulier. Ce visage peu à peu devient incorporel, de par sa discrète neutralité. Il dédouble la maladie située au fond de la chair et les yeux s’abaissent et se relèvent. « Deviens l’homme de ton malheur, apprends à en incarner la perfection et l’éclat. » , disait encore Joë Bousquet, un matin de 1940.

 Bernard Rémy

Ce film de vingt minutes, en noir et blanc et couleurs, (2020) a été présenté au cours d’une Carte blanche à la productrice Gaëlle Jones, le 28 novembre au cinéma Le Balzac, Paris (VIII ème). 

 

My Dead Bird de Victoire Bélézy et Marion Guerrero, mise en scène de Marion Guerrero

My dead Bird de Victoire Bélézy et Marion Guerrero, mise en scène de Marion Guerrero

Visuel 2 c Jean-Jacuqes Brumachon

© Jean-Jacques Brumachon

Little Frida, la petite fille à l’oiseau mort, est née d’un atelier d’improvisations sur le clown donné par Marion Guerrero à l’E.N.S.A.D de Montpellier. En anglais, avec un fort accent français, le personnage d’alors a fait son chemin. Devenu une gamine sans âge qui déplore «la mort de son oiseau mort» mais continue à le faire voler et à promener sa carcasse, sous forme d’une caille achetée chez le boucher. D’autres animaux morts, des oiseaux, un poisson pané, seront convoqués pour une vie posthume, leurs restes manipulés, dorlotés, nourris par cette charmante femme-enfant.

 En tenue de Petit Chaperon rouge, elle se fait ogresse et ingère les dépouilles de ses amis morts… sur un plateau couvert de déchets organiques, avec froissements d’ailes et cris de mouettes. Une tempête se lève et le chaos s’installe. Petite apocalypse sur la romance Cucurrucucu Paloma du compositeur mexicain Tomas Mendes. Entre une petite fille-modèle mais cruelle façon Comtesse de Ségur ou figure décalée de bande dessinée, Victoire Bélézy crée un personnage à la fois sympathique et inquiétant, un rien «trash ». Au passage, elle parodie le crime d’un film policier américain ou des Oiseaux d’Alfred Hitchcock …

 Ce solo original et bien construit nous entraîne progressivement dans un univers absurde et poétique où la comédienne soigne détails et accessoires, pour composer un personnage insolite et naïvement cruel. Victoire Bélézy manie habilement un anglais élémentaire et maladroit de collégienne, pour accentuer son caractère à côté de la plaque. Passée du théâtre, au cinéma, elle a fondé sa compagnie : Divine Triumph. Après ce premier spectacle, elle veut  monter des projets alliant théâtre et septième art. Dans My dead Bird, elle noue avec le public une complicité bon enfant et sans démagogie ni vulgarité et fait montre d’un talent comique singulier…

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 23 décembre, Les Déchargeurs, 3, rue des Déchargeurs, Paris ( Ier). T. : 01 42 36 00 50.

 

 

 

 

 

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Festival de danse de Cannes-Côte d’Azur Stations de Louise Lecavalier

Festival de danse de Cannes-Côte d’Azur

 

Stations de Louise Lecavalier

 Elle nous avait déjà impressionné dans les années quatre-vingt… avec une flamme d’une force vitale sans limite. Nous découvrions alors sa compagnie La La La Human Steps. Des admirateurs passionnés par l’ancienne muse d’Édouard Lockavaient même fait le déplacement jusqu’à Cannes, pour voir ce solo sur une scène vide, juste encadrée de quatre colonnes lumineuses, une première en France. Et pour parler ensuite un moment avec elle…

© André Cornelier

© André Cornelier

A plus de soixante-ans, elle a toujours l’air d’une jeune femme avec sa mythique chevelure blonde. « Je suis plus libre quand je travaille seule, dit-elle.»La liberté emblématique de ce travail est impressionnante ! Qu’elle entre en confrontation imaginaire avec autrui ou qu’elle se couche à plat ventre, Louise Lecavalier reste toujours en connexion avec la scène. Elle semble se déplacer d’un espace invisible, à un autre et y vit des vies différentes. Inspirée par les musiques, Louise Lecavalier mobilise son corps avec une grâce infinie. « Ce solo, dit-elle, me permet de vivre différents états, je m’observe aussi comme danseuse. » Elle réussit à créer son vocabulaire, en passant d’une posture humaine à une posture animale… Un spectacle intense que l’on pourra bientôt voir au Théâtre de la Ville à Paris..

 Jean Couturier.

 Spectacle vu le 28 novembre, Théâtre de la Croisette, Cannes (Alpes-Maritimes).

Du 6 au 9 décembre, Théâtre de la Ville-Espace Cardin, Paris (VIII ème).

 

Le festival de danse de Cannes se poursuit jusqu’au 12 décembre. T. : 04 92 98 62 77.

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