Anchal, la «fille magique»

Anchal, la « fille magique »

 Son père, un passionné de magie, avait ouvert une petite boutique pour y vendre des accessoires et à deux ans, assise sur le comptoir, elle jouait avec…En grandissant, elle a commencé à faire des effets pour les clients et est lentement tombée amoureuse de cet art. Et en 1997, à cinq ans, elle a fait son premier spectacle en scène à la fête annuelle de son école.

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Et son père lui appris les tours qu’il vendait et, comme les informations sur la magie n’étaient pas facilement disponibles avant Internet, il allait à des conventions et apprenait des tours de ses collègues et les lui enseignait. Avec le temps, les goûts d’Anchal se sont focalisés sur les grandes illusions. Père et fille ont alors monté un spectacle d’illusion. Et ensuite plus de retour en arrière et elle a été fortement influencée par un collègue qui était interprète. Puis elle a joué dans un grand spectacle théâtral à huit ans mais toujours sur la route, elle n’allait pas à l’école régulièrement. « J’apparaissais aux examens une fois par an, dit elle. La magie m’a apporté des expériences de vie quand j’étais encore très jeune et j’ai eu la chance de pouvoir répandre la magie et adoré faire oublier aux gens leur train-train quotidien. Après le spectacle, certains me disent que je les inspire aussi à ma façon. »

Sa famille a été son plus grand soutien. Un père qui gère, une mère s’occupant des comptes et un frère Guru, l’aidant à concevoir spectacle et décors.  »Il en est, dit-elle, l’esprit. J’ai aussi la chance d’être entourée d’une équipe formidable car je viens d’une région un peu isolée : le Bajor au Rajasthan, où les filles sur scène ne sont pas bien vues. Mais ma famille m’a aidé à réaliser ma carrière. Et mon meilleur ami, l’illusionniste Amazing David est devenu consultant et codirecteur de tous mes projets.  Je suis l’une des dernières illusionnistes nomades en Inde. J’installe ma grande tente le plus souvent dans un terrain dégagé et faisons des représentations deux ou trois fois par jour: soit plus de six heures en scène à travers l’Inde et trente à soixante fois par an… J’ai aussi participé à un certain nombre d’émissions de télévision, et récemment pour des chaînes internationales comme Fool Us de Penn & Teller et j’espère aussi travailler pour des événements d’entreprise et sur des navires de croisière. »

Sa plus grande influence en magie est comme pour beaucoup d’autres, David Copperfield mais elle aime aussi le travail de Brett Daniels, Steve Wyrick et Melinda Saxe. La magie est présente dans la vie de son pays, notamment avec des magiciens-fakirs  qui font certains tours classiques. « En Inde, il y avait beaucoup de « madaris » qui, dans les rues, attiraient le public avec un spectacle. Enfant, mon père avait l’habitude de les suivre pour découvrir leurs tours mais sans y réussir. Il en est pourtant devenu un grand amateur. J’ai toujours joué des spectacles d’illusion sur scène mais jamais dans la rue. J’aime et respecte vraiment ces madaris parce qu’ils se produisent de manière étonnante, toujours entourés de public. Mais il y a une triste vérité chez nous: beaucoup  abusent des tours pour faire croire aux gens qu’ils ont un pouvoir super-naturel. Ils leur soutirent beaucoup d’argent en disant qu’ils résoudront leurs problèmes mais je m’oppose formellement à cette pratique malhonnête. » 

Le fameux tour de la corde hindoue est un véritable fantasme occidental et l’Indian Rope Trickest encore pratiqué un des meilleurs tours de magie de l’Inde. Mais Anchal qui n’a jamais eu l’occasion de le voir en direct, reste plus attirée par les illusions et évasions à grande échelle. Très influencée par les styles de danse occidentaux, elle adore des artistes comme Hrithik Roshan et Tiger Shroff mais surtout Michael Jackson.  Croit-elle aux conseils que l’on peut donner à de jeunes magiciens ? « Oui, dit-elle, essayer d’être la plus originale possible. Il est acceptable d’imiter au début, mais il faut ajouter sa touche, dans la méthode et la présentation. Et maîtriser quelques effets pour les réaliser mieux que quiconque au monde. Cela ne sert à rien de connaître des centaines de tours, si on ne peut les réaliser correctement. Avec les nombreux tours révélés sur les réseaux sociaux, il est maintenant facile de découvrir une pratique restée secrète de nombreux siècles. Quand j’étais jeune, les ressources en magie étaient rares et pour apprendre cette forme d’art, il fallait mendier ses trucs auprès d’un magicien expérimenté..
Maintenant, c’est assez facile et suscite plus d’intérêt pour cette discipline artistique mais en a réduit la profondeur car le public peut regarder beaucoup plus de tours sur internet. Enfin cela pousse les artistes à trouver de nouvelles méthodes et à proposer un matériel original. Je crois beaucoup à l’importance de la culture dans l’approche de la magie. Il faut nous inspirer de notre histoire et coutumes pour rendre unique un numéro. Comme je viens d’Inde, un pays creuset de cultures, je m’inspire de nos nombreux costumes, musiques, arts et danses. Et j’adore écouter la musique de Bollywood et les histoires de développement personnel. Et j’ai une passion : la danse ! Mais comme je suis souvent sur la route, je n’ai pas vraiment le temps d’avoir d’autres passe-temps… »

Sébastien Bazou

Entretien réalisé le 29 novembre.

https://magicgirlanchal.weebly.com/

 


Archive pour 14 décembre, 2021

Erreurs salvatrices, textes d’Heiner Müller, conception et musique de Wilfried Wendling, chorégraphie aérienne de Cécile Mont-Reynaud

Erreurs salvatrices, textes d’Heiner Müller, conception et musique de Wilfried Wendling, chorégraphie aérienne de Cécile Mont-Reynaud

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© Christophe Raynaud De Lage

Ici, musique, théâtre et cirque se rencontrent sous la houlette de la Muse en circuit. Au milieu de l’espace scénique, un dispositif circulaire en rideaux de fils. Comme une sorte de cage aux parois mouvantes, fortement éclairée… Sur de grands écrans aux murs, défilent images de guerre, paysages urbains ou ruraux. Alentour, quelques niches et miroirs, une fontaine… autant de petits autels qui s’animeront ensuite…

Le public pénètre dans cet environnement, libre de s’installer sur des tabourets en carton distribués à l’entrée, ou de circuler mais toujours enveloppé par un décor sonore vrombissant. Des mots surgissent de l’obscurité. Grimpé dans les filins, un acrobate (remplaçant au pied levé Cécile Mont-Reynaud) décrit des arabesques, comme s’il tissait de son corps, ce matériau malléable. Le récitant (Denis Lavant) sculpte les phrases d’Heiner Müller et Wilfried Wendling pilote à la console, debout parmi les spectateurs, musiques électroniques, images vidéo et lumières. Denis Lavant, surgit et disparaît aux quatre coins du plateau, funambule du verbe, en complicité avec le circassien sur sa « fileuse », un agrès inventé par Cécile Mont-Reynaud et Gilles Fer, combinant techniques de la corde et du tissu aérien.

Le compositeur féru des nouvelles technologies a été formé par Georges Aperghis, et a fait de l’ordinateur, dans la lignée d’un Pierre Henry,  son instrument de musique et création visuelle. En interaction avec les déplacements aléatoires du danseur sur fil et du comédien et, à partir de séquences sonores multi-sensorielles pré-enregistrées qu’il a choisies, il improvise.En phase avec les musiciens Grégory Joubert et Thomas Mirgaine, il pilote aussi les lumières, éléments de décor et images vidéo, en fonction des textes livrés par bribes et variant à chaque séance : Héraklès II ou l’Hydre (1972), Paysage avec Argonautes (1982), Textes de rêve, Avis de décès (1975-76) et le mythique Paysage sous surveillance (1984). Wilfried Wendling y a puisé des poèmes, manifestes sur le théâtre, rêves d’enfant, réminiscences, révoltes … Denis Lavant les profère sauvagement ou laisse planer en boucle cette matière langagière véhiculant les éclats de mémoire et obsessions de l’auteur.

Erreurs salvatrices est joué  en trois séries de cinquante minutes, dans le même dispositif mais aux couleurs différentes. Un voyage qui part de considérations philosophiques pour aboutir au plus intime de l’inconscient : le récit de rêve. Le premier module ( A) s’attache à des thèmes existentiels, avec des questions par salves : «  Pourquoi les arbres ont-ils l’air innocent, lorsqu’il n’y a pas de vent ? Pourquoi vivez-vous ? Pourquoi je pose des questions, Pourquoi je ne veux pas connaître la réponse ? Voulez-vous que je parle de moi ? Moi qui… De qui est-il question ? Quand il est question de moi. Qui est-ce moi ? Sous l’averse de fiente… » . Des aphorismes : « Lorsque le fumier croît, le coq est plus proche du ciel ». Des paysages : « Le nouveau clapier de fornication à chauffage urbain .» Des images récurrentes : « L’herbe, encore nous devrons l’arracher pour qu’elle reste verte à Auschwitz » … Des acteurs passent en cortège, peuplade dangereuse… Cette profération rageuse domine cette partition, pour finir en borborygmes. Dans le deuxième programme (B), nous plongeons dans un univers plus enfantin et onirique mais toujours cruel : un jeu de cache-cache qui va mal tourner…. Un «père requin» ou «un père mort-né» semblent souhaitables, comme «une mère baleine bleue». Des personnages mythiques apparaissent comme Hamlet, le mal-compris «trébuchant de trou en trou», «Lautréamont mort à Paris en 1871, inconnu. » La mort rôde : «Je fume trop, je bois trop, je meurs trop lentement. »

Miroirs et vidéos démultiplient la présence scénique de l’acteur et du circassien, reflets fugaces saisis dans un univers vibratoire de sons et lumières. Denis Lavant est au sommet de son art, avec ces textes à l’écriture divagante, porteuse d’images ou pensées macabres où l’auteur se dédouble en pages rageuses et il guide la création d’une équipe artistique aguerrie. Nous sommes immergés ici dans la pensée créatrice, heurtée et heurtante, d’un écrivain travaillé par son temps mais aussi par les fantômes de l’Histoire, et de son histoire. Il faut aller voir et écouter ce poème dramatique théâtral mais aussi sonore et visuel. Impressionnant….

Mireille Davidovici

Du 7 au 18 décembre, Théâtre de la Cité internationale, 21 boulevard Jourdan Paris (XIV ème). T. : 01 85 53 53 85.

 

 

Festival Transcendanses Dialogues, chorégraphies de Mats Ek, Crystal Pite, Sacha Waltz, Jiří Kylián, Emma Portner, Ohad Naharin

Festival Transcen Danses

Dialogues, chorégraphies de Mats Ek, Crystal Pite, Sacha Waltz, Jiří Kylián, Emma Portner, Ohad Naharin

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Les excellents danseurs de plusieurs compagnies ont présenté un ensemble de duos, orchestrés par six chorégraphes, parmi les plus importants du XX ème siècle.  Et ces six pas de deux ont soulevé l’enthousiasme du public… Nous retiendrons surtout Animation, une création de Crystal Pite avec des interprètes de sa compagnie Kidd Pivot. Qui manipule qui? dans  un duo avec Renée Sigouin et Gregory Lau. «La question de savoir ce qui nous fait bouger, traverse tout mon travail, dit la chorégraphe, je veux comprendre et montrer la différence entre danser et être dansé. Je m’intéresse à l’apparence et aux qualités de la conscience. »

Un autre grand moment avec un extrait de Roméo et Juliette, musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, chorégraphié par Mats Ek qui était présent dans la salle. Mariko Kida et Johnny McMillan nous emportent dans leurs jeux d’enfants. Chaque mouvement est lisible et signifiant et leur communication gestuelle impressionnante, à une époque où parfois, on ne sait plus s’aborder et se séduire que par Internet. Whitney Jensen et Samantha Lynch du Ballet national de Norvège, nous ont séduit avec Islands d’Emma Portner. Dans une fusion totale des corps, elles se déplacent avec peine comme des sœurs siamoises et leurs membres s’entremêlent. Elles finissent par se séparer gracieusement, tout en se suivant sur le vaste plateau. Des chorégraphies sensuelles de Jiří Kylián, puis de Sacha Waltz complètent ce feu d’artifice. Enfin, deux anciennes interprètes d’Ohad Naharin nous surprennent avec un Boléro de Maurice Ravel, partition électronique d’Isao Tomita…

 Jean Couturier

 Le spectacle a été présenté du 2 au 5 décembre, au Théâtre des Champs-Elysées, 15 avenue Montaigne, Paris (VIII ème).

 

Nos paysages mineurs, texte, mise en scène et scénographie de Marc Lainé

Nos Paysages mineurs, texte, mise en scène et scénographie de Marc Lainé

Un récit-dialogue-histoire d’amour en quelque soixante-dix minutes : 70, comme ces années d’après 1968 quand les trains de nuit existaient encore et que les TGV n’étaient pas encore arrivés. Il y avait des compartiments en seconde classe à huit places en tissu plastifié d’un vert triste et à six places, en première. Fermés par une porte coulissante sur le couloir où, en principe, on ne fumait que là. Bref, le Moyen-âge : la SNCF faisait son boulot, les trains roulaient sans doute moins vite. Puis est venu le temps où grâce aux erreurs de M. Guillaume Pépy son patron et aux bons soins des gouvernements de gauche comme de droite, les TGV ont eu toute priorité. Et tant pis pour les ploucs de pauvres qui avaient envie d’aller jusqu’à Aurillac ou Figeac : plus de train direct ou de nuit…

Et la SNCF continue à annuler sans aucun scrupule et sans dédommagement ses trains à la dernière minute, à cause de grèves dites perlées souvent utilisée comme prélude ou alternative à une grève, comme travailler au ralenti ou dans des conditions: du genre le conducteur n’arrive pas à l’heure donc impossible de faire partir le train) hypocritement rebaptisées par le contrôleur: «difficultés d’acheminement du personnel» et entasse au mépris de toute sécurité les voyageurs (qui se font rabrouer au passage par le personnel d’accueil) dans les escaliers des wagons du trains suivants (voir ligne Paris-Caen le 7 décembre). Puis, à cause du très mauvais état d’entretien de la ligne, des sangliers percutent le train précédent, occasionnant des retards considérables. Tout cela dans la même soirée… C’est à vous, madame la SNCF, que ce discours s’adresse vous qui vous gérez ces lignes secondaires… Et aucune illusion, il n’y jamais aucun interlocuteur… Pauvre SNCF!!!!!

 

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Donc, après ce coup de gueule, revenons à ces merveilleux Paysage mineurs qui se passe de 69 à 75 dans ce moyen-Age de la SNCF où des couples se formaient aussi au gré des voyages. Comme celui d’une heure entre Paris et Saint-Quentin dans la Somme. Paul Langlois, célibataire de vingt-neuf ans, enseigne la philo aux terminales du lycée où Liliane Desmet a aussi été élève et où elle a passé son bac il y a cinq ans.
Venue à Paris, elle travaille provisoirement, dit-elle, au B.H.V. Elle a comme on disait alors, un «petit ami» et ses parents ouvriers habitent Saint-Quentin. Bref, des familles d’un milieu social que tout oppose. Grand barbu sympathique, il sait parler et parle donc beaucoup ! Il lui raconte qu’il écrit mais elle a plus de mal à se confier. Une heure où ils apprennent à se connaître mais bien entendu, ils finiront par vivre ensemble.

Le train s’engouffre dans un tunnel et nous sommes une année plus tard. Ils vont dîner et dormir chez les parents de Liliane… ce qui ne rassure pas trop Paul. Il y a déjà comme quelques lézardes dans le couple : « Je ne voyais pas la nécessité de faire la connaissance de tes parents. On aurait très bien pu continuer de se fréquenter sans que je doive nécessairement les rencontrer «officiellement». C’est d’un convenu, Liliane… Et puis, quoi ensuite ? On se fiance et on se passe la bague au doigt ? Non, vraiment… ». Mais Liliane réplique sec: « Je ne t’ai jamais demandé de m’épouser, Paul, tu es drôle. Je dis simplement que, quand on a grandi à Neuilly et qu’on a pour habitude de fréquenter les salons littéraires parisiens… » (…) « Quand on a pour habitude d’organiser des petites soirées avec des copains qui s’appellent Lacan ou Foucault… Eh ! bien ce serait normal d’être un peu effrayé à l’idée d’avoir à passer deux heures entières avec un ouvrier de chez Motobécane et sa femme. Je ne vois pas très bien de quoi vous allez pouvoir parler. Je ne suis pas certaine qu’ils s’intéressent tellement à l’influence secrète que Hegel a exercé sur Lacan. »

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En 72, toujours dans le même train, Liliane n’en finit pas de regarder à travers la vitre inondée de pluie, « ces champs qui s’étendaient à perte de vue sans me demander ce qu’il y avait au-delà et qui échappait à mon regard. La contemplation de ce paysage n’éveillait rien de particulier en moi. Et c’est précisément cela, cette absence d’émotion face à cette étendue de terres labourées, que je trouvais si apaisante et qui me donnait, enfin, le sentiment calme et puissant d’adhérer au monde… »

Le train s’engouffre à nouveau dans le tunnel. Le temps a encore passé et ils ne sont plus tout à fait les mêmes . On est en 74 et Liliane est en fac de philo à Vincennes, Paul écrit un roman à partir de leur histoire amoureuse. Et elle lit à haute voix des extraits du manuscrit : La jeune femme dans le train. » pour lequel il remportera le prix Renaudot. Mais le ton va monter : « Réfléchis, enfin… Tu vas abandonner une carrière dans l’enseignement et pour quoi ? Pour participer à la rédaction « collective » d’articles publiés dans une revue qui va disparaître après trois numéros. Quel gâchis ! (…) Liliane : « Je n’avais pas besoin de Sonia pour réaliser que, malgré tous tes grands discours, tu es en beau spécimen de phallocrate. Paul : »Tu n’es qu’une petite conne. » Et il la giflera. Le train s’engouffre dans un tunnel. Et nous sommes en 75.

Dégradation de leurs relations, Paul a une autre vie et une amie à Paris. « Ce succès, c’est ce qu’il pouvait m’arriver de pire, Liliane. Elle lui répond lucidement : «Je vais avoir du mal à te plaindre, Paul, je suis désolée… » Mais c’est bien la fin d’un amour, malgré des accès de tendresse réciproques. « Et moi non plus Paul, je n’aime pas te voir dans cet état… (Elle essuie les larmes sur ses joues, tendrement. Il la regarde. Un temps bref. Il attrape son manteau et sort. Un temps. Elle se tourne vers la fenêtre et regarde défiler le paysage.) À l’approche de la petite ville, le train ralentit progressivement et sa pulsation mécanique avec lui, comme un cœur qui retrouve son rythme tranquille après une course effrénée. (…) « Le départ de cet homme que j’avais aimé passionnément six années durant constituait certainement un des évènements les plus importants de mon existence, mais, à cet instant, cette rupture et les conséquences qu’elle ne manquerait pas d’avoir n’étaient qu’une inquiétude vague et sourde qui affleurait à peine à ma conscience. Seule dans ce compartiment, j’eus soudain la sensation, d’abord ténue puis de plus en plus bienfaisante, de sentir le temps passer. « 

Sur le plateau, à cour, un petit compartiment avec devant un chef de gare qui va manipuler trois petites caméras sur travelling; au milieu, le violoncelliste Vincent Segal qui joue la musique qu’il a composée.  Et côté jardin, un écran avec projeté, le visage des protagonistes. En dessous, une très belle maquette de paysage avec quelques arbres, une ancienne usine et -souvenir lointain du fameux petit train de La Cerisaie mise en scène par Giorgio Strehler?- une locomotive avec cinq wagons éclairés qui va tourner en silence autour, le temps de la représentation, une mise en abyme de toute beauté. Marc Lainé a été élève en scénographie aux Arts Déco et cela se voit : Guy-Claude François le directeur aurait aimé ce travail exemplaire…

Impeccables scénographie et direction d’acteurs : Vladislav Galard comme Adeline Guillot sont tout de suite là, très crédibles avec une présence remarquable et une diction des plus ciselées. Marc Lainé qui s’est fait une spécialité des rapports : texte poétique/jeu en direct avec image filmée retransmise ou non (voir Le Théâtre du Blog) a parfaitement réussi son coup. Le paysages avec ses grandes plaines tristes qui défilent derrière la vitre où l’actrice est appuyée rêveuse et un peu triste, sont de toute beauté: « Mon regard parcourait lentement le quai à présent désert et j’éprouvais avec une plénitude inconnue la durée de ce simple mouvement des yeux. Et ce mouvement s’accordait au rythme de ma respiration et peut-être même à celui des battements de mon cœur.(…). Chaque seconde m’appartenait et chaque chose m’apparaissait telle qu’elle devait être. J’étais heureuse. Ce bref moment de sérénité qui m’était offert ne viendrait pas conclure une période tourmentée de ma vie, j’en étais certaine, mais constituerait au contraire le chapitre inaugural d’un nouveau récit. chaque détail de ce paysage banal composait un tableau parfait, quelque chose comme la beauté. Chaque seconde m’appartenait et chaque chose m’apparaissait telle qu’elle devait être. J’étais heureuse. Ce bref moment de sérénité qui m’était offert ne viendrait pas conclure une période tourmentée de ma vie, j’en étais certaine, mais constituerait au contraire le chapitre inaugural d’un nouveau récit à écrire. La vraie vie a lieu quand, seuls, à peine conscients de nous-mêmes, nous laissons notre regard se perdre dans la contemplation de paysages quelconques. De «paysage mineurs », avait-il dit. Je souris en repensant à cette formule. »

Une seule petite réserve : difficile de voir à la fois le huis-clos de ce compartiment où a lieu la scène originale et l’écran… Mais ce spectacle tout à fait séduisant, au texte bien écrit qui évoque sans doute pas mal de choses au public, est d’une rigueur absolue et osons un gros mot : populaire. » Que le public de cette petite salle bourrée un dimanche après-midi (cela fait toujours du bien comme l’ont souligné les directeurs du Théâtre 14 qui l’ont avec juste raison accueilli), a été longuement applaudi. Si vous habitez Valence ou aux alentours, ne ratez pas ce spectacle que nous espérons voir revenir un jour à Paris…

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été créé en Drôme et Ardèche, du 21 septembre au 13 octobre et joué au Théâtre 14, 40 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème) du 30 novembre au 12 décembre.

Comédie de Valence (Drôme), du 17 au 20 janvier.

Et du 7 au 10 avril, La Filature-Scène Nationale de Mulhouse. (Haut-Rhin).

 

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