Georges sauve le monde,spectacle métacinéma de Jeanne Frenkel et Cosme Castro, musique composée et jouée par Lou Rotzinger

Georges sauve le monde, spectacle métacinéma de Jeanne Frenkel et Cosme Castro, musique composée et jouée par Lou Rotzinger

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Au  cas où vos chers enfants ne vous auraient pas fait passer l’information, attention: le métacinéma est « un art ( sic) consistant à projeter des films en même temps qu’ils sont tournés. » Soit!  Sur le grand plateau du Monfort, côté cour, tout le matériel nécessaire à un tournage (câbles, perches, projos, etc.) et côté cour, travelling, décors maquettes, trucages et bruitages, régie vidéo, rétro-projection…Le tout à vue,  puisqu’il s’agit d’un spectacle… L’argument : «la fabrication d’un film de super-héros sur scène en mêlant théâtre, cinéma et musique live. Georges sauve le monde est une histoire d’amour, un spectacle de genre, un conte moderne qui reprend avec humour les grandes ficelles des mythologies Comics. »

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Georges, le projectionniste et Suzanne l’ouvreuse, que l’on voit sur scène, sont propulsés dans leur film préféré et vont devoir vivre avec leurs stars bien-aimées. En fait, la superposition d’une bande existante avec le jeu sur le plateau. Grégoire Tachnakian & Edith Proust qui est d’abord l’ouvreuse distribuant dans la salle pop corn et chocolats  font leur boulot. Georges est projectionniste dans un petit cinéma de quartier et chaque soir, projette son film préféré Flashman sauve le monde mais dans la cabine, il renverse son café et provoque un court-circuit : l’appareil disjoncte… Mais Georges vient d’être téléporté dans la peau de Flasman son super héros préféré. Et à l’écran, on voit apparaître entre autres des acteurs bien connus: Jacques Weber et son fils Stanley, Vincent Macaigne, Pascal Reneric.

«Voilà presque six ans disent  Jeanne Frenkel et Cosme Castro, les auteurs et metteurs en scène, que nous développons une nouvelle manière de fabriquer des films, à la croisée entre le théâtre et le cinéma. Ce nouveau projet a pour objectif d’approfondir notre travail autour du Metacinema, en explorant de nouveaux outils au service d’un spectacle ambitieux, une fusion entre les premières illusions visuelles cinématographiques et un dispositif technique innovant. Vous assisterez à la fabrication et à la projection du film simultanément. Le plateau sera entièrement à vue, dévoilant l’ensemble des dispositifs. » Bon, allons-y…

Le public, surtout les nombreux enfants, est ravi de voir ces images de coulisses, un domaine de fabrication intime et en principe interdit au public et réservé aux initiés, que ce soit les loges et couloirs d’un théâtre, sur un plateau de cinéma, un atelier de peintre, une cuisine de grand restaurant, une salle de réunion de parti politique… Et le théâtre comme le cinéma ne sont se sont jamais privés de mettre en scène ces coulisses, le théâtre dans le théâtre, cela ne date pas d’hier : le XVI ème siècle… Ici, la mise en scène est impeccablement réglée comme le jeu des acteurs sur le plateau et à l’écran, il y a de la musique en direct, tout est rigoureusement synchrone et pourtant, il ne se passe rien de passionnant sur le plan visuel ou textuel… Et ce sera en une semaine, le troisième méta-théâtre, ou méta-cinéma au choix, que nous aurons vu mais à chaque fois, en rien une métamorphose de l’un ou de l’autre. Bref, nous n’y avons pas trouvé notre compte dans ce second degré qui rattrape le premier Et le public semblait partagé mais le spectacle a été très applaudi… Vous pouvez toujours tenter l’expérience avec des enfants quand les représentations reprendront…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 18 décembre au Monfort, Paris ( XV ème) ). Attention: ANNULATION DES REPRÉSENTATIONS jusqu’au 23 décembre, en raison d’un cas positif au covid dans l’équipe artistique. Le spectacle reprendra lundi 27 décembre.

 


Archive pour 20 décembre, 2021

Fado dans les veines, texte et mise en scène de Nadège Prugnard, direction musicale de Radoslaw Klukowski

Fado dans les veines, texte et mise en scène de Nadège Prugnard, direction musicale de Radoslaw Klukowski

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© Jean-Pierre Estrounet

 Embarquons pour le Portugal, dans un trajet à rebours de ceux qui l’ont quitté. Leurs paroles d’exil et de reconquête ont muté en un poème dramatique et musical  sous le plume de Nadège Prugnard. Portugaise de sang mais pas de sol ni de langue. D’où un manque à combler, un vide et des silences qui la hantent. «C’est, dit-elle, de cette migration ancienne, intime et politique, de ce fado de l’âme et de l’exil, que j’ai toujours caché comme un secret impossible à prononcer dont j’ai voulu faire poème. »

Quand nous l’avions rencontrée au Théâtre de Ilets à Montluçon, pour Les Bouillonnantes qu’elle avait écrit, une pièce mise en scène par Carole Thibault, elle partait pour un voyage aux sources auprès des communautés portugaises de Montluçon et sur la terre de ses parents. Trois ans et deux confinements plus tard, Fado dans les veines a vu le jour à Montluçon et nous parvient enfin.

 Comme entrée en matière, une géographie chantée parlée : « Un cercueil en bois, c’est la forme du Portugal/Un rectangle taillé par l’assaut perpétuel de l’océan/ Creusé  par les sanglots des Carpideiras/ Notre identité » c’est d’être la fin du monde !/ Une route où pleurent les chiens/ Un endroit où a terre s’arrête! » Nadège Prugnard, récitante et ordonnatrice de la troupe, rockeuse flamboyante, lance ses mots à la fois rageurs et nostalgiques. Viennent en contrepoint, les chants de Charlotte Bouillot, Carina Salavado et Laura Tejeda, rythmés par le formidable trio Cheval des 3 :  Jérémy Bonnaud, Eric Exbrayat, Radoslaw Klukowski. Sept interprètes pour ce fado flamboyant où musique et mots tissent un canto aux accents de saudade.

Selon Fernando Pessoa, «La Saudade, c’est la fatigue de l’âme forte, le regard de mépris du Portugal vers le Dieu en qui il a cru et qui l’a aussi abandonné ». Ici ce sont des larmes ravalées, une fête triste, une colère,  entrecoupées de récits de déracinement : Adelino, Antonio, Joao, Maria ou Amalia et d’autres, partis sans retour loin de la dictature et de la misère, travailleurs de l’ombre, coupés de leurs racines. Les saillies éruptives de l’autrice portent leurs mots mêlés à sa révolte, pour conjurer cette « impossibilité poétique à recoudre ce qui a été arraché ». Aux airs d’Amalia Rodrigues entonnés par les trois chanteuses à la voix chaude, succèdent ceux la Résistance et le Grandola Vila Morena de Zeca Alfonso, diffusé le 25 avril 1974 à la radio, annonçant la Révolution des Œillets et célébrant la fraternité :« Grandola vila morena/ Terra da fraternidade. »

L’ombre du dictateur Salazar plane sur ce cérémonial intime et politique autour d’une immense table…  Des croix et des tombes se découpent sur de grandes voiles blanches en fond de scène, comme des appels du large, en hommage à Magellan. La scénographie discrète de Benjamin Lebreton joue sur le contraste entre les œillets rouges disposés ça et là dans des vases, sur des crucifix et les costumes à dominante noire. Nadège Prugnard veut défier les trois F : Fado-Fatima-Football : « Fatima joue au Football » Fatima joue au football avec le crâne du Portugal et marque un but. Salazar applaudit et tombe de sa chaise comme on tombe du pouvoir, la messe est dite ! »  Elle offre à la sainte patronne, un dernier cantique blasphématoire avec cette Prière profane devant l’église de Fatima : «Baise-moi de baisers sur la bouche./ Baise le fil rouge de mes lèvres écarlates (…) Baise la colombe de mes yeux/Baise mes yeux cernés par le charbon des idoles/ Baise les saphirs de mes mains. »

La messe est dite, et bien dite, avec ce voyage très personnel mais collectif, poétique, musical qui met en abyme l’hier et l’aujourd’hui… sans ménagement. Un spectacle nécessaire….

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 16 décembre au Théâtre de l’Echangeur, Bagnolet, 9 avenue du Général de Gaulle, Bagnolet (Seine-Saint-Denis). T. : 01 43 62 71 20.

Les 14 et 15 mars, Thé́âtre municipal d’Aurillac (Cantal) ; les 18 et 19 mars, Biennale des écritures du réel, Théâtre Joliette, Marseille (Bouches-du-Rhône). Le 26 mars, Théâtre Municipal de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) ; le 31 mars salle de l’Ancien Evêché, Uzè̀s (Gard). 

Le 18 mai Salle Georges Brassens, Lunel (Hérault); le 20 mai, Théâtre municipal Christian Liger, Nîmes (Gard) et le 24 mai, Théâtre municipal de Roanne (Loire).

 La pièce est publiée aux Editions Moires.

 

 

A Passage to Bollywood, chorégraphie et mise en scène d’Ashley Lobo

A Passage to Bollywood, chorégraphie et mise en scène d’Ashley Lobo

 Après plusieurs déprogrammations à cause  de la crise sanitaire, Rachid Ouramdane et son équipe peuvent enfin accueillir à Chaillot ce spectacle festif. Le Bollywood, contraction d’Hollywood et du B de Bombay (Mumbai depuis 1995) est un genre suivi par des dizaines de millions de gens à la fois dans le monde entier et en Inde qui produit quelque deux mille films de ce type par an et est donc le plus gros producteur de cinéma.  Avec pour thème le plus souvent une romance ou une histoire d’amour contrariée, avec danse classique indienne, chansons interprétées en direct ou en play-back, costumes et décors chatoyants changeant en permanence.

 

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©J. couturier

Le chorégraphe indo-australien Ashley Lobo est le fondateur et directeur de la Dancework PerformingArts Academy et duNavdhara Indian Dance Theatre, une des rares compagnies professionnelles du pays qui va en tournée partout dans le monde où  ce spectacle a déjà été joué plus de cent fois. En 2015, Ashley Lobo a adapté pour la scène, ces chorégraphies destinées au cinéma, qui racontent l’aventure initiatique d’un jeune homme parti chercher la gloire et l’amour à Bombay. « J’aime, dit-il, le romantisme et l’exagération de tout : musique, danse, costumes, couleurs. Un vrai régal pour les sens. » Cette chorégraphie est un mélange de plusieurs styles à la fois visuels et musicaux : elle emprunte à la danse classique indienne, au folk, aux formes de danse occidentales et au style libre. En fait, un film se vend parfois uniquement sur ses chansons et sa mise en scène. Autrefois, c’était surtout des fins heureuses, beaucoup de musique et de danse pour le plaisir des yeux, des chansons romantiques et beaucoup d’innocence. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus réaliste et l’élément chanson  fait principalement avancer le récit au lieu de mettre en valeur la danse. “

Un feu d’artifice où vingt-deux danseurs et deux chanteurs mettent une grande énergie à transmettre leur art et leur joie à un public a priori néophyte. A Passage to Bollywood mêle danse classique indienne mais aussi occidentale et contemporaine… Allez découvrir, dans ce voyage en une heure vingt, un monde plein de couleurs et de paillettes…

Jean Couturier

 Jusqu’au 25 décembre, à Chaillot-Théâtre national de la Danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème). T. :  01 53 65 30 00.

 

Sans Famille d’Hector Malot, adaptation de Léna Bréban et Alexandre Zambeaux, mise en scène de Léna Bréban

 

Sans Famille d’Hector Malot, adaptation de Léna Bréban et Alexandre Zambeaux, mise en scène de Léna Bréban

Enfin du vrai et de l’excellent théâtre, sans trace de vidéos ou théories fumeuses. Et cette fois-ci aura été enfin la bonne pour Léna Bréban dont le spectacle a dû être reporté par deux fois à cause du covid. Eric Ruf, comme pour Vingt-mille lieues sous les mers d’après Jules Verne a offert un nouveau chef-d’œuvre au public du Vieux-Colombier. La metteuse en scène a travaillé, avec son alter ego Alexandre Zambeaux, sur ce roman populaire qui a enchanté depuis 1878 des millions d’enfants à travers le monde et qui a fait l’objet de nombreuses adaptations au cinéma. 

 

Unknown-2C’est l’histoire d’un enfant abandonné à sa naissance comme il y en avait tant à l’époque et recueilli par Jérôme Barberin, un maçon qui travaille à Paris, originaire comme son épouse, de Chavanon, un village de Corrèze. Un jour il voit ce bébé enveloppé dans de beaux langes -donc de parents riches- et espère obtenir une bonne récompense! Il le confie à sa femme qui le nomme Rémi. Barberin, blessé dans un accident du travail, attaque son employeur en justice mais un procès coûte cher et il demande à sa femme de vendre leur seule richesse, une vache et d’abandonner Rémi.  Mais elle le gardera… Or, Barberin revient et décide de louer le petit garçon à Vitalis, un artiste ambulant qui voyage à travers la France avec ses trois chiens Capi, Dolce,  Zerbino,  et un peti singe Joli-Cœur. Rémi parcourt les toutes du Sud-Ouest avec Vitalis qui lui apprend à jouer de la harpe, à lire et à jouer la comédie. Une vie rude, où l’on ne mange pas tous les jours à sa faim et où on s’abrite où on peut pour donner quelques représentations. Mais il y a Capi, Joli-Cœur et la bienveillance de Vitalis qui, à la suite d’un incident à Toulouse, est incarcéré. Rémi, à dix ans, se retrouve alors seul avec les animaux… et presque mort de faim. Il rencontre une Anglaise Madame Mulligan et leur fils Arthur qui est malade. Ils vivent sur une péniche et, pour le divertir, elle recueille Rémi: il apprend qu’Arthur avait un frère aîné, disparu avant sa naissance et que James, le beau-frère de Milligan, avait essayé en vain de retrouver.

Rémi voyagera pendant deux mois avec  les  Milligan sur le canal du Midi jusqu’à Béziers et Sète. Vitalis sort de prison, veut garder Rémi avec lui et l’enfant quitte la péniche. Il reprennent leur route vers le nord pour aller à Paris mais dans une tempête de neige, Zerbino et Dolce sont dévorés par des loups et Joli-Cœur va mourir d’une pneumonie. Pour payer le médecin, Rémi et Vitalis donnent une représentation et l’enfant entend chanter aussi bien pour la première fois son maître.

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Vitalis laisse Rémi pour l’hiver chez Garafoli, un « souteneur » d’enfants, pendant qu’il va former d’autres animaux. Rémi y rencontre Mattia, un garçon maladif qui à la maison, garde une marmite cadenassée, pour l’empêcher de boire la soupe. Vitalis, menace de la police Garofoli et emmène alors Rémi. Ils passent la nuit dans la tempête de neige…Rémi reprend connaissance dans un lit chez M. Acquin, qui a deux garçons et deux filles. Il apprend que Vitalis est mort mais avait été le célèbre chanteur italien Carlo Balzani dont la voix s’était affaiblie, et il était devenu Vitalis. La famille Acquin recueille Rémi et Capi et le jardinier est un vrai père pour Rémi. Alexis et Benjamin sont aussi ses frères, Étiennette et Lise, ses sœurs. Chez eux, Rémi devient jardinier mais un orage de grêle ravage les serres de Pierre Acquin qui est ruiné et emprisonné pour dettes. Ses enfants, ont été dispersés chez des oncles et tantes et Rémi redevient musicien ambulant avec Capi…

A Paris, il retrouve Mattia, le garçon de la pension Garofoli, mourant de faim dans la rue et qui le supplie de le prendre avec lui. Violoniste, Mattia joue aussi d’autres instruments. Ils vont voir Alexis, qui vit maintenant avec son oncle Gaspard, dans la ville minière de Varses ( sans doute Alès dans les Cévennes). Alexis est blessé et Rémi le remplace. Un autre jour, la mine est inondée et sept mineurs dont l’oncle Gaspard, piégés, attendent des secours une quinzaine de jours, affamés et épuisés avant d’être sauvés. Mattia et Rémi ont repris la route; ils espèrent retrouver mère Barberin. Ils épargnent le peu qu’ils ont pour lui racheter une vache. Les vrais parents, de Rémi et Barberin le recherchent à Paris. Rémi apprend que Barberin est mort et il écrit une lettre à mère Barberin qui répond en joignant un mot  de son mari avec l’adresse d’un avocat à Londres, chargé de rechercher Rémi. Il retrouve ces Driscoll (en fait des cambrioleurs) mais Rémi joue de la musique dans les rues pour se faire de l’argent. Mattia chez les Driscoll voit un homme : James Milligan qui est bien l’oncle d’Arthur dont il espère qu’il va mourir pour hériter de son défunt frère. Les garçons veulent avertir  madame Milligan mais sans savoir où la trouver.

Rémi est accusé d’un vol commis par ses parents mais Bob, un autre ami et Mattia le font s’évader. Ils retournent en Normandie  avec l’aide du frère de Bob. Ils recherchent Milligan, pour la mettre en garde contre son beau-frère. On a vu la péniche Le Cygne et ils suivent donc les rivières et canaux de France. Rémi et Mattia passent par Dreuzy, où ils espèrent retrouver Lise : son oncle est mort dans un accident d’écluse et une dame anglaise sans doute Milligan voyageant sur un bateau, a pris soin d’elle. Rémi et Mattia repèrent enfin la péniche en Suisse mais déserte. La famille a poursuivi son voyage jusqu’à Vevey en voiture… Rémi chante dans les rues une chanson napolitaine et surprend une voix faible qui continue la chanson et découvrent Lise qui, miracle, a recouvré la parole en l’entendant. Mais James Milligan est là aussi, et Rémi se cache. Mattia n’a pas peur car James ne le connaît pas. Il entre alors dans le jardin et raconte leur histoire à madame  Milligan qui voit Rémi comme son fils aîné perdu. Elle les met dans un hôtel où ils peuvent enfin manger et dormir confortablement. Puis Milligan invite les garçons, qui tombent sur mère Barberin; que Milligan a envoyé chercher. Elle montre les vêtements de Rémi bébé à Milligan qui reconnaît ceux de son fils quand on le lui a volé. Tous réunis avec Lise et Mattia… Rémi découvre alors qu’il est l’héritier d’une grande fortune. On fait venir d’Italie, Cristina, la petite sœur de Mattia. Arthur épousera Cristina. Mattia sera un violoniste célèbre. Rémi épousera Lise et leur fils aura pour mère Barberin…

Le célèbre roman, assez touffu, pourrait donner matière à plusieurs pièces! Léna Bréban et Alexandre Zambeaux en ont finement gardé les scènes essentielles- et ce n’était pas facile- mais sans rien gommer de leur vie sociale. «Avec Alexandre, nous avons cherché, dit-elle, à ne pas abîmer le désir enfantin d’aventure, tout en prenant en charge la dimension humaniste, souvent très progressiste avec laquelle Hector Malot décrivait son époque. » Comme le dit justement la metteure en scène, le roman est d’une densité incroyable et il a fallu élaguer mais l’essentiel ou presque est bien là. Même si, entre autres, l’épisode de la mine a été supprimé mais Léna Bréban a le projet de le créer à Chalon-sur-Saône où se trouve un musée de la mine.

Sa direction d’acteurs est impeccable : mention spéciale à Bakaré Sangaré qui joue avec un bel humour, le chien Capi toujours muet et aboyant légèrement. Et Véronique Vella est brillantissime en Rémi, comme Thierry Hancisse en Vitalis et père Driscoll. Clotilde de Bayser  incarne très bien les mères Barberin et Driscoll. Jean Chevalier joue Mattia et manipule aussi efficacement la marionnette du petit singe Joli-Cœur.  Et il y a dans les petits rôles Antoine Prud’homme de la Boussinière, Camille Seitz. Mention spéciale aussi à Alexandre Zambeaux, le dramaturge de cette histoire mais aussi acteur passant avec virtuosité d’un personnage à l’autre : Père Barberin, Garofoli, l’Infirmière, James Milligan…

Emmanuelle Roy a conçu avec sobriété et efficacité de remarquables éléments scéniques disposés sur une tournette. Cela fait souvent penser aux illustrations d’un livre pour enfants comme ce bateau dont la coque est juste figurée par un tissu qu’on déroule. Pas de véritable réalisme mais, avec des changements à vue, juste les éléments qu’il faut sur cette tournette, comme pour cette longue marche de Vitalis et Rémi, la nuit quand la neige commence à tomber. Jérôme Savary élevé en Argentine et qui avait découvert la neige à Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) en resta émerveillé toute sa vie et l’utilisait souvent dans ses spectacles. Ainsi la neige, formidable image du temps qui passe, tombait sans arrêt sur le grand plateau de Mère Courage…

Et il y a ici de merveilleux costumes très réussis, notamment ceux de la famille anglaise, conçus par Alice Touvet, issue comme Emmanuelle Roy des Arts Déco à Paris.  Elle réussit à créer un léger décalage avec la réalité, une légère exagération dans les formes et les couleurs qui leur donnent toute leur saveur. Chapeau… ll y a une réelle unité dans cette réalisation où tout est dit avec à la fois  vérité et burlesque, mais toujours avec légèreté…Aucun doute là-dessus: en quelques années, ( voir Le Théâtre du Blog) Léna Bréban a su acquérir un style bien à elle.  Elle montre ici la solidarité et la générosité des pauvres: celle la mère Barberin, de Vitalis ou aussi d’une femme riche comme madame Mulligan, l’amour que l’on porte à un gros chien ou à un tout petit singe, la découverte des rencontres et de l’amitié chez les ados, la fascination pour la musique, la misère et le froid glacial qui guettent un émigré mais aussi l’envie de revanche chez Rémi et Mattia…

Hector Malot, un auteur d’autrefois bien dépassé à l’heure des jeux vidéo et des mangas? Pas si sûr… Et ici, nous en avons la preuve flagrante avec cette très belle mise en scène qui doit aussi à la transmission… Une pensée pour Jérôme Savary. Il aimait bien Léna et Alexandre quand ils étaient à l’Ecole de Chaillot, pour Christine Le Pen, son administratrice qui veillait sur eux avec une grande bienveillance et à Guy-Claude François, directeur de la section scénographie aux Arts déco. Quant à du Vignal, il dit aussi merci pour ce beau cadeau de Noël: trois de ses anciens élèves (deux acteurs-metteurs en scène et une créatrice de costumes) travaillant dans et pour un même spectacle… Mais attention, il joue jusqu’au 9 janvier seulement dans cette petite salle, avec donc peu d’heureux élus, alors faites vite. Enfin, on peut espérer que le spectacle sera repris la saison prochaine…

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 9 janvier, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris  (VI ème). T. : 01 44 58 15 15.


 

 

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