Giselle… de François Gremaud, d’après Théophile Gauthier

Giselle… de François Gremaud, d’après Théophile Gauthier

71ExhJwU

© Dorothée Thébert-Filliger

 Qu’on ne s’y méprenne pas : les trois points de suspension du titre indiquent qu’il ne s’agit pas du fameux ballet classique ni de sa réinterprétation mais «d’une réduction de spectacle pour interprète seule». Selon la formule déjà éprouvée avec son Phèdre ! d’après Jean Racine, un solo joué par Romain Daroles et créé avec grand succès en 2019, le metteur en scène suisse a confié cette «comédie-ballet» à la danseuse Samantha van Wissen. Rompue à la grammaire de la danse contemporaine, elle met ses pas dans ceux des interprètes de Giselle, avec arabesques, entrechats et autres figures classiques dans une narration fluide.

Le texte oscille entre l’histoire de ce ballet écrit par Théophile Gauthier, des commentaires sur la musique d’Adolphe Adam, la chorégraphie de Jean Coralli et le décor de Cicéri qui réutilise pour le premier acte, celui de La Fille du Danube (1838), un ballet qui «a fini par sombrer, non dans le fleuve mais dans l’oubli. » Ici, nous apprenons par exemple que « Molière est l’inventeur de la comédie-ballet Le Bourgeois Gentilhomme avec deux heures de texte et trois heures et demi de danse. » Que Théophile Gauthier écrivit le livret pour la danseuse-étoile Carlotta Grisi dont il était amoureux. Que Jean-Georges Noverre (1727-1810) «en défendant la danse narrative théâtralisée et inféodée à la musique est, au XVlll ème siècle, le révolutionnaire que Merce Cunningham sera au XX ème siècle… en prônant très exactement l’inverse. » La Sylphide (1832), chorégraphie de Noverre, serait l’œuvre fondatrice du ballet romantique où s’invente, où s’invente, avec Marie Taglioni, la figure de la ballerine sur pointes et en tutu de mousseline blanche, « que tout le monde va copier, y compris les futures épousées qui, jusqu’ici, se mariaient en robe de couleur.»

Nous retrouvons ici la boulimie encyclopédique et l’esprit oulipien et coq-à-l’âne que nous avions aimés dans La Conférence des choses (voir Le Théâtre du blog). Un côté pédagogique plaisant et sans rien de cuistre : l’humour reste de mise et la présence sympathique de Samantha von Wissen donne corps au comique bonhomme si particulier de François Gremaud, avec quelques coups de griffe à l’académisme et au formalisme de Giselle.

L’héroïne et l’argument du ballet ne sont pas ici le véritable thème de cette pièce d’une heure cinquante, même si Samantha van Wissen nous conte et nous danse cette tragédie amoureuse romantique doublée d’une féérie macabre. En effet quand Giselle, une fraîche et primesautière paysanne, apprend qu’Albrecht est fiancé à une princesse, elle en meurt et son fantôme rejoint les Willis, esprits vengeurs des jeunes filles disparues, trahies par leurs fiancés. La reine des Willis condamne Albrecht à danser, jusqu’à rejoindre Giselle dans la tombe. Mais la jeune morte le sauvera en dansant son amour…

François Gremaud revisite pour nous cette œuvre-phare du répertoire, en la replaçant dans son contexte, en la décortiquant et en la reconstruisant avec drôlerie. La conteuse et danseuse a imaginé une chorégraphie à partir de celle de Jean Corelli et Jules Perrot. Mais elle ôte au ballet ses lourdeurs et se réfère à la version plus récente de Marius Petipa pour le Théâtre impérial Marinski (1887) et surtout à l’interprétation mythique de ce ballet recréé par Natalia Makarova (Giselle) et Mikhail Baryshnikov (Albrecht) à l’American Ballet Center  en 1974. Samantha van Wissen ne danse pas vraiment mais paraphrase les attitudes et mouvements indiqués par la musique.

 Grand complice de Giselle… un quatuor féminin en fond de scène mais bien présent : Léa Al Saghir (violon), Tjasha Gafner (harpe), Héléna Macherel (flûte) et Sara Zazo Romero (saxo) jouent la partition d’Adolphe Adam, revue par Luca Antigagni. Cette création suisse y gagne en vivacité et légèreté et offre une bouffée de plaisir. En attendant un Carmen à la sauce François Gremaud, nous pouvons aussi voir Phèdre!, un spectacle programmé dans cette même salle des AbbessesMais du 27 au 31 décembre seulement à 17 heures 30..

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville, 31 rue des Abbesses Paris ( XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77.

Et du 15 au 19 février, Théâtre Vidy, Lausanne (Suisse).

Les 1 et 2 mars, Espace Malraux, Chambéry (Savoie); du 9 au 12 mars, Théâtre Saint-Gervais, Genève (Suisse) ; les 15 et 16 mars, Les 2 Scènes, Besançon (Doubs) ; 20 Mars, Théâtre du Jura, Delémont (Suisse) ; les 24 et 25 mars, Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy (Haute-Savoie).

Le 24 avril, Theater Basel (Suisse) ; du 27 au 30 avril, Le Maillon, Strasbourg (Bas-Rhin).

Les 10 et 11 mai, Usine à Gaz, Nyon (Suisse)  et le 14 mai, Théâtre Jean Marais, Lyon (Rhône).

 

 

 


Archive pour 24 décembre, 2021

Giselle… de François Gremaud, d’après Théophile Gauthier

Giselle… de François Gremaud, d’après Théophile Gauthier

71ExhJwU

© Dorothée Thébert-Filliger

 Qu’on ne s’y méprenne pas : les trois points de suspension du titre indiquent qu’il ne s’agit pas du fameux ballet classique ni de sa réinterprétation mais «d’une réduction de spectacle pour interprète seule». Selon la formule déjà éprouvée avec son Phèdre ! d’après Jean Racine, un solo joué par Romain Daroles et créé avec grand succès en 2019, le metteur en scène suisse a confié cette «comédie-ballet» à la danseuse Samantha van Wissen. Rompue à la grammaire de la danse contemporaine, elle met ses pas dans ceux des interprètes de Giselle, avec arabesques, entrechats et autres figures classiques dans une narration fluide.

Le texte oscille entre l’histoire de ce ballet écrit par Théophile Gauthier, des commentaires sur la musique d’Adolphe Adam, la chorégraphie de Jean Coralli et le décor de Cicéri qui réutilise pour le premier acte, celui de La Fille du Danube (1838), un ballet qui «a fini par sombrer, non dans le fleuve mais dans l’oubli. » Ici, nous apprenons par exemple que « Molière est l’inventeur de la comédie-ballet Le Bourgeois Gentilhomme avec deux heures de texte et trois heures et demi de danse. » Que Théophile Gauthier écrivit le livret pour la danseuse-étoile Carlotta Grisi dont il était amoureux. Que Jean-Georges Noverre (1727-1810) «en défendant la danse narrative théâtralisée et inféodée à la musique est, au XVlll ème siècle, le révolutionnaire que Merce Cunningham sera au XX ème siècle… en prônant très exactement l’inverse. » La Sylphide (1832), chorégraphie de Noverre, serait l’œuvre fondatrice du ballet romantique où s’invente, où s’invente, avec Marie Taglioni, la figure de la ballerine sur pointes et en tutu de mousseline blanche, « que tout le monde va copier, y compris les futures épousées qui, jusqu’ici, se mariaient en robe de couleur.»

Nous retrouvons ici la boulimie encyclopédique et l’esprit oulipien et coq-à-l’âne que nous avions aimés dans La Conférence des choses (voir Le Théâtre du blog). Un côté pédagogique plaisant et sans rien de cuistre : l’humour reste de mise et la présence sympathique de Samantha von Wissen donne corps au comique bonhomme si particulier de François Gremaud, avec quelques coups de griffe à l’académisme et au formalisme de Giselle.

L’héroïne et l’argument du ballet ne sont pas ici le véritable thème de cette pièce d’une heure cinquante, même si Samantha van Wissen nous conte et nous danse cette tragédie amoureuse romantique doublée d’une féérie macabre. En effet quand Giselle, une fraîche et primesautière paysanne, apprend qu’Albrecht est fiancé à une princesse, elle en meurt et son fantôme rejoint les Willis, esprits vengeurs des jeunes filles disparues, trahies par leurs fiancés. La reine des Willis condamne Albrecht à danser, jusqu’à rejoindre Giselle dans la tombe. Mais la jeune morte le sauvera en dansant son amour…

François Gremaud revisite pour nous cette œuvre-phare du répertoire, en la replaçant dans son contexte, en la décortiquant et en la reconstruisant avec drôlerie. La conteuse et danseuse a imaginé une chorégraphie à partir de celle de Jean Corelli et Jules Perrot. Mais elle ôte au ballet ses lourdeurs et se réfère à la version plus récente de Marius Petipa pour le Théâtre impérial Marinski (1887) et surtout à l’interprétation mythique de ce ballet recréé par Natalia Makarova (Giselle) et Mikhail Baryshnikov (Albrecht) à l’American Ballet Center  en 1974. Samantha van Wissen ne danse pas vraiment mais paraphrase les attitudes et mouvements indiqués par la musique.

 Grand complice de Giselle… un quatuor féminin en fond de scène mais bien présent : Léa Al Saghir (violon), Tjasha Gafner (harpe), Héléna Macherel (flûte) et Sara Zazo Romero (saxo) jouent la partition d’Adolphe Adam, revue par Luca Antigagni. Cette création suisse y gagne en vivacité et légèreté et offre une bouffée de plaisir. En attendant un Carmen à la sauce François Gremaud, nous pouvons aussi voir Phèdre!, un spectacle programmé dans cette même salle des AbbessesMais du 27 au 31 décembre seulement à 17 heures 30..

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 31 décembre, Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville, 31 rue des Abbesses Paris ( XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77.

Et du 15 au 19 février, Théâtre Vidy, Lausanne (Suisse).

Les 1 et 2 mars, Espace Malraux, Chambéry (Savoie); du 9 au 12 mars, Théâtre Saint-Gervais, Genève (Suisse) ; les 15 et 16 mars, Les 2 Scènes, Besançon (Doubs) ; 20 Mars, Théâtre du Jura, Delémont (Suisse) ; les 24 et 25 mars, Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy (Haute-Savoie).

Le 24 avril, Theater Basel (Suisse) ; du 27 au 30 avril, Le Maillon, Strasbourg (Bas-Rhin).

Les 10 et 11 mai, Usine à Gaz, Nyon (Suisse)  et le 14 mai, Théâtre Jean Marais, Lyon (Rhône).

 

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...