Le Temps de vivre, de Camille Chamoux et Camille Cottin, mise en scène de Vincent Dedienne
Le Temps de vivre, de Camille Chamoux et Camille Cottin, mise en scène de Vincent Dedienne
Autrice et interprète de ses textes, la comédienne s’est imposée en 2012 avec Née sous Giscard et, de solo en solo, continue, porte-parole de la génération « baby boom» à avoir un regard caustique sur le monde. Nous l’avons suivie dès ses débuts et son quatrième spectacle a tenu l’affiche tout l’automne, avec une réflexion sur le temps, sans doute dictée par le confinement. Celui qu’on perd sur les réseaux sociaux, qu’on espère gagner grâce à internet, ou, que pris dans une course contre la montre, on ne réussit pas à accorder aux autres, même à ses enfants… Jongler avec ses horaires de travail et ceux de la crèche, pester pour un contretemps quand waze a mal calculé votre itinéraire, déplorer les heures passées sur whatsapp …
Et si, dit-elle, on inversait le processus, si on prenait le temps : celui qui nous est accordé dans la finitude et la contingence de notre vie. Débrancher son téléphone et toutes ses applications chronophages… Et s’occuper un peu moins de notre petit nombril sur une planète qui souffre et qui brûle. Avec en mains, Marcel Proust, Epicure ou André Gide, en soixante-dix minutes chrono elle partage ses tracas avec le public applaudit chaleureusement . Mais ensuite, nous dit-elle, le régisseur doit aller s’occuper de son vieux chien incontinent…
Rien de passéiste dans Le Temps de vivre ni de «c’était mieux avant». Camille Chamoux s’en prend volontiers à ces «boomers» qui ne lâchent rien, comme ses parents encore sur des skis à quatre-vingt ans… D’une plume acérée et avec quelques références littéraires à propos, elle évoque les petits maux d’une société hystérisée par le temps et l’argent et envoie quelques coups de griffes aux actrices de la génération précédente refusant de « balancer les gros porcs». Et elle entre parfois dans de saines colères. Faute de tragédie grecque avec catharsis, nous dit-elle, elle emprunte sa rage à Virginie Despentes, en la parodiant…
Fluette, la comédienne s’impose dès son entrée sur le beau plateau dénudé du grand théâtre de la Porte Saint-Martin, avec un jeu nuancé, parfois cru jamais vulgaire. Mise en scène sobre et efficace de Vincent Dedienne: Camille Chamoux n’a pas besoin d’aller chercher le public et le temps passe vite en sa compagnie et à la fin, quand la scène plongée dans l’obscurité est éclairée par une bougie, elle nous offre pour la route, un poème signé Boris Vian, Le Temps de vivre.
Un spectacle à déguster comme le vieux Marcel dégustait sa madeleine, pour « cesser de se sentir médiocre, contingent, mortel » et en finir avec l’obsession du « timing» ». Et vous pourrez l’applaudir près de chez vous.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 31 décembre, Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 boulevard Saint-Martin, Paris (X ème). T. : 01 42 08 00 32.
Le 8 janvier, Théâtre Simone Signoret, Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) ; le 11 janvier, Pantin (Seine-Saint-Denis); le 20 janvier, Chambéry (Savoie) ; le 22 janvier, Radiant-Bellevue, Caluire (Rhône) ; le 25 janvier Théâtre Jean Vilar, Bourgoin-Jallieu (Rhône), etc.