A la Vie, texte et mise en scène d’Elise Chatauret
A la Vie, texte et mise en scène d’Elise Chatauret
Dans Ce qui demeure, Élise Chatauret partait d’entretiens avec une vieille dame de quatre-vingt dix ans sa sa grand-mère) et avait aussi pour Saint Félix, enquêté sur un hameau français..
Ici elle aborde un thème encore tabou dans notre société : comment accompagner de proches parents âgés ou encore jeunes en fin de vie quand les médecins ont diagnostiqué une fin dans quelques mois, voire quelques semaines. Et qui pourra injecter la piqûre d’une molécule létale ? Alors que le suicide assisté n’est pas -encore- autorisé en France, alors qu’il l’est en Suisse donc interdits aux pauvres et «offert»seulement aux gens qui en ont les moyens. Cela se voit : Elise Chatauret a fait une longue enquête de terrain dans les établissements hospitaliers et dans ce qu’on ne nomme plus maisons de retraite mais E.P.H.A.D.
Sur le plateau, un sol blanc, des rideaux gris et quelques lits d’hôpital. Cela commence de façon farcesque avec la mort de quelques héros de théâtre à laquelle personne ne croit mais indispensable pour clore une tragédie. Enfin, il nous souvient qu’une étudiante -que j’avais imprudemment invitée’- en voyant le sang jaillir sur sa toge blanche de Britannicus, égorgé par Néron, a poussé un cri d’effroi et s’est évanouie ! Ici, avec les répliques finales de personnages célèbres assassinés ou se suicidant avec du poison, un poignard ou d’un coup de revolver. Ou encore à la suite d’une blessure reçue dans une embuscade comme le grand Cyrano qui veut mourir debout l’épée à la main, dans le parc d’un couvent parisien tout en pourfendant les sottises, préjugés, lâchetés et compromis… Ici, Elise Chatauret place d’emblée les choses sur le mode parodique pour désamorcer les situations pas franchement gaies qui vont suivre. C’est un peu vite fait et pas aussi réussi que la suite mais bon…
Ensuite de courtes scènes qui s’enchaînent bien auxquelles tous les généralistes ou spécialistes ne s’habituent jamais quand il faut annoncer avec précaution à une malade qu’elle est atteinte d’un cancer, ce à quoi elle ne veut absolument pas croire. Ou dire à un patient souffrant de graves pathologies cette phrase terrible- adressée sans ménagement à un de nos proches effectivement mort quelques jours plus tard d’une hémorragie : « On ne peut plus rien faire pour vous. » Et ici, mot pour mot. même avec le recul de dix-huit ans, cela reste glaçant «La vérité, c’est qu’on est arrivé au bout de ce qu’on peut faire pour vous. »
Les médecins encore mal ou peu formés à ces fins de vie en service de réanimation ou de soins palliatifs ne sont hélas pas toujours très adroits. Comme ce moment que nous avons vécue avec ces mots prononcés sans état d’âme par un chef de clinique au diagnostic redoutable mais au lange très cru. Examinant un samedi une dame très âgée de notre famille et peu consciente, e: « Pourquoi est-elle arrivée dans mon service ? Ecoutez, si elle est encore là lundi, on verra ce qu’on fait. «Il y a aussi les cas hélas fréquents que le personnel médical doit affronter : ceux de malades âgés qui ne veulent plus vivre : «Je voudrais que ça s’arrête maintenant. » Comme admettre cela et quelle réponse apporter puisque la loi française n’a pas encore complètement évolué.
Et cela concerne aussi de jeunes gens comme Medhi, un jeune homme de vingt-six ans. Il est atteint de mucoviscidose et veut qu’on l’aide à mourir mais sa sœur ne comprend pas que l’équipe médicale se pose des questions : «Que Medhi renvoie aux équipes de soignants qui se sont occupés de lui pendant vingt ans en refusant d’aller plus loin ? » Questions d’une rare complexité et sans bonne réponse possible…
Les malades comme le personnel soignant sont joués alternativement par Justine Bachelet, Solenne Kervis, Emmanuel Matte, Juliette Plumecocq-Mech et Charlez Zevaco. Tous impeccables et très bien dirigés par leur metteuse en scène qui a écrit ce texte entre fiction et théâtre documentaire, loin de tout pathos et de tout dérapage… La troisième et très courte partie du spectacle est consacrée à une retransmission en voix off d’extraits de séances parfois houleuses à l’Assemblée Nationale sur le sujet. Cet ajout donne un bonne idée de la complexité de la question mais ne semble pas indispensable.
Qu’importe, l’essentiel est avant et même si cet A la vie ! n’apporte rien de neuf, cette piqûre de rappel, elle, est indispensable si on veut que les choses évoluent en France. Elise Chatauret a réalisé un remarquable opus de théâtre documentaire aux dialogues très réussis, loin de toute démagogie. Et nullement triste. «Ce spectacle, comme le dit la metteuse en scène, est « un hommage à ce qui fait de nous des êtres désirants et fraternels . (…) Ce spectacle est une déclaration d’amour, à la vie ! »
Philippe du Vignal
Spectacle joué du 6 au 16 janvier, au Théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Val-de-Marne, Manufacture des Oeillets, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine.
Théâtre de Chelles (Val-de-Marne) le 22 mars et Transversales de Verdun (Meuse) le 29 mars.
Théâtre de Dijon-Bourgogne ( Côte-d’Or), du 12 au 15 avril.
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