Que se répètent les heures… (La Borde), d’après les textes de Marie Depussé, Nicolas Philibert, adaptation et mise en scène de Pierre Bidard
Que se répètent les heures… (La Borde), d’après les textes de Marie Depussé et Nicolas Philibert, adaptation et mise en scène de Pierre Bidard
Le théâtre de l’Elysée, codirigé par Jacques Fayard, son fondateur et Gabriel Laval-Esparel arrivé il y a quatre ans, défend les formes émergentes du théâtre et de la performance. Il accueille, comme Les Subsistances, ce premier festival Azimuts, initié à Lyon par le Théâtre du Point du Jour (voir le Théâtre du blog), tremplin de la jeune création, avec quinze propositions en trois jours. La petite salle est comble pour découvrir la compagnie La Vallée de l’Égrenne, issue de l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (E.N.S.A.T.T.), qui a obtenu le prix de la mention spéciale du Théâtre 13, en 2020. Distinction méritée.
Les six interprètes, présentent en une heure vingt, des moments de la vie collective à la clinique de La Borde. Le texte s’appuie sur le livre de la psychanalyste Marie Depussé, Dieu gît dans les détails (1993) et le documentaire du cinéaste Nicolas Philibert, La Moindre des choses (1996). Ces deux témoignages ont été réécrits : certaines séquences de La moindre des choses répliquées, d’autres passages adaptés puis modifiés à l‘épreuve du plateau. De prime abord, dans la salle commune, où les pensionnaires se retrouvent pour le goûter devant une grande table, nous ne distinguons pas les malades du personnel de La Borde. Puis, avec leur propos et leur gestuelle, les rôles se précisent.
Manu, le jardinier, raconte son arrivée à La Borde, Claude, replié sur sa fatigue chronique, se fait couper la barbe, Sophie, exubérante, fait un portrait de Ginette et veut qu’on l’affiche parmi d’autres dessins. Le dramaturgie est fondée sur le parcours de Nicolas de l’un à l’autre: il enregistre tout sur son dictaphone, cadeau de son frère, jusqu’aux ronronnement du frigidaire et aux glouglous du café qui coule, odorant. Il recueille les témoignages des «fous» et des soignants.
Jean Oury, le directeur de la clinique lui en raconte l’histoire. En 1953, à l’orée du mouvement «antipsychiatrique», ce médecin investit un château presque en ruines dans le Loir-et-Cher, pour y fonder un lieu ouvert où s’institue un rapport d’égalité entre soignants et soignés, une organisation collective et une liberté de circulation et d’activités. Ici la maladie mentale et son traitement se pensent autrement, à l’inverse des hôpitaux-prisons qu’il avait décidé de quitter.
Tous très crédibles dans leur rôle, Lou Bernard-Baille, Marius Uhl, Vincent Chappet, Vincent Couesme, Iris Pucciarelli et Erwan Vinesse bâtissent une micro-société, dans la lenteur d’un quotidien sans éclat, fait de petits gestes, allers et venues, explosions d’angoisse, de méfiance mais aussi d’attention bienveillante envers l’autre… Instantanés d’un documentaire attachant, parfois drôle où Pierre Bidard interroge l’institution psychiatrique, aujourd’hui plus que jamais en crise. Il change notre regard sur le traitement de la folie dont la frontière est mince avec la normalité. Quand, à certains moments du spectacle, nous nous rions du fou, n’est-ce pas aussi un peu de nous-même ?
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 23 janvier au Théâtre de l’Elysée, 14, rue Basse Combalot, Lyon ( VII ème)/ T. : 04 78 58 88 25
Du 6 au 28 février, Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, Paris ( XI ème). T. 01 48 06 72 34 ?
Du 3 au 6 mai, Théâtre de l’Élysée, 14, rue Basse Combalot, Lyon ( VII ème)/ T. : 04 78 58 88 25.
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