Wo-Man et Point Zéro, chorégraphie d‘Amala Dianor

Wo-Man et Point Zéro, chorégraphie d‘Amala Dianor

 Avec ce solo et ce trio regroupés en une soirée, l’artiste revient aux sources de son style élégant et organique, sur la musique de son complice de toujours, le compositeur d’électro-soul Awir Léon. Né à Dakar, et arrivé en France à sept ans, Amala Dianor intègre, après un parcours de hip hop, l’école supérieure du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers. Il a créé des chorégraphies alliant hip hop, néo-classique, contemporain, afro-contemporain… Avec une quinzaine de pièces à son actif, il s’emploie, comme on le voit surtout ici, à ôter à la danse tout artifice superflu pour en conserver les seuls mouvements bruts.

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Nangaline Gomis © Romain Tissot

Dans Wo-Man, Nangaline Gomis entre dans un halo de lumière au bord du plateau et, comme épinglée sur place, amorce des gestes simples avant de s’aventurer au-delà. Dans un combat entre elle et l’espace qu’elle va occuper complètement, avançant en guerrière et reculant avec prudence. Puis elle disparaît, avalée par le noir. «Man signifie : moi en wolof, dit le chorégraphe. Man Rec, c’était moi seulement. Wo-Man sera ainsi la version féminine de ce moi choral, riche d’influences diverses, de racines plurielles. »

Rencontrée au Conservatoire National Supérieur de danse de Lyon, Nangaline Gomis lui inspirera l’adaptation au féminin  de son propre solo, créé en 2014, où il construisait déjà la trame d’une écriture hybride et singulière, à la fois dépouillée et complexe, abstraite et incarnée, énergique et tranquille. La vitalité et l’engagement de la jeune interprète laisse présager pour elle d’un bel avenir de danseuse.

 Pour Point Zéro Amala Dianor a invité Johanna Faye et Mathias Ruffin, eux aussi chorégraphes, à le rejoindre sur le plateau pour confronter leur style dans une joyeuse émulation: «Nous avons tous trois commencé par la street-danse, dit-il, puis avons creusé des sillons personnels, nourris de rencontres, partages et hybridation,. Le point zéro est aussi littéralement le lieu à partir duquel les distances sont calculées. Quel est le chemin que nous avons parcouru?»

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Mathias Rassin, Johanna Faye, Amala Dianor

Avec un style hip hop démembré, déconstruit puis reconstruit, la pièce ramène les gestuelles à l’os. Gros plan sur un mouvement d’épaule ou de bras, un lancer jambe, une pirouette : chacun décortiquant les éléments de sa grammaire. La musique beat d’Awir Léon est à leur disposition sur un clavier où chacun va choisir, parmi les nombreuses touches, sa propre partition et l’enrichit de nouvelles pistes, histoire de faire monter la tension. De solo en battle, ces interprètes nous offrent des échantillons de leur écriture personnelle, et nous transmettent la joie de danser. Ce trio, simple et dépouillé, pourra, de ce fait, paraître un peu trop sommaire à certains mais cette démarche amicale de partage est  généreuse. 

Mais reste la question que se pose Amala Dianor: « Qu’en est-il de notre cathédrale de danseurs urbains, de nos chapelles originelles? Sont-elles restées intactes après tant d’années ? Sommes-nous toujours capables d’y retourner afin d’y puiser pour créer, transmettre, nous mouvoir ensemble? » Il y répond, en présentant actuellement The Falling Stardust, une grande forme pour neuf danseurs. Et Siguifin, une création collective avec Ladji Koné, Alioune Diagne et Naomi Fall, dansée par des pré-professionnels du Burkina-Faso, du Mali et du Sénégal. En 2022, il va créer A 20 cms près, une pièce pour dix danseurs et un musicien.

 Mireille Davidovici

 Du 25 au 29 janvier, dans le cadre du festival Faits d’Hiver, Les Abbesses-Théâtre de la ville, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77.

 Les 4 et 5 mars C.N.D.C. Angers, dans le cadre du festival Conversations ( Maine-et-Loir).

Le 10 mars, Le Carroi, La Flèche (Sarthe) et le12 mars, Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis).

Le 1 er avril,  Festival Imprudanse, Draguignan  (Var) ; du 5 au 7 avril, Annecy (Haute-Savoie).

Le 7 mai, Théâtre-Scène Nationale de Mâcon (Saône-et- Loire).

Festival d’Avignon : Du lundi 11 au vendredi 15 juillet • 10h • Belle Scène Saint-Denis  Une programmation du Théâtre Louis Aragon à La Parenthèse, 18 rue des études, Avignon

 

 

 


Archive pour 28 janvier, 2022

Débris de Dennis Kelly, mise en scène de Julien Kosellek et Viktoria Kozlova

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Débris de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine et Pauline Sales, mise en scène de Julien Kosellek et Viktoria Kozlova

 Le dramaturge anglais maintenant bien connu en France et plusieurs fois monté notamment par Arnaud Anckaert (voir Le Théâtre du Blog), n’y va pas avec le dos de la cuiller. Objet littéraire à part, ce conte pour enfants désespérés, navigue entre réalisme très cru, fantasmagorie de cauchemar et forte charge de tendresse agressive…
Que reste-t-il à Michael et Michelle, un frère et une sœur orphelins, une fois devenus adultes ? Une enfance encore intacte avec  toute sa violence innocente. Dennis Kelly, dans cet exercice particulier du conte cruel, détaille la mort du père alcoolique auto-crucifié, puis brouillant la chronologie, celle de la mère en mettant au monde Michelle son deuxième enfant qui imagine -et cela va très loin- ce que veut dire naître d’une morte… Ces enfants auront rencontré des adultes prédateurs, « Onclenri », pourvoyeur de « smile-and-smart », chez qui on leur promet luxe, valets en habit et cette chose étrange qu’on nomme du champagne. Dans le peu qu’ils en auront vu, ils auront deviné le monde et  se seront exercés ensemble à la fraternité et à la bagarre.

Mais la rencontre décisive pour ce garçon de seize ans, est ce bébé trouvé sur un tas d’ordures, qu’il baptise Débris. Alors, il sait, il vit ce qu’est «l’amour maternel ». Julien Kosellek et Viktoria ont placé ce récit qu’ils interprètes aussi dans une sorte de bric-à-brac d’objets fanés sur fond de musiques dansantes années quatre-vingt, devant un écran où sont projetés des collages troublants de photos d’enfants masqués (Paola Valentin). Mais ces images produisent avec le décor et outils musicaux d’Anya Fuentes Uno un effet d’accumulation, ce qui affaiblit chacun des éléments, pourtant nécessaires…

L’interprétation, comme les danses enfantines, suivent la même logique. Avec une belle vitalité juvénile mais aussi la brutalité du texte surjoué, donc déjoué, qui passe au second degré. Plutôt qu’à l’humour noir, nous avons ainsi affaire à un humour (trop) pudique qui dit: «Non, je rigole», en proférant des horreurs, des vraies. Comme s’il fallait avant tout apprivoiser, déréaliser le récit. Mais Dennis Kelly n’exagère pas et nous transmet la violence de la pauvreté et de l‘injustice qu’il reçoit en pleine figure… Comme le faisait en son temps, Edward Bond, avec entre autres, sa pièce Sauvés. Et Dennis Kelly avec Occupe-toi du bébé au Théâtre de la Colline, mise en scène par Olivier Werner en 2011. Le point commun tragique, le point sacré, l’incarnation même de la fragilité et de l’endurance de la vie, c’est le bébé, un sauveur qu’il faut sauver. Cette mise en scène en version adoucie de Débris peut faire plaisir, mais nous ne sommes pas sortis du théâtre avec «des expérience émotionnelles qui font bouger des choses en nous», selon les mots de Denis Kelly. Ici, la tragédie n’est pas au rendez-vous…

Christine Friedel

Jusqu’au 6 février, Théâtre de la Reine Blanche, Paris (XVII ème). T. : 01 40 05 06 96.

La Grange Dimière, Fresnes (Val-de-Marne) le 13 mai.

Théâtre Jean Arp, Clamart (Hauts-de-Seine), le 3 juin.

 

 

Songe à la douceur, d’après le roman de Clémentine Beauvais, livret de Rachel Arditi, Clémentine Beauvais et Justine Heynemann, musique de Manuel Peskine, mise en scène de Justine Heynemann

Songe à la douceur, d’après le roman de Clémentine Beauvais, livret de Rachel Arditi, Clémentine Beauvais et Justine Heynemann, musique de Manuel Peskine, mise en scène de Justine Heynemann

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© Cindy Doutres

Ce spectacle musical pour adolescents garde le charme du roman. Tatiana, quatorze ans, timide jeune fille aime Eugène. Mais plus âgé, il la traite en gamine. Un drame les a séparés mais, dix ans après, ils se revoient par hasard et il tombe amoureux de Tatiana. Parallèlement à ce chassé-croisé amoureux, Levski, un ami d’Eugène, amoureux fou d’Olga, la sœur de Tatiana, tombe du toit et meurt, lors d’une bagarre avec Eugène qui courtisait Olga et qui l’a donc trahi…

Les personnages et la trame narrative s’inspirent d’Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine (1799-1837) donc il y a deux siècles. Mais Ici, Eugène se drape de cynisme et quand Tatiana hésite à tomber dans les bras d’Eugène, elle met en balance le brillant avenir professionnel auquel elle devrait renoncer pour s’ennuyer, comme sa sœur, au bout de quelques années de mariage, une fois la passion éteinte… Elle réserve donc sa décision.

Cette adaptation respecte la version en vers libres de Clémentine Beauvais, particulièrement adaptés à la musique pop-rock de Manuel Peskine, qui, sur scène, accompagne au piano, les jeunes comédiens. Rachel Arditi joue les présentatrices avec des tonalités de cabaret… Elle commente ou résume avec ironie les aventures sentimentales des protagonistes, et elle n’hésite pas à les conseiller, avec un jeu un peu trop appuyé, mais qui ne nuit pas à la délicatesse générale de la pièce. Dans un décor romantique, où grandes fleurs de papier et chutes de confettis donnent au spectacle une couleur enfantine et naïve, les jeunes interprètes se lancent avec fougue dans leurs rôles.

Tatiana à l’âge ingrat (Elisa Erka) devient une intellectuelle épanouie et ambitieuse. Manika Auxire -une Olga mutine et sensuelle- chante les vers de Charles Baudelaire qui donnent le titre au spectacle : « Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble. », dans une scène où la pièce bascule dans le drame. Les personnages masculins, eux, sont plus en retrait.

Un texte exigeant, une mise en scène tonique et des chansons mémorables qu’on pourra retrouver sur internet: de quoi séduire un public, jeune ou pas. Une version brillante remise au goût du jour de cette histoire d’amour déphasée  et racontée par Alexandre Pouchkine, dont on ne compte plus  les adaptations : à l’opéra, au cinéma et, récemment, au théâtre par Michel Ponte sous le titre Barricades mystérieuses et en 2019, par Jean Bellorini.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 6 février, Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès Paris (XIX ème). :T. : 01 40 03 72 23.

Le 10 février, Théâtre des Deux Rives, Charenton-le-Pont (Val-de-Marne).

Le 15 mars, Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

Le 21 avril, Carré Bellefeuille, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Le roman de Clémentine Beauvais est publié aux éditions Sarbacane.

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