Débris de Dennis Kelly, mise en scène de Julien Kosellek et Viktoria Kozlova

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Débris de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine et Pauline Sales, mise en scène de Julien Kosellek et Viktoria Kozlova

 Le dramaturge anglais maintenant bien connu en France et plusieurs fois monté notamment par Arnaud Anckaert (voir Le Théâtre du Blog), n’y va pas avec le dos de la cuiller. Objet littéraire à part, ce conte pour enfants désespérés, navigue entre réalisme très cru, fantasmagorie de cauchemar et forte charge de tendresse agressive…
Que reste-t-il à Michael et Michelle, un frère et une sœur orphelins, une fois devenus adultes ? Une enfance encore intacte avec  toute sa violence innocente. Dennis Kelly, dans cet exercice particulier du conte cruel, détaille la mort du père alcoolique auto-crucifié, puis brouillant la chronologie, celle de la mère en mettant au monde Michelle son deuxième enfant qui imagine -et cela va très loin- ce que veut dire naître d’une morte… Ces enfants auront rencontré des adultes prédateurs, « Onclenri », pourvoyeur de « smile-and-smart », chez qui on leur promet luxe, valets en habit et cette chose étrange qu’on nomme du champagne. Dans le peu qu’ils en auront vu, ils auront deviné le monde et  se seront exercés ensemble à la fraternité et à la bagarre.

Mais la rencontre décisive pour ce garçon de seize ans, est ce bébé trouvé sur un tas d’ordures, qu’il baptise Débris. Alors, il sait, il vit ce qu’est «l’amour maternel ». Julien Kosellek et Viktoria ont placé ce récit qu’ils interprètes aussi dans une sorte de bric-à-brac d’objets fanés sur fond de musiques dansantes années quatre-vingt, devant un écran où sont projetés des collages troublants de photos d’enfants masqués (Paola Valentin). Mais ces images produisent avec le décor et outils musicaux d’Anya Fuentes Uno un effet d’accumulation, ce qui affaiblit chacun des éléments, pourtant nécessaires…

L’interprétation, comme les danses enfantines, suivent la même logique. Avec une belle vitalité juvénile mais aussi la brutalité du texte surjoué, donc déjoué, qui passe au second degré. Plutôt qu’à l’humour noir, nous avons ainsi affaire à un humour (trop) pudique qui dit: «Non, je rigole», en proférant des horreurs, des vraies. Comme s’il fallait avant tout apprivoiser, déréaliser le récit. Mais Dennis Kelly n’exagère pas et nous transmet la violence de la pauvreté et de l‘injustice qu’il reçoit en pleine figure… Comme le faisait en son temps, Edward Bond, avec entre autres, sa pièce Sauvés. Et Dennis Kelly avec Occupe-toi du bébé au Théâtre de la Colline, mise en scène par Olivier Werner en 2011. Le point commun tragique, le point sacré, l’incarnation même de la fragilité et de l’endurance de la vie, c’est le bébé, un sauveur qu’il faut sauver. Cette mise en scène en version adoucie de Débris peut faire plaisir, mais nous ne sommes pas sortis du théâtre avec «des expérience émotionnelles qui font bouger des choses en nous», selon les mots de Denis Kelly. Ici, la tragédie n’est pas au rendez-vous…

Christine Friedel

Jusqu’au 6 février, Théâtre de la Reine Blanche, Paris (XVII ème). T. : 01 40 05 06 96.

La Grange Dimière, Fresnes (Val-de-Marne) le 13 mai.

Théâtre Jean Arp, Clamart (Hauts-de-Seine), le 3 juin.

 

 

 

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