Nous y voilà, mise en scène de Philippe Torreton
Nous y voilà, mise en scène de Philippe Torreton
Avec Richard Kolinka, le batteur du groupe Téléphone et Aristide Rosier aux claviers, le grand comédien a voulu créer un spectacle entre poésie et musique... Il l’avait élaboré avec son voisin Richard pendant le confinement, à Fontenay-sous-bois et ils en ont offert la première mouture aux agents municipaux de leur ville pour les remercier de tout leur travail pendant cette période difficile. Ici, on change de public et à la Comédie des Champs-Elysées, Philippe Torreton dit des poèmes qui vont de Clément Marot, Ronsard (le fameux Contre les bûcherons de la forest de Gastine : Escoute, Bucheron arreste un peu le bras/Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,/Ne vois-tu pas le sang lequel dégoute à force/Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce?, à George Sand, Charles Baudelaire ou Arthur Rimbaud… Et un extrait de La Troisième Révolution, un magnifique texte-réquisitoire de Fred Vargas: « Nous y voilà, nous y sommes, dans le mur, au bord du gouffre… Nous avons chanté, dansé, quand je dis nous, entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine… Nous avons jeté nos pesticides à l’eau… Nous avons mangé des fraises du bout du monde… Nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche….nous avons acidifié la pluie ».« Franchement, on peut dire qu’on s’est bien amusé… On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise… Faire péter l’atome… Franchement, on s’est bien marré… Il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. »
Mais aussi devant un pupitre, il dit cette fois sans micro, des écrits de Sitting Bull, un chef Sioux de la tribu des Lakotas, mort en 1890 dans la réserve de Standing Rock, Dakota. Dénominateur commun : une évocation des rapports difficiles de l’homme avec la Nature. Philippe Torreton tire la sonnette d’alarme et dire à l’humanité toute entière d’arrêter ces dépenses d’énergie inutiles si elle ne veut pas courir à sa fin.
Sur un plateau encombré par tous les instruments de musique, une belle performance de cet acteur généreux qui lit ces textes avec foi et générosité. Mais la balance était encore bien mal réglée et nous entendions souvent mieux, la musique- très forte- que les mots. Dommage, surtout quand il s’agit de poèmes aussi forts, bien choisis au demeurant par Philippe Torreton. Mais on est en droit de se poser la question : la poésie a-t-elle besoin de cette puissante sonorisation de la voix et de ces batteries et claviers, pour donner l’ampleur nécessaire au spectacle? La réponse est : non, et nous aurions préféré entendre ce magnifique acteur dire ces poèmes sans micro, avec peut-être quelques discrètes musiques. En tout cas, dans une mise en scène plus sobre : sans images vidéo en fond de scène et -manie actuelle- sans inutiles nappes de fumigène. A vous de voir, d’autant que les places ne sont pas données…
Philippe du Vignal
Jusqu’au 10 avril,Comédie des Champs-Elysées, 15 avenue Montaigne, Paris (VIII ème). T. : 01.53.23.99.19
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