Songe à la douceur, d’après le roman de Clémentine Beauvais, livret de Rachel Arditi, Clémentine Beauvais et Justine Heynemann, musique de Manuel Peskine, mise en scène de Justine Heynemann

Songe à la douceur, d’après le roman de Clémentine Beauvais, livret de Rachel Arditi, Clémentine Beauvais et Justine Heynemann, musique de Manuel Peskine, mise en scène de Justine Heynemann

songe à la douceur

© Cindy Doutres

Ce spectacle musical pour adolescents garde le charme du roman. Tatiana, quatorze ans, timide jeune fille aime Eugène. Mais plus âgé, il la traite en gamine. Un drame les a séparés mais, dix ans après, ils se revoient par hasard et il tombe amoureux de Tatiana. Parallèlement à ce chassé-croisé amoureux, Levski, un ami d’Eugène, amoureux fou d’Olga, la sœur de Tatiana, tombe du toit et meurt, lors d’une bagarre avec Eugène qui courtisait Olga et qui l’a donc trahi…

Les personnages et la trame narrative s’inspirent d’Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine (1799-1837) donc il y a deux siècles. Mais Ici, Eugène se drape de cynisme et quand Tatiana hésite à tomber dans les bras d’Eugène, elle met en balance le brillant avenir professionnel auquel elle devrait renoncer pour s’ennuyer, comme sa sœur, au bout de quelques années de mariage, une fois la passion éteinte… Elle réserve donc sa décision.

Cette adaptation respecte la version en vers libres de Clémentine Beauvais, particulièrement adaptés à la musique pop-rock de Manuel Peskine, qui, sur scène, accompagne au piano, les jeunes comédiens. Rachel Arditi joue les présentatrices avec des tonalités de cabaret… Elle commente ou résume avec ironie les aventures sentimentales des protagonistes, et elle n’hésite pas à les conseiller, avec un jeu un peu trop appuyé, mais qui ne nuit pas à la délicatesse générale de la pièce. Dans un décor romantique, où grandes fleurs de papier et chutes de confettis donnent au spectacle une couleur enfantine et naïve, les jeunes interprètes se lancent avec fougue dans leurs rôles.

Tatiana à l’âge ingrat (Elisa Erka) devient une intellectuelle épanouie et ambitieuse. Manika Auxire -une Olga mutine et sensuelle- chante les vers de Charles Baudelaire qui donnent le titre au spectacle : « Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble. », dans une scène où la pièce bascule dans le drame. Les personnages masculins, eux, sont plus en retrait.

Un texte exigeant, une mise en scène tonique et des chansons mémorables qu’on pourra retrouver sur internet: de quoi séduire un public, jeune ou pas. Une version brillante remise au goût du jour de cette histoire d’amour déphasée  et racontée par Alexandre Pouchkine, dont on ne compte plus  les adaptations : à l’opéra, au cinéma et, récemment, au théâtre par Michel Ponte sous le titre Barricades mystérieuses et en 2019, par Jean Bellorini.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 6 février, Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès Paris (XIX ème). :T. : 01 40 03 72 23.

Le 10 février, Théâtre des Deux Rives, Charenton-le-Pont (Val-de-Marne).

Le 15 mars, Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

Le 21 avril, Carré Bellefeuille, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Le roman de Clémentine Beauvais est publié aux éditions Sarbacane.


Archive pour janvier, 2022

Adieu Milena Salvini

Adieu Milena Salvini 

©x

©x

Elle nous a quitté juste après son 84 ème anniversaire. Une disparition qui attriste beaucoup tous ceux qui connaissaient cette danseuse. Elle aura beaucoup contribué en France mais aussi en Europe à la connaissance des arts de l’Inde, en particulier du théâtre dansé et du khatakali. Il  y a trois ans, elle avait reçu la quatrième plus haute distinction civile de ce pays, la Padma Shiri. Au centre Mandapa, à Paris (XIII ème) qu’elle fonda en 75 avec son mari l’architecte Roger Filipuzzi et qu’elle dirigeait, elle sut faire connaître la danse classique de l’Inde, en promouvoir les spectacles traditionnels et contemporains mais elle fit aussi découvrir l’art oral du conte. Entre autres actions, elle organisa en 85 au Théâtre de l’Odéon, Les 24 Heures du raga, avec des artistes venus de l’Inde du Nord. Elle n’était avare ni de son savoir ni de sa documentation qu’elle nous transmettait avec générosité. Et elle observait un rituel; la préparation d’un thé qu’elle buvait avec son interlocuteur. Ensuite seulement, elle abordait avec lui les connaissances dont il avait besoin.

Milena Salvini fait partie de ces êtres dont la réserve est proportionnelle à la grandeur de leur action. Ce « petit bout de femme » fut en réalité un grande figure des danses de l’Inde mais aussi du monde: elle savait qu’elles étaient affaire de questions de territoires, comme les oiseaux d’Olivier Messiaen. Ces danses ont le monde pour objet et agissent aussi sur lui, en traçant de nouvelles lignes et de nouveaux découpages. En Inde, circule cette idée : un corps pèse différemment selon tel ou tel point de la terre. Patrick Bensard, directeur de la Cinémathèque de la danse, programma avec passion les danses indiennes, orientales, balinaises, etc. et se rendit souvent en Inde, notamment à Bombay. Milena Salvini et cette institution avaient donc une passion commune. Avec elle, disparait une figure importante de la danse contemporaine en France.
 

Bernard Rémy
Livres de Milena Salvini :

L’Histoire fabuleuse du théâtre Kathakali à travers le Ramayana ( 1990).
La Fabuleuse histoire du Kathakali à travers ses techniques, Paris,  Riveneuve ( 2017).

Documentaires : 

L’Epopée du Mahabharata, théâtre dansé Kathakali, Milena Salvini et Roger Filipuzzi (producteurs), Jacques Oger (directeur).
Kutiyattam : le plus vieux théâtre-dansé du monde, Milena Salvini et Roger Filipuzzi (producteurs) (1994).

 

Que se répètent les heures… (La Borde), d’après les textes de Marie Depussé, Nicolas Philibert, adaptation et mise en scène de Pierre Bidard

Que se répètent les heures… (La Borde), d’après les textes de Marie Depussé et Nicolas Philibert, adaptation et mise en scène de Pierre Bidard

Capta_2020-08-19_-15

© Jean-Claude Etelain.

Le théâtre de l’Elysée, codirigé par Jacques Fayard, son fondateur et Gabriel Laval-Esparel arrivé il y a quatre ans, défend les formes émergentes du théâtre et de la performance. Il accueille, comme Les Subsistances, ce premier festival Azimuts, initié à Lyon par le Théâtre du Point du Jour (voir le Théâtre du blog),  tremplin de la jeune création, avec quinze propositions en trois jours. La petite salle est comble pour découvrir la compagnie La Vallée de l’Égrenne, issue de l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (E.N.S.A.T.T.), qui a obtenu le prix de la mention spéciale du Théâtre 13, en 2020. Distinction méritée.

Les six interprètes, présentent en une heure vingt, des moments de la vie collective à la clinique de La Borde. Le texte s’appuie sur le livre de la psychanalyste Marie Depussé, Dieu gît dans les détails (1993) et le documentaire du cinéaste Nicolas Philibert, La Moindre des choses (1996). Ces deux témoignages ont été réécrits : certaines séquences de La moindre des choses répliquées, d’autres passages adaptés puis modifiés à l‘épreuve du plateau. De prime abord, dans la salle commune, où les pensionnaires se retrouvent pour le goûter devant une grande table, nous ne distinguons pas les malades du personnel de La Borde. Puis, avec leur propos et leur gestuelle, les rôles se précisent.

Manu, le jardinier, raconte son arrivée à La Borde, Claude, replié sur sa fatigue chronique, se fait couper la barbe, Sophie, exubérante, fait un portrait de Ginette et veut qu’on l’affiche parmi d’autres dessins. Le dramaturgie est fondée sur le parcours de Nicolas de l’un à l’autre: il enregistre tout sur son dictaphone, cadeau de son frère, jusqu’aux ronronnement du frigidaire et aux glouglous du café qui coule, odorant. Il recueille les témoignages des «fous» et des soignants.

Jean Oury, le directeur de la clinique lui en raconte l’histoire. En 1953, à l’orée du mouvement «antipsychiatrique», ce médecin investit un château presque en ruines dans le Loir-et-Cher, pour y fonder un lieu ouvert où s’institue un rapport d’égalité entre soignants et soignés, une organisation collective et une liberté de circulation et d’activités. Ici la maladie mentale et son traitement se pensent autrement, à l’inverse des hôpitaux-prisons qu’il avait décidé de quitter.

Tous très crédibles dans leur rôle, Lou Bernard-Baille, Marius Uhl, Vincent Chappet, Vincent Couesme, Iris Pucciarelli et Erwan Vinesse bâtissent une micro-société, dans la lenteur d’un quotidien sans éclat, fait de petits gestes, allers et venues, explosions d’angoisse,  de méfiance mais aussi d’attention bienveillante envers l’autre… Instantanés d’un documentaire attachant, parfois drôle où Pierre Bidard interroge l’institution psychiatrique, aujourd’hui plus que jamais en crise. Il change notre regard sur le traitement de la folie dont la frontière est mince avec la normalité. Quand, à certains moments du spectacle, nous nous rions du fou, n’est-ce pas aussi un peu de nous-même ?

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 23 janvier au Théâtre de l’Elysée, 14, rue Basse Combalot, Lyon ( VII ème)/ T. : 04 78 58 88 25

Du 6 au 28 février, Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, Paris ( XI ème).  T. 01 48 06 72 34 ?

 Du 3 au 6 mai, Théâtre de l’Élysée, 14, rue Basse Combalot, Lyon ( VII ème)/ T. : 04 78 58 88 25.

 

 

 

Du

 

Adieu Monique Blin

Adieu Monique Blin
 
©x

©x

Elle nous a quitté mardi à quatre-vingt huit ans. Nous l’avions connue directrice de la Maison de la Culture à Nanterre de 1980 à 1982, avec le réalisateur Raoul Sangla. Elle fut ensuite nommé directrice du Festival des Francophonies à Limoges en 1984 par Pierre Debauche qui, à l’époque dirigeait le le Centre Dramatique National du Limousin. Elle permit au public français d’y découvrir entre autres, le dramaturge et metteur en scène le Libanais Wajdi Mouawad, maintenant directeur du Théâtre national de la Colline à Paris. Mais aussi le Québécois Robert Lepage, deux artiste devenus internationaux. Mais aussi le Chinois Gao Xing Yiang, invité en résidence d’écriture à Limoges et qui reçu ensuite le prix Nobel.
Et elle invita à Limoges le romancier et dramaturge congolais Sony Labou Tansi (1947-1995) avec son Rocado Zulu-Théâtre de Brazzaville. Sa pièce La Parenthèse de sang est actuellement jouée aux Déchargeurs (voir Le Théâtre du Blog). Nous la rencontrions Monique Blin souvent dans les  théâtres, les festivals et à la création de 
La Peau Cassée de Sony Labou Tansi mise en scène de Guy Lenoir à Mindouli au Congo. Moins  connue du grand public que  par les professionnels du  théâtre, cette femme, curieuse, exigeante et engagée, aura beaucoup fait pour que les écrivains et dramaturges notamment africains puissent être joués en Europe.

Et  en 1988, elle créa La Maison des auteurs, pour accueillir des dramaturges et leur offrir ainsi de bonnes conditions de travail. Monique Blin quitta la direction des Francophonies en 2000 mais jusqu’en 2007, elle fut présidente de l’association Écritures vagabondes à Limoges, pour favoriser la création particulièrement en Afrique. dans les pays du Sud. Et au Lavoir Moderne à Paris, elle mit en place Écriture en Partage pour faire découvrir les écritures francophones.
Merci Monique Blin pour tout ce que vous aurez apporté au théâtre contemporain. Nous nous souviendrons de vous.
Philippe du Vignal

Festival Faits d’hiver danse, à Micadanses Mes Soudains de Carole Quettier

Festival Faits d’hiver danse à Micadanses

Mes Soudains de Carole Quettier

©Laurent Pailler

©Laurent Pailler

Ici, une question d’instants mais leur soudaineté doit être relativisée. La chorégraphe et interprète en présente plusieurs types dont certains échappent à la surprise, au coup d’éclat, tout en incluant une nouveauté discrète, d’autant plus insaisissable, presque imperceptible… Elle aiguise notre perception. Sur une musique de Mauricio Kagel joué par le pianiste Alexandre Tharaud, tempos vifs et tempos lents se succèdent mais ne dominent pas. Le retour des bras au-dessus de la tête dessinent une courbe, un pont entre vivacité et lenteur. Comme le disait Gilles Deleuze en 1981 dans un cours sur les vitesses de la pensée chez Spinoza : «Je vois quelqu’un entrer, je ne le vois plus comme un objet délimité, je le vois comme un ensemble de rapports ambulants. Et Spinoza dira: «Une proportion de repos et de mouvement, de vitesse et de lenteur». Et je le reconnais à cette proportion que je ne confonds avec aucune autre proportion. » Ces rapports renvoient aux parties du corps et selon Carole Quettier, elles communiquent de manière à la fois autonome et fluctuante. Jambes, bras, cous, têtes, mains, même isolément, offrent de multiples combinatoires. Mais elle découvre une merveille: des lignes se relient aux parties et créent un plan qui survole l’ensemble. Henri Michaux disait justement : «Une ligne pour le plaisir d’être ligne. Une ligne rêve. On n’avait jamais jusque-là jamais laissé rêver une ligne. Une ligne de conscience. » Et pour Paul Klee, il fallait conjurer notre assujettissement à l’attraction terrestre : «On est allongé et on renonce à toute réaction. »

Et le peintre aurait aimé cette chorégraphie. La danseuse commence allongée, immobile. Que devient la gravitation dans une ligne où Carole Quettier dessine inclinaisons d’épaules, changements d’axe, courbes continues et pliures? Comment devenir à la fois une seule ligne au dehors et au-dedans, une onde qui précède le corps et en même temps l’explore, découvre avec calme le non-encore vécu ? Sa ligne à la fois sort un peu d’elle-même et y revient. Une extériorité circulaire qui se manifeste en torsions et tournoiements et il y a une inversion de l’extériorité en intériorité, et de l’intériorité en extériorité. Comme un cercle irrégulier qui penche parfois à droite, parfois à gauche. Renvoyant au circulo vicioso de Pierre Klossowski :« L’individu combat pour son existence propre… Il veut dominer. Mais alors, il découvre qu’il est quelque chose qui change, que son goût est changeant… sa subtilité l’amène à dévoiler le secret qu’il n’y pas d’individu, que dans le moindre instant, il est autre que dans l’instant suivant… l’instant infinitésimal est la réalité… une image-éclair qui surgit de l’éternel fleuve. »

La danse contemporaine plonge dans le devenir et une suite d’instants et nous découvrons des rapports de force et durée, des rythmes entre animal et humain. Carole Quettier, en vivant les trois couches d’instant: rapports de vitesse, de lenteur, lignes survolant les ramifications de lignes, s’interroge sur la naissance du mouvement… Et elle invente à la terminaison d’un geste, des esquisses : ses magnifiques mains se plient, ondulent légèrement l’une au-dessus de l’autre, évitent parfois de se situer dans le prolongement des bras, avec changements d’axe et remontés de station au sol et dégradés. L’esquisse prépare la place à l’instant qui autrement, se consumerait.

Quelques images exemplaires : la droite ouverte, le bras horizontal en travers de la poitrine, la tête en arrière, la jambe droite dessinent une seule ligne pure incurvée. Une série de torsions d’ensemble prépare la naissance de la courbe. Carole Quettier pivote et expose la même figure en changeant d’appui et esquive l’instant de la pression puis en tordant ses pieds sur le côté, disperse la pesanteur au bord du déséquilibre. Cette déformation contenue évoque le style de Dore Hoyer, une danseuse expressionniste allemande (1911-1967) dont le travail passionne Carole Quettier.

Des lignes symétriques, bras disposés tout au long de la partie supérieure du corps mais un peu penchés entrent en contraste avec la partie inférieure des jambes écartées, genoux en dedans : une très belle posture où en fait la notion de contraste se dissout. Genoux en dedans, bras pliés le long du corps, elle plonge la tête qui ne remonte pas par un vif dégradé. Un pli de rêve… Le nombre de figures de ce solo impressionne : Carole Quettier développe et invente autour de ses suites, un « air » propre à la danse. Une pièce bénéfique et en variation continue, qui ne finit pas, qui ne peut pas  finir et semble s’achever sur une immobilité. Il y a alors comme un blanc. Mais elle continue par une esquisse de geste sur le côté d’une hanche. Cette fois, l’esquisse est première,  et la fluctuation disparait alors dans le noir.

Bernard Rémy

Spectacle vu le 20 janvier au festival Faits d’hiver danse, à Micadanses, 20 rue Geoffroy-L’asnier, Paris ( IV ème).

 

La Parenthèse de sang de Sony Labou Tansi, mis en scène de Thomas Nordlund

La Parenthèse de sang de Sony Labou Tansi, mis en scène de Thomas Nordlund

 «Je commence toujours par donner mon état civil, disait Sony Labou Tansi. On devrait dire mon état d’homme plutôt. Ce qui prouve que je suis prétentieux ou insupportable. Je suis donc Sony Labou Tansi. Métier : homme. Fonction : révolté. Nationalité : “afro-humaine.” De son vrai nom, Marcel Ntsoni, né à Kimwanza au Congo dit Belge en 1947, ce dramaturge et romancier est mort du sida, en même temps que son épouse, à Brazzaville en 1995… Il avait dû à l’école renoncer à sa langue maternelle pour apprendre le français et il a une vision très pessimiste du monde et des puissances étrangères qui ont colonisé l’Afrique et francophone, il le dit avec un beau langage poétique : «Je fais l’amour aux mots pour que la vie existe. » Et -nous l’avions bien connu- c’était un homme d’une grande culture. Souvent en France quand il n’était pas au Congo, il aimait beaucoup vivre à Blaye (Gironde) où il cultivait avec grand respect un potager. Nous le revoyons déposer soigneusement haché menu pour servir d’engrais vert, les pelures de légumes au pied des plants de tomates, aubergines et courgettes…

© Théo Bianconi

© Théo Bianconi

Mais bon, revenons à notre Théâtre des Déchargeurs: cela se passe dans la maison de la famille de Libertashio, un héros de la résistance qu’on vient d’enterrer. Mais une bande de soldats fouille le pays pour le retrouver et l’amener à la Capitale. Ils ne croient pas qu’il est mort et tuent tous les militaires ou civils qui, eux, admettent cette mort. Un sergent désigne le jeune Martial comme étant Libertashio mais il proteste. Il sera torturé le premier puis sa famille y passera aussi. Arrive ensuite le docteur Portès avec sa femme et le curé qui prennent le parti de Libertashio. Comme les autres, ils vont être emprisonnés et condamnés à mort. En attendant leur exécution, la nuit, dans une pièce sombre, ils ne savent plus trop s‘ils sont encore en vie ou déjà été tués. Une scène remarquable… «Serions-nous capables comme la famille de Libertashio de nous opposer à un pouvoir qui veut dénaturer l’être humain, dit le metteur en scène. L’auteur interroge ici les mécanismes de la résistance, en connectant les personnages à la mémoire d’un héros de cette résistance.

©x

©Théo Bianconi

« Ici le personnage du Pouvoir c’est la capitale. » Invisible, elle semble représenter pour les soldats un fantasme avec ses ordres venus d’en haut et a plus d’importance que toutes les vérités des civils. Et Martial nait à la vie parce qu’il est un résistant : «Je croyais que la mort était trop ample pour moi. Non. Elle est à ma taille.» Cette pièce sur le pouvoir, la guerre civile et les tueries à chaque coup d’Etat en Afrique, avec ses nombreux personnages dont Libertashio. Martial, un Fou, des sergents et soldats, le docteur Portès et sa femme, un Curé, etc.. est intéressante mais les dialogues sont parfois confus, malgré de beaux moments où visiblement Sony Labou Tansi aimait jouer avec la langue française : -Ta gueule ! (Silence.) Moi je fais ce que la loi me demande. (Un temps.) Est-ce ma faute si les lois n’ont plus de conscience? Je suis soldat. Bon soldat. Et je fais à la manière du bon soldat. (Un temps.) Vous, vous êtes des citoyens. Et pourquoi vous ne faites pas à la manière des citoyens ? Quand on vous appelle aux… aux urines… aux urinaux, comment ça s’appelle en français rapide ? Quand on fait le choix pour un… Y a des moments où leur français-là me complique l’arrière. Des moments où je deviens un véritable pot d’échappement. » Ou cet autre bref mais étonnant dialogue : Cavacha -Je vous trouve belle comme la pleine lune. Votre ventre respire l’herbe d’octobre. Vous fleurissez, et ça me donne des élans, des vertiges, des aller et retour.
Yavilla : Vous avez les mains farouches. Elles me troublent. J’imagine que ce sont elles qui ont tué notre pauvre père. Cavacha : Vos yeux. Vos yeux ont construit la peur dans mon cœur. Je ne comprend pas. Je ne comprend pas. Mon sang devient une sorte de mille-pattes qui rampe, qui rampe, qui rampe sur votre image. Je ne comprend pas et je ne comprend pas. » Cela dit,le texte est d’une belle langue fleurie et souvent drôle, malgré les circonstances tragiques. Mais les pièces de auteur congolais maintenant bien connu en France n’ont pas la qualité dramaturgique de ses romans, eux, nettement mieux construits. Et les personnages ne sont pas aussi bien dessinés…

Sur ce petit plateau des quelque seize m2, le metteur en scène arrive à faire jouer et circuler une dizaine de jeunes comédiens qui passent souvent d’un rôle d’oppresseur à celui d’oppressé. Avec une grande fluidité dans les entrées et sorties et à un rythme constant. Chapeau! Cela suppose une bonne direction d’acteurs. «Mon intention, dit Thomas Nordlund, c’est de jouer sur la vibration du corps humain, l’interprétation sonore par les comédiens et les musiciens au plateau de la faune, du vent, des coups de feu, etc. La musique est fondamentale dans mon rapport au théâtre. »
Pari tenu, même s’il fait trop souvent crier ses interprètes, ce qui n’est pas indispensable surtout dans une aussi petite salle. Mention spéciale à la scénographe et costumière Laure Catalan qui, avec Pierre Pouillot, a travaillé des matières simples avec une grande sensibilité en insistant plus sur la fabuleux que sur le réalisme. Et elle a réussi à traduire le chaos ambiant avec des vêtements sur le sol un peu partout qui font bon ménage avec une batterie, un djembé, une guitare, etc. Et côté costumes, en respectant ce que disait
Sony Labou Tansi cité par Thomas Nordlund : «Ne faites pas porter à mes personnages des vêtements qui concordent avec leur rang ; vous seriez coupables d’une méprise mortelle et d’un terrible manque d’imagination. Car ici commence une tragique jouerie ».

Nos aimerions revoir ce spectacle sur un plateau où il pourrait y avoir tout l’espace nécessaire pour que les jeunes acteurs et musiciens donnent une véritable ampleur à ces personnages assez pâlichons. La Parenthèse de sang n’est sans doute pas une très bonne pièce mais, si vous êtes un professionnel du spectacle, cela vaut le coup d’ aller découvrir le travail à la fois précis et sensible de ce jeune metteur en scène qu’il faudra suivre.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 20 janvier au Théâtre des Déchargeurs, rue des Déchargeurs, Paris (I er).

.

 

Vie de Joseph Roulin de Pierre Michon, mise en scène de Thierry Jolivet

170553-151659-representation-vdjr_hd13_-1

© Rémi Blasquez

 

Une heureuse surprise!  La prose ciselée de Pierre Michon prend ici toute son ampleur, baignée dans les  tableaux de Vincent Van Gogh, tels que pouvait les voir un facteur arlésien. Il serait resté anonyme s’il n’avait fait plusieurs portraits de lui et de sa famille et si l’auteur des Vies minuscules n’avait imaginé cette biographie romancée, liée à celle dramatique et bien connue de l’artiste.

 L’écrivain creusois se plait à évoquer des gens simples du peuple, comme ici ce modeste employé des Postes, «alcoolique et républicain», ami de l’homme à l’oreille coupée, partageant des tournées d’absinthe avec lui, et témoin de sa démence, dans sa rage de peindre. L’ignorance de Joseph Roulin pour les choses de l’art confère à son regard sur la vie et l’œuvre de Vincent Van Gogh, une innocence dont nous sommes aujourd’hui privés et que Thierry Jolivet nous invite à retrouver. Par les yeux de ce facteur, nous regardons vivre et mourir le spectre décharné de ce fou de Vincent.

L’acteur se détache sur le bleu cobalt d’une de ses toiles, mais agrandie à la taille du miroir qui occupe tout le fond de scène et se reflète sur les flancs et le sol. «Tout l’enjeu du spectacle, dit-il, a consisté à fabriquer une forme qui accompagne les spectateurs dans le récit en maintenant l’écoute dans la sensation visuelle des œuvres du peintre. » Formé au Conservatoire de Lyon il a, depuis dix ans, adapté au théâtre: Fiodor Dostoïevski, Blaise Cendrars, Dante Alighieri, Mikhaïl Boulgakov… Artiste associé aux Célestins-Théâtre de Lyon, il y a créé ce spectacle qui, malheureusement, a depuis été  peu joué pour cause de covid.

 Immergé dans les couleurs et les formes tournoyantes qui envahissent le plateau, sans pour autant parasiter le texte, Thierry Jolivet trouve la juste diction, calme et obsédante et réalise un bel équilibre entre son interprétation, la composition musicale de Jean-Baptiste Cognet et Yann Sandeau, discrètement présents sur scène, le découpage vidéo de Florian Bardet, l’espace et les lumières de David Debrinay et Nicolas Galland. Les miroirs, démultipliant les tableaux, en effacent les contours et en explosent les cadres. Nous entrons en plongée dans les couleurs brutales appliquées au couteau, dans ces images de champs de blé, d’amandiers en fleurs au pied des Alpilles, de soleil implacable brûlant, jaune chrome numéro 3, comme l’absinthe. Apparaissent et s’entrelacent les visages de Joseph et Vincent, ceux des hommes et femmes qu’ils connurent, et les lieux qu’ils fréquentèrent ensemble. Des impressions du passé et lambeaux de vie nous mènent jusqu’à Saint-Rémy-de-Provence où fut interné Vincent. Et à Marseille où Joseph Roulin apprendra la mort de son ami et où il finira ses jours dans l’alcool, rêvant, en rouge qu’il était, aux lendemains qui chantent… Il céda son portrait, gratuitement, pour la gloire, à un marchand de tableaux parisien très chic qui lui en offrait pourtant une somme rondelette.

 Nous nous souviendrons longtemps de la voix tranquille de Thierry Jolivet, disant cette langue simple et belle, soutenu par les sonorités électroniques des synthétiseurs, mêlées à la chaleur des orgues dans une explosion de couleurs. Avis aux amateurs de théâtre, d’art et de littérature et aussi aux programmateurs : ne passez pas à côté de ce travail remarquable. A défaut, relisez ou lisez Pierre Michon…

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 1er février, Théâtre de la Cité internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIV ème). T. : 01 43 13 50 50.

 Le texte est publié aux éditions Verdier.

Grand Reporterre/5 : Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? par Étienne Gaudillère et Giulia Foïs

Grand Reporterre/5 :  Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? par Étienne Gaudillère et Giulia Foïs dans actualites grand-reporterre-theatre-du-point-du-jour

grand reporterre ©Théâtre du Point du Jour

Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? par Étienne Gaudillère et Giulia Foïs

Un spectacle joué dans le cadre du festival Azimuts initié à Lyon par le Théâtre du Point du Jour pour promouvoir la jeune création, en partenariat avec Les Subsistances et le Théâtre de l’Elysée. Dans cette série bi-annuelle qui vise à « mettre en pièce de l’actualité » (voir Le Théâtre du blog), un nouveau tandem metteur en scène et journaliste qui a voulu traiter un thème brûlant : le harcèlement sexuel et le viol dans le monde artistique. Un titre issu d’une phrase de l’actrice Adèle Haenel dans une tribune de Médiapart à propos du César attribué à Roman Polanski en 2020, un César qu’elle a contesté avec fracas en quittant la salle avec d’autres comédiennes: «Ils voulaient séparer l’homme de l’artiste, ils séparent aujourd’hui les artistes du monde. »

Etienne Gaudillère attrape la balle au bon et, peu à l’aise sur ce terrain, a trouvé la partenaire idéale pour tirer au clair ces questions qui agitent la sphère médiatique, jusqu’à récemment, les déclarations de Wajdi Mouawad, directeur du théâtre de la Colline contre le radicalisme de #Metoo. Guilia Foïs anime Pas son genre, une émission hebdomadaire à France-Inter, où elle décrypte la société post #MeToo et des chroniques féministes, Un Jour dans le monde. «Je suis, plaisante-t-elle, le quota #MeToo de Radio-France.

Le metteur en scène a sollicité la journaliste, autrice par ailleurs de Je suis une sur deux, livre sur le viol qu’elle a subi. L’homme de théâtre et la femme de radio entrent en dialogue sur scène, accompagnés d’un acteur et d’une actrice qui mettent en acte les situations conflictuelles auxquelles est confronté tout un chacun. La pensée « woke », le décolonialisme et le féminisme radical font débat. Si on accuse leur auteur de crime sexuel ou raciste, que faire des films de Woody Allen? Des toiles de Paul Gauguin ? De la musique de Michael Jackson ou de Bertrand Cantat? Mais aussi des écrits de Céline, de l’architecture de Le Corbusier, des poèmes de Paul Verlaine et des œuvres de Gabriel Matzneff… L’artiste est-il au-dessus des lois et quelle est la place de la justice ? Doit-on refaire l’Histoire ?

Étienne Gaudillère et Giulia Foïs se sont appuyés sur une solide documentation, puisée dans les livres et les témoignages des victimes comme Adèle Haenel, Vanessa Spingora (Le Consentement) ou Camille Kouchner (La Famila Grande)… On cite aussi les positions de Catherine Deneuve sur la séduction, dans Paris-Match, qui alimentent la controverse. Étienne Gaudillère et Giulia Foïs ont trouvé le point d’équilibre entre journalisme et théâtre en demandant à Jean-Philippe Salério et Marion Aeschlimann de faire vivre ces débats contradictoires et les injonctions paradoxales auxquels tous peuvent être soumis. Sous forme de saynètes dialectiques : «Tu es comédienne, tu as trente ans et u rêves de faire du cinéma, on te propose un rôle dans un film de Roman Polanski, Tu fais quoi ?» L’humour de ces petites fictions et la distance parodique du jeu permettent de mêler le rire à l’indignation. Par exemple, l’imitation de Les Villes de grande solitude de Michel Sardou : « J’ai envie de violer des femmes,/ De les forcer à m’admirer/ Envie de boire toutes leurs larmes… » Chanson, qui provoqua à l’époque l’ire des féministes. 

 Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? s’empare de cette polémique qui, au-delà de la sphère artistique, concerne les conduites déviantes des hommes de pouvoir, dans le monde du travail ou de la politique. Sans vouloir apporter de réponses dogmatiques, le spectacle, en forme de tribune, pose les bonnes questions. Rien de sectaire dans la démarche : «Jamais je n’appellerai au boycott des œuvres, dit Giulia Foïs.  #Metoo propose de ne plus considérer comme acquis un certain nombre de choses. Ce qui compte, c’est de s’interroger.»  « Je n’avais pas les bases », chante Etienne Gaudillère dans un rap conclusif. Le public sort de la salle mieux instruit qu’en y entrant et a offert aux artistes une ovation debout bien méritée. Puisse ce spectacle circuler au-delà des quelques dates déjà prévues.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 23 janvier, Théâtre du Point du jour, 7 rue des Aqueducs Lyon (V ème). T. :  04 78 25 27 59. 

 

̀

 

 

 

P { margin-bottom: 0.21cm }

A la Vie, texte et mise en scène d’Elise Chatauret

A la Vie, texte et mise en scène d’Elise Chatauret

 Dans Ce qui demeure, Élise Chatauret partait d’entretiens avec une vieille dame de quatre-vingt dix ans sa sa grand-mère) et avait aussi pour Saint Félix, enquêté sur un hameau français..
Ici elle aborde un thème encore tabou dans notre société : comment accompagner de proches parents âgés ou encore jeunes en fin de vie quand les médecins ont diagnostiqué une fin dans quelques mois, voire quelques semaines. Et qui pourra injecter la piqûre d’une molécule létale ? Alors que le suicide assisté n’est pas -encore- autorisé en France, alors qu’il l’est en Suisse donc interdits aux pauvres et «offert»seulement aux gens qui en ont les moyens.  Cela se voit : Elise Chatauret a fait une longue enquête de terrain dans les établissements hospitaliers et dans ce qu’on ne nomme plus maisons de retraite mais E.P.H.A.D.

©x

©x

Sur le plateau, un sol blanc, des rideaux gris et quelques lits d’hôpital. Cela commence de façon farcesque avec la mort de quelques héros de théâtre à laquelle personne ne croit mais indispensable pour clore une tragédie. Enfin, il nous souvient qu’une étudiante -que j’avais imprudemment invitée’- en voyant le sang jaillir sur sa toge blanche de Britannicus, égorgé par Néron, a poussé un cri d’effroi et s’est évanouie ! Ici, avec les répliques finales de personnages célèbres assassinés ou se suicidant avec du poison, un poignard ou d’un coup de revolver. Ou encore à la suite d’une blessure reçue dans une embuscade comme le grand Cyrano qui veut mourir debout l’épée à la main, dans  le parc d’un couvent parisien tout en pourfendant les sottises, préjugés, lâchetés et compromis…  Ici, Elise Chatauret place d’emblée les choses sur le mode parodique pour désamorcer les situations pas franchement gaies qui vont suivre. C’est un peu vite fait et pas aussi réussi que la suite mais bon…

Ensuite de courtes scènes qui s’enchaînent bien auxquelles tous les généralistes ou spécialistes ne s’habituent jamais quand il faut annoncer avec précaution à une malade qu’elle est atteinte d’un cancer, ce à quoi elle ne veut absolument pas croire. Ou dire à un patient souffrant de graves pathologies cette phrase terrible- adressée sans ménagement à un de nos proches effectivement mort quelques jours plus tard d’une hémorragie : « On ne peut plus rien faire pour vous. » Et ici, mot pour mot. même avec le recul de dix-huit ans, cela reste glaçant «La vérité, c’est qu’on est arrivé au bout de ce qu’on peut faire pour vous. »

Les médecins encore mal ou peu formés à ces fins de vie en service de réanimation ou de soins palliatifs ne sont hélas pas toujours très adroits. Comme ce moment que nous avons vécue  avec ces mots prononcés sans état d’âme par un chef de clinique au diagnostic redoutable mais au lange très cru. Examinant un samedi une dame très âgée de notre famille et peu consciente, e: « Pourquoi est-elle arrivée dans mon service ? Ecoutez, si elle est encore là lundi, on verra ce qu’on fait. «Il y a aussi les cas hélas fréquents que le personnel médical doit affronter : ceux de malades âgés qui ne veulent plus vivre : «Je voudrais que ça s’arrête maintenant. » Comme admettre cela et quelle réponse apporter puisque la loi française n’a pas encore complètement évolué.

Et cela concerne aussi de jeunes gens comme Medhi, un jeune homme de vingt-six ans. Il est atteint de mucoviscidose et veut qu’on l’aide à mourir mais sa sœur ne comprend pas que l’équipe médicale se pose des questions : «Que Medhi renvoie aux équipes de soignants qui se sont occupés de lui pendant vingt ans en refusant d’aller plus loin ? » Questions d’une rare complexité et sans bonne réponse possible…

©x

©x

Les malades comme le personnel soignant sont joués alternativement par Justine Bachelet, Solenne Kervis, Emmanuel Matte, Juliette Plumecocq-Mech et Charlez Zevaco. Tous impeccables et très bien dirigés par leur metteuse en scène qui a écrit ce texte entre fiction et théâtre documentaire, loin de tout pathos et de tout dérapage… La troisième et très courte partie du spectacle est consacrée à une retransmission en voix off d’extraits de séances parfois houleuses à l’Assemblée Nationale sur le sujet. Cet ajout donne un bonne idée de la complexité de la question mais ne semble pas indispensable.
Qu’importe, l’essentiel est avant et même si cet A la vie ! n’apporte rien de neuf, cette piqûre de rappel, elle, est indispensable si on veut que les choses évoluent en France. Elise Chatauret a réalisé un remarquable opus de théâtre documentaire aux dialogues très réussis, loin de toute démagogie. Et nullement triste. «Ce spectacle, comme le dit la metteuse en scène, est « un hommage à ce qui fait de nous des êtres désirants et fraternels . (…) Ce spectacle est une déclaration d’amour, à la vie ! » 

Philippe du Vignal

Spectacle joué du 6 au 16 janvier, au Théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Val-de-Marne, Manufacture des Oeillets, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine.

Théâtre de Chelles (Val-de-Marne) le 22 mars et Transversales de Verdun (Meuse) le 29 mars.

Théâtre de Dijon-Bourgogne ( Côte-d’Or), du 12 au 15 avril.


P { margin-bottom: 0.21cm }


Bachelard Quartet, de Pierre Meunier, Marguerite Bordat, Noémi Boutin et Jeanne Bleuse

Bachelard Quartet de Pierre Meunier, Marguerite Bordat, Noémi Boutin et Jeanne Bleuse

 

Ce grand et robuste comédien éprouve depuis une vingtaine d’années, la résistance de la matière et en fait du théâtre, avec une discrète et originale scénographe qui invente en amont du spectacle, des univers visibles, et une violoncelliste et une pianiste…. Ce quartet joue sur la matérialité de la musique, et la musique joue elle de la matière. Bois des instruments et des praticables, lourd carillon de métal au son léger, verre, voix, bruits des cordes frottées comme elles n’en ont pas l’habitude… Rien d’une cacophonie, mais une exploration. Car « cela ne veut pas rien dire ».

©x

©x

Pierre Meunier est parti des textes que Gaston Bachelard a écrit au milieu du siècle dernier sur les quatre éléments, La Psychanalyse du feu, L’Eau et les rêves, La Terre et les rêveries du repos, L’Air et les songes. Où se concentre la démarche de ce philosophe mais aussi poète et homme de science. Gaston Bachelard pense et démontre qu’une réelle démarche rationnelle et scientifique s’appuie aussi sur les intuitions poétiques et sur la «rêverie active» qui permettent de lever les «obstacles épistémologiques», autrement dit: les œillères interdisant au savoir de prendre toute son ampleur.

En le découvrant, Pierre Meunier a compris et précisé sa pratique, avec un théâtre qui ne ressemble à aucun autre. Et même le théâtre le plus conventionnel travaille là-dessus : penser avec des mots, mais aussi avec des éléments de décor et des costumes, de la musique, dont les « mots-sons» font partie, comme l’émotion qui va avec… (pardonnez-nous le jeu de mots: il fait aussi partie des plaisirs du théâtre et de la psychanalyse!). Le chef d’orchestre de cet ensemble musico-théâtral est un spécialiste du bricolage philosophique au théâtre. Comme dans ce Chant du Ressort: «D’un côté, les ressorts avec leurs mouvements parfaits mais imprévisibles, de l’autre, deux êtres maladroits qui tentent de s’aligner. Le combat est inégal pour eux mais jubilatoire pour le public qui finit par succomber devant la formidable capacité des spires à réactiver en nous des retrouvailles sensibles et drolatiques avec la matière et son mouvement primitif. »

Autre exemple : Le Tas, une théorie en action du suspense au théâtre. Prouver le mouvement en marchant ? Éprouver la matière des pierres, leur résistance à la masse qui voudrait les casser, leur élasticité, oui, et leur tendance, quand elle sont accumulées dans un toile au-dessus de la tête de l’acteur, à suivre la devise de l’eau, « toujours plus bas », jusqu’à ce que… Rassurons-nous, aucun acteur n’a été tué par cette pesanteur. Quand on vous dit, scientifiquement, que la matière c’est de l’énergie… Ici, musiciennes et acteurs ne subissent aucune menace mais malmènent avec amour leurs instruments pour obtenir d’eux qu’ils répondent aux textes. L’espace, lui aussi, est bousculé avec un plateau tri-frontal, pour que nous y voyons de plus près, «rassemblés comme autour du foyer», «pour faire éprouver facilement l’acoustique non amplifiée des instruments». Une qualité décisive en ces temps où les acteurs sont souvent dotés d’un micro H F et où la musique est amplifiée. Deux tournettes pour que le piano attrape le tournis et le violoncelle, sa mélodie, car ces musiciennes n’oublient pas qu’elle savent aussi jouer en concert, et transmettre cette qualité de silence que produit la musique.

Voilà, c’est beau et simple (mais il fallait y penser), léger et dense. L’air circule, les yeux s’ouvrent, tout comme les esgourdes, et l’imagination galope. Nous vous laissons la surprise d’une expérience finale de l’ « eau de feu » avec ses flammes dansantes. Encore !

Christine Friedel

Jusqu’au 27 janvier, Nouveau Théâtre de Montreuil (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 70 48 90. Et

Au milieu du désordre les 29 et 30 janvier et  La Bobine de Ruhmkorff  les 4 et 5 février de Pierre Meunier, Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes,  dans le cadre du festival Bruits. T. : 01 43 74 99 61.

Les 10 et 11 mars, Les Quinconces-Scène Nationale du Mans (Sarthe).

Du 28 au 30 avril, Scène Nationale d’Orléans (Loiret).

Du 17 au 20 mai au Théâtre de Lorient-Centre Dramatique National (Morbihan).

Et du 31 mai au 3 juin, Comédie de Saint-Étienne (Loire).

 

 

 

 

1234

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...