Nostalgie 2175 d’Anja Hilling, mise en scène d’Anne Monfort

Nostalgie 2175 d’Anja Hilling, mise en scène d’Anne Monfort

 

Il y a sept ans déjà, nous avions remarqué Soleil noir (voir Le Théâtre du Blog) de cette jeune auteure allemande qui avait beaucoup impressionné le public français. Cela commençait par un  pique-nique entre jeunes bobos assoiffés de nature  arrivés en forêt à bord d’un minibus Voslkswagen. Barbecue, bières, érotisme et nuit dehors dans des sacs de couchage… Mais surgissait un gigantesque incendie de forêt provoqué par l’imprudence de ces bobos. « Derrière lui, le feu jaune clair, presque doré, a atteint les cimes ». Plus haut, des traînées de fumée, l’affaissement du ciel, gris sombre. »mais aussi l’âcreté de la  fumée, et la poussière de cendres qui va tout envahir. Mort d’un bébé, s’ajouteront celles d’adultes, d’animaux et de milliers d’hectares de forêt! »

©Ch. Raynaud de Lage

©Ch. Raynaud de Lage

Nostalgie 2175 est comme une sorte d’écho- prolongement de cette fiction mais cette fois, Anja Hilling nous projette dans un avenir pas si lointain… et va plus loin. Anticipant mais de peu un virulent cauchemar. A l’inverse, que pouvaient imaginer en 1870, les Français de notre époque actuelle ? Pas mal non plus : deux guerres mondiales, l’énergie et la bombe atomiques, des tours de plus de 500 m, des avions supersoniques, , l’arrivée de la télévision puis d’Internet… Mais aussi l’arrivée des antibiotiques, des greffes de cœur ou de rein.
Mais cela nous fait toujours froid dans le dos, quand nous enlevons une coquille où l’année 2.022 devient 2.122… Que sera encore Paris à cette époque ? Ici, cela se passe e
n 2.175, après un désastre survenu en 2.103, et la température de la planète frise les 60° ! « Un jour d’août /A coupé le jus au monde entier. /Âmes humaines courant électrique/Écrans systèmes d’ordinateur (…) Peau douce sur les organes/Organismes frêles/Ont fondu/Comme autrefois les cœurs à la vue d’une belle femme ». (…)

Comment s’adapter? Quand il fait 42° au Niger, c’est déjà rude mais au-delà? « Dans un monde silencieux.Libéré. Du bruit de la circulation des appels téléphoniques des guerres et des ordinateurs. On a chaud. La chaleur est tout ce que nous avons tout ce que nous sommes. Nos voitures nos tramways la traversent sans bruit. Elle se pose sur nos membres. Avale nos voix. La chaleur est Le silence de nos yeux Le courant électrique c’est de l’histoire ancienne Et la végétation une forêt de contes. On s’arrange. L’homme est une fée. Il continue à sortir de la joie de vivre de sa manche. On sourit»

Anja Hilling nous raconte une histoire d’amour parfois comparable à celles qu’imaginaient les dramaturges deux siècles plus tôt autour d’une femme et deux hommes. Bref, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes avec un trio de personnages infernal. Pagona, Taschko et Posch sont les arrière-petits-cousins des Hermance, Ernest, Marjavel du Plus Heureux des trois d’Eugène Labiche. Mais ici, on ne rit plus:   on ne peut plus vivre sans tenue de protection. Et les femmes accouchent presque toutes en perdant la vie. Pagona aime Taschko dont le corps entièrement brûlé ne peut être touché. Et elle fera l’amour avec Posch, le directeur de l’usine où Tashko fabrique des revêtements en peau humaine permettant de circuler sans protection. Vite enceinte, elle gardera le bébé pour Taschko et parlera souvent à ce bébé encore dans son ventre…

Mais pourquoi donner la vie dans des conditions aussi extrêmes, alors que la plupart des femmes ( 98 %) en meurent : c’est un des thèmes de cette pièce. Taschko, lui, est aussi peintre et travaille à partir d’un fond de cassettes VHS de films du XX ème siècle. Et certaines scènes de la pièce font référence au scénario de  Plein soleil de René Clément (1960) avec Marie Laforêt, Alain Delon et Maurice Ronet. Mais aussi à Dirty Dancing d’Emile Ardolino(1987) où une jeune danseuse séduite est aussi enceinte sans l’avoir désiré.
Nostalgie 2175 s’apparente à du
théâtre-récit mais aussi à un monologue poétique où Pagona parle à sa fille qui n’est pas encore née. Et il y a aussi -sans doute plus conventionnels- de très brefs dialogues entre ces personnages comme dans certains films… Du genre: « Tu appelles ça du travail, dit Taschko. Pagona : Non. Taschko : Pourquoi tu le dis alors. Pagona : Parce que j’aimerais t’embrasser. Taschko : Je reste encore un peu debout là-haut. Pagona : Pourquoi.

Le tout soutenu par une musique bruitiste mais aussi parfois plus classique. « Pour donner à cette histoire à la fois son extrême contemporanéité et son atemporalité », dit la metteuse en scène. » En fait, ici Anja Hilling comme d’autres écrivains de science fiction pose avec cette fable poétique la question de savoir pourquoi et comment nos arrière-petits enfants voire déjà nos petits-enfants réussiront encore à vivre dans une planète que nous aurons patiemment mais sûrement encore bien esquintée d’ici là… Là, Anja Hilling a frappé juste !
Les jeunes collégiens et lycéens placés sur quatre rangs et isolés des autres spectateurs (covid oblige : ordre de la Préfecture) avaient bien conscience que les 60° imaginés par Anja Hilling flirtaient avec les 54,4° constatés en 2020 en Californie ! «  Le pire n’est pas toujours sûr » (sous-titre du
Soulier de satin) écrivait Paul Claudel mais la dramaturge allemande sait elle bien montrer que nous n’en sommes pas loin. Et pour Tedros Adhanom Ghebreyesus,directeur général de l’O.M. S. c’est sans appel : « Les choix intenables qui tuent notre planète, tuent aussi ses habitants. »

Sur le plateau, quelques éléments : sur un sol bleu, un banc avec un livre, une barque et dans le fond une sorte de maison-cabane. La mise en scène d’Anne Monfort est honnête et d’une grande précision et elle dirige bien Mohand Azzoug, Judith Henry et Jean-Baptiste Verquin. Mais était-il bien nécessaire d’employer ces foutus micros HF pour que « les voix, dit Anne Monfort, ne soient pas couvertes par la musique.» Du coup, les nuances du texte passent à la trappe! Quand les metteurs en scène comprendront-ils que cette foutue amplification ne sert à rien sur une scène de dimension moyenne? Mais cette mauvaise balance qui rend moins accessible le sens de cette fable poétique peut être facilement corrigée.

Anne Monfort a eu raison d’abréger un peu les trop longs- monologues intérieurs et les dialogues de cette courte dystopie qui se laisse voir. Mais la pièce souffre d’une dramaturgie un peu bancale. Tout se passe comme si l’autrice avait constamment hésité entre un théâtre d’agit-prop, des bribes de dialogues de cinéma et une forme plus classique où le monologue domine…un peu trop. Et Nostalgie 2.175 n’a pas vraiment la force de Soleil noir ou de Mousson avec, à chaque fois la mort d’un enfant. Mais bon, cela peut être une occasion de découvrir ce texte de cette dramaturge allemande de la catastrophe. Même si elle nous laisse à la fin un léger espoir, même  après un accident d’avion où meurt le compagnon de Tagona. «Au plafond à hauteur du cockpit/ Une tache. Ronde et blanche./Au milieu de cette tache/Un animal courbé saute dans le ciel noir/Un dauphin/La gueule ouverte/Directement dans la lune blanche.Ses dents/Tu dois les imaginer comme de petites pointes dans la lumière blanche. Bébé./Je te souhaite beaucoup de bonheur. »

 Philippe du Vignal

 Spectacle créé au Centre Dramatique National de Besançon (Doubs) du 18 jusqu’au 20 janvier.

Du 25 au 28 janvier, Théâtre de la Cité-Centre Dramatique National de Toulouse-Occitanie (Haute-Garonne).

Le 1er février, Scènes du Jura- Scène Nationale-théâtre de Dole ( Jura).
le 3 février, L’Arc -Scène Nationale du Creusot. (Saône-et-Loire)

Les 15 et 16 mars, Espace des Arts-Scène Nationale de Chalon-sur-Saône ( Saône-et-Loire).

 


Archive pour janvier, 2022

Collection Morozov, icônes de l’art moderne

Collection Morozov, icônes de l’art moderne

Une exposition avec deux cent chefs-d’œuvre présentés pour la première fois hors de Russie et dont la commissaire est Anne Baldassari. Issus d’une famille fortunée, les frères Mikhail et Ivan Morozov, nés en 1870 et en 1871, ne collectionnent pas l’art moderne par désir d’accumuler. Leur mère leur avait offert une bonne éducation artistique et ils se sont passionnés pour la révolution picturale. Mikhaïl, l’aîné, voyage et acquiert dès ses 20 ans ses premiers tableaux à Paris. Il choisit entre autres des Manet, Degas, Cézanne, Matisse et surtout Van Gogh et Gauguin. A la révolution en 1917, la collection est nationalisée d’abord visible dans les hôtels particuliers des frères puis réunies « dans un chaos pictural » avec d’autres objets d’art. Les tableaux envoyés dans l’Oural, à la guerre avec l’Allemagne en 1941, y resteront jusqu’à la fin des années cinquante et on pourra à nouveau les admirer à la galerie Tretiakov, aux musée Pouchkine à Moscou et à l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. C’est la première fois qu’ils prêtent autant de tableaux de la collection Morozov.

Mikhail meurt en 1903 et Ivan en 1921 mais leur vie coïncidera avec les nouvelles conceptions et pratiques de Vincent van Gogh, Paul Cézanne, Claude Monet, Pablo Picasso, Edgar Degas, Pierre Bonnard…Des qui artistes n’imitent pas la nature. Que perçoivent-ils avant de réunir cette collection qui modifia leur vie ?ils s’inscrivent dans l’ histoire de l’art et Ivan par exemple alla régulièrement à Paris et rencontra Paul Cézanne… Dans ses Ecrits sur l’art, en 1908, Henri Matisse constate qu’« à force de voir les choses, nous ne les regardons plus. » et dit à propos de Turner qu’«Il vivait quelques jours dans une grotte avant de sortir, à nouveau sensible aux brillances du monde. » Comment découvrir le commencement du monde ? Henri Matisse associe peinture et danse, mouvement et couleur dans laquelle il faut recomposer la nature, après un moment noir (ce que Paul Cézanne appelle le « moment de catastrophe ». /Elle disparaît alors momentanément et réapparaît, plus intense sur la toile. Dans Conversations avec Cézanne, Paul Cézanne évoque cette notion de catastrophe et sous son effet,la naissance des couleurs. «Tout change et la nature gagne une nouvelle visibilité et les couleurs, un nouveau mode d’être. Elles n’obéissent plus à la préparation d’un fond gris. « La couleur agit » dit aussi Pierre Bonnard dans ses Notes. Le monde sur la toile ne revient jamais à l’identique mais un peu déformé, irrégulier et déséquilibré. Arbres, tables, chaises, corps tremblent, ondulent ou sont de guingois. Valeska Gert, la danseuse-mime allemande dira plus tard: « La danse moderne, c’est le déséquilibre ».

Le tableau crée sa propre gravitation. Selon Gilles Deleuze, dans son cours sur la peinture du 12 mai 81: «  Les artistes égyptiens considèrent l’apparence comme périssable. Extraire l’essence de celle-ci revient à la sauvegarder, immortelle, grâce au contour. Cézannne renverse tout… « le chaos cuit les formes » et dit magnifiquement : «La chose revient en tant que présence pure. » Paul Cézanne parlait, lui, de brasier. « Et les objets réapparaissent comme des êtres de couleur. Un beau matin la base géologique m’apparaissait… Les terres rouges sortaient d’un abîme… Il y a une minute de monde qui passe. » L’effondrement de cette assise géologique libère des forces ascendantes : les couleurs. L’abîme lui délivre un nouvel air et le bleu enveloppe leur montée : une sensation selon Cézanne. Comment éviter la confusion, la folie face à cette multitude ?  » Tout ce que nous voyons se disperse. En lui, nait et vit un corps de sensations qui commencent à s’affecter sur la toile et les couleurs, si proches soient-elles, donnent le passage à un rythme, à une ligne, une courbure.


Camille Pissarro attirera l’attention de Paul Cézanne qui procède par rapport de tons sur la question du passage, lequel ne se limite pas à la juxtaposition : les tons se chevauchent. Ce que Cézanne nomme « la modulation » : à bien distinguer du modelé Il garde l’apparence mais la déplace, la creuse et y trouve des nuances, des tons. Merveille et renversement métaphysique : « le frisson de la durée » dans l’apparence contient des secrets. Face à ce qui se disperse, s’éparpille, il élargit l’apparence : «une minute de monde passe». Et nous repensons à Camille Pissarro. Une immense puissance, filtrée, produit la consistance des œuvres : « Une ligne partout cerne, tient un ton prisonnier. Je veux le libérer » et « ces prismes cosmiques, cette aube de nous-mêmes au-dessus du néant, je les sens monter… Je me sens coloré par toutes les nuances de l’infini ». Par exemple « l’infini réseau des petits bleus ». Avec Paul Cézanne, tout devient corps, mortel et immortel : arbre, table, geste, frondaisons, chaise. Simple et sacré. Un sucrier a une physionomie…

Henri Matisse (1869-1954) comme il le dit dans ses Ecrits sur l’art (1908-1953) passera de la figuration des objets et des corps, à la danse: «Il y a deux façons d’exprimer les choses: l’une est de les montrer brutalement, l’autre de les évoquer avec art. En s’éloignant de de la représentation littérale du mouvement, on aboutit à plus de beauté, à plus de grandeur.»  Un texte de lui en 1908 reste important et très actuel : il demande que l’on fasse attention au mouvement non mécanique, non habituel. Et l’année suivante, quand Isadora Duncan revient à Paris, elle continuera, après Berlin, à poser les jalons de la danse moderne, avec de nouveaux rapports entre les mouvements qui apportent de la jeunesse au corps. Mais elle ne recherche pas leur extension. Communauté historique de pensée entre le peintre et Isadora Duncan qui s’inspira, elle, de la statuaire grecque. Et pour Henri Matisse : « Les antiquités grecques : un homme qui lance un disque sera pris au moment où il se ramasse sur lui-même…s’il est dans la position la plus forcée que comporte son geste, le sculpteur l’aura résumée… qui réveille l’idée de durée. »Au mouvement qui va au bout de lui-même, le peintre substitue l’ellipse et apprécie la netteté des rapports entre les corps chez Paul Cézanne, qu’il va introduire dans La Danse.

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Dans L’Ethique, Spinoza définit ces rapports entre les corps : un composé variable de vitesse et de lenteur. Et leur expression sur une toile suppose le rendu de la durée. Henri Matisse dans Nature morte montre un tableau dans le tableau : au premier plan, une table nappée avec un panier de fruits vert clair ou foncé et jaune, et deux vases contenant l’un foncé, des tournesols et l’autre, clair, des plantes sombres. Une multitude d’esquisses de poires, parsème la nappe comme des virgules.  Ce qui renvoie à la conception du mouvement chez Henri Matisse, sans point final remarquable. Avec dans La Danse, des ascendances, descendances en une une ronde irrégulière. Les cinq interprètes nus rouge vermillon évoluent sur un sol vert sur fond bleu. Ces seules teintes se distribuent sur un à-plat et les têtes de ces «  personnages rythmiques» sont orientées vers le sol. Tous les « personnages rythmiques » se donnent la main à un détail près : là gauche, le danseur opère une torsion qui courbe la ronde. Jambe et bassin tracent une ligne pure sans tension et se tournent, faisant contraste, vers deux figures presque recroquevillées, ventre creusé et jambe gauche levée. De cette torsion, le mouvement leur échappe mais continue chez les deux autres, de par la force de la courbe. A droite, succède une posture impossible : le danseur s’étire presque à l’horizontale mais sans tension sur son partenaire à la courbe. Seul hiatus : leurs mains se frôlent sans se joindre. Inclinaisons, montées, étirements deviennent une ligne rythmique invisible traversant doucement les danseurs et cette variation masque ici l’effort… Henri Matisse place une nature morte dans La Danse. Par souci de relier la vie et l’art  ? Et pour mieux rendre l’image d’un ballet, il stylise une sardane catalane, chacun se tenant les mains et reprend aussi les rythmes des danses qu’il a vues au Moulin de la galette à Paris.

Pablo Picasso (1881-1973) voit dans les corps, les rapports de force qui font la vie. Athlète de la matière, il se passionne pour ceux du spectacle où l’effort physique épure les corps… Dans Jeune acrobate sur la boule (1905) une adolescente bleu clair se tient en équilibre sur une boule bleu sombre. Gracile, un peu déhanchée, elle lève ses bras ouverts en lignes brisées,les paumes aussi ouvertes. L’effort ne se fait pas sentir et la minceur de cette acrobate contraste avec le corps d’un adulte très puissant aux muscles noueux. Vu de dos, il exprime une force contenue. L’enfant se surélève, l’homme bleu sombre pèse de tout son poids sur un bloc de pierre. Les contrastes tracent des lignes invisibles entre les corps qui baignent dans une atmosphère bleuissante. Tête baissée, l’enfant surveille ses pieds. L’homme regarde dans la même direction dans une lumière bleue clair. La dominante bleue blanc accentue ce que partagent la jeune fille et l’homme : le goût de l’effort physique donné en spectacle. Différence entre minceur et volume musculaire…

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Dans Les Deux saltimbanques, Arlequin et sa compagne (1901), Pablo Picasso renie l’acte de peindre d’une époque où Paul Cézanne, Claude Monet, puis Henri Matisse, se soucient de la naissance du monde, des gestes et des couleurs. Ici, Pablo Picasso montre ici l’immobilité. Arlequin, au costume en damier rapiécé bleu sombre et Colombine en robe ocre, attablés dans un café devant leurs verres vides, le regard absent, occupent tout l’espace gauche du tableau… Où est passée la vie ? Un sentiment de désolation envahit ce fond rouge sombre, et bleu. Serrés l’un contre l’autre, bras collés au corps, mains sous le menton, épaules repliées et regards divergents. A la fois unis et séparés, immobiles, sans capacité d’agir… Le chignon défait de Colombine semble griffer son visage et la pâleur verdâtre des visages renforce l’absence d’expression et de tristesse. La disparition historique d’Arlequin et de Colombine, personnages en quête de public ?

Edgar Degas (1834-1917) dans Les Danseuses (1896) continue de développer sa vision de la danse classique, sans les figures géométriques ni le mouvement dans sa gloire, mais des positions instables. Il montre le « travail » qui déforme pour aboutir à la rectitude et rend visible les forces que refoulent les positions classiques… Chez ces quatre danseuses il y a trois pressions : l’obéissance à un modèle préexistant à toute action pour atteindre le mouvement idéal, ce qui implique de brutaliser le corps, l’affrontement à un public au goût conservateur et la prostitution fréquente à l’époque dans ce milieu. Ici quatre corps s’emboîtent, à l’inverse de La Danse d’Henri Matisse avec son cercle irrégulier et un espace aérien.

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Dans le pastel d’Edgar Degas, il y a aussi un cercle mais -invisible- avec ces danseuses qui s’étreignent. Le peintre introduit dans cette masse de chair des contrepoints donnent le rythme : la tête en arrière de la danseuse de gauche, bras au-dessus du visage, contraste avec celle qui la suit, tête baissée, nez dans l’épaule de la suivante. Le bras de la troisième enveloppe celui de sa voisine, vue de dos et se tournant vers la première. Les lignes du chignon de la quatrième prolongent celles de la troisième. De l’une à l’autre, un dégradé de chignons : rouge vif, rouge estompé, blanc. Ce dernier renvoie à la blancheur du visage de gauche, un peu hors du groupe. Ici, la circularité avec résonances et dégradés correspond à la naissance de la danse moderne dont le peintre est contemporain. Isadora Ducan et Loie Fuller vont en effet offrir une nouvelle vision de la chorégraphie, avec, comme principe essentiel : le mouvement. Après une élimination des clichés comme l’ont fait Paul Cézanne ou Henri Matisse, la danse moderne gagnera son autonomie et une liberté d’expérimentation sans modèle préexistant et sans corps idéal… Edgar Degas mort en 1917, ne connaîtra pas vraiment cette naissance d’un autre monde tel que Paul Cézanne, puis Henri Matisse appelaient de leurs vœux. Mais, entre Edgar Degas et la danse contemporaine, existaient déjà des points semblables. Entre autres, l’attention du public qui sélectionne un objet et se détourne d’un autre, comme Auguste Rodin l’avait déjà bien vu.

Premier printemps à la campagne et L’Eté, La danse (tous les deux peints en 1912) de Pierre Bonnard (1867-1947) ont en commun le rapport à la catastrophe des figures fragiles de danse. Paul Cézanne meurt en 1905 mais Pierre Bonnard prolonge cette notion de catastrophe déjà exprimée dans Conversations avec Cézanne : «Les couleurs montent des racines du monde.» Et il parle de la naissance de couleurs à l’état libre : «Or la nature est en profondeur, d’où la nécessité d’introduire … une somme suffisante de bleutés pour faire sentir l’air.» Paul Cézanne lui, perçoit mentalement «le squelette pierreux » (…) «des terres rouges sortent d’un abime. Je commence à me séparer du paysage… L’assise géologique, le travail préparatoire, le monde du dessine s’enfonce, s’est écroulé comme dans une catastrophe. Un cataclysme l’a emporté, régénéré. Comment rendre durable «cette minute de monde qui passe ? »

Dans Premier printemps à la campagne, Pierre Bonnard prend lui le risque de montrer le chaos mais en le contenant. Dans une clairière ocre pâle, huit personnages bleu pâle estompé. E, sur toute la toile, règnent des mouvements informes dans un ocre plus intense, parsemé de traits noirs. La symétrie retient ces images de chaos qui n’envahissent pas tout le tableau. Existe-il un rapport de forces entre l’informe et la figuration ? Selon Paul Cézanne, la catastrophe régénère. Assiste-t-on dans L’Eté, la danse, à une naissance du sol et à des postures? Ce commencement d’un monde s’accomplit ici en demi-teintes, sans éclat mais avec deux enfants qui dansent. Les jeunes filles, à proximité d’un chaos plus étendu présentant à la fois un danger et une source, dansent, elle aussi, avec la même vivacité. Dans Premier printemps à la campagne, la symétrie des masses informes libère-t-elle la clairière et son échelonnement sans profondeur ? Au premier plan, un petit garçon assis regardant le sol et une petite fille agenouillée et une femme allongée au sol. Au second plan, proches l’une de l’autre, deux danseuses évoluent, épaule contre épaule et immobile, un autre enfant les regarde.

Les chorégraphes de l’époque découvrent alors que le mouvement peut se propager au-delà des limites des corps, traverser l’air comme les couleurs de Paul Cézanne qui parle de «logique aérienne». A gauche, une forme presque repérable : un buisson d’ocre tacheté de bleu. Suivent des ondulations volumineuses qui montent, s’interpénètrent et se recourbent au sommet. La petite fille est agenouillée à proximité du buisson bleu aérien et, de la base d’un tronc vertical, jaillit une excroissance informe avec un cône s’élargissant, strié de parallèles noires et une masse longitudinale creusée au milieu. Elle touche au sommet un volume parsemé de virgules blanches qui tangue et coiffe le tout sans s’incliner. Merveille inquiétante : cette image de femme allongée se situe dans le prolongement de la ligne descendante, de l’excroissance. Une gestation monstrueuse ?

Dans L’Eté, la danse (1912) à gauche, deux jeunes filles en habit beige, bleu clair, lèvent un genou sur un sol ocre. A droite, un chaos en six parties qui font bloc. Au sommet, des frondaisons foncées entourent une plus claire qui semble naître d’un geyser bleu-blanc, surmontant une chevelure verte…. Mais ce chaos ne communique pas avec les personnages qui mènent une vie séparée: une mère toute habillée de noir se penche vers un enfant qui danse. En haut du tableau, une longère au toit rouge clair, incurvée et enfoncée dans le sol, semble sortir du chaos. La monstruosité de cette toile inquiétante nous fascine.

Pour Gilles Deleuze, dans son cours du 19 mai 85: «La hachure de Delacroix devient la virgule impressionniste, la virgule impressionniste devient la petite touche de Cézanne. » Des précisions qui nous étonnent encore, émouvantes comme des pensées pures. Le fond est traité avec des couleurs qui deviennent autonomes.. Nées d’une catastrophe éliminant les clichés. Dans ce nouvel espace-temps, opèrent des gravitations inattendues. La toile se compose par rapports de tons et de corps. Pierre Bonnard parle de la «logique de l’émotion». Raison de la peinture moderne en trois actes : nettoyer l’esprit, puis l’emplir de sensations encore flottantes, aériennes et peindre des «images mentales», et ce faisant, créer un corps de sensations. Comme l’avaient pressenti avec une formidable intuition les frères Morozov, de grands européens. Surtout, ne ratez pas cette exposition…

Bernard Rémy

Jusqu’au 3 avril, Fondation Louis Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, Neuilly (Hauts-de-Seine). Navette directe aller et retour en haut de l’avenue Friedland à Paris.

Catalogue de l’exposition avec, en couverture, Fruits et bronze (1910) d’Henri Matisse : 49,90 €.

Conversations avec Cézanne, éditions Macula (1978).

 

Le voyage de Gulliver d’après Jonathan Swift, adaptation et mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort

Le Voyage de Gulliver, d’après Jonathan Swift, adaptation et mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort

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© Fabrice Robin

 

Qui n’a lu dans son enfance les aventures de ce marin, seul survivant d’un naufrage, échoué sur le rivage d’un étrange pays où des êtres minuscules mais tyranniques en font leur prisonnier et leur esclave ? On  prend souvent ce livre pour un conte pour enfants…. Il y a eu en effet de nombreuses éditions (mais édulcorées) et illustrées pour la jeunesse.
Les metteurs en scène à qui l’on doit ces réussites comme
20.000 lieux sous les mers et l’opéra baroque, Ercole Amante de Francesco Cavalli (voir Le Théâtre du blog) nous ouvrent de belles images. Nous prenant par la main, l’acteur incarnant Gulliver face à un peuple de marionnettes, raconte les aventures de ce marin devenu un dangereux géant aux yeux des Lilliputiens. A la fois narrateur, témoin et victime d’un pouvoir arbitraire et d’une guerre absurde opposant les mangeurs d’œufs par le gros bout, à ceux qui les entament par le petit bout…

Jonathan Swift (1667-1745) avec ce conte philosophique habillé de merveilleux, s’en prenait à l’absolutisme des souverains anglais et devra s’exiler en Irlande. Pacifiste avant la lettre, ce pamphlet féérique critique aussi la guerre sans fin qui oppose son pays à la France. Mais Le Voyage de Gulliver prend ici la forme d’une fable burlesque, charmante et efficace, plus que d’un libelle contre le pouvoir.
Dans un décor de carton-pâte et bas de plafond, le comédien sur un plateau rehaussé, paraît gigantesque, à côté des marionnettes hybrides où les sept autres acteurs ont glissé leur tête. Ces personnages de cinquante centimètres, au faciès humain sont très expressifs  et leurs corps en costumes bariolés, et manipulés selon le procédé du théâtre noir, un éclairage efface les  acteurs et permet des effets spéciaux.

La scénographe Audrey Vuong et la créatrice de costumes Vanessa Sannino créent une esthétique délibérément naïve et kitch. Un clin d’œil aux illustrations des contes pour enfants du XIX ème siècle. Les acteurs s’en donnent à cœur joie dans cette satire du régime lilliputien, aussi habiles à manipuler leurs bonshommes, qu’à chanter lors des intermèdes. Comme ce moment virtuose où sur la table de la salle à manger transformée en scène de cabaret, l’impératrice Cachaça se livre à une numéro, avec plumes et déshabillage… Une heure quinze de plaisir théâtral attend petits et grands, sous-tendu par un message envoyé à qui veut l’entendre…

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 28 janvier, Athénée-Théâtre Louis Jouvet, 7 rue Boudreau, Paris (IX ème).T.: 01 53 05 19 19.

Du 1er au 11 février, Théâtre des Célestins, Lyon (Rhône) les 18 et 19 février, Equilibre, Fribourg (Suisse) ; du 23 au 26 février, Théâtre National de Nice (Alpes-Maritimes).

Du 2 au 6 mars, Théâtre de Caen (Calvados) ; les 10 et 11 mars La Comète, Châlons-en-Champagne (Marne); le 15 mars, Théâtre Edwige Feuillière, Vesoul (Haute-Saône); le 18 mars, Ma-Scène nationale, Montbéliard (Doubs); les 22 et 23 mars, Tangram, Evreux (Eure) ; les 30 et 31 mars, Maison de la Culture, Nevers (Nièvre).
Les 12 et 13 avril, Théâtre de Sartrouville (Yvelines) ; les 19 et 20 avril, La Ferme du Buisson, Noisiel (Seine-et-Marne).
Et du 17 au 19 mai, La Coursive, La Rochelle (Charente-Maritime) et les 24 et 25 mai, Théâtre des Deux-Rives, Rouen (Seine-Maritime).

 

Le Tartuffe ou l’hypocrite, de Molière, mise en scène d’Ivo van Hove, diffusé dans les salles de cinéma, en direct depuis la Comédie-Française

Le Tartuffe ou l’hypocrite, de Molière, mise en scène d’Ivo van Hove, diffusé dans les salles de cinéma, en direct depuis la Comédie-Française 

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Il fallait fêter cet anniversaire : les quatre cents ans de Jean-Baptiste, né et baptisé Jean (Baptiste) Poquelin  le 15 janvier 1622  et mort cinquante et un ans plus tard, sous le nom de Molière.  Et samedi soir, ce fut donc au cinéma. Une opération menée de main de maître par Eric Ruf, administrateur la Comédie-Française, et par la société Pathé-live, spécialisée dans la diffusion en temps réel des grands opéras dans le monde entier.  L’événement a été annoncé avec les tambours et trompettes qu’il mérite. Cela rend aux salles de cinéma le caractère festif qu’elles avaient perdu au profit du pop-corn (avant le covid). Mais il faut réserver sa place -à peine moins chère qu’au Français :25 € ! pour un fauteuil… plus confortable que ceux de la salle Richelieu. Il faut arriver à l’heure pour assister d’abord à l’entrée du public. Lever du rideau dans dix, cinq, zéro minutes, nous informe un compte à rebours, à droite de l’écran. 

Un cérémonial malheureusement interrompu par les mentions de productions et partenariats. Puis l’administrateur annonce: Denis Podalydès, «cas-contact», jouera masqué! Ensuite, à nous ce spectacle si attendu. Qu’on a quand même l‘impression de voir derrière une vitre, comme les gens regardant le bal des patrons, à la Vaubyessard dans Madame Bovary de Gustave Flaubert. Consolation: ici, les gros plans soulignent les brutalités et finesses de la pièce. On connaît cette histoire d’une famille totalement déréglée par l’arrivée de cet «homme de bien » et «pauvre homme»… Dont s’éprennent aussitôt Madame Pernelle, la grand-mère,  Orgon, le père et peut-être Elmire son épouse. Mais pas du tout leur fils Damis ni Cléante, le frère d’Orgon, ni Dorine la servante…

Dans un prologue tendant la perche à l’épilogue, ce gueux est accueilli, lavé, vêtu, nourri (fort bien). Dorine aura eu l’occasion de le voir «nu du haut jusques en bas» sans en être autrement émue. Ensuite, nous trouverons Tartuffe impatronisé dans la maison, grâce à un saut dans le temps. Ici, il n’exercera qu’à peine sa fonction de directeur de conscience qu’il aura remplie auparavant et hors scène (à l’exception du fameux vers : «Couvrez ce sein que je saurais voir… » Et «reprenant tout», selon Madame Pernelle, remplissant de joie ses partisans et exaspérant les autres. Ce temps est une sorte de récréation qu’il s’offre, une parenthèse de vérité dont il profite pour déclarer son désir à Elmire dans son langage pieux et son habit d’hypocrite.  Mais il sera plus direct à la fin quand il n’en aura plus besoin et en imposteur brutal et cynique, il ruinera sans état d’âme son bienfaiteur. 

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© Comédie-Française

Cette version de 1664, jouée aux fêtes de Versailles Les Plaisirs de l’île enchantée, avait diverti le Roi. Mais il en avait quand même interdit les représentations publiques : une affaire de politique entre le royaume de France et la papauté… Plus radicale que sa version définitive en cinq actes – exempte des histoires d’amour des fils et fille- elle ne comporte pas encore la grande révérence au Roi: « Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude.» Ici Molière s’offre la liberté de finir la pièce comme elle a commencé, avec Madame Pernelle toujours «entartuffiée», malgré l’attentat flagrant de celui qu’elle admire, contre l’honneur d’Orgon et une réconciliation express entre père et  fils. En 1669, Molière alignera Tartuffe sur ses autres comédies qui finissent par un mariage et une intervention tout aussi magique que celle du Roi (il avait déjà osé l’oncle d’Amérique dans L’École des Femmes et ce sera un père napolitain dans L’Avare).
Ivo van Hove a pris au sérieux la brutalité de cette version. Dans le gris et noir métallique d’une maison, plus industrielle que familiale, il traite la pièce, entre son prologue et son épilogue, comme le châtiment de la bourgeoisie.  Sans fouiller dans la psychologie, d’où l’absence, pour une fois, du doublage du jeu par la vidéo (une mise en abyme qu’il a épargnée au public des cinémas).
La troupe de la Comédie-Francaise fait le travail. Madame Pernelle, la matriarche, n’est pas jouée en bouffonnerie, elle a l’allure, la beauté de Claude Mathieu et sa puissance de doyenne.  Denis Podalydès, les yeux écarquillés, est un Orgon qui ne voit rien tant qu’il n’a pas entendu Tartuffe se moquer de lui. Et il court toujours après les faits, fasciné par son Tartuffe. En grand improvisateur, le comédien joue de son masque-covid. Délectable… Dominique Blanc, Dorine délicieuse et piquante, attrape le public, même par écran interposé. Marina Hands a toute la sensualité boudeuse et indécise d’Elmire, Julien Frison (Damis) et Loïc Corbery (Cléante) mettent ce qu’il faut d’énervement sincère dans leurs personnages. Bref, une distribution exemplaire, ce qui n’étonnera pas avec la troupe actuelle. Mention spéciale à Christophe Montenez en Tartuffe, que nous avions déjà repéré notamment dans Les Damnés, dans la mise en scène d’Ivo van Hove, d’après Luchino Visconti. Il est ici un voyou prêt à exploser sous la couverture de l’hypocrite. Glaçant, bouillant, dangereux… Et bel homme, ce qui peut expliquer les tentations d’Elmire.

Cela fait une bonne représentation, drôle parfois mais dont on nous a un peu sur-vendu le côté subversif. Représenter la séduction cauteleuse d’un Tartuffe :« Que fait là votre main ? Je tâte votre habit »… peut être l’être autant que la mise en scène d’un corps à corps, soulignée par le film qui conduit le regard du public –voyeur sans l’avoir choisi- jusqu’à la peau. Et bien des mises en scène au XX ème siècle, avaient déjà réduit la fameuse intervention royale du cinquième acte à ce qu’elle vaut : une courbette de Molière qui n’était pas un ingrat. Et l’on n’a pas fini de réfléchir aux rapports entre le théâtre et le pouvoir….

Puis, un cadeau pour ce quatre centième anniversaire : l’hommage rituel à Molière, qu’on aurait aimé, surtout cette année,mis en scène avec un peu plus de recherche. Le buste de notre grand auteur est apporté sur le plateau, face public, en un geste à la foi religieux et enfantin. Qu’aurait-il fait de ce culte? Une comédie- ballet? Les quelque quatre-vingt acteurs de la troupe viennent, rang par rang, lancer une citation de Molière. Elle se répondent, s’entrechoquent, font rire, confortent l’entre-soi des connaisseurs et rappellent, avant tout, le génie du « patron » qui fut ovationné, comme ce Tartuffe, rajeuni et durci.

Christine Friedel

Spectacle vu le 15 janvier. 

Saison Molière jusqu’au 25 juillet: voir le site de la Comédie-Française. Sont aussi programmées des visites guidées du Théâtre.

Le spectacle sera à nouveau transmis en direct  dans les salles Pathé du 6 au 22 février.

Les Cinq fois où j’ai vu mon père, texte et mise en scène de Guy Régis Jr.

Les Cinq fois où j’ai vu mon père, texte et mise en scène de Guy Régis Jr.

Les cinq fois où j'ai vu mon père

Christian Gonin © Nicolas Lascourrèges

« Le thème est personnel, voire intime. Alors qu’il concerne bien d’autres car nous avons chacun subi une absence quelque part. » L’auteur haïtien remonte ici vers son enfance de la dernière fois, à la première où il a vu son père: « Je l’ai vu partir quand j’avais douze ans. Je voudrais replonger profondément dans ma mémoire.» En cinq temps, Christian Gonon de la Comédie-Française donne les couleurs de l’enfance à cette adaptation du roman éponyme. La langue concise et dense, porte en elle des images et climats. Mais y-avait-il besoin des jolis dessins animés avec ciels, nuages et pluie, au graphisme naïf, de Raphaël Caloone qui rythment la représentation ? 

« L’écriture théâtrale demande à être plus concise, dit Guy Régis Jr. C’est de la parole parlée comme j’aime le dire. Le théâtre, c’est créer de la parole et non pas de l’écrit. » Il est ici question non de l’absence mais plutôt de la présence en pointillé de ce père, à travers les paroles de la mère, et par des adresses de l’écrivain adulte à l’auteur de ses jours. Avec des reproches mais aussi une sorte de complicité interrogative. Très forte est l’évocation de la Haïti des années soixante dix, « pays sans dessus dessous », où les dictatures successives et la misère chassent les hommes vers l’exil. «Le départ de celui qui va gagner de l’argent et lui permettra de nourrir sa famille, dit Guy Régis Jr. On oublie souvent qu’on vient d’une société qui a vécu l’esclavage pendant trois siècles. C’est donc normal qu’il y ait encore l’éclatement de la famille. »

 Une mise en scène sobre et réussie qui doit beaucoup à la présence de Christian Gonon. Il se glisse avec humour, élégance et une émotion retenue dans cette langue concrète et poétique, mais sans pathos. Il est à la fois cet enfant avec toutes ses questions et cet adulte qui revient avec lucidité sur son passé. Un spectacle à voir mais aussi un texte à lire…

 Mireille Davidovici.

 Jusqu’au 29 janvier, Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, Paris (XX ème).

Les 25 et 26 mars, Tropique Atrium, Fort-de-France (Martinique).

Les 1er et 2 avril, Archipel-Scène nationale de Basse-Terre (Guadeloupe).

 Le texte est publié aux éditions Gallimard.

 

La Diagonale du vide, texte et mise en scène d’Alexandra Badea

La Diagonale du vide, texte et mise en scène d’Alexandra Badea

C’est la troisième volet de la trilogie Points de non-retour (voir Le Théâtre du Blog). Avec pour thème, un épisode de l’histoire de France pas très flatteuse : à partir de 1962, plus de 2.100 enfants de l’île de la Réunion «abandonnés ou non» furent enlevés pour repeupler des départements comme la Creuse, le Gers, le Tarn, etc. Coupable de cette catastrophique initiative qu’il faut bien appeler une déportation: Michel Debré alors député de la Réunion! Il avait été Premier ministre du Général de Gaulle alors Pésident de la République, il démissionne trois ans plus tard. Il sera ensuite ministre de l’Économie et des Finances de 1966 à 1968, puis des Affaires étrangères de 1968 à 1969.  Le cauchemar pour ces enfants arrivés en short et sandales en plein placés dans des familles d’accueil,ou travailleurs non rémunérés dans des fermes! Comment un haut personnage de l’Etat a-t-il pu faire admettre à l’Etat, ce qu’il faut bien appeler un acte de barbarie, avec l’accord tacite de la chambre des Députés ? Une histoire très peu glorieuse de la V ème République… Et nombre de ces enfants en restèrent traumatisés à vie…

« Ce qui m’a bouleversée, dit Alexandra Badea, à la lecture de la documentation des « enfants de la Creuse » est ce sentiment d’arrachement, la perte d’identité, le déracinement, le sentiment d’abandon, de solitude. J’ai été particulièrement touchée par les fratries brisées et par le destin de ces jeunes filles qui ont sombré dans une dépression extrême et qui ont mis fin à leurs jours au sein des foyers d’accueil. (…) Le fil principal est donc l’abandon de la famille mais aussi l’abandon de l’État. Qui sont ces enfants qui peuplaient les foyers de la DDAS dans les années 80 ? Enfants de la Creuse, enfants d’immigrés nord-africains, enfants des ouvriers ou mineurs qui se retrouvent du jour au lendemain dans une violente précarité suite à la fermeture de certaines branches de l’industrie. »

Cela se passe dans un foyer d’accueil abandonné et fermé. Nora réalise un documentaire, prétexte pour mieux appréhender le passé caché de son père qui a lui-même vécu quelques mois dans ce foyer.
Elle filme trois pupilles qui y ont aussi vécu trente ans auparavant. Dont une fille du Nord, qui avait quitté sa famille déchirée par le chômage et voulait fuir la violence de son père. Mais aussi le fils d’un ouvrier algérien mort dans un accident de travail ; sa mère et ses grands frères sont rentrés au pays. Et un jeune réunionnais « enfant de la Creuse ». Il ignore son passé et déporté en métropole à quatre ans avec sa grande sœur. Placé dans une famille, il a dû intégrer ce foyer quand ses parents adoptifs ont divorcé.Dans tous les cas, comme le dit justement Alexandre Badea, « L’abandon de l’État se poursuit. On nous fait croire que c’est l’abandon des familles mais c’est l’abandon de l’État avant tout. »

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Sur le vaste plateau de la Colline, une évocation de ce foyer avec trois praticables, des cubes avec de vieux matelas accumulés et à cour, un autre avec une vieille baignoire en fonte. Au mur accrochés à un grillage des lierres en plastique pour dire que la naturei a repris ses droits dans cet endroit déserté.
Et Nora dès le début filme très souvent ces jeunes gens dont les visages sont en même temps projetés sur très grand écran. Il y a aussi des dialogues où dit l’autrice : « Les morts s’adressent aux vivants, le passé redevient présent, le réel et l’imaginaire se confondent pour donner naissance à une parole où progressivement la violence laisse la place à la réconciliation. »

Mais la «mise en scène» d’Alexandra Badea n’a rien de convaincant et manque singulièrement de rythme. Et comme d’autres, elle est tombée dans ce poncif du théâtre contemporain : le film en direct et en très gros plan sur une bonne partie du spectacle.. Et comme elle ne dirige pas bien ses acteurs, pourtant tous sortis de bonnes écoles, ils boulent leur texte et ont une diction plus qu’approximative! Quand les metteurs en scène comprendront-ils que coller avec un scotch un petit micro H F sur la joue d’un acteur  est vraiment très laid sur l’image. Et en aucun cas, cela ne le dispense d’articuler. Oui, il y a un autre théâtre que celui imposé par ces micros H F! C’est à demander comment pouvaient faire les acteurs il y encore une dizaine d’années, notamment à la Colline…
Dans ces conditions, comment s’intéresser à cette pseudo-pièce ? Comment ressentir une quelconque émotion au récit de ces enfants que l’Etat français, sur l’initiative d’un député français qui a créé l’E.N. A. , a cru bon de déporter sans scrupule dans une autre région française mais qui n’était pas la leur ? Pourquoi n’entendons nous pas le point de vue opposé? Pourquoi cette indifférence de la classe politique? Mais de cela, nous ne saurons rien.

« Ce qui m’a bouleversée, dit Alexandra Badea, à la lecture de la documentation des « enfants de la Creuse » est ce sentiment d’arrachement, la perte d’identité, le déracinement, le sentiment d’abandon, de solitude. J’ai été particulièrement touchée par les fratries brisées et par le destin de ces jeunes filles qui ont sombré dans une dépression extrême et qui ont mis fin à leurs jours au sein des foyers d’accueil. (…) Le fil principal est donc l’abandon de la famille mais aussi l’abandon de l’État. Qui sont ces enfants qui peuplaient les foyers de la DDAS dans les années 80 ? Enfants de la Creuse, enfants d’immigrés nord-africains, enfants des ouvriers ou mineurs qui se retrouvent du jour au lendemain dans une violente précarité suite à la fermeture de certaines branches de l’industrie. »

Cela se passe dans un foyer d’accueil abandonné et fermé. Une jeuen femme, Nora réalise un documentaire, prétexte pour mieux appréhender le passé caché de son père qui a lui-même vécu quelques mois dans ce foyer. Elle filme trois pupilles qui y ont aussi vécu trente ans auparavant. Dont une fille du Nord, qui avait quitté sa famille déchirée par le chômage et voulait fuir la violence de son père. Mais aussi le fils d’un ouvrier algérien mort dans un accident de travail ; sa mère et ses grands frères sont rentrés au pays. Et un jeune réunionnais « enfant de la Creuse ». Il ignore son passé et déporté en métropole à quatre ans avec sa grande sœur. Placé dans une famille, il a dû intégrer ce foyer quand ses parents adoptifs ont divorcé.Dans tous les cas, comme le dit justement Alexandre Badea, « L’abandon de l’État se poursuit On nous fait croire que c’est l’abandon des familles mais c’est l’abandon de l’État avant tout. »

Sur le vaste plateau de la Colline, une évocation de ce foyer avec trois praticables, des cubes avec de vieux matelas accumulés et à cour, un autre avec une vieille baignoire en fonte. Au mur accrochés à un grillage des lierres en plastique pour dire que la naturei a repris ses droits dans cet endroit déserté.  Et Nora dès le début filme très souvent ces jeunes gens dont les visages sont en même temps projetés sur très grand écran. Il y a aussi des dialogues où dit l’autrice : « Les morts s’adressent aux vivants, le passé redevient présent, le réel et l’imaginaire se confondent pour donner naissance à une parole où progressivement la violence laisse la place à la réconciliation. »
Dans ces conditions, comment s’intéresser à cette pièce ? Comment ressentir une quelconque émotion au récit de ces enfants que l’Etat français, sur l’initiative d’un député français qui a créé l’E.N.A. , a cru bon de déporter sans scrupule dans une autre région française mais qui n’était pas la leur ? Alexandre Badea n’arrive pas sauf à la toute fin, à nous embarquer dans cette suite de petites séquences filmées ou non. Et très vite l’ennui s’installe dans cette grande salle pas très pleine -et c’est un euphémisme-même si par deux fois, nous avons droit à être réveillés par un solo de batterie pour accompagner de petits moments de danse. Bref, ces deux heures nous ont paru interminables et conseil d’ami, vous pouvez sans dommage vous les épargner.

 Philippe du Vignal

Jusqu’au 7 février, Théâtre de la Colline, 18 rue Malte-Brun, Paris (XX ème). T. : 01 44 62 52 52.

Sur cette lamentable histoire, voir le très bon documentaire réalisé par William Caly Une enfance en exil : Justice pour les 161528 et diffusé sur France 3, Réunion Première et France Ô.

Un autre documentaire, Arrachée à son île (2002) retrace le parcours de Marie-Thérèse Gasp, soustraite à sa mère arrivée dans la Creuse à trois ans…

A entendre aussi: Les Enfants volés de la Creuse de Christophe Hondelatte, histoire et témoignage de Jean-Jacques Martial, Europe 1, Émission: Hondelatte raconte, diffusé en 2019.

Le texte  est paru à L’Arche Éditeur.

 


 

 

Les Apôtres aux cœurs brisés, caverne club band, texte et mise en scène de Céline Champinot

Les Apôtres aux cœurs brisés, caverne club band, texte et mise en scène de Céline Champinot

On avait pu voir Vivipares (posthume) brève histoire de l’humanité (2016), en compagnie de David Bowie et Charles Bukowski et Dans La Bible, une entreprise de colonisation d’une planète habitable (2018) où cinq scouts se plaignaient à Dieu. Là aussi, il s’agit de l’humanité; et pour Céline Champinot :«La culture pop et la culture biblique ont en commun d’inventer et de recycler sans fin les mythologies qui nous font et nous défont, mais aussi de fétichiser les icônes. » Ici, cela se passe sous terre : dans un endroit caverneux chez Platon ou dans un sous-sol avec studio d’enregistrement comme celui des Beatles à Liverpool. Décor: une sorte de puzzle pixellisé avec photos en noir et blanc des actrices dans un univers idyllique de plage avec palmier. Le grotesque pointe déjà son nez…

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Au-dessus du plateau, des guirlandes de minuscules ampoules bleues et côté cour, une sorte de faux juke-box. John à la radio explique que « cette pittoresque salle de concert a été récemment consacrée au culte fanatique de l’icône Jésus-Christ, La Caverne est une célèbre crypte souterraine baptisée d’après le manque criant de lumière de l’ancienne faille de schiste où elle fut jadis creusée. » Vivent ici reclus Marthe, La plus grande -enceinte- (la sœur de Marie, mère de Jésus?) une dolorosa de pacotille en longue robe pailletée noire et perruque dorée et quatre apôtres en combinaison rouge, jaune, fuschia et bleu pâle à brandebourgs dont une avec grosse moustache et lunettes noires… des costumes foutraques mais bien vus signés: Les Céline. Ces caricatures des Beatles s’appellent John, Paul, Philip et Thomas qui parlent souvent de champignons hallucinogènes dont ils sont visiblement adeptes. D’abord micro à la main, les excellentes Maëva Husband, Élise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin et Adrienne Winling chantent, sur la musique d’un vieux synthé, la mort du chef de leur groupe pop, un certain Jésus. Cela hurle un peu mais on pardonne comme ces fumigènes… qui reviennent de plus en plus à la mode : cinq en une semaine cela fait beaucoup !). Comme d’approximatives copies d’anciennes vedettes, ces apôtres essayent en paroles et en chansons ,mais en vain, de résoudre la question philosophique de la condition humaine… Et d’un seul coup, la plaque du décor craque et par douze trous, sortent huit bras et quatre têtes qui continuent à chanter en rythme. Tout cela avec une précision absolue. Une image traitée ici avec une fabuleuse drôlerie ! Et vers la fin- formidable scénographie d’Émilie Roy- ce décor s’écrasera… pour laisser place à une grande étendue de liquide noir visqueux! Nous découvrons sans doute ce qui attend ces apôtres à l’extérieur de cette caverne platonicienne… Illusion, vérité du réel, pastiche ? Céline Champinot emmène avec virtuosité le public là où elle veut. Diction et gestuelle ciselées, unité et qualité de jeu, superbe intelligence de la mise en scène, des costumes et maquillages: tout ici frise l’impeccable et rappelle souvent la folie du Theater of Ridiculous de Ronald Tavel et John Vaccaro, il y a un demi-siècle à New York… Avec ses paillettes, ses personnages délirants ultra-grimés et des accessoires et costumes trouvés dans la rue puis retravaillés. Un théâtre qui aura été d’une influence considérable aux Etats-Unis comme en Europe, notamment sur les mises en scène de Jérôme Savary quand il avait créé le Grand Magic Circus.

Cette parodie à la fois intelligente et fantasque aux thèmes de culture populaire, au texte coloré d’absurdes messages,  slogans publicitaires, etc. est jouée et chantée par les actrices seules ou chœur, La plus grande -enceinte- en robe noire pailletée avec perruque dorée, les autres, dont une avec grosse moustache et lunettes noires, en combinaison rouge, bleu, jaune ou orange… Les apôtres aux visions hallucinatoires ont installé une radio clandestine, leur seule liaison avec le monde extérieur et diffusent des programmes avec fictions délirantes, messages, poèmes teintés de mysticisme et slogans publicitaires bien vulgaires. Mais la République les espionne, via cette même radio ; ce n’est pas toujours très clair mais qu’importe et aucun doute, nous sommes bien à la fois dans un conte musical déjanté sur fond philo-mythologique à la Kafka. L’auteure et metteuse en scène dit avoir été inspirée par Platon et la Bible mais aussi «passionnée par les écrits apocryphes chrétiens et toutes les mystiques qui en dérivent et tirent vers d’autres philosophiques, plus orientales.» Ici, il n’y aura aucune réponse à cette question lancinante: qui commande à nos imaginaires, à notre intuition et comment ? Pourquoi les cœurs de ces apôtres sont-ils brisés? L’image de la fin est de toute beauté avec ces cinq personnages -des cousins de ceux de Samuel Beckett- recroquevillés dans de minces matelas- récitant comme un mantra, des bribes de phrases du genre du genre « ni avec ni sans toi »: «  Je pars. Non, reviens. » etc. Quelques grincheux ont quitté la salle en cours de route mais allez voir ce spectacle aussi fin que drôle; malgré quelque petites longueurs, vous ne serez pas déçus par cette mise en réseau d’éléments de langage différents et une réalisation exemplaire. « C’est important pour moi que cela soit drôle et crée l’écart, même dans le grotesque, il y a beaucoup de raisons de pleurer, de désespérer.» Pari gagné avec ces Apôtres aux cœurs brisés, à la fois vraiment drôle et philosophique -ce qui n’est pas si fréquent dans le spectacle contemporain- joué/chanté avec un plaisir et un humour évidents. Et le public à juste raison, a longuement salué les actrices.

Philippe du Vignal

 Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris ( XI ème) jusqu’au 28 janvier. T. : 01 43 57 42 14.

Du 31 mars au 1er avril, Comédie de Colmar (Haut-Rhin).

 

 

 

Marc Trudel, un magicien canadien

Marc Trudel, un magicien canadien

Tout petit déjà, il regardait les spectacles de David Copperfield que son père avait enregistrés sur VHS à la télévision. Il a ensuite reçu en cadeau la traditionnelle valise de magie et a commencé à présenter des tours à ses amis. A huit ans, il trouve à la bibliothèque municipale une copie du Manuel du Prestidigitateur de Patrick Page avec certains grands tours classiques et la magie est devenue alors presque une obsession chez lui. Quelques années plus tard, fasciné, il a vu Alain Choquette présenter la version par Gary Ouellet des As McDonaldà la télévision mais il n’avait aucune idée de son fonctionnement. Il a donc regardé le tour en boucle et a réussi à le reproduire à quelques détails près, ce qui a impressionné ses amis.

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Par la suite, dans une boutique spécialisée à Montréal, il y acheté la Mark Wilson’s Encyclopedia of Magic qui l’a beaucoup marqué. « Puis, dit-il, j’ai appris que Yannick Lacroix, célèbre élève de Gary Kurtz, donnait des cours et j’ai poursuivi mon apprentissage avec lui mais aussi développé un vrai sens de la communauté… Après avoir présenté des spectacles de micro-magie pour les anniversaires d’enfants au cours de mes études, je suis devenu magicien résident du musée Juste pour Rire à Montréal pendant trois ans. »
Une expérience qui lui a donné le temps de vol nécessaire pour bien apprendre ce métier. Et il a eu la chance de se lier d’amitié avec Stéphane Bourgoin, le consultant du musée à l’époque. Grâce à lui, il a appris la valeur de la recherche en magie et a reçu de nombreux conseils de collègues-comédiens qui travaillaient là-bas. Plus récemment, il a été bien guidé par son gérant Jean-Marc Dionne et son collègue Daniel Coutu et coproducteur de son spectacle pour jeunes La mystérieuse Ecole. « Mais dit-il la personne qui m’a le plus aidé est ma femme, Sophie-Anne Vachon qui m’a aidé dans ma carrière et est ma partenaire pour la mise en scène la direction artistique. »


Comment travaille-t-il ? « La pandémie de covid a tout freiné et en mars 2020, j’étais en tournée et participais à des conventions internationales… Mais bon, nous nous adaptons et trouvons des façons de revenir à notre vie pré-pandémique. J’ai présenté des spectacles jeunesse, participé à des foires commerciales pour des sociétés, développé un spectacle d’illusions pour le milieu corporatif. À l’heure actuelle, je présente des spectacles familiaux et scolaires comme La mystérieuses école pour les cinq à douze ans et #MATHS pour les douze à dix-sept ans en tournée au Canada. Je suis vraiment choyé et je travaille aussi comme consultant et scénariste sur plusieurs projets. Les jours se suivent et se ressemblent peu. J’aime quand ça bouge ! »  Marc Trudel admire nombre de magiciens mais surtout Johnny Thompson, son préféré qui se définissait lui-même comme « médecin généraliste » et connaissait tous les aspects de cet art. « Si, dit-il, mon regard et ma pratique s’approchent des siens un jour, même de loin, je serai très heureux. Et j’admire beaucoup David Copperfield mais je suis devenu aussi un fan de Jeff McBride, Penn & Teller, David Williamson, Mac King, Tommy Wonder, Lance Burton. J’ai toujours eu un faible pour les numéros de manipulation. Mais aussi pour la comédie musicale Le Roi Lion à Broadway et La Trilogie des Dragons de Robert Lepage. Personnellement, j’aime une magie théâtrale où le public peut vraiment entrer dans l’univers d’un artiste. La magie comique me plaît beaucoup aussi. J’adore rire à un point tel que j’oublie que je suis en train de me faire bafouer : quel bonheur! Je suis aussi attiré par la magie dite nouvelle, une branche en constante évolution et je trouve fascinant de voir comment elle a déjà transformé notre façon de présenter nos spectacles. 

Mais j’essaye le plus possible de découvrir aussi toutes les formes d’art. Grâce à Sophie-Anne Vachon, j’ai découvert des œuvres. Yayoi Kusama a eu une grande influence sur moi de par la nature immersive de son travail et j’ai ressenti une grande émotion quand j’ai vu ses célèbres pièces. Et je m’inspire de ce que j’aime dans d’autres disciplines et j’adore voir le travail des metteurs en scène. Ainsi mon dernier spectacle pour adultes a été inspiré de l’œuvre de Robert Lepage. J’écoute beaucoup de musique et aime présenter des routines sur musique, une façon d’injecter de l’émotion presque instantanément. Je suis aussi fasciné par l’écriture, en particulier humoristique et par la scénarisation, puisque nous devons écrire nos propres textes. Et je vois le cinéma avec un autre œil depuis que nous avons commencé à filmer récemment des spectacles numériques. De plus en plus, je m’intéresse aux techniques des scénaristes, des monteurs et des directeurs-photo… »

Question classique : quel conseil donnerait-il à un débutant ? «D’abord être curieux. J’ai souvent été engagé parce que j’avais des connaissances en micro-magie , mentalisme et magie de scène. Mais il faut aussi s’intéresser à la vie en général et rester modeste. J’ ai trop souvent vu des confrères prétendre connaître un tour ou une méthode : en fait, ils ont peur d’être jugés. Nous devons admettre nos limites et apprendre à nous poser les bonnes questions. Quand je dis à un magicien que j’ai été totalement bafoué par son tour, il prend le temps de me l’enseigner et de me parler des subtilités qu’il a découvertes. On ouvre ainsi le dialogue entre collègues mais le chemin est propre à chaque individu. Ceci dit, j’aurais aimé étudier un peu plus l’économie pour mieux gérer ma carrière.Je trouve merveilleux que la magie aujourd’hui soit aussi accessible mais il y a un risque d’abondance ! Cela s’avère donc être une bénédiction et une boîte de Pandore. Quand j’étais jeune, il était très difficile de trouver de l’information et avec mes économies, je me procurais des cassettes VHS à prix élevé. De nos jours, tout est disponible en téléchargement pour quelques dollars ou sur YouTube et les forums de discussion. Il est important pour les jeunes de se trouver un mentor et de faire partie d’un club : cela permet d’être mieux guidé pour choisir au mieux son répertoire. »

Comme tous les grands dans cette discipline, Marc Trudel a une vaste culture, ce qu’il juge indispensable. «Il faut regarder à l’extérieur du monde de la magie, arriver à se connecter avec les gens et à trouver un thème commun qui les fascinera. Pour créer une vraie relation avec le public, tout repose sur la culture et la capacité à partager ce qui nous intéresse. Par ailleurs, j’adore cuisiner, faire du vélo, lire, passer du temps avec mes filles, marcher avec ma femme. Je suis un éternel curieux et il y a toujours quelque chose de nouveau qui va m’intéresser.  

Mais je dois aussi gérer l’entreprise, planifier les tournées, répéter les mêmes tours des centaines de fois, travailler sur la publicité, etc. Cela dit, la magie reste un pur bonheur pour moi : j’aime faire des recherches, pratiquer de nouvelles techniques et rencontrer des collègues. J’espère garder ce plaisir de découvrir ou redécouvrir la magie au quotidien pendant encore très longtemps. »

 Sébastien Bazou

 Interview réalisée le 8 janvier à Dijon.

 www.marctrudelmagicien.com

 

 

Une Télévision française, texte et mise en scène de Thomas Quillardet

Une Télévision française, texte et mise en scène de Thomas Quillardet

Le metteur en scène a monté des pièces de Valère Novarina, Tiago Rodriges, le nouveau directeur du festival d’Avignon mais cette fois, il a écrit le texte de cette pièce qui a pour thème, la privatisation de la Une devenue TF 1, en 1987. Achetée par le groupe de B.T.P. dirigé par Francis Bouygues sur fond de manœuvres pas très reluisantes jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.
Pour Thomas Quillardet, cette histoire douteuse d’un passé relativement récent peut éclairer le présent. Et il a fait un gros travail préparatoire en examinant les nombreuses d’heures d’archives de l’Institut national de l’Audiovisuel et recueilli les témoignages de journalistes pour écrire cette fiction… Et montrer ce qui se joue dans une rédaction où toute équipe de journalistes prépare les émissions dont le fameux Journal Télévisé de Patrick Poivre d’Arvor, Anne Sinclair, Yves Mourousi, Jean-Pierre Pernaut, Claire Chazal ou Bruno Masure… Eux bien connus du grand public, enfin celui de l’époque… Et on peut aussi y croiser des dirigeants  comme Patrick Le Lay, Etienne Mougeotte…

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Toute une époque (mais de nombreux protagonistes ne sont plus là) avec la terrible catastrophe de Tchernobyl en 86, maquillée par la plupart des médias et quelques scientifiques, mais aussi la chute du mur de Berlin qui met le feu aux rédactions des journaux papier ou  télévisés qui veulent toutes en rendre compte immédiatement. Il y a aussi le décès de Coluche et quelques mois plus tard celui de Thierry Le Luron, les Etats-Unis bombardent la Libye, en représailles d’attentats terroristes, avec plus de cent victimes et une fille de Kadhafi  tuée, le général Pinochet chilien échappe à un attentat.  Après des affrontements entre milices rivales libanaises, l’armée syrienne s’installe à Beyrouth, attentat de la rue de Rennes à Paris et pour mal clore l’année, Malek Oussekine meurt aussi à Paris de violences policières…
Et dans les médias français, les rumeurs galopent… Une chaîne de télévision serait privatisée mais personne ne pense que ce serait la Une. Mais la chaîne le sera en avril 87 avec un traitement de l’actualité nettement à droite. Patrick Le Lay annonce une programmation culturelle avec, entre autres, Olivier Messiaen… Plus le mensonge est gros, mieux cela passe, dit un vieux proverbe. Et bien entendu pas plus que programme culturel que de beurre en broche. Avec un slogan du même tonneau : « Il n’y en a qu’une ! C’est la Une. TF 1 est maintenant détenue à 100 % par une filiale du groupe industriel français Francis Bouygues. » 

Et il y a ici des débats politiques entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie, ou encore entre Jacques Chirac, alors premier ministre et François Mitterrand qui se représentait en 88 contre lui à la Présidentielle, dans un fameux duel tend,  arbitré par Michèle Cotta et Elie Barnier. Pour Jacques Chirac, ils sont tous les deux candidats mais le Président lui servira du: « Monsieur le Premier ministre ». Et pris au dépourvu, Jacques Chirac lui répondra : Monsieur le Président!  Un des courts mais très rares bons moments de cette Télévision française

Sur le plateau, est reconstituée une salle de rédaction avec grandes tables,  nombreux téléphones à cadran et micros. Scénographie efficace de Lisa Navarro où évoluent facilement Agnès Adam, Benoît Carre, Blaise Pettebone, Bénédicte Mbemba, Josué Ndofusu, Jean-Baptiste Anoumon, Charlotte Corman, Florent Cheippe, Emile Baba, Titouan Lechevelier et Anne-Laure Tondu. Ils jouent ainsi à tour de rôle et sans distinction de sexe, les nombreux personnages de journalistes et les dirigeants comme Francis Bouygues…Un truc à la mode: ainsi Charlotte Corman est Bouygues, Anne-Laure Tondu: Patrick Poivre d’Arvor,  et Blaise Pettebone:  Claire Chazal.

L’ensemble est très décevant à cause d’un texte bavard et d’une dramaturgie faiblarde. Nous assistons presque sans arrêt à la préparation d’un J.T. et à quelques petits règlements de compte internes où chacun convoite souvent un poste en France ou à l’étranger… déjà offert à un collègue. On se drague aussi un peu, on s’engueule parfois et on boit beaucoup de champagne… Mais cela sonne faux et, comme la chose dure trois heures, l’ennui s’installe vite.
Malgré une direction d’acteurs précise, les personnages ressemblent plus à des silhouettes sans densité. Thomas Le Quillardet a du mal à choisir entre un théâtre-documentaire, une comédie parfois teintée de boulevard et surtout un théâtre de réflexion politique qui manque cruellement ici… En fait, ce texte ne répond jamais à la question : comment sous la présidence de François Mitterrand, en est-on arrivé à ce dérapage politique et à cette privatisation… Avec comme conséquence, une nette tendance à éviter les thèmes sensibles qui pourraient nuire en termes d’audience aux intérêts financiers du groupe Bouygues. Cela aurait pourtant été d’un intérêt évident.

Quelques années plus tard, le même Patrick Le Lay déclarait avec un incroyable cynisme dans une phrase restée célèbre : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » Et là, une analyse socio-politique par le biais d’une dramaturgie rondement menée aurait pu faire sens, même si de temps à autre, c’est vrai, la question est abordée mais très vite… Et ce bavardage sur trois heures ne peut tenir la route, même avec dix acteurs qui font leur boulot ; tout ici reste bien superficiel… Il y a un tout petit souffle quand la chaîne est rebaptisée : TF I, avec un nouvel aménagement de l’espace et un nouveau logo… Malheureusement, cela ne dure pas et Thomas Quillardet retombe dans le même travers : des dialogues à l’écriture négligée qui font penser à ceux d’une série médiocre ( suivez notre regard).
Désolé mais le théâtre documentaire répond à d’autres exigences. Comme le font entre autres, le collectif allemand Rinini Protocol à la remarquable intelligence scénique ou le du collectif Groupov avec Rwanda 94 mis en scène par le Belge Jacques Delcuvellerie. Ou encore  Milo Rau ou Nicolas Lambert dénonçant les magouilles de l’industrie pétrolière, et bien sûr il y a quelques années, le remarquable Bettencourt Boulevard de Michel Vinaver… (voir pour ces mises en scène, Le Théâtre du Blog). Et cette pièce récente A la Vie d’Elise Chatauret dont nous vous rendrons compte lundi prochain. Les fictions à base documentaire sont maintenant bien inscrites dans le paysage scénique européen…

Mais ici, malgré sans doute un réel travail en amont, tout ici reste superficiel…Dommage! Surtout à un moment où, dans la France macroniste, l’ombre de la privatisation reste toujours aussi menaçante. Bref, cette fiction n’arrive jamais à un degré suffisant d’authenticité et surtout de virulence pour montrer une privatisation en ordre de marche. Et on pourrait se demander pourquoi et surtout comment l’Elysée et le P.S. ont fini par flirter dangereusement avec le capitalisme adoubé par Jacques Chirac et son entourage… On ne traite pas la privatisation avec autant de légèreté et nos amis anglais ont appris à le savoir à leurs dépens… Un ami musicien français qui a vécu une grande partie de sa vie à Londres, nous a dit récemment ces mots cruels : « Si vous voulez savoir ce que seront les hôpitaux français dans quelques années, allez de l’autre côté de la Manche, vous ne serez pas déçus du voyage. » Reste aussi une question : qui, au Théâtre de la Ville, a lu le texte de cette pseudo-pièce avant qu’elle soit programmée?

Philippe du Vignal

Jusqu’au 22 janvier, Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77

La Réponse des hommes, texte et mise en scène Tiphaine Raffier

La Réponse des hommes, texte et mise en scène Tiphaine Raffier

 

Cela commence par un rêve avec une vidéo sur grand écran : de jeunes femmes dansent, couronnées de fleurs. Puis elles entrent sur scène, frénétiques et joyeuses. Le film s’attarde sur la tête de la « mariée », la reine de l’entrée en féminité. Et, sous les fleurs se révèle, en gros plan, une couronne de fer, instrument du cauchemar.

On s’habitue, disent les femmes plus avancées dans la vie, ce n’est qu’un moment à passer… Mais pour la jeune femme, elle, revenue dans son siècle, cela ne passe pas. Vouée à l’accueil des étrangers, elle travaille à Action contre la faim et ne peut accueillir cette étrangère, ce bébé-fille qui lui est né. Voilà, avec ses développements, la première histoire. D’autres suivent, sans lien entre elles, sinon parfois un personnage qui passe, et toutes construites à partir des « œuvres de miséricorde » de la religion chrétienne. 

©x Le Caravage

©x Le Caravage

Tiphaine Raffier a pris ces injonctions : Accueillir les étrangers, Donner à boire à ceux qui ont soif, Vêtir ceux qui sont nus, Visiter les prisonniers et les malades… comme autant de commandes d’écriture. Et elle ose explorer,-on pourrait dire : en oblique- les questions du don et du contre-don, du point de tolérance au mal, de « l’interface entre le juste et l’injuste », du « tri ».
Qui faut-il sauver ? Au nom de quoi, « les femmes et les enfants d’abord » ? Pour autant, le propos n’a rien ici de didactique ni moralisant. Et la question éthique posée à chaque scène est toujours aussi essentielle qu’inattendue, et très riche de potentiel théâtral.
Un Noël en famille : chacun a apporté un cadeau mystérieux, on tire au sort, et …. nous ne vous dirons pas le secret qui passionne tous les participants, mais nous en découvrirons un autre que nous ne révèlerons pas non plus. Un prisonnier écartera sa propre histoire pour raconter celle de son ancienne visiteuse de prison, sainte et criminelle… Un psychiatre tentera de faire prononcer à son patient pédocriminel les mots de sa maladie. Des scènes à la fois très concrètes et presque théologiques : dans un tribunal, on juge un soldat qui aurait causé la mort d’un autre. Ou un danseur en dialyse qui attend une greffe de rein.

Cette gravité, cette profondeur n’interdit ni le rire, ni le plaisir de la danse et la présence des musiciens sur le plateau. Nous avons aussi aimé cette conférence de musicologie donnée par un acteur virtuose qui nous fait monter –ou plutôt descendre- de l’harmonie à la discordance, jusqu’à l’angoisse. Une mystérieuse affiche clandestinement tout au long du spectacle ces seuls mots : « Nous sommes désolés » sur fond de triangle fractal. Cela distille, malgré les mots apaisants, une inquiétante étrangeté qui trouvera son sens dans l’apocalypse finale.

Et l’ensemble est très bien réalisé. Le mur du décor, imposant sans être lourd, joue son rôle psychologique, donnant à voir les angoisses des personnages. La musique a aussi une véritable fonction dans l’action, et surtout, malgré ce que le choix de la vidéo pouvait faire craindre, les comédiens sont toujours très présents.
Mêlant générations et  écoles, Tiphaine Raffier a su créer une véritable troupe, convaincante dans ses duos, solos et moments collectifs.La Réponse des hommes est un beau spectacle, agissant, intelligent et sensible. Long, il prend le temps de ses cheminements : il faut donc avoir un peu de patience mais nous ne nous en plaindront pas. Et cette jeune autrice et metteuse en scène qui fait preuve d’une grande maturité, a déjà réalisé un moyen métrage et en prépare un  long. Mais elle ne se laisse pas griser par l’emploi de la vidéo au théâtre. Elle s’en sert au cœur même des scènes, et de biais , mais pas comme outil de surveillance. En choisissant de la mettre entre les mains de psys et de médecins qui essayent de s’en servir pour regarder leurs patients et permettre à ceux-ci de se voir et de voir.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce spectacle généreux, sur l’audace de Tiphaine Raffier qui voit grand et qui se donne les moyens de son audace. Une trouvaille particulièrement touchante : à la fin cette méditation sur le mal, le pardon survient sous la forme d’un tout petit objet : une clé usb. Les disques durs d’’une vie tourmentée une fois effacés, c’est dans ce petit fragment de mémoire : une danse délicate de Fred Astaire, que le personnage trouvera l’absolution. Et le public y verra une réflexion à la fois modeste et profonde.
La Réponse des hommes, enfin un spectacle qui parle, avec les meilleurs moyens du théâtre, des réalités importantes et intimes de la vie de chacun. A voir à Nanterre mais aussi dans tous les grands lieux qui ont fait confiance à Tiphaine Raffier.

Christine Friedel

Jusqu’au 28 janvier, Théâtre des Amandiers- Nanterre (Hauts-de-Seine) T. : 01 46 14 70.

Du 3 au 12 février, Théâtre National Populaire, Villeurbanne (Rhône).

Du 23 au 24 février , Théâtre de Lorient (Finistère).

Du 2 au 4 mars, La Comédie de Saint-Etienne (Loire). Du 8 au 11 mars, Théâtre de la Cité, Toulouse (Haute-Garonne). Du 16 au 19 mars, Théâtre Olympia, Tours (Indre-et-Loire).

 Du 6 au 9 avril, Théâtre du Nord Lille (Nord)

 

 

 

 

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