Ballets européens au XXI ème siècle

Ballets européens au XXI ème siècle à Mulhouse

 A l’occasion de la reprise de Kamuyot d’Ohad Naharin à Mulhouse (voir Le Théâtre du Blog), Bruno Bouché, directeur artistique du Ballet de l’Opéra national du Rhin et Benoît André qui dirige la Filature, inauguraient une collaboration entre ce Ballet et cette Scène Nationale, hébergés sous le même toit. Gardant en mémoire les soirées à Chaillot-Thé́âtre National de la Danse en 2015 pour célébrer les trente ans des Centres Chorégraphiques Nationaux, ils ont programmé de grandes troupes européennes. Avec les Ballets de Lorraine à Nancy, du Capitole à Toulouse, ceux des Opéras nationaux du Rhin, de Bordeaux, Paris, Lyon, Marseille (La Horde), le Malandain Ballet à Biarritz, le Ballet Preljocaj, le Hessisches Staatballett et le Ballett Theater de Bâle.

Trois soirées pour découvrir des esthétiques. « En France, nous sommes les parents pauvres en cette matière, dit Bruno Bouché. Nous avons peu de livrets et il faudrait que la danse s’ouvre sur un répertoire plus vaste. Quels chemins pour une compagnie de trente-deux danseurs à la formation académique, en dehors de la trop évidente «autoroute néo-classique ? » Le programme de cette troisième soirée répond à cette question avec des créations contrastées, celle du Ballet Theater Basel étant la plus contemporaine.

Celestial, chorégraphie de Garrett Smith, musiques d’Antonio Vivaldi et Thomas Tallis, Ballet de l’Opéra national de Bordeaux 

Celestial (c) (3)

Celestial © Yohan Terrazza

Six danseuses et sept danseurs s’élancent, aériens, en tenue blanche vaporeuse. Leur gestuelle classique se fond dans les mélodies baroques;portés et figures s’échangent au masculin et au féminin, bousculant les codes de genre et inversant les rôles. La présence des hommes s’affirme dans toute une séquence, en douceur, à l’image de cette troupe, l’une des plus anciennes de France née sous Louis XlV, qui a progressivement ouvert son héritage classique à la modernité, surtout depuis qu’Eric Quilleré la dirige.

Bliss, chorégraphie de Johan Inger, musique de Keith Jarrett,  Ballett Theater Basel 

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Bliss (c) Ingo Hoehn

 Cette pièce décalée de trente minutes révèle le sens narratif de ce chorégraphe suédois, passé par le Nederlands Dans Theater. Il fut directeur artistique du Ballet Cullberg où il a créé plusieurs spectacles et avait déjà, à Bâle, réalisé un Peer Gynt remarqué. Bliss commence, salle éclairée, par un long silence, avant que s’insinue le fameux Concert pour piano de Köln. Deux hommes surgissent l’un après l’autre sur l’immense plateau, semblant perdus. Nous les retrouverons au cours des chassés-croisés entre les sept danseuses et huit danseurs qui vont développer librement leur style, dans un parcours où alternent duos, trios et scènes collectives avec courses et rondes. Des sautillements d’allégresse ponctuent les enchaînements.

Cette compagnie mêle classique, contemporain et gestuelle hip hop. Les corps de ses interprètes n’obéissent pas aux canons classiques et l’ensemble a une personnalité particulière. Dirigé par Richard Wherlock depuis vingt ans, la compagnie bâloise rencontre un énorme succès en Suisse et à l’étranger avec des œuvres narratives ou abstraites de son répertoire de danse contemporaine Et ici, nous comprenons pourquoi.

Fireflies, extraits d’une chorégraphie de Bruno Bouché, musiques de Johan Johnnsson et de Gorillaz, Ballet l’Opéra national du Rhin

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Fireflies / © Bruno Bouché

La troupe réunit à Mulhouse trente-deux danseurs permanents de formation académique, venus du monde entier. Son directeur artistique présente deux extraits de sa pièce de 2017. Un trio : A Song for Europa, titre de cette courte compositionoù, derrière une musique planante, la voix d’une lointaine radio lit des chiffres et messages codés. Cette partition fantomatique fait écho aux figures précises, sculptées par les danseurs Jesse Lyon et Ryo Shimizu et leur partenaire, Susie Buisson. Après ce moment intime, toute la troupe en juste-au-corps moirés envahit le plateau fougueusement. Une énergie brute qui se disperse et se recompose, vibrionnante et insaisissable, comme les insectes de feu évoqués par la musique du groupe anglais Gorillaz. Et nous aurions eu envie d’en voir plus que sept minutes….

Le Ballet de l’Opéra national de Paris, dirigé depuis 2016 par Aurélie Dupont, présente un programme éclectique, à l’image de ce berceau de la danse classique. Issue de l’Académie royale de danse fondée en 1661 par le Roi-Soleil, devenue Académie royale de musique en 1672 (nom initial de l’Opéra de Paris), ce fut la première troupe professionnelle d’Europe avec cent-cinquante quatre danseurs venus en majorité de son Ecole. Moyenne d’âge : vingt-cinq ans, donc l’une des plus jeunes compagnies. Ce programme  avec trois pièces révèle la grande maîtrise de ses artistes et leur adaptation aux codes développés par différents chorégraphes.

- OnP (1)

3 Gnossiennes (c) Svetlana Loboff

Le danseur et chorégraphe néerlandais de quatre vingt-dix ans a composé cette pièce de dix minutes en 1982. Elle a le charme du classicisme à l’état pur, dépouillé et minutieux comme la musique de Satie, interprétée par la pianiste Ryoko Hisayama. La danseuse-étoile Ludmila Pagliero fait des étincelles dans les portés délicats de Florian Magnenet.

And… Carolyn chorégraphie d’Alan Lucien Øyen, musique de Thomas Newman

 Un duo créé en 2008 par le Ballet national de Norvège sur une partition composée pour American Beauty, un film d’Alan Ball (1999). Sur cette bande-son qui inclut les bruitages, le cinéaste avec une voix feutrée et émue, dit la beauté du monde. Clémence Gross et Andrea Sarri ont repris cette chorégraphie il y a quatre ans avec le Ballet de l’Opéra de Paris. La danseuse, en robe blanche et chaussettes rouges, évolue gracieusement, comme une image qui serait projetée en fond de scène. Ses gestes amples des bras et jambes, se répètent avec une grande simplicité. Puis son partenaire la rejoint pour un pas de deux, romantique et sentimental. Un petit bijou de dix minutes…

 The Vertiginous Thrill of Exactitude , chorégraphie de William Forsythe, musique de Franz Schubert

 Ce pas de cinq créé en 2004 sur le mouvement final de la Symphonie n°9, garde les signes extérieurs de la danse classique : tutus, pointes, portés virtuoses, rapport homme/femme traditionnel… Mais le chorégraphe américain réduit la grammaire académique à l’essentiel en quinze minutes et met en valeur la technique de ses interprètes. Avec des costumes colorés et stylisés à l’excès : tutus acidulés, plats comme des galettes pour les trois danseuses et juste-au-corps rouge cramoisis pour les deux danseurs.
Un ballet qui décline les codes du genre avec une rigueur vertigineuse et envoûtante. Les solos s’enchâssent dans les pas de deux ou les trios. Et des figures isolées naissent des mouvements d’ensemble. Les enchaînements classiques, ici détournés, insufflent à cette pièce une énergie nouvelle.

 Mireille Davidovici

 Spectacles présentés les 23, 26 et 29 janvier, La Filature.20 allée Nathan Katz, Mulhouse (Haut-Rhin).

 

 

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