Huis clos de Jean-Paul Sartre, mise en scène de Jean-Louis Benoit

Huis clos de Jean-Paul Sartre, mise en scène de Jean-Louis Benoit

 «L’enfer, c’est les autres. » De cette pièce inoxydable, les lecteurs auront au moins retenu ces mots de Garcin, l’un des trois personnages, ensemble pour l’éternité, sans miroir ni brosse à dents. Confrontés au jugement des autres, sous une lumière qui ne s’éteindra jamais. «Tous ces regards qui me mangent. (…) Pas besoin de gril, l’enfer, c’est les autres. », dit plus exactement ce journaliste brésilien, mort fusillé pour avoir déserté la guerre, soi-disant au nom du pacifisme.

Jean-Paul Sartre exprime ici un drame intime… Comme s’il y avait un peu de lui-même dans le seul personnage masculin de ce trio infernal. La pièce, écrite en 1943, une période trouble pour les intellectuels, traduirait-elle la mauvaise conscience de l’écrivain sous l’occupation allemande? Et ces deux femmes qu’ont-elles à se reprocher? Estelle, une jeune bourgeoise écervelée est une infanticide, morte d’une pneumonie. Inès, une  employée des postes homosexuelle, a été asphyxiée au gaz par la femme de son cousin qui, de chagrin, s’est jeté sous un tramway. La pièce a perdu son parfum scandaleux et semble même un peu datée.  Reste le pari théâtral que s’était donné Jean-Paul Sartre : mettre trois personnages sous tension permanente: « C’est là, dit-il, que m’est venue l’idée de les mettre en enfer et de les faire chacun, le bourreau des deux autres. » Il a un sens aigu des dialogues et des situations. Dans la mise en scène de Jean-Louis Benoit, cette confrontation entre Inès, Garcin et Estelle n’a rien perdu de son mordant,

La pièce avait déjà été mise en scène par Jean-Louis Benoit  il y a deux ans au Théâtre de l’Épée de Bois mais dans un espace trop vaste mal adapté à ce huis-clos (voir Le Théâtre du Blog). A l’Atelier, le décor assez banal mais conforme aux indications de l’auteur, traduit l’atmosphère étouffante de la pièce. Trois gros canapés de couleur différente, un guéridon avec dessus, un bronze académique; au fond, une porte qui ne se rouvrira qu’une fois, sans qu’aucun des trois n’osent la franchir.

Marianne Basler est une Inès virulente et lucide : un personnage mieux dessiné par l’auteur que celui d’Estelle, lui, plus stéréotypé. Ici interprété par Mathilde Charbonneaux qui va dans le sens de la caricature… Maxime d’Aboville donne à Garcin un côté veule et minable de séducteur à la petite semaine. Mais que nous raconte au juste ce Huis clos après deux ans d’une épidémie qui, de confinement en vaccination forcée, empiète sur notre liberté ? Nous reconnaissons-nous encore dans la phrase de Jean-Paul Sartre?  «L’enfer, c’est les autres» dit-il, a toujours été mal compris. On a cru que je voulais dire par là, que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c’étaient toujours des rapports infernaux. » (…) « Je veux dire que, si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors, l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont au fond, ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes. » 

 Jean-Louis Benoit réussit à mettre cette question en débat et nous offre un moment de théâtre conforme au projet de Jean-Paul Sartre. « Il s’amusait, dit-il, à puiser dans le vaudeville, à détourner les codes du théâtre de boulevard et regrettait que sa pièce fût interprétée trop souvent de manière sérieuse, trop respectueuse… »  « Si les archétypes de la virilité chez Garcin, de la mondanité chez Estelle, de l’homosexualité chez Inès, écrit Jean-Paul Sartre, sont mis en place dès le début, ils ne tardent pas à se briser, lorsque tombent les masques de chacun d’eux. Lorsque Garcin veut fuir cet Enfer et qu’il parvient à ouvrir la seule porte du lieu, au moment de la franchir, il ne fait plus un seul pas et reste là, avec les autres, c’est qu’il a compris que se détourner, c’est s’avouer vaincu.» Et si le salut, c’était les autres ? A méditer en ces temps d’individualisme triomphant…

 Mireille Davidovici

 Théâtre de l’Atelier, Place Charles Dullin, Paris ( IX ème). T. : 01 46 06 49 24.

 

 

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