Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron, champions de danse sur glace aux J.O.

Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron, champions de danse sur glace aux J.O.

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Médailles d’or ce lundi au Capitol Indoor Stadium à Pékin, après deux journées d’épreuve en danse technique et danse libre. A la différence du patinage artistique, ici, aucun saut possible, ce qui limite la performance athlétique et ouvre le champ à un au-delà du sport. Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron caressent le sol gelé à grande vitesse avec une douceur dans la glisse, avec aussi des enchaînements synchrones et postures asymétriques… Ils ont rompu avec les codes d’une épreuve souvent vieux jeu, jusqu’aux costumes et coiffures où le kitsch règne encore…. Mais ces artistes soignent leur apparence et savent bien que la subtilité d’un ballet en dépend aussi. Haut rouge vif et pantalon noir pour lui, et robe rose et perlée pour elle. Ce rouge sur fond blanc de la glace évoque l’incarnat : la couleur chair en peinture. Mais cet incarnat ici tend vers la lumière du costume de Gabrielle Papadakis.

Pour la partie technique, ils se sont inspirés du waacking, une danse de rue apparue dans les clubs gays de Los Angeles vers 1970. Pour la danse libre, Elégie de Gabriel Fauré accompagne leur ballet et ils le traitent comme un espace musical dont ils se rapprochent ou s’éloignent. Comment ont-ils résolu le problème de la vitesse de la glisse qui peut en effet éveiller en nous des stéréotypes d’élans qu’il n’est pas facile d’oublier… Art ou cliché ? Elisabeth Schwartz, danseuse française, suit Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron depuis longtemps : «De grands interprètes : précision, prise de risques et virtuosité. Ils sont la «grâce» qu’après un travail permanent, ils ont réussi à maintenir sur les quatre minutes de l’épreuve. Ils donnent à voir un continuum sans brusquerie où parfois l’abandon parait sans sa représentation. Et les variations rythmiques, ce qui est rendu possible le dédoublement du rythme. Et tout une économie de forces porte l’ensemble.»
Elle discerne les singularités de ce ballet grâce à l’enseignement qu’elle a reçu de Margaret Craske (1892-1990), élève d’Enrico Cecchetti (1850-1928), le maître de ballet de Nijinski et de la Pavlova qui savait mettre en avant la fluidité des gestes et le travail sur le centre de gravité. Et Margaret Craske, elle, prônait les étirements de bras en douceur se prolongeant en l’air par des vibrations invisibles. Ici, comme dans un jaillissement, les paumes de mains se suspendent un instant sur une épaule, un genou. Avec douceur, le couple, sur certains passages de la musique de Gabriel Fauré, opère des transferts de poids et des balancements de droite à gauche, et réciproquement.

Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron évoluent parfois aux limites de la surface et au bout de la longueur des tribunes. Ils esquivent le point maximum et le mouvement exponentiel. Et grâce à cette association vitesse et quasi-vitesse, ils arrivent à créer une variation de rythme: la tension athlétique sous-tend ici l’action mais elle la cache. Selon Charles Baudelaire: «Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est toujours le produit d’un art.» Ici l’effort caché libère des nuances, des points lumineux dont les palpitations (le voilà ce fameux cœur de l’âme, mais c’est un cœur technique) se rapportent à la qualité de la glisse, elle si mystérieuse. Là, se situe la concentration, la réserve et ces danseurs filtrent les intensités et les émotions et les incorporent dans les lignes qui vibrent alors sans outrance. Cette souplesse rend alors possible le passage des figures synchrones, aux contrepoints. « fusion » n’est sans doute pas tout à fait le bon mot pour caractériser leur travail, puisque des accords naissent d’asymétries, écartements et vides suscités par eux.

Ainsi Guillaume Cizeron, jambes écartées, pliées, la hanche un peu incurvée, soutient sa partenaire qui a un patin sur sa cuisse droite. Et subitement, elle tourne sur son appui et quitte cette posture pour regagner la glace. En quelques minutes, nous avons pu discerner au moins huit rythmes différents dans les courses, tournoiements verticaux, génuflexions en rotation, portés différents, enlacements, écartements, unissons, figures asymétriques. Avec entre eux, de multiples rapports et dégradés,  ce qui leur permet de passer d’un tempo à l’autre… Nous sommes émerveillés par une telle intelligence dans la construction de ce ballet  en quelques minutes seulement. 

Des accords, naissent des contrepoints et Guillaume Cizeron, de face, présente une forme en ligne brisée, genou en dedans. Le bras vertical, main pliée, (souvent dans les postures leurs mains sont pliées) il s’abaisse et touche les cheveux de sa partenaire. Elle, tête baissée, lève le bras gauche puis le descend. Dans les portés, Gabrielle Papadakis est à l’horizontale ou recroquevillée. Et il y a parmi leurs grandes figures celle où, lui accroupi, la porte et tourne avec elle qui est un peu cambrée à l’horizontale, les jambes croisées selon une ligne pure mais comme à l’abandon. Elle finit par un geste simple : la tête lovée sur la poitrine de Guillaume Cizeron…

Ils dansent depuis qu’ils ont huit ans et répètent sans cesse. Comment ont-ils tenu ? Sans doute par un esprit d’enfance… L’enfance qui voit dans le monde des commencements, nous accompagne tout au long de notre vie et en est le quatrième temps.  Des années d’entraînement chez ces artistes ont «simplifié» d’une certaine façon leur corps, jusqu’à créer des lignes vibrantes, secrètes, insaisissables mais formatrices.

Bernard Rémy

Epreuves des Jeux Olympiques vues le 14 février à la télévision.


 

 

 

 

 

 


Archive pour 16 février, 2022

Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron, champions de danse sur glace aux J.O.

Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron, champions de danse sur glace aux J.O.

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Médailles d’or ce lundi au Capitol Indoor Stadium à Pékin, après deux journées d’épreuve en danse technique et danse libre. A la différence du patinage artistique, ici, aucun saut possible, ce qui limite la performance athlétique et ouvre le champ à un au-delà du sport. Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron caressent le sol gelé à grande vitesse avec une douceur dans la glisse, avec aussi des enchaînements synchrones et postures asymétriques… Ils ont rompu avec les codes d’une épreuve souvent vieux jeu, jusqu’aux costumes et coiffures où le kitsch règne encore…. Mais ces artistes soignent leur apparence et savent bien que la subtilité d’un ballet en dépend aussi. Haut rouge vif et pantalon noir pour lui, et robe rose et perlée pour elle. Ce rouge sur fond blanc de la glace évoque l’incarnat : la couleur chair en peinture. Mais cet incarnat ici tend vers la lumière du costume de Gabrielle Papadakis.

Pour la partie technique, ils se sont inspirés du waacking, une danse de rue apparue dans les clubs gays de Los Angeles vers 1970. Pour la danse libre, Elégie de Gabriel Fauré accompagne leur ballet et ils le traitent comme un espace musical dont ils se rapprochent ou s’éloignent. Comment ont-ils résolu le problème de la vitesse de la glisse qui peut en effet éveiller en nous des stéréotypes d’élans qu’il n’est pas facile d’oublier… Art ou cliché ? Elisabeth Schwartz, danseuse française, suit Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron depuis longtemps : «De grands interprètes : précision, prise de risques et virtuosité. Ils sont la «grâce» qu’après un travail permanent, ils ont réussi à maintenir sur les quatre minutes de l’épreuve. Ils donnent à voir un continuum sans brusquerie où parfois l’abandon parait sans sa représentation. Et les variations rythmiques, ce qui est rendu possible le dédoublement du rythme. Et tout une économie de forces porte l’ensemble.»
Elle discerne les singularités de ce ballet grâce à l’enseignement qu’elle a reçu de Margaret Craske (1892-1990), élève d’Enrico Cecchetti (1850-1928), le maître de ballet de Nijinski et de la Pavlova qui savait mettre en avant la fluidité des gestes et le travail sur le centre de gravité. Et Margaret Craske, elle, prônait les étirements de bras en douceur se prolongeant en l’air par des vibrations invisibles. Ici, comme dans un jaillissement, les paumes de mains se suspendent un instant sur une épaule, un genou. Avec douceur, le couple, sur certains passages de la musique de Gabriel Fauré, opère des transferts de poids et des balancements de droite à gauche, et réciproquement.

Gabrielle Papadakis et Guillaume Cizeron évoluent parfois aux limites de la surface et au bout de la longueur des tribunes. Ils esquivent le point maximum et le mouvement exponentiel. Et grâce à cette association vitesse et quasi-vitesse, ils arrivent à créer une variation de rythme: la tension athlétique sous-tend ici l’action mais elle la cache. Selon Charles Baudelaire: «Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est toujours le produit d’un art.» Ici l’effort caché libère des nuances, des points lumineux dont les palpitations (le voilà ce fameux cœur de l’âme, mais c’est un cœur technique) se rapportent à la qualité de la glisse, elle si mystérieuse. Là, se situe la concentration, la réserve et ces danseurs filtrent les intensités et les émotions et les incorporent dans les lignes qui vibrent alors sans outrance. Cette souplesse rend alors possible le passage des figures synchrones, aux contrepoints. « fusion » n’est sans doute pas tout à fait le bon mot pour caractériser leur travail, puisque des accords naissent d’asymétries, écartements et vides suscités par eux.

Ainsi Guillaume Cizeron, jambes écartées, pliées, la hanche un peu incurvée, soutient sa partenaire qui a un patin sur sa cuisse droite. Et subitement, elle tourne sur son appui et quitte cette posture pour regagner la glace. En quelques minutes, nous avons pu discerner au moins huit rythmes différents dans les courses, tournoiements verticaux, génuflexions en rotation, portés différents, enlacements, écartements, unissons, figures asymétriques. Avec entre eux, de multiples rapports et dégradés,  ce qui leur permet de passer d’un tempo à l’autre… Nous sommes émerveillés par une telle intelligence dans la construction de ce ballet  en quelques minutes seulement. 

Des accords, naissent des contrepoints et Guillaume Cizeron, de face, présente une forme en ligne brisée, genou en dedans. Le bras vertical, main pliée, (souvent dans les postures leurs mains sont pliées) il s’abaisse et touche les cheveux de sa partenaire. Elle, tête baissée, lève le bras gauche puis le descend. Dans les portés, Gabrielle Papadakis est à l’horizontale ou recroquevillée. Et il y a parmi leurs grandes figures celle où, lui accroupi, la porte et tourne avec elle qui est un peu cambrée à l’horizontale, les jambes croisées selon une ligne pure mais comme à l’abandon. Elle finit par un geste simple : la tête lovée sur la poitrine de Guillaume Cizeron…

Ils dansent depuis qu’ils ont huit ans et répètent sans cesse. Comment ont-ils tenu ? Sans doute par un esprit d’enfance… L’enfance qui voit dans le monde des commencements, nous accompagne tout au long de notre vie et en est le quatrième temps.  Des années d’entraînement chez ces artistes ont «simplifié» d’une certaine façon leur corps, jusqu’à créer des lignes vibrantes, secrètes, insaisissables mais formatrices.

Bernard Rémy

Epreuves des Jeux Olympiques vues le 14 février à la télévision.


 

 

 

 

 

 

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