Festival Manifeste de l’I.R.C.A.M. au Théâtre Olympia à Tours

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© Hervé Véronèse Centre Pompidou

Festival Manifeste de l’I.R.C.A.M. au Théâtre Olympia à Tours

Les Tourangeaux ont eu la chance d’entendre des pièces radiophoniques immersives créées pour ce festival annuel de l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique).  Avec des «mariages» d’une autrice, d’un compositeur et d’un metteur en scène pour réaliser des objets artistiques sonores à double entrée et faire entendre autrement, la littérature et/ou la musique. Un dôme, espace circulaire ambulant, permet à ces enregistrements d’aller en tournée. «Ambisonique» et conçu pour une jauge limitée, il est équipé de quarante haut-parleurs mais aussi de tubes fluo placés tout autour, diffusant des lumières tournantes animant l’espace. En ouvrant son savoir-faire technologique à la littérature contemporaine, l’I.R.C.A.M. initie une série d’étonnantes collaborations, des voyages vers le son et vers les mots, portés par des comédiens.

 Nous avions assisté à Bacchantes de Céline Minard, adaptation et réalisation de Thierry Bédard, musique d’Olivier Pasquet (voir Le Théâtre du Blog). Cet  habile tricotage de voix, musique et éclairages nous avait séduits… Loin d’une simple illustration sonore, il offre une spatialisation du texte. La collection présentée à Tours en comptait six autres, proposées à des heures variables, pour favoriser le choix. Très littéraires, ces textes ont inspiré des réponses artistiques intéressantes à découvrir les unes après les autres. 

 Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal, adaptation et réalisation de Jacques Vincey, composition de Daniele Ghisi

 Avec son «roman américain», l’autrice retrace, sur le mode épique, la construction d’un gigantesque pont suspendu, quelque part dans une Californie mythique. Dans la pénombre du dôme, le récit prend corps sur un chantier vrombissant de sons mécaniques, de cliquetis métalliques… Le béton et l’acier envahissent l’espace sauvage mais nous entendons des oiseaux qui perturbent un temps le travail, ou des ouvriers en grève. Le dispositif met en perspective les enjeux de ce récit, spectaculaire de précision et quasi documentaire, traversé par les destins croisés d’hommes et de femmes échoués au milieu de nulle part.

Pour adapter ce livre de plus de trois cent pages, il fallait se limiter à quelques-uns des personnages. Jacques Vincey a fait des choix cohérents sans entamer le souffle de cette écriture minutieuse et puissante. Les images n’appellent pas l’illustration sonore qui serait alors redondante et le compositeur propose des climats non figuratifs et, à l’occasion, des sonorités plus concrètes. En quatre séquences de vingt minutes, cette mise en espace, en sons et en mots attise notre imaginaire et nous suivons avec émotion des aventures humaines portées par les voix de François Chattot (Georges Diderot), Marie-Sophie Ferdane (Summer Diamantis) Laurent Poitrenaux (Sanche Alphonse Cameron), Julie Moulier (Catherine Thoreau) Nicolas Bouchaud (Jacob), Alain Fromager (Seamus O’ Shaughnessy), Anthony Jeanne (le jeune au bob orange).

 

La Compagnie des spectres de Lydie Salvayre, adaptation et réalisation d’Anne-Laure Liégeois, composition de Florence Baschet

Dans un modeste appartement, résonnent des voix, des plages de musique grinçante ou des chuintements et grommellements… Un mystère sinistre plane sur les lieux quand un huissier dresse l’inventaire du mobilier à saisir. `Quand la mère de la narratrice surgit, échevelée dans sa chemise de nuit tachée, lui continue, imperturbable à faire son travail. Cette mère souffre de démence, raconte sa fille, et se croit toujours poursuivie par les bourreaux de sa famille : Pétain, Darlan, Bousquet…

A partir de quinze feuillets tirées du roman, Anne-Laure Liégeois nous fait entrer dans ce lieu clos où résonnent et s’entremêlent le récit inquiet de la fille (Anne Girouard), le froid décompte de l’homme de loi (Olivier Dutilloy) et les plaintes rocailleuses de la mère (Annie Mercier). Auxquels se superpose la voix de la soprano Élise Chauvin mêlant sa respiration, son souffle et son chant au texte, opérant ainsi une transformation poétique de la parole.
La réalisatrice a construit une dramaturgie sur une palette d’intonations, violentes ou tendres, glaciales ou sensibles, enjouées, drôles et amères, crues ou alambiquées. «La voix chantée, dit Florence Baschet, entrelacée aux voix des comédiens, sera LE lien entre musique et littérature, en entraînant avec elle, la partie de piano interprétée par Alphonse Cemin et le dispositif électro-acoustique conçu en studio.» Nous entrons, grâce à un son tournant, entre ces quatre murs habités par la folie….

 Un Pas de chat sauvage de Marie N’Daye, adaptation et réalisation de David Lescot, composition de Gérard Pesson

Une universitaire raconte ses recherches sur la danseuse et musicienne Maria Martinez, surnommée la Malibran noire. Son travail, dit-elle, est perturbé par l’irruption dans sa vie d’une certaine Marie Sachs, chanteuse, dont l’existence fait écho à celle de l’artiste cubaine. Marie N’Diaye retrace, par de multiples détours, le parcours méconnu de cette native de La Havane. Elle connut le succès à Paris dans les années 1850, fut encensée par Théophile Gautier et immortalisée par une photographie de Nadar. Et par l’intermédiaire de la narratrice, l’autrice se projette dans trois vies de femmes. La voix de Jeanne Balibar se décline en une partition de plusieurs registres et scansions sur laquelle Gérard Pesson a calé sa composition: «Ma musique est donc simplement un climat, une respiration résonnante ou pulsée autour de ces mots phrasés/chantés. Faite de courts fragments, signaux fugaces marquant les pointes du triangle que forment ces trois personnages féminins, liés par la mémoire. Musique comme empreinte de destins fantômes.» Cette réalisation entre voix et instrumentation, offre des repères concrets et une belle dimension spatiale à l’écriture qui se conclut ainsi: «C’est à la hauteur de sa solitude, que survit le chat sauvage.» 

Une expérience à suivre, car ce festival prépare actuellement sa prochaine édition

 Mireille Davidovici

 Du 28 janvier au 18 février,Théâtre Olympia-Centre Dramatique National, 7 rue de Luce, Tours (Indre-et-Loire). T. : 02 47 64 50 50

26 février I.R.C.A.M. Paris 3e 

Du 17 au 24 mai, Théâtre de Cornouaille, Quimper (Finistère).

Et du 18 au 25 juin, T2G, Gennevilliers (Hauts-de-Seine).

Un Pas de chat sauvage, éditions Flammarion .
Naissance d’un pont, éditions Verticales.
La Compagnie des spectres, éditions du Seuil.

 

 

 

 

 

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