Elle rêvait d’une ferme en Afrique de René Fix, mise en scène de Claudia Morin

Elle rêvait d’une ferme en Afrique de René Fix, mise en scène de Claudia Morin

 Le livre de la baronne danoise Karen von Blixen-Finecke (1885-1962) est publié avec grand succès sous le pseudonyme d’Isak Dinesen. Mais faut-il qu’il devienne un film? C’est non, non et non pour elle! Mais Finch, un producteur obstiné, lui fera admettre le projet comme une adaptation au théâtre… René Fix écarte ici d’emblée les images de la passion brûlante entre les amants joués par Meryl Streep et Robert Redford dans le film de Sydney Polack. La pièce ne fera pas de «cinéma» et, quand elle commence, ce jour-là -décisif pour l’unité de temps au théâtre- Finch a organisé une rencontre entre la vieille et célèbre autrice, et la jeune actrice ambitieuse mais intimidée qui doit jouer son rôle.

 

© Lot

© Lot

Cette pièce joue sur le choc entre deux mondes qui ne peuvent se connaître, question de génération et de culture… Le jeune journaliste spécialisé dans le sport, envoyé là comme bouche-trou, a bien du mal à interviewer la grande dame qui ne le maltraite pas trop et sa naïveté a du bon, pour l’occasion. Elle a du mal à comprendre les manières du producteur qui se prend les pieds dans sa désinvolture. La jeune actrice, elle, est terrifiée. Ce serait un peu le jeu: pierre, papier, ciseaux. Et apparemment perdante, elle est peut-être celle qui comprend le mieux l’importance de l’enjeu.

Dans la belle cave voûtée de l’Essaïon, pas question de figurer une salle de restaurant… Pascale Stih, qui a conçu la scénographie de Maîtres anciens d’après Thomas Bernhard, mis en scène de Gerold Schumannn (voir Le Théâtre du Blog) a  heureusement réduit  à trois caisses et à une malle où les acteurs puisent quelques éléments de costumes bien choisis permettant de passer d’un monde à l’autre. Nous ne ferons pas l’éloge de la pauvreté au théâtre, mais ici, à l’exception d’une belle bande-son, tout ajout : vidéo, changement de décor, etc. aurait empêché ce qui fait la qualité de ce spectacle avec ses glissements et passages. Ils en sont le fond-même et, avec des fondus-enchaînés réalisés en continu, nous passons du présent de la baronne, à ses souvenirs, et du récit que la jeune femme écoute, au jeu qu’elle projette.

Un imperméable sur une robe de cocktail, et voilà la travailleuse dans ses plantations de caféiers. Comme une veste ôtée, et le producteur et son actrice se métamorphosent en couple Blixen. Même fluidité en sens inverse. Jeux de la mémoire ou projection de l’actrice ? Nous ne le saurons pas, et tant mieux. Mais nous sommes bien dans la jeunesse, les combats et déceptions des personnages habitant cette ferme africaine. Et toujours en présence et sous le regard de l’autrice… Ces mots qu’elle écoute, avec nous , sont les siens.

Claudia Morin est une Karen Blixen une coupe de champagne à la main, tenace et drôle, jouant de ses vraies et fausses fragilités. Philippe Caulier est aussi crédible en mari qu’en producteur et le jeune acteur Clément Camarra, en modeste journaliste, s’en tire bien. Julie Timmerman joue, elle, le rôle complexe de la jeune actrice à la force intérieure contenue mais prête à déborder : le trac face à la grande dame ?  La palme revient à la pièce elle-même, riche et subtile, qui ne se laisse enfermer ni dans le biographique ni dans l’anecdotique. Tout en restant concrète, elle glisse du côté de la mémoire et de l‘imaginaire: c’est possible et les spectateurs applaudissent…

Christine Friedel

Jusqu’au 22 mars, Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 46 42.

Out of Africa, ce roman autobiographique est paru en 1937, et sous le titre La Ferme africaine, en 1942 chez Gallimard.
Le film américain de Sydney Pollack adapté entre autres d’Out of Africa (titre français :Souvenirs dAfrique) est sorti en 1985.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Archive pour 19 février, 2022

Elle rêvait d’une ferme en Afrique de René Fix, mise en scène de Claudia Morin

Elle rêvait d’une ferme en Afrique de René Fix, mise en scène de Claudia Morin

 Le livre de la baronne danoise Karen von Blixen-Finecke (1885-1962) est publié avec grand succès sous le pseudonyme d’Isak Dinesen. Mais faut-il qu’il devienne un film? C’est non, non et non pour elle! Mais Finch, un producteur obstiné, lui fera admettre le projet comme une adaptation au théâtre… René Fix écarte ici d’emblée les images de la passion brûlante entre les amants joués par Meryl Streep et Robert Redford dans le film de Sydney Polack. La pièce ne fera pas de «cinéma» et, quand elle commence, ce jour-là -décisif pour l’unité de temps au théâtre- Finch a organisé une rencontre entre la vieille et célèbre autrice, et la jeune actrice ambitieuse mais intimidée qui doit jouer son rôle.

 

© Lot

© Lot

Cette pièce joue sur le choc entre deux mondes qui ne peuvent se connaître, question de génération et de culture… Le jeune journaliste spécialisé dans le sport, envoyé là comme bouche-trou, a bien du mal à interviewer la grande dame qui ne le maltraite pas trop et sa naïveté a du bon, pour l’occasion. Elle a du mal à comprendre les manières du producteur qui se prend les pieds dans sa désinvolture. La jeune actrice, elle, est terrifiée. Ce serait un peu le jeu: pierre, papier, ciseaux. Et apparemment perdante, elle est peut-être celle qui comprend le mieux l’importance de l’enjeu.

Dans la belle cave voûtée de l’Essaïon, pas question de figurer une salle de restaurant… Pascale Stih, qui a conçu la scénographie de Maîtres anciens d’après Thomas Bernhard, mis en scène de Gerold Schumannn (voir Le Théâtre du Blog) a  heureusement réduit  à trois caisses et à une malle où les acteurs puisent quelques éléments de costumes bien choisis permettant de passer d’un monde à l’autre. Nous ne ferons pas l’éloge de la pauvreté au théâtre, mais ici, à l’exception d’une belle bande-son, tout ajout : vidéo, changement de décor, etc. aurait empêché ce qui fait la qualité de ce spectacle avec ses glissements et passages. Ils en sont le fond-même et, avec des fondus-enchaînés réalisés en continu, nous passons du présent de la baronne, à ses souvenirs, et du récit que la jeune femme écoute, au jeu qu’elle projette.

Un imperméable sur une robe de cocktail, et voilà la travailleuse dans ses plantations de caféiers. Comme une veste ôtée, et le producteur et son actrice se métamorphosent en couple Blixen. Même fluidité en sens inverse. Jeux de la mémoire ou projection de l’actrice ? Nous ne le saurons pas, et tant mieux. Mais nous sommes bien dans la jeunesse, les combats et déceptions des personnages habitant cette ferme africaine. Et toujours en présence et sous le regard de l’autrice… Ces mots qu’elle écoute, avec nous , sont les siens.

Claudia Morin est une Karen Blixen une coupe de champagne à la main, tenace et drôle, jouant de ses vraies et fausses fragilités. Philippe Caulier est aussi crédible en mari qu’en producteur et le jeune acteur Clément Camarra, en modeste journaliste, s’en tire bien. Julie Timmerman joue, elle, le rôle complexe de la jeune actrice à la force intérieure contenue mais prête à déborder : le trac face à la grande dame ?  La palme revient à la pièce elle-même, riche et subtile, qui ne se laisse enfermer ni dans le biographique ni dans l’anecdotique. Tout en restant concrète, elle glisse du côté de la mémoire et de l‘imaginaire: c’est possible et les spectateurs applaudissent…

Christine Friedel

Jusqu’au 22 mars, Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris (IV ème). T. : 01 42 78 46 42.

Out of Africa, ce roman autobiographique est paru en 1937, et sous le titre La Ferme africaine, en 1942 chez Gallimard.
Le film américain de Sydney Pollack adapté entre autres d’Out of Africa (titre français :Souvenirs dAfrique) est sorti en 1985.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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