L’Avare de Molière, mise en scène de Daniel Benoin
L’Avare de Molière, mise en scène de Daniel Benoin
Une comédie que Molière écrivit en 1668 donc cinq ans avant sa mort, et toujours d’actualité : la passion de l’argent traverse les époques. En France, nous connaissons Harpagon depuis l’école primaire. Avec l’ombre de Molière lui-même, et au XX ème siècle, parfois le jeu de grands acteurs et metteurs en scène comme Jean Vilar, Michel Bouquet, Denis Podalydès…
Excellente mise en scène avec un Michel Boujenah impressionnant par sa justesse de ton dans cet Harpagon que l’avarice rend vieux avant l’heure et qui le coupe de sa famille. Jean-Pierre Laporte a conçu une maison haute de plafond avec, à cour, de grandes fenêtres aux volets fermés; et à jardin, une petite véranda avec un poèle qui chauffe le seul Harpagon ! Son valet La Flèche et les autres domestiques essaient parfois de s’y réchauffer en se collant aux vitres…Ici la nature fait irruption à chaque ouverture des hautes portes centrales et la neige ne cesse de tomber, accompagnant les entrées et sorties des personnages à la belle énergie vitale, sauf bien sûr, Harpagon qui s’étiole… Michel Boujenah incarne parfaitement ce vieil homme ambivalent : parfois tendre avec ses enfants mais tombant vite dans une avarice auto-destructrice, incurable dont il ne se sent pas coupable. Sophie Gourdin (Frosine) Bruno Andrieux (La Flèche et Anselme) Mélissa Prat (Elise), Mathieu Métral (Valère), Fanny Valette (Mariane), Antoine Chalon (Cléante), Paul Chariéras (Maître Jacques) Fabien Houssaye (Le Commissaire et Brindavoine) et Julien Nacache (La Merluche) sont aussi remarquables et ce travail de troupe cohérent fait plaisir à voir.
Le spectacle, sans entracte et au rythme soutenu, est entrecoupé de brefs tableaux où l’ensemble des personnages se fige en regardant Harpagon, sur un morceau de Michael Nyman qui a composé la musique des films de Peter Greenaway. A la fin, nous entendons les trois coups qui servaient autrefois d’interphone entre les différents régisseurs pour dire que tout était prêt juste avant le début du spectacle. Et une petite scène entre deux portes, comme pour jouer une farce dans le style du jeune Molière, soit une mise en abyme va servir à résoudre les quiproquos de la pièce. Mais Harpagon, lui, finira seul, en habit blanc de clown triste, avec sa cassette, renfermé sur lui-même et coupé définitivement du monde extérieur. Il faut aller voir cet Avare dans ce beau théâtre à l’italienne inauguré en 1807… l’un des plus anciens théâtres parisiens et classé monument historique en 1974. Y furent notamment créés en 1836, Kean, une comédie d’Alexandre Dumas et en 1864 et les années suivantes: La Belle Hélène, Barbe-Bleue, La Grande-Duchesse de Gérolstein, La Périchole et Les Brigands, des opéras-bouffes de Jacques Offenbach sur des livrets de Meilhac et Halévy. Mais aussi, en 1928, Topaze de Marcel Pagnol. Avec cet Avare, le quatrième centenaire de la naissance de Molière a bien commencé.
Jean Couturier
Théâtre des Variétés, 7 boulevard Montmartre, Paris ( II ème). T. : 01 42 33 09 92.