Festival Everybody : première édition
Festival Everybody : première édition
Dans cette manifestation imaginée par le Carreau du Temple à Paris, le corps est mis en jeu dans tous ses états, face aux normes et préjugés sociaux. Pour Sandrina Martins, sa directrice générale, « Une réflexion profonde anime vivement notre société à cet endroit et suscite toujours autant de controverses, notamment au sujet du féminisme, des nouveaux modèles de masculinités, du racisme, de l’âgisme, du validisme, de la grosso-phobie.» Pendant six jours des artistes ont mis le corps, dans toute sa diversité, au cœur de leurs pratiques.
De Françoise à Alice, chorégraphie de Mickaël Phelippeau
Depuis 2003, le chorégraphe a imaginé des “bi-portraits» c’est à dire croisés et axés sur des rencontres interpersonnelles. Ici deux femmes, l’une, dite valide et l’autre trisomique 21, investissent le plateau après l’annonce en audio-description de leur entrée. Joignant leurs gestes à cette voix off, elles s’installent et commencent à bouger, en synchronie. Pour Mickaël Phelippeau, cela permet de les imaginer, avant de les voir et, surtout : «via cet outil qu’est l’audio-description, de faire d’une minorité, une majorité. (…) Là, tout le monde a accès, par une diffusion sonore, à une parole qui, d’habitude, est uniquement accessible aux personnes qui en ont besoin. »
La question du handicap traverse la pièce : Françoise et Alice sont mère et fille et leur danse va aussi traduire la complexité de ce rapport. Le chorégraphe a choisi de faire entendre certains de leurs dialogues. Françoise Davazouglou répond aux questions d’Alice, lui raconte sa venue au monde, les réactions des gens face à sa trisomie et lui dit son amour… Alice, elle, évoque ses envies, son physique et sa différence. Une douce complicité se dessine dans leurs pas de deux lents, habités. Très vite, Alice prend les commandes et affirme sa personnalité: rageuse, elle évoque, oralement et par gestes, le sentiment d’être prisonnière d’un corps qu’elle désirerait autre. Mais elle retrouvera vite sa bonne humeur, mettra une robe à paillettes et se maquillera pour interpréter une rock star…
Mickaël Philippeau a rencontré ses interprètes en 2015, lors d’un atelier à l’association ART21 qu’elles ont fondée à Laon pour favoriser la pratique amateur de la danse au regard de la situation du handicap mental. Ce duo est né avec le désir de creuser ces questions,. «Je veux le faire pour que les gens sachent qui on est. » a dit Alice au chorégraphe.» Dans ce corps à corps singulier, Alice et Françoise nous font partager avec une délicatesse infinie mais aussi beaucoup d’humour, leur belle complicité.
Alice pratique la danse contemporaine depuis plus de vingt ans. Aujourd’hui, elle co-anime des ateliers pour enfants dans les écoles ou en périscolaire, dans les formations pour futurs professeurs et assistants de vie scolaire. «Il faut que les non-handicapés comprennent qu’on peut être trisomique et danseur ou danseuse, et même, transmettre la danse à d’autres. », affirme-t-elle dans Je suis Alice Davazoglou, je suis trisomique normale mais ordinaire.D’Amoureuse à Tristesse, cet abécédaire, qu’elle a illustré elle-même, évoque son couple, son travail, ses aspirations et angoisses. Elle y donne aussi la parole à des amis trisomiques. Françoise, elle, était enseignante; elle danse en amateure depuis cinq ans et se consacre aussi à la formation en danse.
Mireille Davidovici
Du 18 au 23 février, Carreau du Temple, 2 rue Perrée, Paris (III ème) T. : 01 83 81 93 30
De Françoise à Alice : 8 mars : Scène nationale d’Orléans ; 21 mars : KLAP Maison pour la danse – Marseille ; 24 & 25 mars : Théâtre du Bois de l’Aune – Aix-en-Provence ; 3 & 4 mai : Maison de la culture de Bourges
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