Jean Zay, l’homme complet d’après Souvenirs et solitude de Jean Zay, mise en scène de Michel Cochet

Jean Zay, l’homme complet d’après Souvenirs et solitude de Jean Zay, adaptation de Xavier Béja, mise en scène de Michel Cochet 

Né en 1904 à Orléans, il avait été nommé à trente et un ans, ministre de l’Education Nationale et des Beaux-Arts dans le gouvernement Front Populaire de Léon Blum. Après quatre ans, il démissionna pour s’engager dans la Résistance. Il créa les trois degrés de l’enseignement public, l’unification des programmes, la scolarité obligatoire jusqu’à quatorze ans, les classes d’orientation et les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires!  Mais aussi le C.N.R.S., le Musée national des arts et traditions populaires, le Musée d’art moderne, la Réunion des Théâtre lyriques nationaux…
Et il créa le festival de Cannes qui naîtra deux ans après sa mort tragique et inventa les bibliobus…. Impressionnant et souvent mal connu ! En juin 40, il fit partie des parlementaires qui embarquent sur le Massilia pour rejoindre un gouvernement en exil au Maroc. Arrêté, il sera transféré à Marseille puis à Clermont-Ferrand, avant d’être assassiné par la milice en 44 dans l’Allier. En prison, malgré le froid et une mauvaise nourriture, ce résistant tint un Journal où il fait part de son quotidien mais aussi de ses réflexions sur le combat qu’il mena comme ministre.

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Sur le plateau nu, une chaise et une table pour évoquer la cellule où Jean Zay sera enfermé plusieurs années. Et, une fois n’est pas coutume, un remarquable montage de vidéos d’archives par Dominique Aru sur cette époque très dure, avec des vagues noires prophétiques mais aussi des petits films de sorties scolaires, des extraits d’actualité et quelques secondes du Jules César de William Shakespeare dans la brillante mise en scène de Charles Dullin.
La seconde partie du spectacle doit beaucoup à ces images projetées sur une simple petite toile blanche que l’acteur déroule en fond de scène, comme autrefois dans les salles de classe de notre enfance. Où l’on voit que l’artisanat n’est pas un luxe dans le théâtre contemporain, souvent chargé de machines encombrantes et inutiles. Et ici, heureusement, nous n’avons pas eu droit à notre dose quotidienne ou presque, de fumigènes qui empestent scène et salle depuis la rentrée…

 
Xavier Béja, qui ressemble physiquement un peu à Jean Zay, incarne cet homme angoissé mais lucide et il a une diction parfaite -ce qui actuellement est rare et fait du bien!- sauf à la fin, où il est sans doute fatigué. Côté mise en scène, ce témoignage commence avec une certaine lenteur, puis la mise en scène prend de l’ampleur, surtout quand Jean Zay évoque ses multiples réalisations. Un spectacle très lisible mais exigeant et qui a le grand mérite de rappeler l’action de ce personnage politique exceptionnel. Nos amitiés à Catherine Martin-Zay et Hélène Mouchard-Zay, ses filles.

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 17 au 19 février, à Anis Gras-Le Lieu de l’autre, 55 avenue Laplace, Arcueil (Val-de-Marne).

Théâtre des Vents, du 7 au 31 juillet, festival d’Avignon. 

Théâtre Le Local, Paris (XX ème), du 30 septembre au 24 octobre.  

Anis Gras-Le lieu de l’autre, du 24 au 26 novembre et représentation scolaire le 25 novembre. 


Archive pour 22 février, 2022

Festival Everybody 2022 (suite)

Festival Everybody 2022 (suite)

 Après De Françoise à Alice (voir Le Théâtre du blog) deux performances aux styles contrastés qui, interrogeant des figures de sorcières, semblent se répondre: l’une en référence au «videos vixens» à l’image des clips publicitaires hyper-sexualisés à la mode vers 1990  l’autre montrant une bruja afro-caribéenne.

Festival Everybody 2022 - Jezebel - Cherish Menzo 1 HD

© Annelies Verhelst

Jezebel, chorégraphie et performance de Cherish Menzo, musique de Michael Nunes

La performeuse,  corps longiligne, pelisse de renard blanc, chevauchant un élégant vélo chromé,  entre en piste, langoureuse, dans un brouillard de fumigènes. Puissante et terrifiante mégère aux ongles griffus interminables, elle prend un temps infini à se défaire de sa fourrure, puis, en maillot rose moulant, entame des contorsions lascives. Les costume ssont signés Daniel Smedeman. Impressionnante danseuse au physique androgyne, elle va se livrer à une parodie outrancière de clips publicitaires où des mannequins femmes, souvent noires ou métissées comme elle, se trémoussent avec des poses érotiques. Sa bouche filmée en gros plan se tord en grimaces, obscène, sur l’écran tendu en fond de plateau. Nous admirons la maîtrise et la précision gestuelle, la lubricité forcenée de Cherish Menzo, ses va et vient lubriques de bassin,  pour dénoncer ces images de mégères plantureuses et peu vêtues, issues de la mode hip hop. Les vidéos vixens (renardes vidéos), aussi appelées : hip hop honeys ou miels noirs, ont fait l’objet de critiques sévères et ont souvent été qualifiées de Jezabel, personnage biblique de femme maléfique qui égare les hommes et sème la zizanie.

Ce show quasi grotesque suffit-il à déconstruire le stéréotype véhiculé par les vidéos hip hop et l’exploitation des corps féminins racisés ? La danseuse n’est-elle pas prise à son propre piège ? Mais il faut saluer le talent de Cherish Menzo qui a dansé pour Eszter Salamon, Akram Khan ou encore Olivier Dubois. Jezebel, son premier solo créé à Amsterdam en 2019, a remporté de nombreux prix. En tournée en Europe, le spectacle se joue ici pour la première fois en France. Elle travaille actuellement à un duo Darkmatter (premières en mai).

 

I’m a bruja, conception et performance d’ Annabel Guérédrat

Festival Everybody 2022 - I'm a bruja - Annabel Guérédrat - Artincidence 2018 1 HD

© Jean-Baptiste Barret

 A l’aune du féminisme, la sorcière se voit aujourd’hui réhabilitée comme figure positive. Et nombre de femmes s’en réclament, comme cette artiste martiniquaise. Aux Antilles, les brujas sont des sorcières mêlant les rituels de la religion yoruba (Bénin,Togo et Nigéria) qui ont inspiré le vaudou et ceux de la Caraïbe, venus d’un panthéon féminin afro-diasporique.

 A côté de ces déités locales, Annabel Guérédrat convoque aussi des figures modernes. Nue et perchée sur de hauts talons, elle entonne, résolue, un air de Nina Hagen aux sonorités heurtées… Suivront une krumpeuse ou encore une mystérieuse figure au masque noir. Dans un jeu d’ombres et de lumières, rythmé par des tubes fluos mobiles, la performeuse, habillée de sa seule peau, soumet en cinq tableaux, son corps à des transformations permanentes avec costumes, coiffures ou masques. Elle finit en apothéose, dans un cercle magique de bougies rouges, où elle s’asperge d’huile et de paillettes : les écailles de la déesse des eaux salées, Yemaya, la Mamman Dlo, mère de tous les dieux dans la mythologie antillaise. Ce solo intime ne nous place jamais en position de voyeurs. La danseuse, à l’aise et très naturelle, fait en sorte d’inclure le spectateur dans son rituel. Elle se sent tellement libre dans sa nudité qu’elle n’en éprouve aucune gène, le public non plus.

Ces sorcières de tous les temps et dont elle revêt les attributs, lui ont été inspirées par Brujas, une chanson de la rappeuse américaine féministe Princess Nokia et, entre autres, par les écrits d’Audre Lorde. Dans Sister Outsider, la poétesse américaine exhorte les femmes noires et métisses à honorer les déesses qui sommeillent en chacune d’elles. Annabel Guérédrat devient cette bruja envoûtante à qui elle consacre ses recherches depuis quelques années. A la tête de la compagnie martiniquaise Artincidence, elle a créé plus d’une trentaine de chorégraphies avec, pour thème, l’écologie décoloniale, les afro-féminismes dont, en 2010, son remarqué Freak show for S. autour de la Vénus noire Sarah Baartman.

 Mireille Davidovici

 Du 18 au 23 février, Carreau du Temple, 2 rue Perrée, Paris (IIIème) T. : 01 83 81 93 30.

 Jezebel , les 5 et 6 mars, Sophiensæle, Berlin (Allemagne) ; le 22 mars, Le Gymnase, Roubaix (Nord) ; les 24 et 25 mars, Points communs, Cergy-Pontoise (Val-d’Oise).

 

 

 

 

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