Les Heures terribles et noires du royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus, texte et mise en scène de Charlotte Andrès et David Lavadoux
Les Heures terribles et noires du royaume de Castille et l’affligeant secret des enfants perdus, d’après une idée originale de David Lavadoux, texte et mise en scène de Charlotte Andrès et David Lavadoux (à partir de douze ans)
Cela se passe en 779 après J.C. , Roland, un très beau et très pieux jeune homme meurt héroïquement à la bataille de Roncevaux. Mais, au palais de l’Alhambra, Isabelle de Castille en 1492, après la prise de Grenade par les rois catholiques, décide de faire écrire sans délai par sa cour, un spectacle à la gloire de ce Roland qui ne doit surtout pas mourir. Mais les nobles de cette Cour n’arrive pas à monter cette histoire et nous assistons à la fuite du héros, à l’arrivée des trois Parques et de la belle Aude, l’amoureuse de Roland qui meurt à chaque fois… Cette Cour est aussi la troupe du Radis ou Radie couronné -comme mentionné dans le même dossier de presse- qui, en 1740, dans une clairière du bois de Vincennes répète sa nouvelle pièce Les Années terribles du royaume de Castille pour dénoncer le fanatisme. Vous suivez toujours ? Et là-dessus, Voltaire en habit et perruque grise applaudit mais cela met en colère Dieu tout puissant. Et l’histoire se finit en 1982 dans une émission inspirée par Droit de réponse de Michel Polac sur la mort de Charlie Hebdo avec les acteurs, protagonistes de cette histoire. Vous suivez encore ? Soit un voyage dans le temps, compliqué et auquel on a bien du mal à s’attacher…
Pourtant cela commence bien et avec drôlerie par La Chanson de Roland dite en un ancien français approximatif, traduit en surtitrage et il y a aussi une belle image de Roland près de son cheval blanc mourant… allongé et incarné par trois acteurs… Le tout dans la tradition parodique des Monty Python ces formidables humoristes anglais (quarante-cinq épisodes à la BBC de 69 à 74) qui faisaient arriver l’Inquisition espagnole devant un pavillon de banlieue… Puis nous avons droit très vite des combats et séances de répétitions assez répétitifs, avec toute une belle machinerie à vue -la scénographie est assez réussie- pour lever les voiles de bateaux, et des praticables à roulettes pour recevoir des images de l’Alhambra de Gustave Doré projetées sur des praticables à roulettes . C’est joué par six acteurs à parité homme/femme qui ont une diction et une gestuelle impeccables. Et il y a parfois de belles images comme celle de ces Trois Parques qui s’emmêlent dans leurs faux fils! L’une les coupe avec de grands ciseaux en contre-plaqué. Oui, mais… les comédiens criaillent sans arrêt et il y a un déménagement permanent et inutile de ces praticables qui donne le tournis.
Bref, la mise en scène ne suit pas! N’est pas Monty Python qui veut… Et cet anachronisme qui se veut burlesque, ne fonctionne pas, et côté anachronisme, nous avons déjà beaucoup donné au théâtre comme au cinéma. Tout se passe comme si David Levadoux découvrait aussi le théâtre dans le théâtre avec une certaine prétention: «Un jeu de miroir qui se regarde, des interprétations enboîtées d’acteurs (sic) qui ne cessent de projeter leur propre jeu, appellent à décortiquer tous les excès du processus de création et dans une écriture jubilatoire, absurde, grandement héritée de la pratique de l’improvisation, à plonger profondément dans un fanatisme bien particulier : celui du démiurge habité par la mission qu’il s’est imposé à lui-même. » Tous aux abris! Quelle prétention en ces quelques lignes !
Le travail a été fait à partir d’improvisations et cette «écriture de plateau» très à la mode surtout avant le confinement et même pendant a encore frappé ! Mais nous sommes loin, très loin de ce théâtre dit total qui semble être la passion des metteurs en scène. Même si nous sentons parfois -à titre homéopathique- l’influence du Théâtre du Soleil d’autrefois -celui des années soixante-dix- auxquels certains des acteurs ont collaboré, on est ici loin du compte… Et ce texte parodique avec, en fond de sauce, un théâtre dans le théâtre assez bavard et qu’on a vu des dizaines de fois, n’a vraiment rien de passionnant. Même de temps à autres inspiré par Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier, L’Illusion comique de Corneille, voire, en mineur, par les magnifiques Peines d’amour perdues du grand William.
Passées les dix premières minutes, on s’ennuie ferme et cette heure trois-quart n’en finit pas de finir… Nous avons eu la désagréable impression que les acteurs cherchaient surtout à se faire plaisir plutôt qu’à nous. Et une pochade en quarante minutes chrono aurait bien suffi… Quant aux applaudissements en ce soir de première, mis à part ceux des copains des acteurs, ils n’ont pas été du genre frénétique. Et nous ne voyons pas de raisons suffisantes de vous dire d’aller jusque là. Ce projet a pourtant été soutenu par par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et sa D.R.A.C. ! Peut-on demander que la note d’intention du spectacle soit éditée sur moins de vingt pages et recto-verso ? Ce ne serait pas anachronique mais écologique, sûrement.
Philippe du Vignal
Théâtre du Soleil, route du Champ de manœuvre, Cartoucherie de Vincennes. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite.