Julie Desprairies et compagnie à Nanterre
Julie Desprairies et Compagnie à Nanterre
Venue du théâtre et des arts plastiques, la directrice et chorégraphe de la compagnie des Prairies inscrit ses projets dans un environnement qu’elle explore avec son équipe artistique et des «artistes occasionnels », rencontrés sur place : « Je suis à la recherche d’une danse concrète qui trouve son moteur dans les contraintes matérielles (matériaux, espaces architecturaux, paysages…) Une «danse appliquée» comme on parle d’art appliqué.» Julie Desprairies invite les habitants à se saisir des lieux pour créer un événement collectif..
En résidence à la Terrasse, espace d’art municipal de Nanterre, Julie Desprairies a monté une exposition avec les habitants. «Ce que j’expose, c’est une démarche », dit-elle. La médiatrice de la Terrasse l’a mise en contact avec des associations, des enseignants et travailleurs sociaux… En deux mois, beaucoup de monde est passé par là… Chaque visiteur a offert à la chorégraphe, présente tous les jours ouvrables, un geste inspiré par Nanterre: la prise de notes d’une journaliste, les mouvements d’un postier au centre de tri, quelques pas de charleston d’une dame membre d’un club, la course bondissante d’un enfant du collège voisin… A ce jour, quatre-vingt dix mouvements ont été filmés et projetés en boucle. La danseuse Elise Ladoué, qui est de toutes les aventures de Julie Desprairies, va apprendre et enchaîner ces gestes pour Dansez sur nous, une pièce finale, présentée en fin de résidence dans la galerie : le portrait d’une ville dessinée par ses habitants.
D’autres propositions sont faites aux visiteurs : « Quelle est la musique sur laquelle vous ne pouvez vous empêcher de danser ?», lit-on sur un mur de la Terrasse. Ceux qui le souhaitent, iront s’en donner à cœur joie, en costumes chamarrés mis à leur disposition sur un portant. Ils sont aussi invités à créer un mur d’images, à partir de photos piochées dans le répertoire des créations de la compagnie.
Des ouvriers de la Manufacture nationale de Sèvres reproduisant leurs gestes de travail et les poses sophistiquées des statuettes en biscuit; une randonnée chorégraphique dans la montagne à Cluses (Haute-Savoie) et un autre parcours chorégraphique dans le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne, mettant en valeur l’architecture de Môrice Leroux (1896 -1963) et de Robert Giroud,. Mais aussi une troupe mêlant groupes folkloriques et compagnies de danse contemporaine dans la gare désaffectée d’Eleusis en Grèce… Traces saisies sur papier glacé de vingt ans de gestes artistiques déployés dans des architectures diverses comme, aussi, le Collège néerlandais de la Cité Universitaire à Paris, dessiné par Willem Marinus Dudok, l’auditorium de l’Opéra de Dijon créé par le cabinet Arquitectonica, l’aéroport Santos Dumont de Rio de Janeiro, conçu par Marcelo et Milton Roberto…
Dans un « salon de projection », sont visibles des films et captations de certains événements, et, en ce samedi après-midi, la chorégraphe propose une rencontre sur le thème: filmer le danse, à partir de coréalisations avec des cinéastes. Une occasion de voir qu’il y a plusieurs façons de capter le mouvement et de croiser les savoirs-faire de ces disciplines artistiques.
La cinéaste Louise Narboni nous raconte, images à l’appui, comment elle s’est approprié L’Opera nell’opera un ballet-opéra déambulatoire en trois actes parlé, chanté, joué et dansé par une équipe de cent-quatre- vingt douze musiciens et danseurs amateurs de tout âge, habitant Lyon Vénissieux et un « brass-band » de l’Ain…Accompagnés par les artistes et techniciens de la Maison. Ce ballet-opéra a été imaginé in situ à partir du bâtiment restructuré et agrandi entre 1989 et 1993 par Jean Nouvel. Musiques additionnelles et montage en font «un petit opéra de chambre» où chaque artiste se reconnaît. De même, Après un Rêve, déambulation chorégraphiée par Julie Desprairies et tournée par Louise Narboni à La Villeneuve, à Grenoble. Ce film rend hommage à l’utopie imaginée par l’Atelier d’Urbanisme et d’ Architecture (A.U.A.) entre 1970 et 1983. Cette ville nouvelle est restée dans les annales comme une association fructueuse d’architectes, urbanistes et ingénieurs pour inventer un nouvel habitat collectif rompant avec la non-ville des barres et des tours…
Le travail de Julie Desprairies participe d’une double démarche. Elle met d’abord les sites en mouvement. « Pour moi dit-elle, le lieu, c’est comme le texte pour le metteur en scène de théâtre et j’en donne une lecture avec les matériaux et les mouvements prélevés.» Elle entend aussi partager la danse avec des personnes qui ne vont jamais au théâtre et mêle amateurs et professionnels, sans se préoccuper de virtuosité : «Ces gens normaux restent normaux dans leur danse. » Il faut découvrir les prochains spectacles de cette chorégraphe.
Mireille Davidovici
Du 12 janvier au 12 mars, du mercredi au samedi : La Terrasse, 57 boulevard de Pesaro, Nanterre (Hauts-de-Seine). RER :Nanterre-Préfecture. T. : 01 41 37 62 67.
Le 11 mars, à partir de 18 h, finissage de Dansez sur moi.
Le 12 mars, de 14 h à 16 h, décrochage collectif.
Et du 7 au 10 avril, Sœurs, aménagement chorégraphique du quartier des Buers à Villeurbanne ( Rhône) avec des étudiants-ingénieurs de l’I.N.S.A. dans le cadre de Villeurbanne, capitale française de la Culture.
Les 11 et 12 juin, La Chevêche, excursion chorégraphique, au Manège de Reims (Marne).
Le 19 juin et ensuite, cet automne : Dansez sur moi : fête participative-Le Dancing incarné, Le Dancing-C.D.C.N. de Dijon (Côte-d’Or).