Et moi et le silence de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène de René Loyon

 

Et moi et le silence de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène de René Loyon  

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Nous sommes dans les années, en une dizaine de séquences dans le passé celle d’une taule quelque part aux Etats-Unis, dit l’autrice sans plus de précision, et dans un présent, neuf ans plus tard de Jamie, une afro-américaine de vint-six ans et de Dee, son amie blanche de vingt-cinq ans,  Jouées par quatre actrices, celles de la taule et celle de la chambre. Cela se passe dans une cellule sommairement aménagée: un lit en tubes métalliques, une petite table et deux tabourets à vis en bois. Sur un mur, une image projetée comme une sorte de fenêtre mais sans montant avec des arbres aux feuilles ocres. Puis en ville dans une pauvre petite chambre exactement identique. Histoire de dire que la vie en liberté avec une profonde misère où acheter de quoi manger relève de l’impossible, ne vaut guère mieux que celles passées en taule…En fait, Naomi Wallace reprend ici un des thèmes de La Puce à l’oreille qu’Anne-Laure Liégeois avait montée il y a dix ans. Dans une prison ou une chambre devenue une prison mentale, ces jeunes femmes se retrouvent confrontées à leur propre corps et à l’enfermement, qu’elles soient blanches ou noires et à un manque d’espoir qui finira tragiquement.

Elles vivent au jour le jour, en taule et rêvent à ce que sera leur vie bien plus tard, puisqu’elles ont des années de taule à purger et dans un aller et retour permanent, nous les voyons survivre dans une chambre minable où elles sont dans la misère. Pour Dee, elle a « appris à compter pendant toutes ces années. J’ai fait du calcul. » Et Jamie est elle aussi pragmatique : « Comme ça, tu pourras compter notre blé quand on en aura. Je vais voir pour le boulot de Blankenbaker, toi essaye celui de Lightfoot Road. »

Cette double scène répétée une dizaine de fois par deux actrices à tour de rôle, avec une bonne transition juste rythmée par un effet sonore, se laisse voir et la mise en scène de René Loyon est précise.  Mais tout reste à un niveau constant et il n’y a guère de progression sur le plan dramaturgique, sauf, à la toute fin quand les quatre jeunes femmes se retrouvent ensemble.

La faute à quoi? D’abord à un dialogue pas très passionnant aux phrases très courtes et difficile à mettre en valeur et que Naomi Wallace voudrait teinté de poésie comme semble l’indiquer cette référence en exergue à  Je perçus des Funérailles, dans mon Cerveau de la grande Emily Dickinson: « Comme si tous les Cieux étaient une Cloche, Et l’Etre, rien qu’une Oreille Et Moi, et le Silence, une Race étrange Naufragée, solitaire, ici. » On est, dit René Loyon, saisi (…) par la limpidité de la langue, et dans un même temps, par une sorte de fantaisie, de goût de la cocasserie, un quelque chose qui relève du charme de la comptine enfantine. C’est ce mélange qui fait la grâce, la poésie, de cette œuvre singulière. « (…) Précisément, cette façon d’articuler un indispensable réalisme à une dimension presque onirique et une inquiétude existentielle toujours présente donne à ce théâtre un charme si prégnant, loin de tout plat naturalisme.»Mais, pourquoi ce metteur en scène d’expérience, est-il allé cherché cette piécette : sauf à quelques rares moments, nous n’avons senti ni le charme prégnant ni  la poésie ni la cocasserie ni le charme de ce Moi et le silence.

Les professionnels et étudiants en fac de théâtre pourront avoir l’occasion aller découvrir une autrice qui a écrit une dizaine de pièces, plus connues aux Etats-Unis son pays et au Royaume-Uni mais qui, chez nous a été peu jouée.
 Une Puce, épargnez-la a été créé il y a dix ans dans une mise en scène d’Anne-Laure Liégeois et La Carte du Temps  en Avignon un an plus tard par Roland Timsit.
Enfin il y a surtout dans cette représentation, le plaisir de voir la jeunesse et ce formidable appétit de mordre dans la vie qui rend si crédibles ces bonnes actrices au métier déjà solide que sont Sarah Labrin, Morgane Real, Roxanne Roux et Juliette Speck. Toutes bien dirigées, impeccables et attachantes dans leur misère et leur volonté de donner un sens à une vie qui a si mal commencé pour elles. Sur fond d’homosexualité mais aussi de jeux d’enfants, quand elles s’amusent, comme dans Les Bonnes de Jean Genet dont l’autrice s’est visiblement inspirée, à singer ceux qui ont le pouvoir et ainsi l’exorciser.  Nous n’y avons pas trouvé tout à fait notre compte, mais à vous de voir si cela vaut le coup…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 20 mars, Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie de de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes + navette gratuite. T. : 01 48 08 39 74.


 

 

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