Somnole, chorégraphie et interprétation de Boris Charmatz

Somnole, chorégraphie et interprétation de Boris Charmatz

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© Marc_Domage

Le chorégraphe sortant de ses grands formats habituels, réalise et interprète son premier solo: «J’aimerais, dit-il, faire un solo somnolant qui s’inspire d’états de latence, pour explorer l’hibernation et sa sortie, les ressacs du rêvassement et les cris du réveil.» Créé en 2020 sur la grande scène de l’Opéra de Lyon, cette pièce d’une heure tient d’une performance, entièrement sifflée et donc suspendue aux lèvres du danseur.  Et où le mouvement émane du souffle-même. Boris Charmatz entre en scène par la salle et avance, fantomatique. Dans la pénombre , il s’étire lentement, rampe, se relève, et tombe, léthargique, sur le plateau gris. Sans qu’on sache ce qui, du sifflement ou du geste, mène la danse…

D’abord monotonale, la mélodie s’élabore. La somnolence se dissipe et les mouvements sont plus marqués, le rythme de plus en plus rapide, et les airs, sifflés jusqu’à bout de souffle. Même hors d’haleine, le danseur explore toute les possibilités sonores de son corps devenu instrument de percussion sous les coups de ses mains contre le thorax ou les cordes vocales et quand il frappe le sol de ses pieds. Enfantin et ludique, il en appelle à la connivence : « Quand j’étais petit, dit-il, je m’entraînais à siffler pour pouvoir ensuite imaginer un concert entier de sifflets». Concert qu’il essaye de diriger, en sollicitant la participation des spectateurs qui s’amusent à siffler avec lui -avec plus ou moins de bonheur- des airs connus, des ritournelles populaires ou des musiques de films comme celles du Bon, la brute et le truand ou d’Il était une fois dans l’Ouest d’Ennio Morricone. Summertime, issu de Porgy and Bess de George Gerswhin, de Stormy Weather d’Harold Arlen. Ou encore Les Feuilles mortes de Joseph Kosma…

Quel plaisir de le voir danser en sifflant le pimpant Voi che sapete des Noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart ou l’inquiétant musique de Dans l’Antre du roi de la montagne de Peer Gynt d’Edvard Grieg, qui annonçait l’assassin dans M Le Maudit de Fritz Lang. Et surgit une vive émotion quand le danseur sort lentement par la salle, en sifflant la fameuse aria Lascia ch’io pianga de Georg-Friedrich Haendel. Ces mélodies génèrent un joyeux mouvement perpétuel, un désir de danser et sauter, jusqu’à épuisement. Et quand le souffle vient à manquer à Boris Charmatz, nous pensons au récent confinement et au: « I can’t breathe » (Je ne peux pas respirer) de George Floyd qui engendra le mouvement Black Lives matter… «Le sifflet convertit le grand, en ténu. Un air d’opéra de Haendel réduit à presque rien, son squelette. C’est comme craquer une allumette : il y a la lumière, la chaleur, mais c’est ténu, ça s’éteint vite et un seul souffle peut l’éteindre. »

Il nous parle de cette fragilité, grâce à la magie d’un corps devenu musique et danse. Considéré comme l’un des chefs de file du mouvement non-danse dans les années quatre-vingt dix, le directeur du Centre Chorégraphique National de Rennes et de Bretagne et de son Musée de la danse de 2009 à 2018, va, en septembre prochain, diriger le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch pour y développer un nouveau projet entre la France et l’Allemagne. A suivre…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 4 mars, à Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Haute-Savoie). T. : 04 50 33 44 11.

Du 11 au 12 mars, Triennale di Milano, Milan (Italie) ; du 18 au 19 mars, Sadler’s Well, Londres (Angleterre).

Le 5 avril, Pavillon ADC Genève (Suisse) ; du 26 au 27 avril, Teatro Municipal do Porto, Porto (Portugal) .

Le 10 juin, festival Uzès danse, Uzès (Gard).

Du 6 au 8 juillet, festival de Marseille (Bouches-du-Rhône).

Et du 23 au 24 août, Festival d’Helsinki (Finlande).

 

 

 

 

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