2 h 32 de Gwendoline Soublin mise en scène de Guillaume Lecamus
2 h 32 de Gwendoline Soublin mise en scène de Guillaume Lecamus
« Elle court, elle court Zenash. Elle se lève très tôt le matin, enfile ses baskets avant d’aller faire des ménages dans un hôtel et, sitôt le boulot fini, elle court, encore, marathonne tout le temps. » Zenash Gezmu, une jeune Ethiopienne, vise la victoire au marathon de Paris : boucler les 42,195 kilomètres en deux heures trente-deux ! Mais, hélas, elle n’y parviendra jamais! Fauchée en plein élan, assassinée chez elle à vingt-sept ans par malfrat qui passait par là. Gwendoline Soublin s’est emparée, à la demande du metteur en scène, de ce fait divers et a écrit une fiction poétique pour marionnettes, où elle montre le courage de celle qui, depuis l’enfance, poursuivait un rêve. Un rêve contagieux qui va, ironiquement, contaminer toute une communauté de coureurs forcenés…
Zenash Gesnu, représentée ici par une sculpture en carton articulée, manipulée par deux comédiennes, se dédouble en une statuette fixe, toute à sa course. Norbert Choquet a choisi ce matériau en résonance avec la force vitale de la sportive. Le corps nu de la marionnette semble prendre vie grâce aux mots de l’autrice et la performance sportive de Sabrina Manach. Remarquable athlète, la comédienne court sur place sans s’essouffler, l’équivalent de quatre kilomètres à 12 km/h… Candice Picaud, sa partenaire, partage avec elle le texte de la pièce tantôt adressé à Zenash par un « Tu » familier et affectueux, tantôt sous forme de récit. L’énergie des actrices se transmet aussi aux multiples figurines qui, dans la deuxième partie du spectacle, entament un marathon sans fin. Une foule de coureurs anonymes en folie où l’auteure distingue, en trois mots cinglants, quelques individus-types. Une drôle de bande qui court à sa perte… Cette fin surréaliste et inattendue nous emmène loin de la tragédie de Zenash Gesnu : un «tombeau»-hommage à cette femme pugnace…
Le metteur en scène choisit, paradoxalement, des marionnettes statiques aux expressions neutres pour explorer des thèmes comme l’endurance sportive et la vitalité du corps. Il les fait ainsi vivre grâce au texte, au jeu et à l’univers sonore créés par Thomas Carpentier. Mais quelquefois les mots et les actrices prennent le pas sur ces figurines, surtout au début. Les phrases syncopées de Gwendoline Soublin sont pour les interprètes une sorte de jeu par délégation, «un parler pour» selon François Lazaro avec lequel Guillaume Lecamus fit son apprentissage de marionnettiste.
Avec sa compagnie, le Morbus théâtre, il donne la primeur aux auteurs contemporains, le texte étant le moteur de ses spectacles : 2 h 32 est le pendant de 54 x 13 de Jean-Bernard Pouy, ( voir Le Théâtre du Blog), repris en mars dans ce même théâtre et qui met scène un cycliste du peloton.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 20 mars, Le Mouffetard, Théâtre des Arts de la marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris (V ème). T. 01 84 79 44 44.
Le 21 mai, festival les Echappées, La Chambre d’eau-en-Avesnois, Le Favril (Nord) ; le 27 mai, Médiathèque des Mureaux (Yvelines).
Les 15 et 16 mars 2023, Théâtre à la Coque, Hennebont (Morbihan); le 21 mars, Théâtre du Passage, Fécamp (Seine-Maritime) et le 23 ou 24 mars, Le Sablier, Ifs (Calvados).