ariété d’après l’émission Discorama, création de Sarah Le Picard
Variété d’après l’émission Discorama, création de Sarah Le Picard
«Denise Glaser a eu la liberté d’esprit d’inviter les artistes, les plus populaires, et les plus exigeants », dit la metteuse en scène qui interprète aussi cette journaliste qui régna sur le show biz de 1959 à 1974, avec une émission-phare de l’Office de Radiodiffusion-Télévision Française (O.R.T.F.). Variété s’inspire des rencontres mythiques de l’animatrice, avec les vedettes de l’époque qu’elle a lancées.
Un studio tapissé de blanc, des projecteurs sur pied, un piano, deux cubes en bois comme sièges. Avec son fidèle pianiste-accompagnateur, Claude Léveillée (1931-2011), l’intervieweuse, chic et sobre, reçoit épisodiquement la chanteuse Veronica May, un personnage inventé par l’actrice Anne-Lise Heimburger. Un peu mièvre à ses débuts, mixte de France Gall et Mireille Mathieu jeunes, elle impose son style au fil des entretiens, avec la séduction d’une Marie Laforêt ou de Barbara… Pour la dernière émission de l’animatrice, Sarah Le Picard et la comédienne se sont inspirées d’une interview de Léo Ferré…
Musique et paroles évoluent et Florent Hubert, le directeur musical, a composé plusieurs des morceaux sur des textes de Sarah Le Picard et Anne-Lise Heimburger: un tube yéyé censé avoir remporté le concours de l’Eurovision, un air folk puis une romance d’une grande sensualité : délicieusement parodiques, des clins d’œil aux styles de la chanson française. La pièce parle aussi de l’air du temps : la guerre d’Algérie, mai 68 ou les revendications féministes franchissent en sourdine les murs du studio. Denise Glaser brava la censure de l’Elysée et diffusa Nuit et Brouillard une chanson composée et interprétée par Jean Ferrat en 1963. Mais Valéry Giscard d’Estaing devenu président en 1975 la fit démissionner et elle paya cher ses engagements au point de n’avoir plus de travail. Vingt ans plus tard, elle finira sa vie seule et oubliée.
Sarah Le Picard a su transcrire la langue de ces années-là et nous retrouvons chez les personnages le phrasé emprunté, le vocabulaire recherché et les expressions imagées de ces émissions. Ici, tout est soigné : texte, musique, interprétation et mise en scène. Ce trio nous offre un divertissement drôle et nostalgique d’une heure quinze, à la saveur des vinyles qui craquent sur les tourne-disques Teppaz. Il redonne ses lettres de noblesse à un art mineur, populaire, porteur de jeunesse mais commercial, donc méprisé. Et qui ne saurait exister sans des passeurs engagés comme Denise Glaser… Le spectacle vaut le détour
Mireille Davidovici
Jusqu’au 27 mars, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt,Paris (VIII ème). T.: 01 44 95 98 00.