Etienne A. texte et mise en scène de Florian Pâque
Etienne A. texte et mise en scène de Florian Pâque
Cela se passe dans un entrepôt de la société Amazon à Saran près d’Orléans (Loiret) un soir de Noël en décembre 2018. Un jeune homme Etienne A. trente-et un ans est là au milieu des cartons de toutes dimensions qu’il est chargé de contrôler, scanner ou rééorienter. Et comme il est seul, il peut se permettre de rêver aux siens et à lui. Il dit qu’il va rentrer chez lui dans sa Citroën ZX Tonic.
Son père a un problème à la hanche. Son ex-femme travaille chez Patàpain. Son fils joue à cache-cache sous la voie d’essai d’un aérotrain sur coussin d’air, construit par Jean Bertin à partir de 61 qui aurait mis Orléans à vingt minutes de Paris et que nous avions vu rouler quelques minutes. L’Etat, sous dit-on, la pression de la SNCF, abandonna en 1974, quand Valéry Giscard d’Estaing était président. Cette géniale invention concurrençait aussi sans doute les sociétés qui mettaient au point le T.G.V. et proches du chef de l’Etat… Quant au train lui-même, en avance sur son temps, il disparut ensuite dans un incendie d’origine criminelle, comme si « on » avait voulu en effacer toute trace. Mais une de ses copies japonaises, elle, roule toujours à plus de 400 kms/h.
Bon, revenons à notre Étienne A. cet homme encore jeune qui accepte un travail contraignant mais qui veut rêver sa vie. A la fin, il entre dans un grand carton, s’y enferme et attend donc une commande pour être expédié ailleurs. Mais ce solo n’est pas un spectacle politique. Pourtant il y avait de quoi faire! la société Amazon qui s’était fort peu souciée des effets très négatifs sur l’environnement en voulant construire un centre de tri de colis de 39.000m2. Pas loin du pont du Gard et à une centaine de mètres du beau petit village de Fournès. Avec à la clé, une noria incessante de camions sur une route qui mène d’Avignon à l’autoroute. Il y a bien eu une enquête administrative de plus de quatre cent pages où le nom d’Amazon n’est pas cité. Mais plusieurs associations locales tenaces ont, durant le premier confinement, mené une guerre efficace contre ce projet insensé et catastrophique soutenu par des banques. En décembre dernier, le tribunal administratif de Nîmes leur a donné raison et a annulé l’autorisation gouvernementale qui avait suivi l’accord du conseil municipal de Fournès… Ouf ! Et pan sur le bec de l’Américain Jeff Bezos qui a abandonné! Et sur ceux qui avaient voulu faire vraiment beaucoup de fric avec des ventes de terres à vigne. Avec, au départ, un projet approuvé par la maire de Fournès qui a ensuite vite démissionné de ses fonctions. Curieux, non ?
Mais de tout cela, dommage, l’auteur ne parle pas et c’est grand dommage. Il a préféré donner la parole à cet employé invisible parmi tant d’autres et sans grand avenir qui doit continuer à vivre parmi ses cartons. ce monologue pièce flirte de loin avec un texte d’agit-prop mais il n’en a ni le format ni le style ni surtout la virulence. Et ce jeune auteur belge nous emmène dans une sorte de rêverie poétique bien longuette de plus d’une heure. Il y a heureusement Nicolas Schmitt – gestuelle et diction impeccables- qui réussit à donner une certaine consistance à ce personnage falot qui ne demande rien qu’à vivre normalement. Mais le compte n’y est pas et ce texte, qui aurait pu être à la rigueur un petit sketch, n’est en aucun cas la pièce «coup de poing» annoncée par la Scala. Et vous pouvez sans dommage vous l’épargner.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 30 avril, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T : 01 40 03 44 30.