Concert pour l’Ukraine

Concert pour l’Ukraine

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Laurence De Magalhaes et Stéphane Ricordel ont accueilli depuis longtemps les DakhaBrakha au Monfort-Théâtre et cet été encore dans le cadre du festival Paris l’été. Ce groupe de musiciens a pu se réfugier en France. «Nous souhaitons célébrer nos retrouvailles et les accueillir avec vous à bras ouverts. La Culture nous permet d’aller à contre-courant et de réinventer le monde. Être ensemble, partager un moment de joie, de douceur avec ces artistes qui, malgré eux mais avec conviction, commencent une nouvelle vie à nos côtés. »

 

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Les DakhaBrakha (en russe : «donner/prendre ») : trois femmes et un homme, en costumes traditionnels et hautes coiffes noires qui interprètent des chants polyphoniques ukrainiens. Ce quatuor installé depuis 2004, au Centre d’art contemporain de Kiev, a collecté dans les villages d’Ukraine des chansons populaires  avant qu’elles ne disparaissent à tout jamais. Et à ce folklore, se sont peu à peu mêlés des rythmes empruntés à l’Orient, à l’Afrique, à l’Inde et aux Balkans.

Ph. du V.

Concert pour l’Ukraine, lundi 28 mars à 20 h 30, au Monfort, 106 rue Brancion, Paris (XV ème). T. : 01 58 08 33 88. La totalité des recettes sera reversée à la Croix-Rouge française. 

 


Archive pour 15 mars, 2022

Phèdre ! texte d’après Jean Racine et mise en scène de François Gremaud

Phèdre ! texte d’après Jean Racine et mise en scène de François Gremaud 

 Rien absolument sur le plateau, qu’une simple table sur une moquette grise. Debout, Romain Daroles accueille avec un bon sourire le public qu’il invite à une soi-disant conférence sur Phèdre. L’auteur prend bien soin de préciser dans sa préface qu’avec ce Phèdre! (donc avec un point d’exclamation), que «mes intentions sont toutes entières contenues dans ce titre. Bien sûr, on le devine, il sera question de Phèdre, la plus fameuse et la plus jouée des tragédies de Racine. Pourtant, bien que son principal sujet, elle ne sera pas le véritable sujet de ce spectacle. (…) En fait le véritable sujet de Phèdre ! est l’admiration que son unique protagoniste Romain -façon jeune orateur- voue à la tragédie de Racine.  »
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Cette pièce conçue à l’origine pour des collégiens est une reprise d’une version présentée en 2018 au festival d’Avignon à la Collection Lambert. « Je m’appelle Romain Daroles, toutefois, ce n’est pas chez les Romains que nous allons nous rendre ensemble… mais bien chez chez leurs collègues antiques, les Grecs. » Romain Daroles joue un conférencier admiratif presque idolâtre, voire un peu naïf.  Et après ce premier jeu de mots, l’auteur n’en est pas à un près ; cela déborde même, mais ce jeune acteur le fait avec une telle généreuse «naïveté» et aussi avec une telle admiration pour son sujet que nous y prenons vite goût. Du genre : « Aricie est ici. » Et le prénom Oenone lui rappelle celui de Léone, sa grand-mère avec son accent marseillais  et un «peuchère»,  quand elle entre en scène.
« Et alors votre mère, c’était avec un taureau, alors vous, à côté, cela ne mange pas de foin. » Ou « Oenone, quand il s’agit de sauver Phèdre, elle en a a beaucoup des idées, et certaines pas piquées des vers -enfin des alexandrins.» Et Thésée s’en va par monts et par vaux -par veaux et par taureaux -puisqu’il s’en va combattre le Minotaure. Ou encore: «Médée s’enfuit vers sa Colchide natale-Colchique dans les prés, c’est la fin de Médée. » «J’enracine, enfin Jean Racine, c’est le nom de l’auteur. ( …) J’ai moi-même connu quelqu’un qui s’appelait Aude Javel, ça ne s’invente pas, ma foi, on ne choisit pas ses parents. » Potache peut-être, mais comme distancié et avec un efficace second degré. 

Et il joue avec virtuosité, de la paraphrase qui consiste à traduire une phrase sous une forme plus explicative. «Venus, avant d’être une marque de rasoir, vous le savez, c’est la déesse de l’amour (…) Elle a une dent contre Phèdre et tous ses aïeux. »(…) Lorsque Oenone a une nouvelle idée et quand il s’agit de sauver Phèdre, elle en a beaucoup, des idées : «Madame ne mourrez pas tout de suite, j’ai une nouvelle idée. Il faut prendre les devants. Il faut prétendre que c’est Hippolyte qui vous aime d’un amour incestueux. » Une pratique -efficace- que connaissent bien les enseignants des écoles de théâtre: traduire en langage « vulgaire » des répliques d’Eschyle, Racine ou Shakespeare pour « chauffer» les élèves, quand ils doivent affronter un texte parfois difficile. «Bon, c’est vrai, dit Phèdre à Hippolyte, que j’ai pas été très sympa avec vous. » 
Et François Gremaud cite et parodie Tchekhov: «Je suis une mouette, je suis une mouette. » ou Charles Trenet: « La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs ». Mais aussi un titre de Dalida «Alexandrin, Alexandrie, Alexandra…» Et à propos, il cite Barbara: «Les amours les plus belles/Les plus belles amours/Étaient les amours incestueuses.» Ou encore, il tient à faire remarquer que cet alexandrin : «Le Roi, qu’on a cru mort, va paraître à nos yeux » est bien le 837 ème qui comporte en tout 1.654 vers. «Pour ceux qui n’auraient pas encore fait le calcul -cette annonce du retour du Roi- dans ce bijou d’horlogerie simili-suisse qu’est Phèdre de Jean Racine, arrive à l’exact milieu de la pièce. » Mais il n’hésite pas non plus à donner quelques explications étymologiques du genre : catastrophe qui signifie bouleversement, renversement. 
 
Romain Darolles avec un léger accent du Sud (gascon?) précise tout de suite pour rassurer son public que ce spectacle est une comédie et il commence par un résumé du genre Mythologie pour les nuls, de l’histoire compliquée de Phèdre, la fille de Minos et de Pasiphaé. Puis il détaillera et expliquera avec le plus grand talent mais sans aucune prétention, le contenu des cinq actes, avec toujours dans la poche un coup de persiflage pour aérer les choses : «Là-dessus, vous imaginez l’ambiance. Une nouvelle fois Phèdre veut mourir -c’est quand même la troisième fois depuis le début de la pièce. » 
 
Pour mettre en situation parodique une pièce comme celle-ci, aucun doute là-dessus, il faut la connaître dans son intégralité et François Gremaud connait très bien les rouages du mécanisme dramaturgique et la poésie sonore des admirables vers de cette Phèdre. Et quand Romain Daroles en cite quelques-uns, là on ne rigole plus et il le fait avec une maîtrise exceptionnelle de l’alexandrin.
Et il passe avec virtuosité du comique au tragique avec comme seul accessoire, le livre de la pièce qu’il se met parfois sur la tête pour indiquer la couronne de  Phèdre ou la barbe de Théramène avançant à petit pas comme un vieillard. Et une table où il se cache quand Oenone écoute en cachette. Les collégiens devant nous écoutaient fascinés cette Phèdre qui enfin leur parlait et ils riaient de bon cœur.
Des réserves? Aucune, sauf un léger passage à vide quand Romain Daroles analyse le IV ème acte mais sinon quel bonheur pendant une heure quarante de voir et d’entendre cette magnifique performance de texte, de mise en scène et d’acteur. Et croyez-nous, nous n’avons pas souvent la chance de rire dans le théâtre contemporain! Cadeau final, les ouvreurs offrent à chaque spectateur le livre de la pièce. La salle est vraiment pleine tous les soirs mais vous pouvez tenter votre chance ou ne ratez surtout pas ce solo exceptionnel, quand il passera près de chez vous.
Philippe du Vignal 
Jusqu’au 19 mars Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris (XI ème). T. : 01 43 57 42 14.

Shakespeare/Bach, avec Charlotte Rampling, mise en scène et au violoncelle, de Sonia Wieder-Atherton

Shakespeare/Bach, avec Charlotte Rampling, mise en scène et au violoncelle, Sonia Wieder-Atherton

 En 2013, ces artistes avaient créé Danses nocturnes, un spectacle mêlant poésie et littérature avec Les Suites pour violoncelle de Benjamin Britten et des poèmes de Sylvia Plath. Ici nous ne rencontrons pas le Shakespeare des Rois, des prises et pertes de pouvoir. Nous aurons leur face secrète, celle de chacun, la peau même de l’amour vieillissant et toujours renaissant. Ces sonnets parlent de la beauté de la jeunesse, de son printemps éternel, au milieu de fleurs, même fanées. Et sans aucune mièvrerie, tant il y a d’obstination à revenir sur ce thème et sur ces images, et à chercher la pointe poétique de toutes leurs vérités.

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Avec des mouvements dansants tirés de quatre Suites de Jean-Sébastien Bach : Prélude, Courante et Sarabande,  Allemande, Bourrées et Sarabande. Mais aussi de chants qu’elle arrangés pour violoncelle comme A Voce sola et Hor Ch’el Ciel et la Terra de Monteverdi, d’un extrait d’In una siepe ombrose de Lotti et avec un Chant de là-bas qu’elle a écrit elle-même, Sonia Wieder-Atherton a construit la musique de ce spectacle. Elle n’a pas hésité superposer, en ouverture, son jeu vivant et des enregistrements réalisés avec Alain Français.

La voix de Charlotte Rampling entre dans de cet univers sonore comme un nouvel instrument ? Cela rappelle que la poésie alliée à la musique -l’art des Muses- crée une harmonie et produit aussi du sens pour ceux qui sauront l’écouter et se l‘approprier. La grande comédienne britannique parle sa langue avec une clarté et une élégance parfaites, bienvenues pour nous, pauvres Français qui avons tendance à malmener l’anglais (surtout ancien). Elle dit ces poèmes dans leur juste rythmique, sans appuyer. C’est la moindre des choses mais qui d’autre, respire la poésie avec cette ampleur et cette retenue ? Parfois l’humour d’une comptine (Rabitt, rabitt…) vient se glisser entre les sonnets.

L’actrice entre et parcourt du regard une mosaïque de visages apparaissant et disparaissant, projetés en fond de scène. Nous pouvons y lire des vies et des morts, l’éternel retour du malheur et sa guérison, mais aussi que chaque visage et chaque personne, vivante ou morte, sont uniques et précieux, sans oubli.
Ensuite, après cette sorte d’hommage aux inconnus, elle s’avance à la rencontre des spectateurs, autres inconnus. De plus en plus proche, calme, elle partage un moment familier, en sachant s’effacer et tout simplement attendre, écouter et laisser la place à sa partenaire.

Charlotte Rampling cultive une féminité androgyne: cheveux courts et tunique noire. Sonia Wieder-Atherton, en haut et pantalon tout aussi noirs, porte la tenue sobre et fonctionnelle (mais non formelle) de son métier. Un choix cohérent avec la mise en scène simple et exigeante de ce spectacle-concert. Les lumières de Jean Kalman ouvrent l’espace, creusant une diagonale dans l’orchestra des Bouffes du Nord, plaquant pendant un instant la comédienne au mur patiné du théâtre ; un travail qui raconte un histoire secrète, faisant de la place aux poèmes. Et nous pouvons lire (si on a les bonnes lunettes…) la traduction de Françoise Moran et André Markowicz, écrite à la main et projetée au-dessus du manteau d‘Arlequin. Comme une lettre qu’on nous enverrait, comme une chaleureuse présence visuelle..

Voilà, c’est tout simple mais riche de visions… La musicienne et l’actrice, avec de profonds silences, emmènent le public vers une solide attention. On nous dira que c’est toujours le cas, au concert. Ici, il est également un spectacle qui rompt à peine avec le rituel bien rodé que l’on connaît. Entre ces femmes, l’écoute mutuelle intense va de soi et c’est le fondement même de la musique. Comment définir ce que chacune produit? Nous ne sommes pas critique de musique et nous dirons seulement le bonheur de retrouver à la fois la rigueur et la sensualité de Jean-Sébastien Bach sous l’archet généreux de Sonia Wider-Atherton, d’entendre la poésie shakespearienne scandée par Charlotte Rampling et d’être surpris par des images aussi vives sur le thème connu de la rose perdant ses pétales. Mais aussi par la qualité du silence que seules ces artistes peuvent créer à ce moment-là. Le bruit disgracieux mais sans doute nécessaire des applaudissements casse cette vibration. Mais c’est comme ça : difficile de faire trop durer une émotion née de la beauté, nous ne savons pas où cela pourrait nous mener.

Christine Friedel

Spectacle vu le 9 mars au Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (XIX ème). T. : 01 46 07 34 50.

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