L’Équipé.e direction artistique de Laëtitia Guédon et Julie Deliquet
L’Équipé.e, direction artistique de Laëtitia Guédon et Julie Deliquet
«Parce que les droits de femmes et leur place dans l’art sont encore à défendre»: la directrice des Plateaux Sauvages et celle du Centre Dramatique National Gérard Philipe à Saint-Denis ont proposé pour ce mini-festival à Marie Dilasser et Leïla Anis, d’écrire sur le thème du secret au féminin, en explorant les territoires de Saint-Denis et du XX ème arrondissement de Paris.
Six équipes se sont emparées des textes pendant trois jours… Un marathon de petites formes dans ce lieu chaleureux que sont Les Plateaux Sauvages. Avec de bonnes surprises au menu. Les secrets ont besoin d’être dévoilés hors des alcôves de la honte : «Tout l’enjeu est de trouver les stratégies pour se faire entendre, écrit Marie Dilasser. L’une de ces stratégies est la prise collective de parole. On le voit avec les #Metoo, ce genre de prise de parole apporte des changement structurels. »
J’ai une bombe dans mon téléphone de Marie Dilasser par Alix Riemer
«A la recherche d’une histoire liée à une femme, tenue secrète », Alix Riemer, la narratrice entre dans une église… Là, sur les conseils du curé qui n’a rien à révéler, elle interpelle la statue de la Vierge Marie: a-t-elle des secrets? Et combien en a-t-elle entendus? Que ferait-elle en entendant, comme notre héroïne, les paroles intolérables de cet inconnu, rencontré par hasard et qui excuse racisme et pédocriminalité ?
«Je suis comme elle, statique. Elle ne tremble pas, elle ne descend pas de son piédestal», dit la jeune femme qui se promet d’agir, pour qu’enfin les paroles tues des victimes se libèrent… Et ça va faire mal, comme une bombe qu’on dégoupille «pour que la honte change de camp ».
La comédienne se saisit avec pétulance de cette œuvre polémique, écrite sur mesure et nous entraîne dans une quête à la fois sérieuse et ludique… Un joli conte philosophique devant une fresque colorée.
Invisibles de Marie Dilasser par Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna
Course-poursuite sur le plateau envahi de plantes vertes… La femme de ménage et la concierge s’ébattent en riant, musardent, dansent et disent leur amour. Question d’épiderme: «Je pense avec ma peau, je parle avec ma peau. » (…) dit la femme de ménage, je vous débarbouille avec mes mots.» Et sur le parquet de danse, voilà ces anonymes de bas étage prendre corps, enlacées pour un pas de deux parlé-dansé, cadencé: «Spéléologie charnelle. Nos sexes sont des bouches qui se parlent sur le dance floor.»
Pour Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna, «ce qu’on ne peut pas dire avec les mots, on le dit avec le corps.» Marie Dilasser s’est inspirée de leurs suggestions: «Elles m’ont parlé d’immeuble, de femme de ménage, de concierge, d’Almodovar.» D’où ce texte. Elles n’ont pas froid aux yeux et nous retrouvons avec plaisir ce duo inclassable qui œuvre au croisement des langages, depuis leurs premières performances à double visage: El como quieres (1997) jusqu’à Family Machine, d’après The Making of Americans de Gertrude Stein au Théâtre National de Chaillot (voir Le Théâtre du blog).
Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna glissent du français, à l’espagnol, ou au catalan, du théâtre, à la danse, avec décalages de sens toujours joyeux. Nous aimons les secrets que nous font voir ces Invisibles. Et leur verbe devenu chair.
Il faudrait que ces spectacles, légers et inventifs, puissent continuer leur carrière sur la lancée des Plateaux sauvages…
Mireille Davidovici
Spectacles joués du 8 au 12 mars, aux Plateaux Sauvages, 5 rue des Plâtrières, Paris (XX ème).