Métropole de Vincent Farasse, mise en scène d’Arnaud Raboutet

Métropole de Vincent Farasse, mise en scène d’Arnaud Raboutet

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©x Joséphine Thoby Claire)

Six personnages pris dans les mouvements de la capitale et de sa banlieue. Claire, traductrice de poèmes, gagne sa vie grâce à des séances de strip-tease et à des rencontres  pseudo-érotiques frisant la prostitution. Elle est en couple avec un beau et jeune William qui, lui, est au chômage Et elle a pour client régulier Xavier, un riche homme d’affaires aux cheveux blancs dont Liane, sa fille a des rêves de grand centre pour jeunes en détresse dans la lointaine banlieue. Mais elle vit aux crochets de son père avec lequel elle refuse de travailler. Son compagnon Medhi travaille au super-marché pour continuer à faire sa quatrième année de médecine. Comme il ne peut plus payer son loyer, il sera obligé de s’installer chez sa sœur Latifa, qui élève seule ses deux enfants et qui travaille à la Défense très tôt le matin pour nettoyer les bureaux. Mais elle devra quitter son logement en très mauvais état qui va être démoli, pour aller habiter au Blanc-Mesnil en banlieue, ce qui rallongera encore son trajet. William finira lui par travailler dans l’entreprise de Xavier. La pièce se finira en pirouette sur l’image de Latifa continuant à passer l’aspirateur…

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©x Daniel Berlioux ( Xavier)

Urbaniste de métier, après avoir mis en scène Passage de la Comète de Vincent Farasse, il a semblé à Arnaud Raboutet que son approche rendait l’entreprise pertinente, puisqu’il s’agit selon lui d’une critique de notre société, plus exactement en Île-de-France avec ses millions d’habitants qui ne cessent de se croiser surtout dans le métro ou le RER. Piégés par des allers et retours entre leur travail et leur domicile. Vivant non dans des villes ou villages, mais dans des zones urbaines qui vont encore s’accroître avec la création du Grand Paris et la zone du plateau de Saclay un jour desservie par le métro.

On peut espérer qu’elles seront plus réussies que celles de Nanterre, consacrées à de grands et sinistres espaces de bureaux sans vie dès que le soir tombe et imaginées il y a une vingtaine d’années par les urbanistes de service… Tiens, métro: -même mot issu du grec ancien- que métropolisation, le mot qui fâche et qui rime forcément avec gentrification, c’est à dire grignotage accéléré de quartiers jusque là très populaires par des cadres qui ne veulent à aucun prix habiter en dehors du Paris historique. Quant aux ministres et secrétaires d’Etat, combien habitent la banlieue? Les choses ont un peu évolué depuis la crise du covid avec une gentrification qui ne veut pas dire son mot, à cent kms de Paris voire plus à Poitiers voire Bordeaux, à deux heures de TGV..  Et oui, la capitale s’est radicalement transformée. Dans le XX ème, il n’y avait pas toujours l’électricité dans certains logements vers les années soixante, entre autres, là ou Georges Perec avait habité.

L’auteur montre au début assez habilement la paupérisation et l’ubérisation, autrement dit la main-mise par le capitalisme sur les classes sociales les plus défavorisées : comme les émigrés mais aussi maintenant les étudiants issus de familles pauvres. Reste la débrouillardise, l’entraide et la solidarité pour rompre l’isolement. Vincent Frasse a habilement entrelacé les séquences et on suit bien les personnages dans leurs aventures urbaines mais bon, passé la première demi-heure, le texte fait du sur-place et pas si sûr que « ces six rôles féminins comme masculins soient si denses, subtils et originaux », comme le dit un peu vite Arnaud Raboutet. Quant à des thèmes comme « la financiarisation du temps, la liquidation de l’espace, le phénomène de métropolisation », il faudra repasser. Et le texte, côté dramaturgie, ressemble aux piécettes qu’on voit dans tous les festivals, sans autre grande originalité ici que le thème. Plus difficile à traiter sur une scène que dans un essai de sociologie. Et nous sommes bien loin du « récit sensible et d’une pensée critique qui affleurent au croisement de leurs trajectoires, de leurs peurs et de leurs espoirs. »

Sur le petit plateau, rien, même pas une chaise, juste deux petits praticables où s’appuyer ou s’asseoir deux coffres où s’appuyer et dans le fond de scène, un châssis servant de coulisse où les personnages surtout la strip-teaseuse vont mettre de nouveaux vêtements. Mise en scène du genre d’une précision d’architecte-urbaniste, avec une impeccable circulation de ces six personnages, non en quête d’auteur mais de sens. La pièce est bâtie en une série de séquences très courtes mais avec une distribution trop inégale. Daniel Berlioux, en patron âgé, fait preuve d’un solide métier et Joséphine Thoby, la traductrice-strip-teaseuse,très crédible, a une belle présence gestuelle. Comme Elisa Hartel (Latifa). Mais les autres acteurs, que l’on sent pas très à l’aise, s’en sortent moins bien.
Quant à «l’univers que nous proposons, dit le metteur en scène avec une certaine prétentio,, il se veut singulier en ce que tout relève d’une création originale: musique, vidéo, costumes et lumières. » Volontairement singulier peut-être pour lui, mais pourquoi cette forme ronde en vidéo qui surgit de temps à autre sans raison sur un écran et surtout pourquoi ces costumes tous vraiment laids et qui ne font pas sens, en particulier une immonde robe-sac dorée -vite faite-mal faite- qui «habille» Liane (Camille Gélin). Tous les créateurs ne sortent pas de la brillante section: costumes des Arts Déco mais il y a des limites ! Et là Arnaud Raboutet aurait intérêt à revoir d’urgence les choses.

Alors à voir ? Le texte, faute de parti-pris, n’a rien de très enthousiasmant mais bon, si vous n’êtes pas très difficile et si vous voulez découvrir Joséphine Thoby, pourquoi pas? Mais les places sont à 26 €, ce qui fait quand même cher pour une piécette…

Philippe du Vignal

Théâtre de Belleville, 16 passage Piver, Paris (XI ème).  theatredebelleville.com

 

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