Edgard Mauri, magicien

© Mag Edgrac

© Mag Edgarc

Edgard Mauri, magicien 

Cet artiste très connu se souvient enfant de s’être seulement intéressé au basket. Mais quand il avait quinze ans, au milieu d’un cours de latin, un ami lui montré une carte changeant de couleur et, pour lui, c’était un truc de fou ! Il a crié à cause de l’émotion et le professeur les a exclus de la classe. Et c’est devenu une obsession pour lui d’apprendre la magie. Une obsession comme celle de son ami qui voulait acheter une moto. Et il lui a acheté des tours. « Après quelques mois, je savais comment faire de très mauvais tours et mon copain , lui, avait une très mauvaise moto! Il a ensuite fréquenté une boutique de magie à Barcelone pleine de livres et pour lui, c’était comme entrer dans un monde fantastique. Et encore aujourd’hui, il croit que l’étude de la magie par les livres est la manière la plus « romantique » de l’apprentissage. Puis il a rencontré Amilkar, Gabi Pareras, Mag Lari…

« J’ai travaillé, dit-il, dans le plus privilégié, mais aussi dans le plus dur artistiquement ; je crois qu’au milieu, se trouve l’équilibre. L’important : prendre du plaisir à ce que l’on fait. Aujourd’hui tout le monde me reconnaît comme magicien de scène : ce que je souhaitais devenir. Mais au fond de moi, je suis un artiste de close-up dont pour moi, l’essentiel sur la scène est la clarté explicative. Fred Caps, quand j’ai vu sa routine de l’Homing card, j’ai pensé qu’il était le magicien que je n’ai jamais vu. Il y a aussi Cardini et ses incroyables manipulations, Channing Pollock, Lance Burton et leurs colombes, Richiardi Jr. et son énergie, Juan Tamariz et David Copperfield, sans aucun doute le meilleur illusionniste de tous les temps. Mais mon préféré reste Doug Henning. Comme la musique des Beatles, il s’améliore avec le temps. Je pourrais le regarder des milliers de fois. »

 Edgard Mauri aime toutes sortes de magies ; comme il ne peut tout faire, il s’efforce de développer des concepts plus artistiques et théâtraux. Mais il n’est pas tendre pour la magie actuelle :« Evolutive, rapide, spectaculaire et souvent incroyable, elle est aussi vide de sens et de contenu… » Et quand on lui demande quel conseil il donnerait à un débutant, il dit que « la chose la plus importante est de vivre sa vie et d’être attentif à tout ce qui nous entoure et de s’en inspirer. Mais dit-il « les temps ont changé et les apprentissages sont différents. J’appartiens à une génération où les anciens partageaient leurs savoirs. Aujourd’hui, les débutants ont beaucoup vite plus d’informations et veulent devenir professionnels rapidement en sautant les étapes. Mon conseil : beaucoup lire, regarder et d’autres types d’art : cela nous fait grandir en tant qu’artiste, personne et magicien. »

Ceux qui veulent devenir professionnels doivent faire «un compromis moral» avec leur travail. Cela signifie :connaître l’histoire de la magie, en étudier la pratique et faire en sorte à chaque instant que les générations futures aient une meilleure image de cet art. Comme les autres si on veut se rapprocher de l’excellence, il implique un dévouement obsessionnel et total. En dehors de la magie, je m’occupe de mes chiens et je fais du piano. » 

 Sébastien Bazou

 Dijon, le 15 mars. https://magedgard.com/

 

 


Archive pour 17 mars, 2022

Les Petits Pouvoirs, texte et mise en scène de Charlotte Lagrange

Les Petits Pouvoirs, texte et mise en scène de Charlotte Lagrange

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Cela se passe dans une petite agence d’architecture parisienne NAO que dirigent Benoît et Diane, son associée depuis longtemps. Lui a des projets important de réhabilitation de bâtiments sur une île au Japon dans un ancien fief industriel, abandonné par ses habitants.
Ils ont engagé une jeune architecte Laïa, qu’ils trouvent brillante et tout à fait compétente mais ils voient vite vite qu’elle ne leur fera aucun cadeau et qu’elle veut le pouvoir. Elle a un amoureux Sidney Alli Mehlelbed
qui ,dans leur cuisine surélevée en fond de scène  lui prépare des mets japonais ( cela se complique !). Il pense qu’il vaudrait mieux qu’ils trouvent un plus grand appartement.  Mais Laïa, poussée par cet amoureux qui voit en elle une future grande architecte internationale, veut d’abord et avant tout se faire une place importante dans ce projet, quitte à tout faire pour que Diane n’aille pas au Japon avec Benoît.
Les mécanismes d’essai de domination, à la fois professionnelle mais aussi sexuelle, vont donc fonctionner à plein régime. Enfin pas du tout  sur le plan dramaturgique. Diane plus âgée qu’elle voit clair dans le jeu de Laïa, sans scrupule et très arriviste et l’invite à aller boire un verre. Mais, malgré une certaine complicité féminine, il y a dans l’air, une guerre sans merci pour conquérir le pouvoir. Au départ, nous sommes dans le trio classique de deux femmes et d’un homme comme ici, ou de deux hommes et d’une femme : un filon largement exploité depuis plus d’un siècle par le théâtre, surtout par celui dit, de boulevard.
Puis si nous avons bien compris, le trio, au lieu des deux associés prévus (pourquoi?) va au Japon pour rencontrer enfin Toshi, une star de l’architecture qui les avait autrefois virés de son agence. Mais il a semble-t-il, la maîtrise du projet et ils vont devoir travailler avec lui. Mais ce vieil architecte qui semble avoir des vues sur Laïa, se lave et va passer couvert de sang. Là aussi comprenne qui pourra? Il ne respectera pas ses engagements et tout finira par une tuerie généralisée. Sans doute pour dire que «les temporalités s’entremêlent, le crime se dévoile et révèle les mécanismes de pouvoir et de domination sexuelle qui se transmettent inconsciemment de génération en génération. »Bon!

Nous avons vite décroché devant ce scénario mal ficelé et peu clair où un réalisme élémentaire de comédie classique va céder la place à un machin gore avec du sang qui coule avec un onsen ( bain chaud japonais) dans une cuisine au plancher en ruine. D’où sortira ensuite la queue d’un thon… Et, à la fin, le sol de l’agence sera couvert de sang partout et l’espace réel disparaîtra si nous avons bien compris, au profit d’un onirisme teinté de surréalisme… Ou comme dit le vieux proverbe cantalien, ourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué?
Cette « inversion progressive de l’espace», imaginée avec une certaine prétention par l’autrice, ne fonctionne pas et il faut se pincer pour voir que « les restes de l’agence d’architecture de la première partie deviendront les restes de la mémoire de l’agence japonaise. » Bref, « ces questionnement très actuels » selon Charlotte Lagrange nous ont laissé de marbre.

La scénographie bien construite avec nombre de marches un peu partout, est au diapason, c’est à dire aussi compliquée que le scénario, ce qui ne facilite pas la circulation des acteurs. Charlotte Lagrange assure aussi la mise en scène et n’a pas oublié de faire envoyer des fumigènes à gogo ( les vapeurs de l’onsen?) et de munir ses acteurs de micros HF. Le truc à la mode qui n’arrange jamais les choses. Elle dirige comme elle peut ses acteurs, c’est à dire pas bien et sans beaucoup de rythme. Clara Lama Schmit (Diane) et Julie Pilod ( Laïa) ont de l’énergie et arrivent à être crédibles, malgré un dialogue assez plat à hauteur de Plus belle la vie. Rodolphe Poulain, lui, semble moins à l’aise dans la peau de cet Etienne, architecte désabusé qui se fait rouler par sa jeune collaboratrice. Gen Shimaoka a une belle silhouette mais un fort accent japonais : on le comprend donc très mal !

Que sauver de ce texte assez vite ennuyeux -du genre kaléidoscopique mais mal maîtrisé- auquel il manque un fil rouge (pas sanguin !)? Peut-être quelques brèves scènes entre Etienne et Diane, ou encore entre Laïa et Etienne. Pour le reste, ce mélange de temps et d’espaces différents avec ce couteau plein de sang qui revient comme un leit-motiv pas du genre léger et un scénario qui part en vrille, ne nous ont pas convaincu. Les spectateurs semblaient patients mais tétanisés et ont applaudi très mollement cette pièce indigeste dont on peut se demander comment elle a pu avoir les honneurs de Théâtre Ouvert.
Charlotte Lagrange déclare assez prétentieusement qu’ « en travaillant sur des temporalité mêlées, j’aimerais savoir comment on hérite d’une idéologie qui s’est inscrite dans les parties souterraines de nos êtres et de nos perceptions du monde, »(…) Tous aux abris !
Libre à elle de se poser toutes les questions esthético-métaphysico-morales sur fond de sauce japonisant, par écrit et dans le sabir qu’elle souhaite, mais surtout pas dans un dialogue sur un plateau et en laissant le public sur la route.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 19 mars, Théâtre Ouvert 159 avenue Gambetta, Paris XX ème. . T. : 01 42 55 55 50.

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