A Bruxelles, Contredanse priée de partir !

A Bruxelles, Contredanse priée de partir !

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 Contredanse, est un centre de documentation danse contemporaine financé par la Communauté française de Belgique et situé à Bruxelles. Il fournit aux chorégraphes et danseurs des outils et des ressources en fournissant de la documentation sur la philosophie du mouvement, du corps, de la composition et une histoire de  cet art  discipline. Leurs services comprennent la fourniture d’informations sur le secteur, les formations, l’édition et la documentation.

Oui, mais voilà, Contredanse a été réellement prié de quitter ses locaux actuels de la Bellone: soit des bureaux et lieux de travail, une importante médiathèque dans un un ancien et bel immeuble avec une cour intérieure  vitrée. « Nous avons appris de manière brutale, disent ses responsables,  l’annonce de notre expulsion de la Maison du Spectacle à La Bellone, alors que nous venions de terminer la rénovation de notre centre de documentation et de nos bureaux. Dans moins de six mois, nous devrions avoir vidé nos espaces hébergés depuis plus de trente-trois ans dans cette Maison qui a pour vocation de rassembler les arts vivants au cœur de Bruxelles. Nous restons abasourdis par l’absence de concertation et de considération. Mais nous sommes confiants dans l’état de droit qui protège de toutes formes d’abus. »

De nombreux chorégraphes et danseurs ont été scandalisés par cette décision quant à la place donnée à la danse à la Maison du spectacle à Bruxelles. « Attaquer Contredanse, dit la RAC, c’est fragiliser tout le milieu de la création chorégraphique à Bruxelles et en Wallonie, mais aussi les nombreux réseaux internationaux tissés au fil des rencontres, ateliers, évènements et collaborations. 

« Contredanse a été créée pour donner une voix aux danseuses et danseurs, et préserver et valoriser leurs créations dit encore son équipe, et nous comptons bien poursuivre. Si vous souhaitez soutenir Contredanse et surtout ce qu’elle représente pour vous, nous vous invitons à signer la pétition initiée par la RAC, ouverte à toute personne concernée, avant ce dimanche 20 mars. Merci pour tous vos mots précieux qui donnent force à la danse. »

Bernard Rémy

PÉTITION

Archive pour 18 mars, 2022

Festival Vagamondes: ouverture de la dixième édition

Festival Vagamondes: ouverture de la dixième édition

Le Cabaret de l Espace (c) photo Miguel Santos - design Agence Buildozer

Sofiane Saidi Cabaret de l’espace
© Miguel Santos

Treize spectacles, des films et des expositions…La Filature à Mulhouse invite le public à méditer sur la question, plus actuelle que jamais, des frontières. Prises au sens large: géographiques, culturelles, genrées, linguistiques, et celles qui séparent l’homme, de la nature et du règne animal.  Tourné vers les pays du Sud, à sa création à Evry par Monica Guillouet-Gélys qui l’a transporté à La Filature quand elle en avait pris la direction, ce festival s’ouvre «sur un monde en mouvement que les artistes nous proposent de regarder à travers leurs yeux», dit Benoît André, son nouveau directeur. Deux expositions symbolisent cette notion de frontière et brouillent les pistes de manière déroutante : l’une entre l’homme et ses avatars, l’autre entre les genres.

 Une belle entrée en matière avec aussi un concert d’ouverture orchestré par le «prince du raï », Sofiane Saidi. Son Cabaret de l’espace rassemble Malik Djoudi dont la voix détimbrée et mélancolique s’oppose à l’exubérance de la chanteuse marocaine Oum.  Il accueille aussi l’interprète et parolière Flèche Love. Née d’un père suisse et d’une mère d’origine algérienne, Amina Cadelli a fait ses débuts avec Kadebostany, un groupe électro helvète et a été confrontée au sexisme du milieu musical «dans un pays qui n’a pas eu son #MeToo et a revendiqué son identité queer. Puis elle a émergé en solo en 2015, sous le nom de Flèche Love : « comme un mantra d’amour gravé dans ma chair » (flesh en anglais), pour répandre bienveillance et tolérance. Autant d’artistes à découvrir au singulier.

Les expositions

La Ville numérique de Stanza

 Sur la mezzanine de cet immense bâtiment de verre, un modèle réduit d’une étrange mégalopole composée d’entrailles d’ordinateurs, parcourue de circuits imprimés et câbles multicolores. A notre approche, des lumières clignotent, des rotors captent nos mouvements et jusqu’aux données de nos téléphones mobiles.

Inspiré par l’installation massive de caméras de surveillance à Londres en 2010, l’artiste britannique s’interroge sur ces villes du futur contrôlées et nous contrôlant, grâce à des algorithmes, plus effrayantes encore que celles de Big Brother, leur grand frère imaginé par George Orwell : «Le monde dans lequel nous allons vivre semble être un réseau de capteurs sans fil configuré pour visualiser l’espace tout autour de nous comme des mondes remplis de données. Notre monde est maintenant un monde de chiffres, de données et d’informations changeantes » La sculpture utilise ici des technologies de surveillance électronique, et, au-delà de la simple interaction avec les visiteurs, renvoie les données de caméras espionnes de plusieurs villes, en temps réel et sur des écrans intégrés à l’œuvre : « Nous sommes, dit Stanza, face à un avatar de ville électronique contrôlé par la ville réelle. ». Cette installation artistique manipule ces chiffres (…) Le monde réel est rendu virtuel et le virtuel redevient réel et exposé dans le processus. »
Nous regardons avec fascination cet assemblage savant qui s’agrandit au fil des expositions
programmées dans le monde entier. Ici, les frontières entre virtuel et humain sont abolies et l’artiste reste optimiste, rêvant d’intelligence artificielle au service de l’homme, et non d’instrument de son asservissement par des puissances malfaisantes.

 Smith

"Desidération", SMITH

« Désidération » © Smith

 Photographe, cinéaste et artiste, Smith, ex-Dorothée Smith, a capté sur pellicule des corps en mutation, le sien et d’autres… Grandi dans un milieu porté vers l’image, il a, dès ses premières photos, utilisé de vieux rouleaux de pellicule argentique trouvées chez ses parents. Ce passe-temps de jeunesse est devenu une passion et un moyen pour exprimer le flou de son identité sexuelle.Les tirages de ses œuvres exposés à La Filature -réalisées entre 2012 et 2018- sont comme nimbés de brume, non par l’effet d’un filtre mais en utilisant des pellicules périmées de vieux stocks. Dans cet accrochage chronologique, des portraits, paysages, statues sont saisis d’une torpeur voluptueuse et inquiétante.

 La question du genre tient une place non négligeable dans l’élaboration intellectuelle de ce diplômé en philosophie, puis élève  à l’École Nationale Supérieure de la Photographie: « C’est à ce moment-là que je me suis vraiment plongé dans l’histoire de la photo, que j’ai appris à faire des séries et à parler de mon travail. » Il complète son cursus au Fresnoy-Studio National des arts contemporains à Tourcoing, ce qui lui ouvre de nouvelles perspectives : «Le langage de la photographie ? Cela peut être une pensée qui s’exprime en images, en installations. Ou encore dans un film ou une performance.» Il explore dans le champ sensible de l’image, ce que les études de genre contribuent à mettre en avant:la question de l’identité imposée par la sexe biologique.De nombreux clichés ont été pris en Ukraine, pays lui-même en transition, à la recherche de son identité. En jachère. L’accrochage établit un rythme entre le surgissement de corps féminins, masculins, queer, lesbiens et autres, et la disparition progressive de statues héroïques, des monuments aux morts, figées dans leur virilité blessée, sous la poussière de l’oubli. Plus loin, des images prise à la caméra thermique métrage, Traum (Rêve mais aussi Trauma) font apparaître des fantômes comme figures transgenres. Les  métamorphoses ne se font pas sans blessures quand on change l’ordre biologique… Nous sommes sensibles à l’entre-deux de ces corps, saisis dans la troublante incertitude de leur transition, en gros plan ou comme en attente devant ces paysages aux couleurs délavées et ces zones-frontières en ruine…

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« Traum  » © SMITH

 Artiste-phare des dernières rencontres internationales de la photographie à Arles, exposé dans la grande halle, Smith est associé à La Filature et y présentera une deuxième exposition : Désidération où il abordera la possible connexion de l’homme au cosmos: «Notre civilisation semble avoir perdu quelque chose de fondamental dans son rapport quotidien avec le ciel étoilé. En explorant la porosité des pratiques artistiques, scientifiques, de la philosophie et des narrations spéculatives, Désidération propose une autre mythologie du spatial. À la fois remédiation au désastre contemporain, au capitalisme tardif, à l’anthropocène terrifiant. Ainsi, avec la figure terrestre d’Anamanda Sîn, nous découvrirons une nouvelle sensibilité où les météorites constituent le lien entre le passé et l’avenir, la terre et le ciel, l’art et la science, le non-humain et l’humain, la mélancolie et le désir. »

 Mireille Davidovici

 Vagamondes, jusqu’au 27 mars, La Filature, 20 allée Nathan Katz, Mulhouse (Haut-Rhin). T. 03 89 36 28 28.

 De Smith : Löyly, monographie, éditions Filigranes (2013). Saturnium, éditions Actes Sud ; Astoblème, éditions Filigranes (2018)  et Valparaiso (si tu pleux) éditions André frères (2019).

Une lettre de Victor Hugo

Une lettre de Victor Hugo

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L’une de nos fidèles  lectrices relisant Victor Hugo, a retrouvé cette lettre étonnante du 11 février 1863. Il habita sa Hauteville House à Guernesey, durant ses dernières quatorze années d’exil. Il y écrivit notamment Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, L’Homme qui rit, La Légende des siècles, Théâtre en liberté... Il répondait à l’appel du grand écrivain russe Alexandre Herzen: «Grand frère, au secours!» L’armée tsariste en effet réprimait un soulèvement en Pologne dont elle occupait une partie… 

Soldats russes, redevenez des hommes.

Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la. Pendant qu’il en est temps encore, écoutez : Si vous continuez cette guerre sauvage ; si, vous, officiers, qui êtes de nobles cœurs, mais qu’un caprice peut dégrader et jeter en Sibérie ; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd’hui, violemment arrachés à vos mères, à vos fiancées, à vos familles, sujets du knout, maltraités, mal nourris, condamnés pour de longues années et pour un temps indéfini au service militaire, plus dur en Russie que le bagne ailleurs ; si, vous qui êtes des victimes, vous prenez parti contre les victimes ; si, à l’heure sainte où la Pologne vénérable se dresse, à l’heure suprême ou le choix vous est donné entre Pétersbourg où est le tyran et Varsovie où est la liberté ; si, dans ce conflit décisif, vous méconnaissez votre devoir, votre devoir unique, la fraternité ; si vous faites cause commune contre les Polonais avec le czar, leur bourreau et le vôtre; si, opprimés, vous n’avez tiré de l’oppression d’autre leçon que de soutenir l’oppresseur ; si de votre malheur vous faites votre honte ; si, vous qui avez l’épée à la main, vous mettez au service du despotisme, monstre lourd et faible qui vous écrase tous, russes aussi bien que polonais, votre force aveugle et dupe ; si, au lieu de vous retourner et de faire face au boucher des nations, vous accablez lâchement, sous la supériorité des armes et du nombre, ces héroïques populations désespérées, réclamant le premier des droits, le droit à la patrie ; si, en plein dix-neuvième siècle, vous consommez l’assassinat de la Pologne, si vous faites cela, sachez-le, hommes de l’armée russe, vous tomberez, ce qui semble impossible, au-dessous même des bandes américaines du sud, et vous soulèverez l’exécration du monde civilisé ! Les crimes de la force sont et restent des crimes ; l’horreur publique est une pénalité.

Soldats russes, inspirez-vous des Polonais, ne les combattez pas. Ce que vous avez devant vous en Pologne, ce n’est pas l’ennemi, c’est l’exemple.

Victor Hugo

 

 

Augustin Mal n’est pas un assassin, texte de Julie Douard, mise en scène d’Olivier Lopez


Notre équipe et moi-même dédions ce 7.500 ème article à tous nos lecteurs qui nous suivent fidèlement depuis dix ans…
Ph. du V.


Augustin Mal n’est pas un assassin
, texte de Julie Douard, mise en scène d’Olivier Lopez

Cela se passe dans la petite salle de la Cité-Théâtre que dirige le metteur en scène de ce monologue tiré du quatrième livre de cette romancière et philosophe caennaise, vite repérée par le regretté Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L. Mais le texte a à voir de près avec le théâtre dont certains textes d’elle ont déjà été mis en scène. Julie Douard a sans doute été influencée par Marcel Proust -ce qu’a bien vu El Houcine Bouslahi chez le célèbre romancier- ce monologue intérieur a une fonction narrative mais aussi heuristique. Grâce à la parole de cet homme seul, nous découvrons un espace et un temps dans ce récit d’événements personnels. Et enfin une fonction épistémologique, puisque ce monologue intérieur nous permet d’explorer un message exprimé à la première personne, ce qui lui donnera justement un statut privilégié.

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©Virginie Meigné

Le monologue est, rappelons-le, aux origines même du théâtre mais depuis une vingtaine d’années, il a beaucoup évolué et a envahi la scène française, notamment dans le off à Avignon pas toujours pour le meilleur.  Mais il est aussi devenu un genre à part entière avec des textes remarquables, comme entre autres : Que seul un chien de Claudine Galéa, Jaz de Koffi Kwahulé, Les Règles du savoir vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce, La Mate de Flore Lefebvre des Nouettes, ou encore Clouée au sol de George Brant qu’avait magistralement interprété Pauline Bayle ( voir Le Théâtre du Blog).

Ici, nous sommes loin de la mimésis, avec ce conte ou plutôt cette réflexion silencieuse  teintée de philosophie qui s’exprime  par la voix d’un homme qui se dévoile avec une parole solitaire qui n’a rien de naturel mais qui agit comme un précipité, à un moment où il a visiblement besoin de communiquer. Cet employé de bureau ordinaire au prénom qui fait penser au célèbre grand Meaulnes d’Alain Fournier et à un nom et adjectif qui suggère des comportements jugés nuisibles, destructeurs, immoraux et/ou causes de souffrances, volontaires ou non, morales ou physiques.
Augustin Mal, ce personnage étrange et complexe, fétichiste -il collectionne les slips- est assez pervers, et presque bipolaire. Ce dont il souffre et qui augmente son mal-être surtout dans l’entreprise où il travaille: «Non pas que les relations de travail manquent de franchise, elles empruntent seulement des codes spécifiques.» Et ces codes, il est foncièrement incapable de les adopter et il croit naïvement que la propreté dont il se vante «rend la familiarité plus acceptable, surtout quand on ne peut pas s’en passer». Mais il en est bien conscient de cette contradiction qui lui rend la vie impossible : « On ne saurait caresser les cheveux de sa secrétaire ou prendre son patron dans ses bras sans soulever l’indignation de tout un service. » (…) «De même, les élans d’affection sont généralement mal perçus, au point qu’il fait souffrir les femmes. Si un homme touche un derrière amical au bureau, c’est sans intention. Le moment vaut pour lui-même et n’implique pas qu’on parle fiançailles, ce qui contrarie presque inévitablement la femme qui, à coup sûr, se renfrogne. » Bref, il est toujours en porte-à-faux et a depuis longtemps trop de comptes à régler avec le monde du travail. Mais surtout avec le sexe, le sien en particulier, et celui des femmes qui lui sont proches. A cause d’une mère envahissante?

Ici, Julie Douard  remet en question une reconstitution à l’identique du réel mais va au plus profond  de la sensibilité de cet Augustin Mal. Mais il est bien conscient de contradictions chez lui qui lui rendent la vie impossible: «On ne saurait caresser les cheveux de sa secrétaire ou prendre son patron dans ses bras sans soulever l’indignation de tout un service. (…) « De même, les élans d’affection sont généralement mal perçus, au point qu’il fait souffrir les femmes. Si un homme touche un derrière amical au bureau, c’est sans intention. Le moment vaut pour lui-même et n’implique pas qu’on parle fiançailles, ce qui contrarie presque inévitablement la femme qui, à coup sûr, se renfrogne. » Bref, il est toujours en porte-à-faux et a depuis longtemps trop de comptes à régler avec le monde du travail et avec le sexe, le sien en particulier et celui des femmes.

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©Virginie Meigné

Egocentrique, il essaye de se croire heureux en satisfaisant au mieux pour lui c’est-à-dire au moins bien, et ses envies.  Sans arriver pour autant à un quelconque petit bonheur. Même en faisant de son récit une sorte de thérapie. Il peut comme le dit Julie Douard, « rendre le réel supportable ». Et il a une obsession pour tout ce qui touche au corps, un thème récurrent dans ce texte: celui d’un caniche, d’une truie ou d’un dauphin. Mais il est aussi fasciné par le sang noir trouvé sur un slip d’homme.  Et remarque  sa langue à lui « un peu terne »  et celle d’une femme au «corps comme un bijou ». Ou encore la « petite langue d’une fille qui joue les essuie-glace avec les dents du haut . Et cet homme plus très jeune a conscience que: «Bientôt, j’aurai des rides et des problèmes de foie. Des bosses me viendront, mes cheveux blanchiront. » «Je la ferai rire en lui touchant les seins. » «Les fesses, c’est un souci du soir. » «Mes doigts sont le plus ingénieux des médecins, ils me désignent les kystes, m’interpellent sur les plaies. » «Ça m’a énervé alors je lui ai crié que je saignais pas du cul et que le sien était gros. « un mâle dans la force de l’âge qui respire fort de la bouche et du torse. Bref, il y a en lui  une misogynie bien ancrée. « Rien de tel pour exciter les femmes dérangées qui courent après leur perte. Elles reniflent la braise et rêvent de se brûler. Mais les femmes et les hommes, c’est du pareil au même, de la chair à pâtée, quelques mauvaises odeurs et tous ces résidus éparpillés partout. »

Reste à interpréter, sans tomber dans le pathos et le racolage,  ni rendre antipathique ce «sale type», comme dit François Bureloup, très bien dirigé ici par Olivier Lopez. Sur le plateau, un tabouret haut à pied unique Ikéa, banal comme ce personnage qui s’y assied parfois et une mallette d’où il extrait une bouteille d’eau pour se rafraîchir un peu.

Derrière lui, un écran blanc qui changera de couleur façon Bob Wilson, pour aérer un peu les choses. Et cet excellent acteur sait rendre crédible le parcours de cet Augustin Mal, un être douloureux qui traîne avec lui un lourd passé sur fond d’inceste, jusqu’à le rendre acceptable, voire presque attachant, en particulier quand il réussit, après avoir fréquenté un cercle de parole, à emmener chez lui une certaine Gigi, une femme  avec laquelle il a une aventure dont nous nous révélerons pas la fin.

François Bureloup, la cinquantaine, a joué dans de nombreux films et séries télé et aussi au théâtre dans Trois hommes et un couffin, il y a quelques années. Il se dit autodidacte mais a sans doute beaucoup appris. Et il a tout le solide métier nécessaire pour jouer un monologue aussi fort mais difficile, avec ces longues phrases proustiennes éblouissantes de virtuosité mais qu’il faut se mettre en bouche, comme disent les acteurs. Sont ici remarquables d’efficacité son intelligence absolue du texte, sa concentration, sa gestuelle et sa diction, sa présence sur le plateau: ici, tout est dans l’axe. François Bureloup demande humblement que le public accepte ce personnage et l’entoure, sinon d’affection, d’au moins d’un regard salvateur et qu’il n’oublie pas qu’Augustin Mal n’est pas un assassin.» Qu’il se rassure, c’est mission accomplie et il n’est pas si fréquent au théâtre qu’il y ait une telle complicité entre une autrice, un metteur en scène et un acteur. Et cette phrase du grand dramaturge japonais Chikamatsu Monzeamon ne nous a jamais paru aussi juste: «L’art du théâtre se situe dans un espace entre une vérité qui n’est pas une vérité, et un mensonge qui n’est pas un mensonge.» Le public caennais a bien de la chance et a applaudi chaleureusement ce court mais magnifique spectacle.

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 1er avril, La Cité Théâtre, 28 rue de Bretagne, Caen (Calvados).

Le 29 avril saison culturelle à Merceville-Franceville (Calvados).

Théâtre des Halles, festival off d’Avignon, tout le mois de juillet prochain.

Du 7 au 11 novembre, Le Volcan Le Havre ( Seine-Maritime).

 

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