Babel Habile par la compagnie Pôle K

Babel Habile par la compagnie Pôle K

 Troisième épisode de la série Paysage Intérieur, avec un voyage dans l’univers, de la création du monde à l’apparition de l’homme, en passant par l’origine du langage, les évolutions du corps et la logique du sens. Le deuxième Ecce homo créé en il y a deux ans était une allégorie de la naissance de l’Homme moderne, depuis la création de la cellule, jusqu’à l’Homo sapiens sapiens. Pointant nos origines animales pour mieux nous rappeler d’où nous venons. En une vingtaine de minutes, un extrait de ce Babel Habile -un beau titre- a été présenté en sortie de résidence sur l’Esplanade Renée Lebas (1917-2009), du nom de cette chanteuse un peu oubliée qui créa La Mer de Charles Trenet et chantera Elle tourne… la Terre de Léo Ferré mais aussi Charles Aznavour, Jacques Brel, Francis Carco, Boris Vian et Francis Lemarque, etc.

© Ph. du V.

© Ph. du V.

La compagnie s’interroge sur les origines du langage le langage humain apparu entre 350.000 et 150.000 ans chez l’homo sapiens et l’apparition des mots. Sous le soleil printanier, une centaine de spectateurs dont de nombreux enfants devant une petite caravane à deux fenêtres, astucieusement transformée à l’intérieur en scène avec ce qu’il faut d’ordinateurs, avec murs en inox qui font miroir avec l’image de cette belle petite place arborée. Pas nouveau… mais cela fait toujours plaisir.
Karim Sebbar qui vient, dit-il, de la danse contemporaine, rappelle que nous venons tous du poisson. Il en a la tête et va d’abord peindre des traits blancs sur la caravane puis il monte sur une sorte de spirale en fer installée sur le toit. Probablement, une métaphore de la naissance de l’être humain sorti de la mer. Il dépose sa tête de poisson et redescend au sol en humain.
A l’intérieur, une comédienne au micro produit des borborygmes, puis on entend le bruit intense de rafales de vent, des flocons de neige s’échappent d’un souffleur installé sur le toit de la caravane, aussitôt recueillie par les enfants. La femme sort à l’extérieur, un cube en inox en guise de tête…

C’est une sortie de résidence, comme on dit maintenant: autrement dit, la répétition d’une partie d’un spectacle de rue, encore très brut de décoffrage, avec parfois de belles images sur cette allégorie de la naissance du langage. A suivre…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 19 mars, Esplanade Renée Lebas, Paris (XI ème)


Archive pour mars, 2022

La Faculté des rêves de Sara Stridsberg, mise en scène de Christophe Rauck

La Faculté des rêves de Sara Stridsberg, mise en scène de Christophe Rauck

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Cécile Garcia Fogel, Marie-Armelle Deguy © Geraldine Aresteanu

«Je me suis mise à rêver d’une fille fictive qui ressemblait de moins en moins à la Valérie Solanas historique», dit la romancière suédoise. Aujourd’hui revendiquée par les mouvements féministes radicaux, Valérie Solanas mourut en 1988, à cinquante-deux ans, seule et miséreuse dans un hôtel sordide à San Francisco où on retrouva son corps plusieurs jours après son décès.
Elle écrit dans 
SCUM manifesto ( Society for Cutting Up Men (Société pour Châtrer les Hommes) : «Vivre dans cette société, c’est, au mieux, y mourir d’ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu’à renverser le gouvernement, en finir avec l’argent, instaurer l’automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin. » Un pamphlet contre le patriarcat, plus qu’un livre féministe, un des seuls textes d’elle qui subsiste, sa mère Dorothy ayant brûlé tous ses manuscrits.

 Mais Valérie Solanas est aussi connue pour avoir tiré à bout portant sur Andy Warhol, dont elle fut un temps l’égérie. Elle l’accusait de lui avoir volé sa pièce Up your ass (Dans ton cul), après lui avoir promis de la produire. L’artiste resta longtemps dans le coma et conserva des séquelles de sa blessure. Il refusera pourtant de témoigner au procès intenté contre elle par l’État de New York. Elle fut internée dans un hôpital psychiatrique, ce qui précipita sa chute. C’est par des bribes du procès que débute le spectacle, dont les minutes fictives ponctuent les épisodes de la pièce. Une adaptation d’une biographie romancée de quatre cent cinquante pages,  à la chronologie et la géographie bousculées …

 Comme Sara Stridsberg qui réinvente la vie de Valérie Solanas, Christophe Rauck nous plonge dans une Amérique patriarcale avec des allers et retours de Ventor en 1945, un trou perdu où elle est née et où vit sa mère Dorothy ; de l’hôtel Bristol à San Francisco, en 1988, à la Factory d’Andy Warhol et au Chelsea Hotel des années soixante. On suit l’héroïne à l’Université du Maryland où elle finance ses études en se prostituant. Elle y découvre l’amour de sa vie, l’enragée et suicidaire Cosmogirl. On la retrouve aussi dans plusieurs hôpitaux psychiatriques, face à des médecins ( joués par Marie-Armelle Deguy ) auxquels elle dame le pion …

 Pour faire coexister tous ces lieux, comme autant de fenêtres ouvertes sur cette vie aux multiples facettes, Aurélie Thomas a imaginé une scénographie non figurative et géométrique: un espace vide au sol architecturé en triangles, souligné par des tubes lumineux dessinant des lignes de fuite colorées. Un peu décentré, un grand écran vitré avec des châssis qui s’opacifient un par un, ou pas, et sur lequel des textes et images sont projetés pour situer les séquences. Au lointain, seul élément concert, une balancelle, lieu du viol, dont la description revient comme un leitmotiv dans la pièce. Un espace de jeu épuré ouvert à l’imaginaire. 

Plutôt que de monter la pièce que l’écrivaine avait tirée de son roman, Christophe Rauck  a choisi de revenir à l’original et l’adaptation  qu’il a demandée à Lucas Samain respecte la composition éclatée du roman où se mêlent réel et imaginaire. L’autrice se projette en narratrice au chevet d’une Valérie mourante et dialogue avec elle. Elle lui prête des répliques devant le Tribunal ou lui invente des moments de tendresse avec sa mère ou son amoureuse … «J’ai été ensorcelée par le paradoxe de Valérie Solanas, dit Sarah Stridsberg : pute et intellectuelle, misanthrope utopique, enfant sans enfance, elle est le mouvement de libération des femmes, sans les femmes. Elle est le triomphe absolu et la défaite définitive.»

 Il fallait une actrice de la trempe de Cécile Garcia-Fogel pour traduire des registres aussi complexes, sans jamais perdre de sa sincérité. Petite fille aimante auprès d’une mère inconséquente (Marie-Armelle Deguy, séduisante et évaporée), enfant blessée par le viol, brillante doctorante en biologie, prostituée frigide, féministe avant la lettre, miséreuse à l’affut de quelques dollars ou d’un sandwich, artiste de la Factory, délirante, paranoïaque et bourrée d’amphétamines. Une femme dure mais fragile, digne et pugnace jusque dans sa détresse.  La haine incarnée et la solitude même… 

Les scènes courtes, tuilées en un tempo sans faille, malgré quelques baisses de régime, nous font vivre avec intensité la tragédie américaine d’une étoile éphémère qui s’éteint dans l’oubli. Un spectacle surprenant qui  nous donne envie de revenir aux sources.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 8 avril, Théâtre des Amandiers Nanterre, 7 avenue Pablo Picasso Nanterre (Hauts de Seine) T 01 46 14 70 00

RER A Nanterre Préfecture et navette

13 et 14 avril, L’Onde, Théâtre Centre d’Art  Vélizy (Yvelines)

 La Faculté des rêves, traduction de Jean-Baptiste Coursaud, éditions Stock, et en poche .

 SCUM manifesto, éditions Mille et une nuits, a été auto-édité par Valérie Solanas en 1967, avant d’être publié par Maurice Girodias chez Olympia Press.

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78- 2, texte et mise en scène de Bryan Polach

78-2, texte et mise en scène de Bryan Polach

Le spectacle est repris jusqu’au 21 janvier 2023 au Théâtre Paris Villette.

Trois chiffres inconnus de la plupart des Français mais qui les concernent tous: ceux de l’article du code de procédure pénale définissant les conditions de contrôles d’identité. Normalement sur réquisition du procureur de la République, selon les dispositions de cet article 78-2, alinéa 7, du Code de procédure pénale. Mais qui est autorisé à les faire sur tout le territoire? Qui en la responsabilité juridique et qui est concerné? Comment et pourquoi dérapent-ils quelquefois? Ils peuvent être faits par la police judiciaire dans le contexte d’une infraction, ou par la Police administrative pour prévenir des infractions. Mais, généralisés et discrétionnaires,  ils sont alors illégaux, ou autorisés seulement dans certaines zones et en cas de prévention de troubles à l’ordre public. Jamais sur le fondement de l’apparence extérieure, c’est à dire au faciès ou sur le seul fait de parler une langue étrangère. »  Enfin, c’est  ce que dit la loi…

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© Hélène Harder


Mais la réalité sur le terrain est parfois toute autre! Sinon la Commission nationale de Déontologie n’aurait pas signalé avec clarté que «les contrôles répétés sur des mineurs dont l’identité est parfaitement connue des fonctionnaires -ce dont se plaignent fréquemment les jeunes de certains quartiers- sont à proscrire.  (…) De même que les contrôles sans motifs juridiques : par exemple, le fait de vouloir se soustraire à la vue d’un policier ne constitue pas en soi une menace à l’ordre public justifiant d’effectuer une telle vérification.»

Une étude réalisée en 2007 et 2008, Police et minorités visibles: les contrôles d’identité à Paris, publiée en 2009 par l’Open Society Institut sur une base de 37.833 personnes avec 57,9 % de personnes perçues comme «blanche » », 23 % comme «noires», 11,3 % comme «arabes», 4,3 % comme «asiatiques», 3,1 % comme «indo-pakistanaises» et moins de 1 % comme d’une  autre origine». Sur 525 contrôles d’identité, les Noirs se faisaient contrôler, en moyenne, six fois plus que les Blancs, et les Arabes 7,8 fois plus. Idem pour les fouilles et palpations: quatre et trois fois plus fréquentes. « Après deux ans de recherche, dit Bryan Polach, les faits sont les faits et certains nous révoltent. » Le Défenseur des droits de l’homme a critiqué à plusieurs reprises les contrôles d’identité discriminatoires et appelé à une réforme. Et il y a cinq ans, la Cour de Cassation a jugé que les interpellations policières de trois jeunes hommes constituaient une discrimination et « une faute grave engageant la responsabilité de l’État. » ( sic)

©Hélène Harder

©Hélène Harder

Bryan Palach et son équipe ont eu de nombreux entretiens avec des commissaires et hauts fonctionnaires, officiers de lice, militants et habitants victimes de ces contrôles à répétition, journalistes spécialisés. »Mais ils n’ont pu enregistrer ceux réalisés avec des fonctionnaires de police… Dommage. Comment réagissent à chaud ce qu’on appelle «les forces de l’ordre » dans ces quartiers, dits sensibles où à leur arrivée, des grille-pains, voire même des machines à laver, emballages, canettes, vieilles assiettes et détritus tombent « par hasard » des tours ? Comment avoir une vision juste de la réalité des choses, entre empathie, ou condamnation de l’un ou l’autre camp? Quelles relations peuvent avoir les habitants d’un quartier de banlieue pauvre et la police municipale, nationale, les C.R.S., la Gendarmerie, les services de sécurité de la R.A.T.P. ou de la S.N.C.F.?

Sur un tapis rouge et rond, quelques chaises aux pieds inox et en coque plastique gris fumé. Yasmine (Juliette Navis) qui défend le point de vue des policiers, Leti (Emilie Chartier), celui des habitants, Thom (Thomas Baudinot) et Laurent Evuort (Laurent) évoquent cette violence urbaine permanente à laquelle les présidents de République successifs promettent de mettre fin, alors qu’ils savent bien qu’il s’agit d’un système d’exclusion des  des Français pauvres et des immigrés, relégués hors des grands centres urbains. Mais les quatre acteurs jouent tous aussi d’autres rôles.
Une histoire simple et tragique: Thom était policier. Il ne se souvient de rien et reste handicapé mais croit avoir reçu une pierre ou un objet sur la tête quand il était en fonction et depuis, a quitté la police.  Ce soir, à une fête chez des amis, il rencontre une jeune femme qu’il ne semble pas connaître mais elle lui dira avoir été impliquée dans une bavure, vite étouffée par sa hiérarchie. Elle a, en fait, tiré un coup de flash-ball par erreur sur lui et nous entendrons au téléphone, une voix lisant la liste de victimes de violences, dont Adama Traoré, mort après un violent placage au sol en 2016. Glaçant. Dans cette dernière affaire, une nouvelle contre-expertise médicale conclura à la responsabilité des gendarmes de notre douce France…

Des tas d’objets se mettent alors à tomber des cintres. Comme si la réalité tout d’un coup rattrapait la fiction dans cet appartement qui n’est pas épargné par la violence.  Le texte, bien documenté, souffre parfois d’un manque d’écriture, même s’il a reçu l’aide de Beaumarchais S.A.C.D.  -le théâtre d’agit-prop n’est pas un genre facile- mais est bien mis en scène, avec rythme et précision, par son auteur. Nous oublierons ce tapis rouge vif et grossièrement symbolique et ces chaises assez laides. Les scènes de bagarre et les placages au sol sont  réussies mais la direction d’acteurs n’est pas toujours bien maîtrisée: trop de criailleries chez Laurent Evuort et Emilie Chartier a parfois une diction approximative…
Mention spéciale à Juliette Navis, solide et convaincante quand elle défend les forces de l’ordre et à Thomas Badinot, impeccable dans le rôle de cet ancien flic esquinté à vie. Il faudra suivre le travail de cette compagnie implantée dans le Cher.

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 8 au 18 mars au Théâtre 13, 30 rue du Chevaleret, Paris (XIII ème). T. : 01 45 88 62 22.

Les 23 et 24 novembre, Théâtre Olympia-Centre Dramatique National de Tours (Indre-et-Loire).

Du 11 au 21 janvier 2023, Théâtre-Paris Villette, Paris (XIX ème).

Et le 11 mars, Théâtre de Brétigny-sur-Orge, (Essonne).

A Bruxelles, Contredanse priée de partir !

A Bruxelles, Contredanse priée de partir !

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 Contredanse, est un centre de documentation danse contemporaine financé par la Communauté française de Belgique et situé à Bruxelles. Il fournit aux chorégraphes et danseurs des outils et des ressources en fournissant de la documentation sur la philosophie du mouvement, du corps, de la composition et une histoire de  cet art  discipline. Leurs services comprennent la fourniture d’informations sur le secteur, les formations, l’édition et la documentation.

Oui, mais voilà, Contredanse a été réellement prié de quitter ses locaux actuels de la Bellone: soit des bureaux et lieux de travail, une importante médiathèque dans un un ancien et bel immeuble avec une cour intérieure  vitrée. « Nous avons appris de manière brutale, disent ses responsables,  l’annonce de notre expulsion de la Maison du Spectacle à La Bellone, alors que nous venions de terminer la rénovation de notre centre de documentation et de nos bureaux. Dans moins de six mois, nous devrions avoir vidé nos espaces hébergés depuis plus de trente-trois ans dans cette Maison qui a pour vocation de rassembler les arts vivants au cœur de Bruxelles. Nous restons abasourdis par l’absence de concertation et de considération. Mais nous sommes confiants dans l’état de droit qui protège de toutes formes d’abus. »

De nombreux chorégraphes et danseurs ont été scandalisés par cette décision quant à la place donnée à la danse à la Maison du spectacle à Bruxelles. « Attaquer Contredanse, dit la RAC, c’est fragiliser tout le milieu de la création chorégraphique à Bruxelles et en Wallonie, mais aussi les nombreux réseaux internationaux tissés au fil des rencontres, ateliers, évènements et collaborations. 

« Contredanse a été créée pour donner une voix aux danseuses et danseurs, et préserver et valoriser leurs créations dit encore son équipe, et nous comptons bien poursuivre. Si vous souhaitez soutenir Contredanse et surtout ce qu’elle représente pour vous, nous vous invitons à signer la pétition initiée par la RAC, ouverte à toute personne concernée, avant ce dimanche 20 mars. Merci pour tous vos mots précieux qui donnent force à la danse. »

Bernard Rémy

PÉTITION

Festival Vagamondes: ouverture de la dixième édition

Festival Vagamondes: ouverture de la dixième édition

Le Cabaret de l Espace (c) photo Miguel Santos - design Agence Buildozer

Sofiane Saidi Cabaret de l’espace
© Miguel Santos

Treize spectacles, des films et des expositions…La Filature à Mulhouse invite le public à méditer sur la question, plus actuelle que jamais, des frontières. Prises au sens large: géographiques, culturelles, genrées, linguistiques, et celles qui séparent l’homme, de la nature et du règne animal.  Tourné vers les pays du Sud, à sa création à Evry par Monica Guillouet-Gélys qui l’a transporté à La Filature quand elle en avait pris la direction, ce festival s’ouvre «sur un monde en mouvement que les artistes nous proposent de regarder à travers leurs yeux», dit Benoît André, son nouveau directeur. Deux expositions symbolisent cette notion de frontière et brouillent les pistes de manière déroutante : l’une entre l’homme et ses avatars, l’autre entre les genres.

 Une belle entrée en matière avec aussi un concert d’ouverture orchestré par le «prince du raï », Sofiane Saidi. Son Cabaret de l’espace rassemble Malik Djoudi dont la voix détimbrée et mélancolique s’oppose à l’exubérance de la chanteuse marocaine Oum.  Il accueille aussi l’interprète et parolière Flèche Love. Née d’un père suisse et d’une mère d’origine algérienne, Amina Cadelli a fait ses débuts avec Kadebostany, un groupe électro helvète et a été confrontée au sexisme du milieu musical «dans un pays qui n’a pas eu son #MeToo et a revendiqué son identité queer. Puis elle a émergé en solo en 2015, sous le nom de Flèche Love : « comme un mantra d’amour gravé dans ma chair » (flesh en anglais), pour répandre bienveillance et tolérance. Autant d’artistes à découvrir au singulier.

Les expositions

La Ville numérique de Stanza

 Sur la mezzanine de cet immense bâtiment de verre, un modèle réduit d’une étrange mégalopole composée d’entrailles d’ordinateurs, parcourue de circuits imprimés et câbles multicolores. A notre approche, des lumières clignotent, des rotors captent nos mouvements et jusqu’aux données de nos téléphones mobiles.

Inspiré par l’installation massive de caméras de surveillance à Londres en 2010, l’artiste britannique s’interroge sur ces villes du futur contrôlées et nous contrôlant, grâce à des algorithmes, plus effrayantes encore que celles de Big Brother, leur grand frère imaginé par George Orwell : «Le monde dans lequel nous allons vivre semble être un réseau de capteurs sans fil configuré pour visualiser l’espace tout autour de nous comme des mondes remplis de données. Notre monde est maintenant un monde de chiffres, de données et d’informations changeantes » La sculpture utilise ici des technologies de surveillance électronique, et, au-delà de la simple interaction avec les visiteurs, renvoie les données de caméras espionnes de plusieurs villes, en temps réel et sur des écrans intégrés à l’œuvre : « Nous sommes, dit Stanza, face à un avatar de ville électronique contrôlé par la ville réelle. ». Cette installation artistique manipule ces chiffres (…) Le monde réel est rendu virtuel et le virtuel redevient réel et exposé dans le processus. »
Nous regardons avec fascination cet assemblage savant qui s’agrandit au fil des expositions
programmées dans le monde entier. Ici, les frontières entre virtuel et humain sont abolies et l’artiste reste optimiste, rêvant d’intelligence artificielle au service de l’homme, et non d’instrument de son asservissement par des puissances malfaisantes.

 Smith

"Desidération", SMITH

« Désidération » © Smith

 Photographe, cinéaste et artiste, Smith, ex-Dorothée Smith, a capté sur pellicule des corps en mutation, le sien et d’autres… Grandi dans un milieu porté vers l’image, il a, dès ses premières photos, utilisé de vieux rouleaux de pellicule argentique trouvées chez ses parents. Ce passe-temps de jeunesse est devenu une passion et un moyen pour exprimer le flou de son identité sexuelle.Les tirages de ses œuvres exposés à La Filature -réalisées entre 2012 et 2018- sont comme nimbés de brume, non par l’effet d’un filtre mais en utilisant des pellicules périmées de vieux stocks. Dans cet accrochage chronologique, des portraits, paysages, statues sont saisis d’une torpeur voluptueuse et inquiétante.

 La question du genre tient une place non négligeable dans l’élaboration intellectuelle de ce diplômé en philosophie, puis élève  à l’École Nationale Supérieure de la Photographie: « C’est à ce moment-là que je me suis vraiment plongé dans l’histoire de la photo, que j’ai appris à faire des séries et à parler de mon travail. » Il complète son cursus au Fresnoy-Studio National des arts contemporains à Tourcoing, ce qui lui ouvre de nouvelles perspectives : «Le langage de la photographie ? Cela peut être une pensée qui s’exprime en images, en installations. Ou encore dans un film ou une performance.» Il explore dans le champ sensible de l’image, ce que les études de genre contribuent à mettre en avant:la question de l’identité imposée par la sexe biologique.De nombreux clichés ont été pris en Ukraine, pays lui-même en transition, à la recherche de son identité. En jachère. L’accrochage établit un rythme entre le surgissement de corps féminins, masculins, queer, lesbiens et autres, et la disparition progressive de statues héroïques, des monuments aux morts, figées dans leur virilité blessée, sous la poussière de l’oubli. Plus loin, des images prise à la caméra thermique métrage, Traum (Rêve mais aussi Trauma) font apparaître des fantômes comme figures transgenres. Les  métamorphoses ne se font pas sans blessures quand on change l’ordre biologique… Nous sommes sensibles à l’entre-deux de ces corps, saisis dans la troublante incertitude de leur transition, en gros plan ou comme en attente devant ces paysages aux couleurs délavées et ces zones-frontières en ruine…

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« Traum  » © SMITH

 Artiste-phare des dernières rencontres internationales de la photographie à Arles, exposé dans la grande halle, Smith est associé à La Filature et y présentera une deuxième exposition : Désidération où il abordera la possible connexion de l’homme au cosmos: «Notre civilisation semble avoir perdu quelque chose de fondamental dans son rapport quotidien avec le ciel étoilé. En explorant la porosité des pratiques artistiques, scientifiques, de la philosophie et des narrations spéculatives, Désidération propose une autre mythologie du spatial. À la fois remédiation au désastre contemporain, au capitalisme tardif, à l’anthropocène terrifiant. Ainsi, avec la figure terrestre d’Anamanda Sîn, nous découvrirons une nouvelle sensibilité où les météorites constituent le lien entre le passé et l’avenir, la terre et le ciel, l’art et la science, le non-humain et l’humain, la mélancolie et le désir. »

 Mireille Davidovici

 Vagamondes, jusqu’au 27 mars, La Filature, 20 allée Nathan Katz, Mulhouse (Haut-Rhin). T. 03 89 36 28 28.

 De Smith : Löyly, monographie, éditions Filigranes (2013). Saturnium, éditions Actes Sud ; Astoblème, éditions Filigranes (2018)  et Valparaiso (si tu pleux) éditions André frères (2019).

Une lettre de Victor Hugo

Une lettre de Victor Hugo

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L’une de nos fidèles  lectrices relisant Victor Hugo, a retrouvé cette lettre étonnante du 11 février 1863. Il habita sa Hauteville House à Guernesey, durant ses dernières quatorze années d’exil. Il y écrivit notamment Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, L’Homme qui rit, La Légende des siècles, Théâtre en liberté... Il répondait à l’appel du grand écrivain russe Alexandre Herzen: «Grand frère, au secours!» L’armée tsariste en effet réprimait un soulèvement en Pologne dont elle occupait une partie… 

Soldats russes, redevenez des hommes.

Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la. Pendant qu’il en est temps encore, écoutez : Si vous continuez cette guerre sauvage ; si, vous, officiers, qui êtes de nobles cœurs, mais qu’un caprice peut dégrader et jeter en Sibérie ; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd’hui, violemment arrachés à vos mères, à vos fiancées, à vos familles, sujets du knout, maltraités, mal nourris, condamnés pour de longues années et pour un temps indéfini au service militaire, plus dur en Russie que le bagne ailleurs ; si, vous qui êtes des victimes, vous prenez parti contre les victimes ; si, à l’heure sainte où la Pologne vénérable se dresse, à l’heure suprême ou le choix vous est donné entre Pétersbourg où est le tyran et Varsovie où est la liberté ; si, dans ce conflit décisif, vous méconnaissez votre devoir, votre devoir unique, la fraternité ; si vous faites cause commune contre les Polonais avec le czar, leur bourreau et le vôtre; si, opprimés, vous n’avez tiré de l’oppression d’autre leçon que de soutenir l’oppresseur ; si de votre malheur vous faites votre honte ; si, vous qui avez l’épée à la main, vous mettez au service du despotisme, monstre lourd et faible qui vous écrase tous, russes aussi bien que polonais, votre force aveugle et dupe ; si, au lieu de vous retourner et de faire face au boucher des nations, vous accablez lâchement, sous la supériorité des armes et du nombre, ces héroïques populations désespérées, réclamant le premier des droits, le droit à la patrie ; si, en plein dix-neuvième siècle, vous consommez l’assassinat de la Pologne, si vous faites cela, sachez-le, hommes de l’armée russe, vous tomberez, ce qui semble impossible, au-dessous même des bandes américaines du sud, et vous soulèverez l’exécration du monde civilisé ! Les crimes de la force sont et restent des crimes ; l’horreur publique est une pénalité.

Soldats russes, inspirez-vous des Polonais, ne les combattez pas. Ce que vous avez devant vous en Pologne, ce n’est pas l’ennemi, c’est l’exemple.

Victor Hugo

 

 

Augustin Mal n’est pas un assassin, texte de Julie Douard, mise en scène d’Olivier Lopez


Notre équipe et moi-même dédions ce 7.500 ème article à tous nos lecteurs qui nous suivent fidèlement depuis dix ans…
Ph. du V.


Augustin Mal n’est pas un assassin
, texte de Julie Douard, mise en scène d’Olivier Lopez

Cela se passe dans la petite salle de la Cité-Théâtre que dirige le metteur en scène de ce monologue tiré du quatrième livre de cette romancière et philosophe caennaise, vite repérée par le regretté Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L. Mais le texte a à voir de près avec le théâtre dont certains textes d’elle ont déjà été mis en scène. Julie Douard a sans doute été influencée par Marcel Proust -ce qu’a bien vu El Houcine Bouslahi chez le célèbre romancier- ce monologue intérieur a une fonction narrative mais aussi heuristique. Grâce à la parole de cet homme seul, nous découvrons un espace et un temps dans ce récit d’événements personnels. Et enfin une fonction épistémologique, puisque ce monologue intérieur nous permet d’explorer un message exprimé à la première personne, ce qui lui donnera justement un statut privilégié.

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©Virginie Meigné

Le monologue est, rappelons-le, aux origines même du théâtre mais depuis une vingtaine d’années, il a beaucoup évolué et a envahi la scène française, notamment dans le off à Avignon pas toujours pour le meilleur.  Mais il est aussi devenu un genre à part entière avec des textes remarquables, comme entre autres : Que seul un chien de Claudine Galéa, Jaz de Koffi Kwahulé, Les Règles du savoir vivre dans la société moderne de Jean-Luc Lagarce, La Mate de Flore Lefebvre des Nouettes, ou encore Clouée au sol de George Brant qu’avait magistralement interprété Pauline Bayle ( voir Le Théâtre du Blog).

Ici, nous sommes loin de la mimésis, avec ce conte ou plutôt cette réflexion silencieuse  teintée de philosophie qui s’exprime  par la voix d’un homme qui se dévoile avec une parole solitaire qui n’a rien de naturel mais qui agit comme un précipité, à un moment où il a visiblement besoin de communiquer. Cet employé de bureau ordinaire au prénom qui fait penser au célèbre grand Meaulnes d’Alain Fournier et à un nom et adjectif qui suggère des comportements jugés nuisibles, destructeurs, immoraux et/ou causes de souffrances, volontaires ou non, morales ou physiques.
Augustin Mal, ce personnage étrange et complexe, fétichiste -il collectionne les slips- est assez pervers, et presque bipolaire. Ce dont il souffre et qui augmente son mal-être surtout dans l’entreprise où il travaille: «Non pas que les relations de travail manquent de franchise, elles empruntent seulement des codes spécifiques.» Et ces codes, il est foncièrement incapable de les adopter et il croit naïvement que la propreté dont il se vante «rend la familiarité plus acceptable, surtout quand on ne peut pas s’en passer». Mais il en est bien conscient de cette contradiction qui lui rend la vie impossible : « On ne saurait caresser les cheveux de sa secrétaire ou prendre son patron dans ses bras sans soulever l’indignation de tout un service. » (…) «De même, les élans d’affection sont généralement mal perçus, au point qu’il fait souffrir les femmes. Si un homme touche un derrière amical au bureau, c’est sans intention. Le moment vaut pour lui-même et n’implique pas qu’on parle fiançailles, ce qui contrarie presque inévitablement la femme qui, à coup sûr, se renfrogne. » Bref, il est toujours en porte-à-faux et a depuis longtemps trop de comptes à régler avec le monde du travail. Mais surtout avec le sexe, le sien en particulier, et celui des femmes qui lui sont proches. A cause d’une mère envahissante?

Ici, Julie Douard  remet en question une reconstitution à l’identique du réel mais va au plus profond  de la sensibilité de cet Augustin Mal. Mais il est bien conscient de contradictions chez lui qui lui rendent la vie impossible: «On ne saurait caresser les cheveux de sa secrétaire ou prendre son patron dans ses bras sans soulever l’indignation de tout un service. (…) « De même, les élans d’affection sont généralement mal perçus, au point qu’il fait souffrir les femmes. Si un homme touche un derrière amical au bureau, c’est sans intention. Le moment vaut pour lui-même et n’implique pas qu’on parle fiançailles, ce qui contrarie presque inévitablement la femme qui, à coup sûr, se renfrogne. » Bref, il est toujours en porte-à-faux et a depuis longtemps trop de comptes à régler avec le monde du travail et avec le sexe, le sien en particulier et celui des femmes.

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©Virginie Meigné

Egocentrique, il essaye de se croire heureux en satisfaisant au mieux pour lui c’est-à-dire au moins bien, et ses envies.  Sans arriver pour autant à un quelconque petit bonheur. Même en faisant de son récit une sorte de thérapie. Il peut comme le dit Julie Douard, « rendre le réel supportable ». Et il a une obsession pour tout ce qui touche au corps, un thème récurrent dans ce texte: celui d’un caniche, d’une truie ou d’un dauphin. Mais il est aussi fasciné par le sang noir trouvé sur un slip d’homme.  Et remarque  sa langue à lui « un peu terne »  et celle d’une femme au «corps comme un bijou ». Ou encore la « petite langue d’une fille qui joue les essuie-glace avec les dents du haut . Et cet homme plus très jeune a conscience que: «Bientôt, j’aurai des rides et des problèmes de foie. Des bosses me viendront, mes cheveux blanchiront. » «Je la ferai rire en lui touchant les seins. » «Les fesses, c’est un souci du soir. » «Mes doigts sont le plus ingénieux des médecins, ils me désignent les kystes, m’interpellent sur les plaies. » «Ça m’a énervé alors je lui ai crié que je saignais pas du cul et que le sien était gros. « un mâle dans la force de l’âge qui respire fort de la bouche et du torse. Bref, il y a en lui  une misogynie bien ancrée. « Rien de tel pour exciter les femmes dérangées qui courent après leur perte. Elles reniflent la braise et rêvent de se brûler. Mais les femmes et les hommes, c’est du pareil au même, de la chair à pâtée, quelques mauvaises odeurs et tous ces résidus éparpillés partout. »

Reste à interpréter, sans tomber dans le pathos et le racolage,  ni rendre antipathique ce «sale type», comme dit François Bureloup, très bien dirigé ici par Olivier Lopez. Sur le plateau, un tabouret haut à pied unique Ikéa, banal comme ce personnage qui s’y assied parfois et une mallette d’où il extrait une bouteille d’eau pour se rafraîchir un peu.

Derrière lui, un écran blanc qui changera de couleur façon Bob Wilson, pour aérer un peu les choses. Et cet excellent acteur sait rendre crédible le parcours de cet Augustin Mal, un être douloureux qui traîne avec lui un lourd passé sur fond d’inceste, jusqu’à le rendre acceptable, voire presque attachant, en particulier quand il réussit, après avoir fréquenté un cercle de parole, à emmener chez lui une certaine Gigi, une femme  avec laquelle il a une aventure dont nous nous révélerons pas la fin.

François Bureloup, la cinquantaine, a joué dans de nombreux films et séries télé et aussi au théâtre dans Trois hommes et un couffin, il y a quelques années. Il se dit autodidacte mais a sans doute beaucoup appris. Et il a tout le solide métier nécessaire pour jouer un monologue aussi fort mais difficile, avec ces longues phrases proustiennes éblouissantes de virtuosité mais qu’il faut se mettre en bouche, comme disent les acteurs. Sont ici remarquables d’efficacité son intelligence absolue du texte, sa concentration, sa gestuelle et sa diction, sa présence sur le plateau: ici, tout est dans l’axe. François Bureloup demande humblement que le public accepte ce personnage et l’entoure, sinon d’affection, d’au moins d’un regard salvateur et qu’il n’oublie pas qu’Augustin Mal n’est pas un assassin.» Qu’il se rassure, c’est mission accomplie et il n’est pas si fréquent au théâtre qu’il y ait une telle complicité entre une autrice, un metteur en scène et un acteur. Et cette phrase du grand dramaturge japonais Chikamatsu Monzeamon ne nous a jamais paru aussi juste: «L’art du théâtre se situe dans un espace entre une vérité qui n’est pas une vérité, et un mensonge qui n’est pas un mensonge.» Le public caennais a bien de la chance et a applaudi chaleureusement ce court mais magnifique spectacle.

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 1er avril, La Cité Théâtre, 28 rue de Bretagne, Caen (Calvados).

Le 29 avril saison culturelle à Merceville-Franceville (Calvados).

Théâtre des Halles, festival off d’Avignon, tout le mois de juillet prochain.

Du 7 au 11 novembre, Le Volcan Le Havre ( Seine-Maritime).

 

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Edgard Mauri, magicien

© Mag Edgrac

© Mag Edgarc

Edgard Mauri, magicien 

Cet artiste très connu se souvient enfant de s’être seulement intéressé au basket. Mais quand il avait quinze ans, au milieu d’un cours de latin, un ami lui montré une carte changeant de couleur et, pour lui, c’était un truc de fou ! Il a crié à cause de l’émotion et le professeur les a exclus de la classe. Et c’est devenu une obsession pour lui d’apprendre la magie. Une obsession comme celle de son ami qui voulait acheter une moto. Et il lui a acheté des tours. « Après quelques mois, je savais comment faire de très mauvais tours et mon copain , lui, avait une très mauvaise moto! Il a ensuite fréquenté une boutique de magie à Barcelone pleine de livres et pour lui, c’était comme entrer dans un monde fantastique. Et encore aujourd’hui, il croit que l’étude de la magie par les livres est la manière la plus « romantique » de l’apprentissage. Puis il a rencontré Amilkar, Gabi Pareras, Mag Lari…

« J’ai travaillé, dit-il, dans le plus privilégié, mais aussi dans le plus dur artistiquement ; je crois qu’au milieu, se trouve l’équilibre. L’important : prendre du plaisir à ce que l’on fait. Aujourd’hui tout le monde me reconnaît comme magicien de scène : ce que je souhaitais devenir. Mais au fond de moi, je suis un artiste de close-up dont pour moi, l’essentiel sur la scène est la clarté explicative. Fred Caps, quand j’ai vu sa routine de l’Homing card, j’ai pensé qu’il était le magicien que je n’ai jamais vu. Il y a aussi Cardini et ses incroyables manipulations, Channing Pollock, Lance Burton et leurs colombes, Richiardi Jr. et son énergie, Juan Tamariz et David Copperfield, sans aucun doute le meilleur illusionniste de tous les temps. Mais mon préféré reste Doug Henning. Comme la musique des Beatles, il s’améliore avec le temps. Je pourrais le regarder des milliers de fois. »

 Edgard Mauri aime toutes sortes de magies ; comme il ne peut tout faire, il s’efforce de développer des concepts plus artistiques et théâtraux. Mais il n’est pas tendre pour la magie actuelle :« Evolutive, rapide, spectaculaire et souvent incroyable, elle est aussi vide de sens et de contenu… » Et quand on lui demande quel conseil il donnerait à un débutant, il dit que « la chose la plus importante est de vivre sa vie et d’être attentif à tout ce qui nous entoure et de s’en inspirer. Mais dit-il « les temps ont changé et les apprentissages sont différents. J’appartiens à une génération où les anciens partageaient leurs savoirs. Aujourd’hui, les débutants ont beaucoup vite plus d’informations et veulent devenir professionnels rapidement en sautant les étapes. Mon conseil : beaucoup lire, regarder et d’autres types d’art : cela nous fait grandir en tant qu’artiste, personne et magicien. »

Ceux qui veulent devenir professionnels doivent faire «un compromis moral» avec leur travail. Cela signifie :connaître l’histoire de la magie, en étudier la pratique et faire en sorte à chaque instant que les générations futures aient une meilleure image de cet art. Comme les autres si on veut se rapprocher de l’excellence, il implique un dévouement obsessionnel et total. En dehors de la magie, je m’occupe de mes chiens et je fais du piano. » 

 Sébastien Bazou

 Dijon, le 15 mars. https://magedgard.com/

 

 

Les Petits Pouvoirs, texte et mise en scène de Charlotte Lagrange

Les Petits Pouvoirs, texte et mise en scène de Charlotte Lagrange

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Cela se passe dans une petite agence d’architecture parisienne NAO que dirigent Benoît et Diane, son associée depuis longtemps. Lui a des projets important de réhabilitation de bâtiments sur une île au Japon dans un ancien fief industriel, abandonné par ses habitants.
Ils ont engagé une jeune architecte Laïa, qu’ils trouvent brillante et tout à fait compétente mais ils voient vite vite qu’elle ne leur fera aucun cadeau et qu’elle veut le pouvoir. Elle a un amoureux Sidney Alli Mehlelbed
qui ,dans leur cuisine surélevée en fond de scène  lui prépare des mets japonais ( cela se complique !). Il pense qu’il vaudrait mieux qu’ils trouvent un plus grand appartement.  Mais Laïa, poussée par cet amoureux qui voit en elle une future grande architecte internationale, veut d’abord et avant tout se faire une place importante dans ce projet, quitte à tout faire pour que Diane n’aille pas au Japon avec Benoît.
Les mécanismes d’essai de domination, à la fois professionnelle mais aussi sexuelle, vont donc fonctionner à plein régime. Enfin pas du tout  sur le plan dramaturgique. Diane plus âgée qu’elle voit clair dans le jeu de Laïa, sans scrupule et très arriviste et l’invite à aller boire un verre. Mais, malgré une certaine complicité féminine, il y a dans l’air, une guerre sans merci pour conquérir le pouvoir. Au départ, nous sommes dans le trio classique de deux femmes et d’un homme comme ici, ou de deux hommes et d’une femme : un filon largement exploité depuis plus d’un siècle par le théâtre, surtout par celui dit, de boulevard.
Puis si nous avons bien compris, le trio, au lieu des deux associés prévus (pourquoi?) va au Japon pour rencontrer enfin Toshi, une star de l’architecture qui les avait autrefois virés de son agence. Mais il a semble-t-il, la maîtrise du projet et ils vont devoir travailler avec lui. Mais ce vieil architecte qui semble avoir des vues sur Laïa, se lave et va passer couvert de sang. Là aussi comprenne qui pourra? Il ne respectera pas ses engagements et tout finira par une tuerie généralisée. Sans doute pour dire que «les temporalités s’entremêlent, le crime se dévoile et révèle les mécanismes de pouvoir et de domination sexuelle qui se transmettent inconsciemment de génération en génération. »Bon!

Nous avons vite décroché devant ce scénario mal ficelé et peu clair où un réalisme élémentaire de comédie classique va céder la place à un machin gore avec du sang qui coule avec un onsen ( bain chaud japonais) dans une cuisine au plancher en ruine. D’où sortira ensuite la queue d’un thon… Et, à la fin, le sol de l’agence sera couvert de sang partout et l’espace réel disparaîtra si nous avons bien compris, au profit d’un onirisme teinté de surréalisme… Ou comme dit le vieux proverbe cantalien, ourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué?
Cette « inversion progressive de l’espace», imaginée avec une certaine prétention par l’autrice, ne fonctionne pas et il faut se pincer pour voir que « les restes de l’agence d’architecture de la première partie deviendront les restes de la mémoire de l’agence japonaise. » Bref, « ces questionnement très actuels » selon Charlotte Lagrange nous ont laissé de marbre.

La scénographie bien construite avec nombre de marches un peu partout, est au diapason, c’est à dire aussi compliquée que le scénario, ce qui ne facilite pas la circulation des acteurs. Charlotte Lagrange assure aussi la mise en scène et n’a pas oublié de faire envoyer des fumigènes à gogo ( les vapeurs de l’onsen?) et de munir ses acteurs de micros HF. Le truc à la mode qui n’arrange jamais les choses. Elle dirige comme elle peut ses acteurs, c’est à dire pas bien et sans beaucoup de rythme. Clara Lama Schmit (Diane) et Julie Pilod ( Laïa) ont de l’énergie et arrivent à être crédibles, malgré un dialogue assez plat à hauteur de Plus belle la vie. Rodolphe Poulain, lui, semble moins à l’aise dans la peau de cet Etienne, architecte désabusé qui se fait rouler par sa jeune collaboratrice. Gen Shimaoka a une belle silhouette mais un fort accent japonais : on le comprend donc très mal !

Que sauver de ce texte assez vite ennuyeux -du genre kaléidoscopique mais mal maîtrisé- auquel il manque un fil rouge (pas sanguin !)? Peut-être quelques brèves scènes entre Etienne et Diane, ou encore entre Laïa et Etienne. Pour le reste, ce mélange de temps et d’espaces différents avec ce couteau plein de sang qui revient comme un leit-motiv pas du genre léger et un scénario qui part en vrille, ne nous ont pas convaincu. Les spectateurs semblaient patients mais tétanisés et ont applaudi très mollement cette pièce indigeste dont on peut se demander comment elle a pu avoir les honneurs de Théâtre Ouvert.
Charlotte Lagrange déclare assez prétentieusement qu’ « en travaillant sur des temporalité mêlées, j’aimerais savoir comment on hérite d’une idéologie qui s’est inscrite dans les parties souterraines de nos êtres et de nos perceptions du monde, »(…) Tous aux abris !
Libre à elle de se poser toutes les questions esthético-métaphysico-morales sur fond de sauce japonisant, par écrit et dans le sabir qu’elle souhaite, mais surtout pas dans un dialogue sur un plateau et en laissant le public sur la route.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 19 mars, Théâtre Ouvert 159 avenue Gambetta, Paris XX ème. . T. : 01 42 55 55 50.

A tous nos chers amis et chers collègues russes

 Spécial Ukraine

 

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A tous nos chers amis et chers collègues russes,

nous sommes très nombreux en France à penser à vous, à vouloir vous joindre et vous parler. Nous refusons toutes les politiques qui nous opposent, nous éloignent les uns des autres et nous conduisent à la guerre. Nous refusons qu’une nouvelle guerre froide s’installe entre nous, entre deux blocs opposés avec son cortège de menaces et de terreur.
Les Russes sont nos amis, nos frères ; nous aimons leurs écrivains, leurs artistes, nous connaissons leurs sacrifices pendant la dernier conflit mondial et nous leur en sommes immensément reconnaissants.

Aussi, nous refusons que l’on oppose nos deux peuples pour des raisons de géopolitique à courte vue. La diplomatie doit remplacer la guerre. Nous faisons appel  à vous, au dialogue qui doit s’instaurer, à la bonne volonté de tous, pour éviter que se développe la guerre et la catastrophe qui la suit. Elle n’est pas la solution. Elle apporte trop de souffrances et de rancune chez ceux qui la subissent. Unissons nos bonnes volontés pour imposer à nos dirigeants des solutions communes, des solutions humaines, respectueuses des droits des peuples. Avec vous, nous pouvons faire avancer la paix. Ne rompons pas le dialogue. Restons unis.

Nous vous envoyons nos meilleures pensées et nos salutations.

 Docteur Jean-François Rabain, psychiatre. 


Всем нашим русским друзьям и коллегам. 

Дорогие друзья, коллеги, 

 

Многие из нас здесь, во Франции, сейчас мысленно с вами, и нам очень хотелось бы с вами встретиться и поговорить.  Мы отрицаем любые политические действия, которые разводят нас по разные стороны баррикад, отдаляют нас друг от друга и, тем более, ставят всех нас на порог войны.  Мы не хотим новой холодной войны между двумя противоборствующими блоками, войны, сопровождающейся угрозами и террором. Русские люди всегда были и остаются нашими друзьями, нашими братьями.  Мы – французы – любим ваших писателей и художников, но прежде всего мы помним о принесенной вашим народом жертве во Второй мировой войне и всегда будем благодарны за это. Поэтому мы выступаем против того, чтобы геополитическая трагедия, которая, мы верим, рано или поздно закончится, сделала бы  наши народы врагами. Дипломатия должна заменить войну.  Мы обращаемся к вам  с призывом бороться всеми силами и средствами за диалог и требовать его незамедлительного начала, требовать проявления доброй воли со всех сторон, во избежание полномасштабной войны и вытекающей из неё катастрофы.   В современном мире война не может быть способом решения вопросов. Она несет слишком много страданий и горя тем, кто оказался в её жерновах. Призываем вас объединить усилия и обратиться к руководству наших стран с требованием найти обоюдные и гуманные решения, основанные на уважении к основополагающим правам человека. Вместе с вами мы сможем добиться мира. Давайте не прерывать наш диалог. Давайте держаться вместе. Шлем вам наши самые добрые пожелания,

Доктор Дж.Ф. Рабан

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