En soutien à l’Ukraine, Soirée exceptionnelle avec le Kyiv City Ballet et des danseurs du ballet de l’Opéra de Paris

Soirée exceptionnelle avec le Kyiv City Ballet et des danseurs de l’Opéra de Paris

« En ces jours sombres, dit, Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, nos pensées et tout notre soutien vont au peuple ukrainien et aux amis, aux artistes, aux proches qui sont restés sur place, mobilisés contre cette guerre. Nous proposons aux artistes, journalistes et intellectuels ukrainiens, de leur ouvrir le théâtre où nous les accueillerons fraternellement pour y créer en toute liberté. Nous travaillons avec l’ensemble de nos partenaires en France et en Europe, à créer des espaces d’accueil, dialogue, expression et soutien en acte pour les artistes ukrainiens. Nous vous tiendrons informés des rendez-vous à venir. »

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En soutien au peuple et aux artistes ukrainiens, le Théâtre de la Ville et le Théâtre du Châtelet organisent une soirée, avec le Kiyv City Ballet, avec l’aide de la Ville de Paris, demain mardi 8 mars à 20 h 30. Ses vingt-cinq danseurs et ses directeurs: Ivan Kozlov et Ekaterina Kozlova, sont accueillis en résidence au Châtelet, comme l’a voulu Anne Hidalgo, maire de la capitale. Ils présenteront des classes, répétitions et extraits des grands ballets du répertoire.

Emmanuel Demarcy-Mota a aussi invité Aurélie Dupont, directrice de la danse et vingt danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris, Bruno Bouché, directeur du Ballet du Rhin et Cédric Andrieux, directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, à participer à cette soirée exceptionnelle.  La recette en sera versée à la Croix-Rouge et à ACTED pour soutenir leurs actions en Ukraine.

Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet, Paris (Ier). Prix unique solidaire: 10 €. T. 01 40 28 28 28.


Archive pour mars, 2022

Et moi et le silence de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène de René Loyon

 

Et moi et le silence de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène de René Loyon  

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Nous sommes dans les années, en une dizaine de séquences dans le passé celle d’une taule quelque part aux Etats-Unis, dit l’autrice sans plus de précision, et dans un présent, neuf ans plus tard de Jamie, une afro-américaine de vint-six ans et de Dee, son amie blanche de vingt-cinq ans,  Jouées par quatre actrices, celles de la taule et celle de la chambre. Cela se passe dans une cellule sommairement aménagée: un lit en tubes métalliques, une petite table et deux tabourets à vis en bois. Sur un mur, une image projetée comme une sorte de fenêtre mais sans montant avec des arbres aux feuilles ocres. Puis en ville dans une pauvre petite chambre exactement identique. Histoire de dire que la vie en liberté avec une profonde misère où acheter de quoi manger relève de l’impossible, ne vaut guère mieux que celles passées en taule…En fait, Naomi Wallace reprend ici un des thèmes de La Puce à l’oreille qu’Anne-Laure Liégeois avait montée il y a dix ans. Dans une prison ou une chambre devenue une prison mentale, ces jeunes femmes se retrouvent confrontées à leur propre corps et à l’enfermement, qu’elles soient blanches ou noires et à un manque d’espoir qui finira tragiquement.

Elles vivent au jour le jour, en taule et rêvent à ce que sera leur vie bien plus tard, puisqu’elles ont des années de taule à purger et dans un aller et retour permanent, nous les voyons survivre dans une chambre minable où elles sont dans la misère. Pour Dee, elle a « appris à compter pendant toutes ces années. J’ai fait du calcul. » Et Jamie est elle aussi pragmatique : « Comme ça, tu pourras compter notre blé quand on en aura. Je vais voir pour le boulot de Blankenbaker, toi essaye celui de Lightfoot Road. »

Cette double scène répétée une dizaine de fois par deux actrices à tour de rôle, avec une bonne transition juste rythmée par un effet sonore, se laisse voir et la mise en scène de René Loyon est précise.  Mais tout reste à un niveau constant et il n’y a guère de progression sur le plan dramaturgique, sauf, à la toute fin quand les quatre jeunes femmes se retrouvent ensemble.

La faute à quoi? D’abord à un dialogue pas très passionnant aux phrases très courtes et difficile à mettre en valeur et que Naomi Wallace voudrait teinté de poésie comme semble l’indiquer cette référence en exergue à  Je perçus des Funérailles, dans mon Cerveau de la grande Emily Dickinson: « Comme si tous les Cieux étaient une Cloche, Et l’Etre, rien qu’une Oreille Et Moi, et le Silence, une Race étrange Naufragée, solitaire, ici. » On est, dit René Loyon, saisi (…) par la limpidité de la langue, et dans un même temps, par une sorte de fantaisie, de goût de la cocasserie, un quelque chose qui relève du charme de la comptine enfantine. C’est ce mélange qui fait la grâce, la poésie, de cette œuvre singulière. « (…) Précisément, cette façon d’articuler un indispensable réalisme à une dimension presque onirique et une inquiétude existentielle toujours présente donne à ce théâtre un charme si prégnant, loin de tout plat naturalisme.»Mais, pourquoi ce metteur en scène d’expérience, est-il allé cherché cette piécette : sauf à quelques rares moments, nous n’avons senti ni le charme prégnant ni  la poésie ni la cocasserie ni le charme de ce Moi et le silence.

Les professionnels et étudiants en fac de théâtre pourront avoir l’occasion aller découvrir une autrice qui a écrit une dizaine de pièces, plus connues aux Etats-Unis son pays et au Royaume-Uni mais qui, chez nous a été peu jouée.
 Une Puce, épargnez-la a été créé il y a dix ans dans une mise en scène d’Anne-Laure Liégeois et La Carte du Temps  en Avignon un an plus tard par Roland Timsit.
Enfin il y a surtout dans cette représentation, le plaisir de voir la jeunesse et ce formidable appétit de mordre dans la vie qui rend si crédibles ces bonnes actrices au métier déjà solide que sont Sarah Labrin, Morgane Real, Roxanne Roux et Juliette Speck. Toutes bien dirigées, impeccables et attachantes dans leur misère et leur volonté de donner un sens à une vie qui a si mal commencé pour elles. Sur fond d’homosexualité mais aussi de jeux d’enfants, quand elles s’amusent, comme dans Les Bonnes de Jean Genet dont l’autrice s’est visiblement inspirée, à singer ceux qui ont le pouvoir et ainsi l’exorciser.  Nous n’y avons pas trouvé tout à fait notre compte, mais à vous de voir si cela vaut le coup…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 20 mars, Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie de de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes + navette gratuite. T. : 01 48 08 39 74.


 

D’où rayonne la nuit/Molière-Lully, texte et mise en scène de Yoann Gasiorowski

D’où rayonne la nuit/Molière-Lully, texte et mise en scène de Yoann Gasiorowski

 

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©V. Pontet

« Molière est, parmi les grands hommes, celui dont la France pourrait le moins aisément se passer, il est tellement le théâtre en personne, il est la plus claire expression du génie de notre art», disait Sacha Guitry en 1954 dans une conférence. Éric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, a passé commande d’une pièce sur la collaboration entre Molière et Lully à Yoann Gasiorowski, pensionnaire de cette Maison et à Vincent Leterme, pianiste et créateur de musique de scène dont nous avions apprécié le talent dans Les Serge  (voir Le Théâtre du blog).

A la tête de six acteurs et deux musiciens, ils nous entraînent dans un voyage entre Paris, Versailles et Chambord. Peu d’archives ont été conservées de l’auteur français le plus connu. «Molière a disparu du paysage documentaire, dit Yoann Gasiorowski. Qu’importe, nous chantons tous ensemble, mal ou bien. »Birane Ba (Molière), Elissa Alloula (Lully), Elsa Lepoivre (Madeleine Béjart), Claire Clavaron (Armande Béjart) vont donc tous chanter… Après avoir joué avec lui Mais quelle Comédie !, Yoann Gasiorowski retrouve ici Serge Bagdassarian et ses vocalises.

 Ce spectacle, très didactique, est un portrait croisé de Molière et Lully et une image de leurs relations sur dix ans. Avec les premiers conflits concernant l’opéra, défendu par Lully et la comédie-ballet, par Molière : “Ne faire qu’une seule chose, du ballet, de la musique et de la comédie.”Jouée en une heure sous la forme d’un travail en cours avec anachronismes, cette comédie est légère, pleine de jeunesse et de vie. Mais au même moment, en Europe, des théâtres sont détruits, des compagnies disloquées et tout un peuple asservi par un Richard III russe…

 Jean Couturier

 Jusqu’au 6 mars, Studio de la Comédie-Française, Place de la Pyramide inversée, Galerie du Carrousel du Louvre, Paris ( I er). T. 01 44 58 15 15.

Livres et revues


Livres et revues

Nécromonicon : L’Atomik Family

Une aventure singulière et fascinante: celle de cette famille de saltimbanques avec son  cirque de «phénomènes», héritier du Rare show du XVIII ème siècle et du Side show du XIX ème siècle). Entre prestidigitation, magie dite bizarre, monstres de foire, psychologie, théâtre, physique amusante, biologie, divination et occultisme. Et une exposition nomade «d’arts trompeurs» convoquant happening, performances et installations mais aussi entre-sorts et arts de la scène. Ces époques se parlent entres elles de façon troublante, en accord avec la devise de l’Atomik Family: préserver le passé et promouvoir le futur…

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Cette compagnie travaille dans des régions poreuses entre elles et interroge nos systèmes de croyances, sans offrir de véritable réponse, nous laissant interpréter ce que nous voyons grâce à notre perception forcément subjective. La représentation est alors comparable à une expérience où on interroge nos certitudes et préjugés, fouille dans notre inconscient, pour faire apparaître le refoulé de chimères endormies. Issu d’une famille de forains, Frédéric Dautigny est animé très tôt d’une passion pour les arts du spectacle et la magie. Fin psychologue, il possède une connaissance encyclopédique en histoire des religions, iconographie chrétienne, théosophie et illusionnisme. Il s’intéresse au monde atypique des bateleurs, charlatans, illuminés, faussaires, guérisseurs et autres gourous qui influenceront durablement son travail. Ce véritable orateur et bonimenteur, toujours à la marge, s’est spécialisé dans la monstration de «phénomènes» Le travail de l’Atomik Family est enfin présenté dans un magnifique écrin à la hauteur de leur univers. Necronomicon, un nom ne doit rien au hasard et nous assistons à un voyage dans un monde fictionnel grâce à une remarquable collection d’artefacts, automates, objets étranges et mystérieux, matériels de prestidigitation…

Ce livre sur L’Atomik Family et A Spiritual Adventure se parcourt comme un catalogue d’exposition avec photos, dessins de pièces d’art uniques accompagnées d’une histoire ou d’une explication, voire même d’une réflexion philosophique… Dans la première partie, l’auteur raconte l’histoire et les origines de cette famille très spéciale à travers une exhibition de monstres, animaux fantastiques, corps déformés, créatures mythologiques et autres bestiaires. Et le clou du spectacle : Blow off avec L’Augurium du lapin et La Vierge noire.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à sa collection d’objets originaux et magiques: une guillotine, des dés à jouer, cartes marquées et automates, une poupée vaudou et une autre tzigane, une corne de divination, une main spirite, un œil de pierre, une glace liquide, un miroir Hofzinser, un livre des ombres, une roulette caucasienne, etc. Ce livre d’art a un format idéal (25 cms x 25cms) et une maquette aérée et sobre, avec de grandes photographies et des textes inspirés. Le leitmotiv des chaînes est repris de page en page, faisant ainsi écho au décor principal où sont mis en scène Frédéric Dautigny et sa partenaire Valérie Schmitt.
Christophe Mourthé a bien su retranscrire l’âme de l’Atomik Family, avec différentes histoires subtilement réalisées grâce  au décor, aux costumes et lumière. Et il est aussi à l’aise avec ses modèles humains qu’avec les objets auxquels il donne une force intérieure.

Frédéric Dautigny a réalisé un beau travail qui reflète à merveille l’univers étrange, marginal, érotisé de sa compagnie et décrit minutieusement le story-telling de chaque pièce ou de chaque saynète, qu’il accompagne de réflexions philosophiques et religieuses passionnantes.Ce Necronomicon est un véritable OHNI (Objet Hybride Non Identifié) dans la littérature magique, circassienne et foraine et son auteur sait développer notre imaginaire et nos fantasmes. L’ouvrage possède un incroyable pouvoir de fascination, comme ces grimoires secrets où l’on découvre des choses inavouables et secrètes. Tous les amoureux des arts visuels et des histoires fantastiques doivent se le procurer.

Sébastien Bazou

Necronomicon de l’Atomik Family de Frédéric Dautigny (2021). 130 pages. Disponible chez l’auteur : 65€. frederic.dautigny@icloud.com

Atomik Family, édition spéciale. Publication numérique gratuite chez ArteFake (28 pages, janvier 2022). https://www.calameo.com/read/006894081cc66fe1c9840

https://www.blurb.fr/bookstore/invited/9482848/7150001b1661be630a7f03d36238056cfd8e7b26?sc=35084719ba9d594e3958facf0c87480544fe99e1

 A lire:  une interview de Frédéric Dautigny en mars 2021 : https://artefake.fr/frederic-dautigny/

Revue d’histoire du Théâtre n° 292 ( janvier-mars 2022)

 Ce très riche et remarquable numéro coordonné par Emmanuel Wallon, est dédié à Robert Abirached, grand spécialiste du récemment disparu, et a pour thématique le service public et les intérêts privés sur la scène française qui a commencé au XVIII ème et se poursuit sous d’autres formes au XXI ème siècle. Théâtres, choix des auteurs, acteurs, jeu, metteurs en scène, nomination des directeurs, scénographies, public, prix des places, subventions et aides, rapports avec le Ministère de la Culture, affiches, programmes, critiques… Tout est différent et bien entendu, plus compliqué que cela, avec, il y a peu, des rapprochements inattendus voire de mariages incertains qui ne fonctionnent pas toujours… Les logiciels mis au point pour cibler comme on dit un public potentiel ont souvent des ratés.

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Dans la présentation de cet ouvrage, Emmanuel Wallon et Fujii Shintaro saluent la mémoire du grand Robert Abirached, récemment disparu (voir Le Théâtre du Blog) dont deux beaux textes ouvrent ce numéro ont raison de préciser que : « L’intervention de l’État dans le domaine du théâtre – au sens étendu d’arts de la scène – s’inscrit dans la longue histoire française, il faut attendre l’après-guerre et les premières expériences de « décentralisation dramatique » pour que prenne corps la notion de « service public » vantée par Jean Vilar. Sous la V ème  République, le pays se couvre d’un dense réseau de salles subventionnées. Par opposition aux entreprises de spectacles dont Paris demeure le bastion, ce secteur est alors envisagé comme le garant d’un bien commun sur lequel doivent veiller le ministère de la Culture et les collectivités territoriales.

Les études ici réunies retracent la formation et l’évolution de ce clivage, de la fondation de la Comédie-Française à nos jours. La réflexion s’attache aux contradictions du secteur public, qui n’est pas exempt de logiques commerciales, mais aussi au secteur privé, dont un fonds de soutien consolide l’économie. Centré sur le cas de la France, ses héritages et ses résurgences, cet ensemble s’enrichit d’entretiens pour comprendre en quoi l’actualité de la production scénique trouble la vieille querelle public / privé. Des contrepoints japonais et brésiliens le complètent afin d’esquisser des comparaisons internationales.

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Il  y a d’abord  un formidable et solide analyse par Robert Abirached Théâtre, Service Public : Genèse d’une notion fluctuante où il remonte aux sources d’un conflit qui a laissé des traces  et en quelques pages tout est clairement dit : «En 1916, le Conseil d’Etat avait refusé le statut de service public au Théâtre des Champs-Elysées, alors géré par la Ville de Paris . « En face, Jacques Copeau ne serait pas loin de confirmer le verdict. Pour lui, il ne s’agit plus de polémiquer sans fin mais bien de mettre en route une réponse complète du théâtre, à la fois intellectuelle, morale et proprement dramatique. Ce sera d’abord l’aventure du Vieux-Colombier, puis le travail implacable accompli en Bourgogne pendant de longues années, qui marquera durablement la vie du théâtre en France.

De tout cela il résulte une longue période d’incertitude, très exactement entre les deux guerres. L’arrivée au pouvoir du Front populaire fait ressortir plus clairement des contradictions devenues intenables d’année en année. Il devient nécessaire de prendre en compte l’évolution de l’art dramatique, son inscription dans la société, et de donner une suite concrète au travail effectué dans le théâtre privé par le Cartel des quatre (Gaston Baty, Charles Dullin, Louis Jouvet et Georges Pitoëff) qui reprend à son compte certaines avancées de Copeau et œuvre dans le même esprit. Le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay essaie par de nouveaux moyens d’aider les créateurs en détournant avec habileté des crédits d’État aux institutions comme la Radiodiffusion nationale, et tente de jeter les bases d’un renouveau de la Comédie-Française en y associant ces metteurs en scène. Dans le même registre, le gouvernement demande à Dullin un rapport sur les modalités possibles d’une décentralisation théâtrale sans subventions, comme pour concilier l’inconciliable au tournant duquel, semble-t-il, on est enfin parvenu.

Que s’est-il passé pour justifier ce désir de transformation ? D’abord la réforme du théâtre en lui-même, avec des entreprises concordantes dans toute l’Europe : Constantin Stanislavski, Edward Gordon Craig, Adolphe Appia, et Copeau en France imposent l’idée d’un « théâtre d’art », ayant renoué avec une ambition nouvelle, par opposition au spectacle commercial. Désormais il est certain que le théâtre privé a un impérieux besoin de se fixer des objectifs moraux et artistiques. L’État, face à cette situation, peut l’aider en modifiant les conditions d’exercice de la profession, en l’arrachant à l’incompétence, en la protégeant. Est-ce à dire qu’il ira plus loin et organisera un système d’intervention de la puissance publique ? La réponse est toujours non, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Et Robert Abirached précise même si cela a été souvent soigneusement occulté après la Libération que « l’État est conduit à modifier sa démarche dans les deux domaines du public et du privé. La réforme se met en branle sous le gouvernement de Vichy, avec l’appui des membres du Cartel des quatre pour qui une mutation radicale du théâtre parisien est un enjeu… capital. Elle se poursuit après la Libération par une série d’initiatives qui marquent l’intérêt de la puissance publique pour le renouveau du domaine qui est traditionnellement le sien, mais aussi pour une extension raisonnée de la vie théâtrale à travers le pays. Des formules nouvelles se mettent en place, sans autoritarisme, avec un pragmatisme qui donne le temps nécessaire au déploiement de l’innovation recherchée.

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Avec l’ordonnance de 1945[qui reprend presque à la lettre une loi élaborée sous l’Occupation. Pour la première fois, une législation précise vient encadrer l’exercice du théâtre et régler les comportements des personnalités qui le financent et le dirigent. » Jeanne Laurent recréa le Théâtre National Populaire (TNP) qu’elle confiera à Jean Vilar avant d’être limogée ! André Malraux, ministre de la Culture sous de Gaulle mettra en place les bases d’un théâtre subventionné à grande échelle avec des hommes comme Jean Dasté à Saint-Etienne, Hubert Gignoux à Strasbourg, Roger Planchon à Villeurbanne réussirent à conquérir un vrai public i populaire. Il y a une très belle photo où on voit des habitants de Saint-Etienne visiblement pas bien riches faire la queue devant un chapiteau…

Robert Abirached qui travailla avec Jack Lang plusieurs années au Ministère de la Culture souligne aussi que de grands artistes comme Giorgio Strehler, Peter Stein, Tadeusz Kantor accompagnèrent cette évolution, » dans cet entre-deux des politiques culturelles où les collectivités territoriales interviennent de plus en plus. Et lucide, Robert Abirached voit bien qu’il serait temps de « réactiver la pensée du ministère au diapason du temps présent et en dialogue soutenu avec les artistes qui font le théâtre d’aujourd’hui. Le premier centre dramatique fut celui de Colma en en 47 Mais Roselyne Bachelot pour le moment gère les choses mais semble bien incapable d’insuffler un nouveau souffle à ces C.D.N. -indispensables mais en perte de vitesse.
Suit un autre article tout aussi brillant de Robert Abirached qui reprend et résume le contenu des sphères du public et du privé.

Dans ce même numéro, un article sur la Comédie-Française au XVIII ème siècle de Kaori Oku où il analyse avec pertinence les relations entre le pouvoir royal, véritable tutelle et cet établissement. Pascale Goetschel décortique les relations compliquées entre le public et le privé ; la rive droite et la rive gauche à Paris. Des lignes de partage, une dualité qui renvoient à des partis pris politiques et esthétiques. C’est effectivement une question mériterait une étude détaillée. Pourquoi depuis au moins quelque soixante ans la majeure partie du théâtre privé -en partie subventionné- a gardé les mêmes territoires, les mêmes types d’auteur, et surtout le même public et les mêmes tarifs élevés ? Même si des directeurs comme Jean Robert-Charrier à La Porte Saint-Martin, le théâtre rappelons-le où fut créé Cyrano de Bergerac écrit par un auteur qui n’avait pas trente ans, réussit à monter une pièce de Thomas Bernhard. Et plus récemment le ça ira Fin de Louis, de Joël Pommerat mais qui n’a pas eu le même incroyable succès que le fameux Cyrano mise en scène de Dominique Pitoiset.

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©x Cyrano de Bergerac par Dominique Pitoiset

Et il comprend, dit-il, «que les jeunes ne se retrouvent pas dans les contenus de la majorité des théâtres d’aujourd’hui , parce que, quand il y a des jeunes sur scène, ce ne sont que des jeunes blancs souvent bourgeois. » A lire aussi un entretien avec Frédéric Biessy, le directeur de la Scala, qui a adopté une nouvelle « grille tarifaire avec une moyenne quand même de 30 € , loin des 70 € de certains théâtres privés. » On veut bien mais là aussi, il y a peu de jeunes spectateurs sauf invités par leurs grands-parents…  Reste aussi un réel problème impossible à faire passer sous le tapis : si les jeunes fréquentent peu le théâtre public du moins à Paris, et presque pas le théâtre privé, il suffit de regarder le prix des places. Et il oublie de signaler aussi que continuent à exister à la Porte Saint-Martin d’inconfortables banquettes en bois au poulailler où on voit le spectacle en plongée absolue. C’est aussi par là qu’il faudrait commencer, si on veut voir dans pas mal de salles du privé un public qui n’a pas les cheveux grisonnants…

A signaler aussi un entretien intéressant avec Sébastien Benedetto, le fis d’André qui fut à Avignon avec Gérard Gélas, l’initiateur du off avec le succès que l’on sait. Et une étude de Patrick de Vos sur la patrimoine national qu’est le kabuki au Japon .
Un riche numéro de cette revue dont la maquette qui mériterait d’être revue mais enrichi de nombreuses illustrations comme entre autres, celle de maquette du théâtre de Besançon concu par Claude-Nicolas Ledoux qui a été détruit en 58, ou des plans d’anciennes salles …

Philippe du Vignal

Jongler à la vie, à la mort de Françoise Rochais

 

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En 2015, cette jongleuse écrit un livre pour poser des mots sur une vie cabossée malgré le succès artistique qu’elle a rencontré à l’échelle mondiale. Françoise Rochais se livre ici à une autobiographie sans fard ni strass et paillettes. «Jongler c’est parler, respirer, se dépasser, partager et surtout VIVRE ! » Un échappatoire salutaire après le calvaire qu’elle a subi, enfant et jeune adulte. Tout ce qu’elle ne peut exprimer par la parole ni maîtriser dans la vie, elle le fait alors magistralement grâce au jonglage , un art très exigeant…Françoise Rochais est la seule fille dans une famille de quatre enfants,. Son père quitte le foyer quand elle a cinq ans. Elle part s’installer aux Sables-d’Olonne avec sa mère et ses frères. En Vendée, elle intègre le groupe de majorettes Les Mignonnettes Sablaises et s’initie au lancer de bâton.

Elle est proche de ses grands-parents maternels mais sa vie bascule quand son grand-père la viole. Elle ne réalise pas vraiment ce qui lui arrive et à huit ans, elle rencontre un jongleur australien qui lui donne des cours particuliers et en prime, la viole aussi. Elle voit donc le sort s’acharner sur elle… Mais elle continue son apprentissage et participe avec un numéro au spectacle de fin d’année de son école. A neuf ans, Françoise Rochais voit à la télévision Anthony Gatto, un jeune jongleur américain de son âge gagner la médaille d’or au prestigieux Festival mondial du cirque de demain. Il va devenir sa référence artistique.

A dix ans, les vieux démons ne l’ont pas quitté : invitée à un séjour en Australie chez son ancien professeur et bourreau, pour un stage de perfectionnement, elle aura le droit à un passage télé sur une chaîne australienne mais aussi à d’autres attouchements… Trois ans plus tard, Françoise Rochais enregistre un nouveau record du monde avec un lancé de six bâtons de majorette, enregistré au Guinness book. Elle enchaîne alors des spectacles en Vendée mais son frère ainé quitte définitivement sa famille.

En 1989, sélectionnée pour participer au douzième Festival mondial du cirque de demain au Cirque d’Hiver-Bouglione dans la catégorie des moins de quinze ans, elle remporte la médaille d’argent. Encore lycéenne, elle passe une audition au Puy du Fou devant Philippe de Villiers. Il l’engage comme jongleuse et professeur dans son parc qui vient d’ouvrir. Elle y restera jusqu’en 1993, au rythme de vingt-six spectacles par semaine (soit quatre cents dix-sept représentations en quatre ans !). Elle continue à s’entraîner tous les jours et suit des stages de perfectionnement à l’étranger, cofinancés par ce parc et le Festival de demain. Elle s’inscrit dans une école de danse et de cirque à Paris, puis suit un stage dans une troupe d’acrobates de l’armée à Canton en Chine (neuf semaines à rude épreuve) et en Russie, chez le chorégraphe Valentin Gneushev.

 Puis Françoise Rochais se présente au Festival mondial du cirque de demain, cette fois dans la catégorie des plus de quinze ans  mais cette fois : échec cuisant… Et les contrats se font rares. Elle enseigne alors à l’Ecole du cirque d’Amiens, prend aussi des cours de danse et construit un nouveau numéro grâce à sa directrice qui deviendra son amie.Elle vit dans une caravane comme une circassienne mais en proie à la solitude et à la boulimie. Artistiquement, elle a connu la consécration mais trouve peu de travail à l’étranger et encore moins en France. Et elle enchaîne histoires toxiques et échecs sentimentaux. Psychiquement, le secret lui pèse et parle alors des viols qu’elle a subis à son frère Denis.

 Enfin on lui propose de travailler deux mois au Japon, après des répétions à l’Ecole nationale de cirque de Montréal orchestrées par Guy Caron, un ancien du Cirque du Soleil. Cette escapade ne résout pas ses ennuis financiers. En 1995, elle participe aux 48 èmes championnats du monde de jonglerie à Las Vegas, organisés par l’International Juggler’s Association à l’hôtel-casino L’Hacienda. Elle y décroche le titre suprême et a la chance de rencontrer Anthony Gatto. Alors reconnue comme l’une des meilleures jongleuses au monde dans un art dominé par les hommes, elle fait preuve d’une incroyable maîtrise technique… jouant avec massues, bâtons, cerceaux, parapluies, raquettes, balles mais de poids différent et en même temps. Suit une série de festivals à travers les Etats-Unis pendant un mois et demi mais elle a toujours de gros soucis financiers.

Puis elle travaille pour le cirque Bouglione à Paris. Elle retourne au Japon en 1998 et établit un nouveau record du monde avec un lancé de sept bâtons. L’Ecole de cirque d’Amiens a fermé et son amie a disparu avec. Elle revient alors chez sa mère aux Sables-d’Olonne et travaille au Puy du Fou de façon saisonnière. Mais continue à aller au Japon et à Las Vegas, en 2000 et chez le jongleur Dick Franco. Elle rencontre les plus grandes stars de la discipline. L’année d’après, elle entame sa sixième et dernière saison au Puy du Fou et son troisième voyage à Las Vegas. La suivante se passe dans la solitude et sans contrats. Puis tout se débloque enfin… Le jongleur Martin Mall l’introduit dans les cabarets de variétés allemands et elle enchaîne alors plus de six cents spectacles en deux ans, dans trente pays ! Et elle y côtoie les plus grands artistes comme l’ Ukrainien Viktor Kee, le duo brésilien Vik et Fabrini. C’est enfin la consécration artistique! Mais le malheur la frappe à nouveau : mort de son père, de sa grand-mère et de sa nièce.

 Fatiguée par le rythme incessant de dix mois de tournée! elle réduit ses déplacements, prend soin d’elle et se fait construire une maison aux Sables-d’Olonne. Et elle ne désespère pas de trouver le grand amour de sa vie. En 2015, à Gap, avec ses amis magiciens les Dressing Flash, elle rencontre Stéphane Delvaux, alias Elastic, un «gag man» visuel belge qui devient son alter ego sur scène et dans la vie. Il aura fallu une force de caractère à cette prodigieuse artiste pour entrevoir un bonheur durable et ce livre peut aider ceux qui ont vécu les mêmes traumatismes, à acquérir une paix intérieure.

 S.B.

 Editions Max Milo (2022).

Là/ Pièce en blanc et noir pour deux humains et un corbeau-pie par la compagnie Baro d’evel

Là/ Pièce en blanc et noir pour deux humains et un corbeau pie par la compagnie Baro d’evel

Gus, une souris malicieuse, fut un des personnages inventés par Walt Disney dans Cendrillon (1950). Aujourd’hui, Gus, un surprenant corbeau-pie, bien réel, est le fil rouge de la pièce de cette compagnie franco-catalane. Il a une intelligence équivalente à celle des grands singes et peut, entre autres, faire des gestes successifs pour essayer d’obtenir une récompense. Pour Camille Decourtye, «dans nos spectacles, l’animal a le rôle de guide, d’observateur, et il est celui qui pose les questions. Pour moi, les animaux ne sont pas là parce que nous avons souhaité leur faire une place, mais parce qu’ils sont eux aussi le Monde que l’on raconte. »

© F. Passerini

© F. Passerini

Ici, une complicité totale entre les artistes et cet oiseau…. «L’arrivée d’un animal chez nous est une réelle démarche d’adoption, c’est pour cela que nous en avons peu. Chevaux et oiseaux sont libres et chaque scène où ils interviennent, garde une part d’improvisation, car nous n’utilisons pas de méthode qui viserait à mécaniser les animaux et à leur faire faire des exercices comme des automates. Nous cherchons plutôt à inventer avec eux un langage commun, pour communiquer par le corps et la voix. »

Camille Decourtye, son compagnon et partenaire Blaï Mateu Trias nous emportent en une heure dix dans un monde où tous les repères habituels ont explosé. Ces humains naissent d’un mur blanc qu’ils fracturent, puis essayent de se parler mais sans arriver à se comprendre. Seul les relie un langage physique qu’ils inventent en se découvrant mutuellement. Leur gestuelle d’une grande esthétique rappelle celle des couples du célèbre Tanztheater de Pina Bausch.

 Gus vient souvent participer à leurs échanges et la tendresse entre ces êtres vivants est palpable. Ici, pas d’anthropomorphisme, l’oiseau reste un oiseau et induit une forme d’animalité dans les rapports humains. Est-ce de la danse, du théâtre, du cirque ou une performance chantée? Qu’importe, le public conquis a, debout, longuement salué les trois artistes. Il faut aller voir ce spectacle, et aussi Falaise, un plus grand format,  que nous avions plébiscité  (Voir Le Théâtre du blog)

Jean Couturier

Jusqu’au 5 mars, Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (X ème). T. : 01 46 07 34 50.

Arrête, je vois la parole qui circule dans tes yeux, écriture collective de Capucine Baroni, Claire Lapeyre-Mazérat et Théodora Marcadé, mise en scène de Claire Lapeyre-Mazerat

Arrête, je vois la parole qui circule dans tes yeux, écriture collective de Capucine Baroni, Claire Lapeyre-Mazerat et Théodora Marcadé, mise en scène de Claire Lapeyre-Mazerat (à partir de douze ans)

@ nelly maurel  La photo n'est pas celle du spectacle

@ nelly maurel
Photo hors spectacle

Capucine Baroni et Théodora Marcadé, le corps moulé dans des combinaisons blanches (pas spécialement réussies mais bon!) évoluent sur un sol de vingt-cinq carreaux tout aussi blancs, dont trois lumineux. L’une très grande et l’autre nettement plus petite, vont nous entraîner dans une sorte de chorégraphie et un flot continu de paroles, résultat d’une longue collecte. Avec des phrases-type, des séries de mots déformés…
Effet dynamite assuré : «Chavirer chavirer reliure reliure j’aime bien ça chavirer des paroles d’institutions la famille C’EST une institution ça serait un goût du voyage dans la langue un cheminement avec de l’alcool oui c’est sûr la parole /calibrée chronométrée rigide ce sont des règles qui permettent de de de de communiquer ensemble autour de choses formelles voilà qui qui-à-un-moment font d’ailleurs société hein font entreprise hein font travail hein culture (…) l’humour permet de tout dire /anachorète anacoluthe /crachat on l’rachète /galopins qui galopent qui galope qui galope qui galope qui galope qui galope qui galope /gueux hum gueux hum gueux hum gueux identitaire occupe-toi de tes fesses pauvre encoulé je sais pas ouais pauvre encoulé /j’aime bien dire des gros mots j’aime beaucoup avec quelqu’un que vous connaissez bien qui est Pierre on se connait depuis vingt ans on est très liés on se vouvoie ça nous permet de nous dire des choses
atroces il me dit très souvent TA GUEULE je lui réponds CONNARD. »

Les actrices bougent bien sur ce petit plateau et on les sent très proches, ce qui donne une belle unité à ce flux de paroles. Pas toujours réussi: Théodora Marcadé a parfois tendance à bouler un texte ciselé.  La scénographie, un « dispositif épuré, graphique, vient mettre en relief le réalisme à l’œuvre dans les diverses restitutions de parole » dit Claire Lapeyre-Mazérat » Mais la relation entre ces corps mouvants et le texte, est loin de l’excellence et parfois «ce voyage ludique et plastique au cœur de la parole» -un peu prétentieux- ne fonctionne pas bien.

Cela dit, nous il y a de savoureuses pépites comme ces détournements sémantiques du langage quotidien. Telle cette parodie d’entrevue comme celle qu’on peut avoir à un guichet d’une Caisse d’Epargne où l’employé reste assis et suffisant et le client debout. Il lui fait bien comprendre qu’il s’exprime en termes techniques pour montrer qu’il a le pouvoir . Même chose ici mais sur un mode comique peu courant dans les banques : «Je vous rappelle que l’emprunt est toujours indexé sur le cours du mot d’usage et ne doit pas dépasser pas plus de trois fois votre capital personnel; quel serait le champ lexical dans lequel vous voudriez emprunter?» Les deux complices  mettent en valeur avec virtuosité une langue d’une telle richesse que ses usagers ont facilement imaginé des expressions poétiques, comme entre autres: « Compter fleurette. Fagoté comme l’as de pique. Tailler une bavette. Pousser pas mémé dans les orties Avoir la main verte. Avoir du foin dans ses bottes. Dormir sur ses deux oreilles. Tailler une bavette. Monter sur ses grands chevaux. Se monter le bourrichon. Tirer le diable par queue. Poser un lapin. »

Autres pépite: l’expression d’une langue qui se moque avec saveur d’elle-même : «Je vois que vous avez un apport de capital personnel lexicalement et phonétiquement très mince vous le saviez j’imagine ce n’est pas très nourri non plus du côté sémantique vous êtes quasiment à découvert il faudra être vigilante vous avez trop d’argot je vois que vous êtes déficitaire d’une manière générale en syntagme nominal en syntagme verbal et en syntagme adjectival ça peut aller en syntagme prépositionnel mais vous n’irez pas bien loin avec ça. » (…)

Un spectacle encore brut de décoffrage, à la fin un peu bancale mais qui a de grandes qualités. Ces soixante minutes passent vite et, aux meilleurs moments, on pense, entre autres, à tous ces écrivains qui ont aussi mis en avant les fonctions phatique et poétique mais aussi métalinguistique, du langage, comme le merveilleux Ghérasim Luca (1913-1994).

Philippe du Vignal

Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris (I er). T. : 01 42 36 00 50.

Julie Desprairies et compagnie à Nanterre

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© Line Francillon

Julie Desprairies et Compagnie  à  Nanterre

Venue du théâtre et des arts plastiques, la directrice et chorégraphe de la compagnie des Prairies inscrit ses projets dans un environnement qu’elle explore avec son équipe artistique et des «artistes occasionnels », rencontrés sur place : « Je suis à la recherche d’une danse concrète qui trouve son moteur dans les contraintes matérielles (matériaux, espaces architecturaux, paysages…) Une «danse appliquée» comme on parle d’art appliqué.» Julie Desprairies invite les habitants à se saisir des lieux pour créer un événement collectif..

 En résidence à la Terrasse, espace d’art municipal de Nanterre, Julie Desprairies a monté une exposition avec les habitants. «Ce que j’expose, c’est une démarche », dit-elle. La médiatrice de la Terrasse l’a mise en contact avec des associations, des enseignants et travailleurs sociaux… En deux mois, beaucoup de monde est passé par là… Chaque visiteur a offert à la chorégraphe, présente tous les jours ouvrables, un geste inspiré par Nanterre: la prise de notes d’une journaliste, les mouvements d’un postier au centre de tri, quelques pas de charleston d’une dame membre d’un club, la course bondissante d’un enfant du collège voisin… A ce jour, quatre-vingt dix mouvements ont été filmés et projetés en boucle. La danseuse Elise Ladoué, qui est de toutes les aventures de Julie Desprairies, va apprendre et enchaîner ces gestes pour Dansez sur nous, une pièce finale, présentée en fin de résidence dans la galerie : le portrait d’une ville dessinée par ses habitants.

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© Line Francillon

 D’autres propositions sont faites aux visiteurs : « Quelle est la musique sur laquelle vous ne pouvez vous empêcher de danser ?», lit-on sur un mur de la Terrasse. Ceux qui le souhaitent, iront s’en donner à cœur joie, en costumes chamarrés mis à leur disposition sur un portant. Ils sont aussi invités à créer un mur d’images, à partir de photos piochées dans le répertoire des créations de la compagnie.
Des ouvriers de la Manufacture nationale de Sèvres reproduisant leurs gestes de travail et les poses sophistiquées des statuettes en biscuit; une randonnée chorégraphique dans la montagne à Cluses (Haute-Savoie) et un autre parcours chorégraphique dans le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne, mettant en valeur l’architecture de Môrice Leroux (1896 -1963) et de Robert Giroud,. Mais aussi une troupe mêlant groupes folkloriques et compagnies de danse contemporaine dans la gare désaffectée d’Eleusis en Grèce… Traces saisies sur papier glacé de vingt ans de gestes artistiques déployés dans des architectures diverses comme, aussi, le Collège néerlandais de la Cité Universitaire à Paris, dessiné par Willem Marinus Dudok, l’auditorium de l’Opéra de Dijon créé par le cabinet Arquitectonica, l’aéroport Santos Dumont de Rio de Janeiro, conçu par Marcelo et Milton Roberto…

 Dans un « salon de projection », sont visibles des films et captations de certains événements, et, en ce samedi après-midi, la chorégraphe propose une rencontre sur le thème: filmer le danse, à partir de coréalisations avec des cinéastes. Une occasion de voir qu’il y a plusieurs façons de capter le mouvement et de croiser les savoirs-faire de ces disciplines artistiques.

La cinéaste Louise Narboni nous raconte, images à l’appui, comment elle s’est approprié L’Opera nell’opera un ballet-opéra déambulatoire en trois actes parlé, chanté, joué et dansé par une équipe de cent-quatre- vingt douze musiciens et danseurs amateurs de tout âge, habitant Lyon Vénissieux et un « brass-band » de l’Ain…Accompagnés par les artistes et techniciens de la Maison. Ce ballet-opéra a été imaginé in situ à partir du bâtiment restructuré et agrandi entre 1989 et 1993 par Jean Nouvel. Musiques additionnelles et montage en font «un petit opéra de chambre» où chaque artiste se reconnaît. De même, Après un Rêve, déambulation chorégraphiée par Julie Desprairies et tournée par Louise Narboni à La Villeneuve, à Grenoble. Ce film rend hommage à l’utopie imaginée par l’Atelier d’Urbanisme et d’ Architecture (A.U.A.) entre 1970 et 1983. Cette ville nouvelle est restée dans les annales comme une association fructueuse d’architectes, urbanistes et ingénieurs pour inventer un nouvel habitat collectif rompant avec la non-ville des barres et des tours…

Le travail de  Julie Desprairies participe d’une double démarche. Elle met d’abord les sites en mouvement. « Pour moi dit-elle, le lieu, c’est comme le texte pour le metteur en scène de théâtre et j’en donne une lecture avec les matériaux et les mouvements prélevés.» Elle entend aussi partager la danse avec des personnes qui ne vont jamais au théâtre et  mêle amateurs et professionnels, sans se préoccuper de virtuosité : «Ces gens normaux restent normaux dans leur danse. » Il faut découvrir les prochains spectacles de cette chorégraphe.

 Mireille Davidovici

Du 12 janvier au 12 mars, du mercredi au samedi : La Terrasse, 57 boulevard de Pesaro, Nanterre (Hauts-de-Seine). RER :Nanterre-Préfecture. T. : 01 41 37 62 67.

Le 11 mars, à partir de 18 h, finissage  de Dansez sur moi.

Le 12 mars, de 14 h à 16 h, décrochage collectif.

 Et du 7 au 10 avril, Sœurs, aménagement chorégraphique du quartier des Buers à Villeurbanne ( Rhône) avec des étudiants-ingénieurs de l’I.N.S.A. dans le cadre de Villeurbanne, capitale française de la Culture.

 Les 11 et 12 juin, La Chevêche, excursion chorégraphique, au Manège de Reims (Marne).

 Le 19 juin et ensuite, cet automne : Dansez sur moi : fête participative-Le Dancing incarné, Le Dancing-C.D.C.N. de Dijon (Côte-d’Or).

 

 

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