Tempest project, adaptation de La Tempête de Shakespeare et mise en scène de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne

Tempest Project, un spectacle issu d’une recherche autour de La Tempête de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne

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Créé l’an passé au Printemps des comédiens à Montpellier et joué déjà un peu partout, c’est une adaptation  de l’une des dernières pièces de l’immense dramaturge. En fait, cela fait quelque soixante ans que Peter Brook est obsédé par ce texte étrange, énigmatique parfois mais aussi merveilleux et fascinant. Il l’a plusieurs fois explorée et mise en scène, des années cinquante à 1991, en Grande-Bretagne mais aussi au festival d’Avignon. Prospéro, le duc de Milan, après avoir été déchu et exilé par son frère, se retrouve avec sa fille Miranda sur une île déserte. Grâce à la magie, il maîtrise les éléments naturels et les esprits notamment Ariel, un être plein de vie  et  Caliban, un esclave, pauvre créature difforme symbolisant violence et  mort.

Le naufrage, provoqué par Ariel, d’un navire avec le roi de Naples, son fils Ferdinand mais aussi Antonio, le frère de Prospero. Grand mage et illusionniste, Prospero fait subir aux personnages arrivés sur l’île des épreuves mais Prospero se réconciliera avec son frère et le roi, mariera sa fille avec Ferdinand, et libérera Ariel et Caliban… Puis il renonce à la magie pour retrouver son duché
Cette pièce aux multiples aspects a pour des thèmes on ne peut plus actuels, comme la transmission de valeurs, le surnaturel, l’illusion, la quête d’identité, l’amour entre deux jeunes gens mais aussi la soif de vengeance que possèdent les êtres humains mais aussi les singes… La vengeance et parfois son renoncement, on le sait, est aussi le thème de nombreuses tragédies comme chez Sénèque, dans Electre de Sophocle, Hamlet et Titus Andronicus de Shakespeare. Et de ses contemporains: Thomas Kyd et sa Tragédie espagnole qui a inspiré Hamlet. Mais aussi des centaines de films américains et européens comme entre autres Vengeance aux deux visages (1961) de Marlon Brando, deux films de Quentin Tarentino ou en France,  Que la bête meure de Claude Chabrol (1969) ou plus récemment, Irréversible de Gaspar Noé. Autre thème de cette immense comédie, après le désir de vengeance: le pardon mais aussi la quête de liberté un mot qui revient souvent et qui le font remarquer Peter Brook et Marie Etienne, est le dernier de la pièce… L’esclave Caliban fils difforme de la défunte Sycorax déteste Prospéro et veut sa liberté. Comme Ariel, un esprit aérien au service de Prospéro qui l’a sauvé de la sorcière Sycorax. Et Prospero exilé dans cette île, même magicien, reste empêtré dans sa soif de vengeance. Il finira par admettre que cette vengeance -très aliénante- lui interdit justement de retrouver une forme de liberté disparue. Il pardonnera quand il verra l’amour de sa fille pour le fils de son frère, devenu un ennemi. Il sait alors qu’il n’y a pas aussi d’autre issue s’il veut que l’existence continue normalement: on ne peut vivre toujours dans un esprit de vengeance… C’est aussi la grande leçon de La Tempête…

Ici, sur le fameux plateau nu des Bouffes du Nord laissé dans son jus avec fond rouge et qui a été quelque vingt ans la maison emblématique de Peter Brook, son non moins fameux espace vide ou presque: avec quelques accessoires comme des bancs noirs où sont assis les acteurs qui ne jouent pas et quelques cylindres en bois dentelés, sans doute des pièces d’anciennes machines comme rescapées d’un naufrage pour évoquer cette île fantasmatique, en tout cas une belle trouvaille… Il y a seulement six acteurs venus d’origine et de pays différents : la marque de fabrique de la compagnie de Peter Brook. Le grand et majestueux Ery Nzaramba qui a déjà souvent joué sous sa direction, est Prospero révolté par la trahison de son frère.  Il marche pieds nus, s’appuyant sur un grand bâton. Sylvain Levitte est l’esclave Caliban, enveloppé dans une couverture militaire pleine de trous, mais aussi le jeune et beau naufragé Ferdinand qui aime -et c’est réciproque- Miranda (Paula Luna) la fille de Prospéro. Et il y a une très belle scène où ils  alignet sur le sol de fine branches où ils marchent comme sur un fil pour se rejoindre… avec une simple bâton en équilibre sur la tête. (Un exercice cher à Peter Brook comme à d’autres pédagogues). Et Fabio et Luca Maniglio, des acteurs frères qui jouent Trinculo, le bouffon du roi et son ami Stephano, l’intendant qui lève souvent le coude. Ils font penser aux jumeaux de Tadeusz Kantor qui avait présenté dans ce même théâtre son magnifique Wielopole, Wielopole en 1980 déjà. Souvenirs, souvenirs… comme en ont toux ceux qui ont fréquenté le théâtre de Peter Brook. Et il y a surtout Marilú Marini, l’immense actrice argentine qui aura tout joué: des spectacles mis en scène par Alfredo Arias, notamment la chatte dans le célèbre Peines de cœur d’une chatte anglaise (1977) et un Faust Argentin. Et elle joua aussi Caliban dans La Tempête mais aussi L’Affaire Steinheil, mise en scène de Jean-Michel Ribes (2002) ou l’année suivante, Winnie dans Oh!Les beaux jours de Samuel Beckett, mise en scène d’Arthur Nauziciel  2003. On l’a aussi vue dans les films de Catherine Corsini, Claire Denis…

Ce projet, intitulé comme tel, est issu d’ateliers en anglais et en français dirigés par Peter Brook et Marie-Hélène Estienne. Et cela sent, un peu et même beaucoup par moments… le travail d’atelier,avec une distribution inégale. Ery Nzaramba, malgré une belle présence physique, n’est pas très à l’aise, loin du merveilleux Sotigui Kouyaté nettement plus impressionnant. Et désolé, Paula Luna, un peu raide, n’a rien de cette Miranda, la belle amoureuse. Il y a heureusement le brillant Sylvain Levitte que nous avions découvert en 2008 dans Le Garçon du dernier rang de Juan Mayorga. Et surtout Marilú Marini : dès qu’elle apparait sur le plateau, elle illumine de sa présence. A soixante dix-sept ans, chapeau ! Quelle vitalité, quelle gestuelle, quelle formidable envie d’être là sur une scène et de faire rire un public…

Malheureusement, ce n’est pas, côté mise en scène, le meilleur travail de Peter Brook. Les personnages sont souvent statiques et la pièce est réduite à une sorte de squelette. Y manque le souffle vital, la grâce et l’émotion, sauf dans quelques scènes, comme celle de la fin où les amoureux s’embrassent devant le mur rouge. Et le public ? Partagé… Vu le prix des places, il y avait ce soir-là du moins beaucoup de gens d’un certain âge qui voulaient sans doute retrouver un peu de la magie de cette mis en scène à la création. Mais visiblement déçus, comme d’autres plus jeunes qui découvraient le travail de celui qui a été un très grand metteur en scène. Et de cette heure vingt, bien longuette, que nous restera-t-il… Bref, nous oublierons vite ce Tempest project.
Avertissement à nos amis professionnels qui voudraient voir un spectacle dans ce théâtre: une ancienne comédienne qui avait obtenu une détaxe, en a eu effectivement une… à 28 € ! «Vous comprenez, lui a-t-on dit au guichet, si voulez être au parterre, c’est plus cher qu’aux balcons. » Nous vivons une époque moderne, comme disait autrefois Philippe Meyer à France-Inter.

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 21 au 30 avril au Théâtre des Bouffes du Nord,  37 bis boulevard de la Chapelle, Paris (Xème).

 


Archive pour avril, 2022

Gilgamesh Variations, texte et mise en scène de Geoffrey Rouge-Carrassat

 Gilgamesh Variations, texte et mise en scène de Geoffrey Rouge-Carrassat ( pour tout public)

Pour son doctorat SACRe-PSL, ce metteur en scène a présenté cette création sur le plateau du  mythique théâtre du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris. Son univers ne nous est pas inconnu et ses spectacles -pour la plupart des solos dont il est aussi l’interprète- ont été programmés aux festivals d’Avignon et Villerville. Et à Paris, au Théâtre des Déchargeurs l’an passé avec Conseil de classe, Roi du silence, Dépôt de bilan, un triptyque qui est l’aboutissement de cinq ans de création. Ce doctorat est une belle occasion d’apprécier la théâtralité originale de ce jeune poète, comédien et metteur en scène… Ses pièces sont ancrées dans un espace esthétique faisant subtilement référence à différents genres dramatiques et poétiques: l’absurde, le comique le tragique, l’onirisme, le fantastique…Une palette qui offre aux acteurs tous les champs du possible et une grande liberté d’interprétation.

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©Louise Guillaume

Ce très ancien poème (XVI ème siècle avant J. C.) et donc bien antérieur à L’Iliade et au Mahâbhârata, est considéré comme le chef-d’œuvre de la littérature mésopotamienne.  Le metteur en scène se détache de l’approche esthétique d’un seul en scène et s’éloigne à première vue, du monde contemporain et des univers plus intimes, pour laisser voyager son imaginaire et sa pensée dans les profondeurs du lointain dont ici pourtant, nous nous sentons  très proches. 

Gilgamesh, héros sumérien dont on pense qu’il a été vers 2.650 avant J. C. , le roi d’Uruk (aujourd’hui Warka au sud de l’Irak) est un des principaux personnages de la mythologie assyro-babylonienne. Suite à un violent combat entre eux, Gilgamesh et Enkidu deviennent amis pour l’éternité  et cela, malgré une forte opposition entre leurs personnalités.  Le premier  est un roi à qui on attribue une nature « aux deux tiers divine, et pour un tiers humaine ». Enkidu, lui, est un sauvage né et élevé dans le désert, avec les bêtes. Parmi d’autres exploits, Gilgamesh et Enkidu, liés par une amitié profonde, vont ensemble combattre le géant Humbaba, un monstre surnaturel et gardien de la forêt montagneuse des cèdres, arbres très recherchés en Mésopotamie! Humbaba: « Oh! Enkidu ! Fils de tortue ! Traître ! Tu connaissais l’ambition de Gilgamesh et tu l’as mené jusqu’ici. Quand tu étais petit animal sauvage, j’aurais dû te déchirer la gorge et laisser les vautours becqueter ton cadavre. Humbaba défie Gilgamesh. Gilgamesh et Humbaba s’empoignent, faisant trembler la montagne. » 

Gilgamesh remportera la victoire. Et Ihstar, déesse de l’amour et de la guerre, le proclamera héros : «Gilgamesh, ta beauté me fascine! Offrons-nous l’un à l’autre et réjouissons-nous de notre virilité!» Mais il refusera les faveurs de la déesse qui se vengera en envoyant contre les deux compagnons, un Taureau céleste… qui  sera vaincu. Ishtar : « Enlil, Dieu des Dieux, donne-moi la longe du Taureau Céleste ! Que je tue Gilgamesh. Sinon, je multiplierai les morts qui dévoreront les vivants.» Elle fait alors mourir Enkidu. Saisi de douleur et effrayé, Gilgamesh part en quête d’immortalité. Il finit par la trouver avec une plante marine…qui lui sera volée par un serpent. A son retour, il se résignera à sa condition mortelle.

Sept acteurs et actrices, deux musiciens : Sarah Brannens, Anna Fournier,  Asja Nadjar, Juliette Paul,Christophe Servas, Manuel Le Velly et Yuriy Zavalnyouk font vivre Gilgamesh avec poésie, esprit et invention dans une scénographie de Frank Echantillon. La voix et la vie inimaginable du héros résonnent en nous avec intensité et jubilation : le temps s’est aboli et Gilgamesh est bien là. Grâce à entre autres, un processus de création peu banal. Nous sommes au début instruits par un texte projeté en fond de scène  quant à la méthode imposée à toute une équipe pour que le spectacle puisse naître chaque soir… Ainsi prend forme Gilgamesh Variations, à travers les changements apportés le jour même: «Il n’y a pas de mise en scène fixée à l’avance et les interprètes découvrent leur rôle et ont ensuite sept minutes pour se préparer en présence des spectateurs. »

 Geoffrey Rouge-Carrassat demande à tous un véritable travail d’orfèvre : le corps doit être à l’écoute des autres comédiens, musiciens, créateurs son, lumières et objets mais aussi du rythme des mots. Le public est à la fois surpris et enthousiasmé par ce Gilgamesh inattendu, héros légendaire et poétique venu du fond des âges . En le voyant lui, ses amis et ses ennemis dans leurs prouesses et discordes, nous pensons bien entendu à la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui bouleverse le monde aujourd’hui. Les contes ont toujours évoqué les plus tragiques conditions de la vie humaine mais finissent souvent par une fin heureuse…

Nous pensons aussi au fabuleux Mahâbhârata de Peter Brook, dans la carrière Boulbon, au festival d’Avignon 85 et sommes émerveillés par ce conte à la fois ludique et tragique, aux airs de carnaval avec ses personnages guignolesques mais parfois aussi cauchemardesques. Ce poème dramatique, accompagné ici par une musique improvisée mais dense et juste, a des héros, des dieux et animaux fabuleux mais aussi des objets étonnants et masques colorés et poétiques, tous dessinés par des enfants. Il laisse cependant la part belle aux contradictions et à la vulnérabilité de ces personnages si humains comme le sont les Dieux de l’Olympe. Et l’intime est bien ici au rendez-vous.

Cette mise en scène, aussi accomplie soit-elle, reste en cours de réalisation, sans que le public ressente une mise en danger, au sens négatif du terme. Remarquables sont les lumières de Félix Depautex, les masques de Juliette Paul, la musique de Jean Galmiche et Baptiste Thiébault, les costumes de Valérie Montagu et Lucie Duranteau, les vidéos et photos de Louise Guillaume. Et il est rare de voir combien la scénographie dans son ensemble vient compléter et enrichir le texte.

Autre point fort: le choix d’une langue inventée par les comédiens avec  traduction sur écran… Une trouvaille formidable qui n’aurait sans doute pas déplu à Antonin Artaud! Mais sans aucun désordre ni bafouillage!  Geoffrey Rouge-Carrassat a eu la précieuse idée de monter un canevas  grâce auquel public et artistes peuvent s’orienter. Ainsi, chaque soir adviennent quelques différences sensibles et d’étonnants coups de théâtre. Il y a  une tension dramatique singulière, en parallèle à celle du texte. Ici, plus de quatrième mur et le public, se sentant directement concerné, assiste aux prises de risque artistique de toute une équipe. Nous sommes invités, sans être passifs, à une cérémonie théâtrale et au jeu de la vie avec ses rêves et combats ! «Le plaisir du jeu est inséparable du risque de perdre. Un déroulement connu d’avance, sans possibilité d’erreur ou de surprise, est incompatible avec la nature du jeu» écrivait Roger Caillois. Et ici Gilgamesh Variations gagne haut la main ! Du plaisir, de l’émotion, de l’intelligence… Bref, du vrai théâtre avec une parole dramatique universelle !  

 Elisabeth Naud

 Spectacle vu au Conservatoire National Supérieur, à Paris le 13 avril.

Théâtre La Pokop, Nouveau théâtre de l’Université de Strasbourg (Bas-Rhin) en 2023.

Festival de Marseille 2022, entretien avec Marie Didier

 

Festival de Marseille 2022, entretien avec Marie Didier

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© Photo Léa Magnien et Quentin Chantrel – Graphisme Floriane Ollier

 «Danse et corps en mouvement sont l’ADN de ce festival créé en 1996 qui a déjà une longue histoire », dit Marie Didier, sa nouvelle directrice qui succède cette année à Jan Goossens (voir le Théâtre du blog). Quitter La Rose des vents à Villeneuve-d’Ascq ne sera pas un dépaysement pour elle qui connait bien Marseille pour y avoir fait ses études, puis travaillé quelques années. Laisser la direction d’une Scène Nationale pour un festival international lui donne: «l’opportunité de mettre en place des projets plus ouverts sur le monde, surtout la Méditerranée et des aventures liées à ce territoire pluriculturel, terre d’exil et d’asile ». «  L’énergie donnée par la dimension évènementielle, la prise de risques et de nouveaux publics m’intéressent particulièrement.» L’international, elle connaît avec NEXT, festival transfrontalier entre Hauts-de-France et Belgique (voir Le Théâtre du Blog). Et la danse aussi… Marie Didier en a programmé pendant des années à la Scène Nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines, puis à celle de la Rose des Vents.

 Ce qui l’attire dans la cité phocéenne? : «Le dynamisme des artistes locaux -ils constituent un quart de la programmation- comme Ahamada Smis, un musicien multi-instrumentiste venu des Comores (on dit souvent que Marseille est la capitale des Comores), beaucoup de Marseillais et la Rwandaise Dorothée Munyaneza avec sa compagnie Kadidi. Et le festival s’appuie sur le vitalité d’une centaine d’associations pour construire ou pour relayer des projets incluant le public. »

De cette programmation élaborée en six mois et conçue à 90% par Marie Didier, il faut retenir, hors les formes plus traditionnelles comme Somnole de Boris Charmatz (voir Le Théâtre du Blog) qui seront présentées dans quatorze lieux partenaires, plusieurs spectacles hors-norme et rassembleurs.

 100% Afro 

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100%-Afro_Qudus_Onikeku©Alice-Brazzit_

  »Il s’agit, sous la houlette du chorégraphe et performeur nigérian Qudus Onikeku, de réunir une cinquantaine de danseurs repérés à Marseille et aux quatre coins du monde (en particulier sur internet), pour un spectacle géant d’afro-danse. Qudus Onikeku a travaillé avec eux, en ligne avant leur séjour à Marseille. Une fois les artistes sur place, leurs répétitions collectives seront filmées et diffusées en ligne sur un site créé pour l’occasion :afropolis.org. Une application pour smartphone permettra à des groupes d’amateurs locaux de « poster », eux aussi, leur danse. Les liens en ligne sont un héritage de la période covid: ce qui permettra de s’ouvrir au monde grâce aux réseaux sociaux, de regrouper la création, la diffuser et la transmettre. De cette expérience, naîtra un spectacle que nous espérons emmener en tournée. »

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 Librement inspirée du spectacle des Ballets russes, écrit par Jean Cocteau sur une musique d’Erik Satie, chorégraphié par Léonide Massine et avc un décor de Pablo Picasso, cette pièce rassemblera dix-sept artistes en situation de handicap ou pas, de tout âge et de tout niveau de danse: «Depuis trois ans, Andrew Graham prépare cette création pour établir un langage commun adapté au corps de chacun. Parallèlement, les ateliers que le chorégraphe mène toute l’année avec des amateurs, seront présentés pendant ce festival. »

 Haking Urbain/Vertiges

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 Autre pari, confié à Rara Woulib (“défilé rara“ en créole), un collectif marseillais que nous avions rencontré en 2019 (voir Le Théâtre du Blog). Cette vingtaine de musiciens, artistes, acteurs, costumiers, constructeurs, artificiers, puise son inspiration dans la tradition haïtienne du « rara», pour des performances théâtrales à base d’improvisations : «C’est une forme musicale jouée dans les défilés de rue, mêlant instruments et chants… Intimement lié à l’idée de traversée, de marche, dépassement et transe.»Depuis sa création en 2007, ces spectacles de rue investissent et subvertissent l’espace public. Il se lance cette année, avec des étudiants en arts plastiques, associations citoyennes de droit au logement, collectifs de femmes, etc. ) dans une vaste opération de «hacking » urbain. Ils se réapproprient subrepticement la ville, après des années de sclérose, vu la crise sanitaire.

Un ambitieux triptyque avec des œuvres créées à Marseille en 2022, à Strasbourg, puis à Tunis en 2023. « Nous y interrogeons la forme et l’efficacité du cortège revendicatif traditionnel, dit Julien Marchaisseau qui dirige ce collectif. De l’installation muséographique vivante autour d’une architecture : celle du Centre de ressources des Arts de la lutte), à la déambulation et à l’occupation longue d’un espace, le format s’adapte aux partenaires de la société civile avec qui nous créons la mise en récit de l’individu et du collectif.» Le public sera associé aux étapes de cette démarche avec des rendez-vous en plusieurs lieux de la ville, annoncés au jour le jour.

 Parmi les vingt-cinq propositions, celles de nombreuses femmes: «Je suis arrivée à une presque parité», dit Marie Didier. «Avec des esthétiques qui débordent, sensibles à l’air du temps, aux questions de genre, identité, justice sociale… Un des axes forts de la programmation: donner une entrée artistique à toutes ces questions. »

Un public en progression: «Avec une baisse à 10 € des entrées et une billetterie solidaire de 2.000 places à 1 €, nous arrivons à douze mille spectateurs payants. Et dix mille personnes assistent aux spectacles de rue». Cette importante fréquentation tient aussi à l’action menée par l’équipe permanente du festival tout au long de l’année, avec vingt ateliers de danse inclusive, et en milieu scolaire, des séances d’éducation artistique. Pour avoir plus d’écho, la manifestation investit cette année des sites inhabituels comme la Sucrière, un théâtre de verdure des quartiers Nord, ou le toit de la Cité radieuse de Le Corbusier… Human Rights Tattoo, une exposition au MUCEM vient compléter ce programme: depuis 2012, l’artiste néerlandais Sander van Bussel va tatouer, lettre par lettre (6.773 au total), la Déclaration des droits humains sur autant de personnes volontaires à travers le monde, soit déjà 4.695 lettres! Il propose de le faire aussi à Marseille et tous les tatouages réalisés seront visibles au MUCEM sur une fresque photo.

A suivre…

Mireille Davidovici

 Du 16 juin au 9 juillet, 17 rue de la République, Marseille (II ème) T. : 04 91 99 02 50.

 

Le Grand Débat, conception et mise en scène d’Émilie Rousset et Louise Hémon

Le Grand Débat, conception et mise en scène d’Émilie Rousset et Louise Hémon

 Quatrième collaboration de ces metteuses en scène avec ce spectacle qui recrée un débat télévisé, juste avant le second tour aux élections présidentielles, à partir d’archives de 1974 à 2022. Cette épreuve obligée de la vie politique française prend une valeur de rite et s’inscrit dans leur série de Rituels inaugurée en 2015. «Avec ses règles très codifiées, le débat télévisé est un véritable rituel moderne, dit Emilie Rousset. Bien autre chose qu’une ultime séquence de la course à l’électeur: un évènement d’une exceptionnelle dramaturgie (…) Une pièce de théâtre. »

 En 1974, une grande table les isolait et trois mètres séparaient François Mitterrand, de Valéry Giscard d’Estaing… Dans un décor froid et solennel, deux caméra les filment  tour à tour et nous voyons projetées en gros plan et sur grand écran, leurs poses et mimiques. Une journaliste en voix off lance les questions. Emmanuelle Lafon et Laurent Poitrenaux se prêtent à ce jeu et endossent en alternance les personnages des candidats : les futurs présidents et ceux qui seront battus. Le public, friand de l’exercice, fouille dans sa mémoire ancienne ou pas, pour deviner qui a dit quoi et quand, parmi les sept débats qui ont eu lieu à ce jour. Mais souvent, nous ne savons plus à qui attribuer ces phrases qui, à la longue, produisent un certain ronron et l’étrange impression de déjà entendu.

Puisant dans ces paroles convenues, les réalisatrices se focalisent sur la notion de rassemblement: «Cet angle de « nation » s’est imposé à nous comme fil rouge. De l’idée de nationalisation dans la bouche de François Mitterrand en 197,,à celle d’identité nationale. Mais le mot n’est plus du tout porteur des mêmes valeurs.»Grâce à un effet de montage, les phrases des protagonistes apparaissent de plus en plus stéréotypées, dénuées de fondement idéologique presque équivalentes. Nous distinguons à peine, à la manière de parler plus ou moins littéraire, et aux petites phrases maintenant historiques, époques et candidats.

Les acteurs s’appliquent, non à singer leurs modèles, mais à réduire leurs phrases à des formules creuses qu’ils se lancent, parce qu’il leur faut bien participer au duel. Et ici, ils semblent se parodier eux-mêmes. Ces paroles langue de bois, prennent donc, entre les deux tours de ces présidentielles une autre résonance, qu’à la création de cette pièce au Festival d’automne 2018. Et nous reconnaissons, entre autres, les saillies, encore toutes fraîches, de Marine le Pen et d’Emmanuel Macron. Et après ce spectacle, tout en ayant bien ri, nous sortons aussi dépités qu’après un vrai débat. ..

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu au Centre Georges Pompidou , Place Georges-Pompidou, Paris (IV ème). T. : 01 44 78 12 33.

 

Les Autres de Rémi De Vos, mise en scène de Carole Thibaut et Rémi De Vos

 

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Les Autres de Rémi De Vos, mise en scène de Carole Thibaut et Rémi De Vos

Carole Thibaut, directrice du Théâtre des Îlets-Centre Dramatique National de Montluçon (Allier) et Rémi De Vos ont répondu à l’invitation du Conservatoire National. Ils ont imaginé une création sur place ce mois-ci pour les élèves de troisième année et jouée trois jours, puis reprise au Conservatoire à Paris. Cette série de courtes scènes a pour fil rouge les préoccupations de personnages qui ont moins de trente ans.

Cela commence avec un retard de treize minutes, sans que soit prononcée la moindre excuse. Inadmissible et pas très pédagogique! La ponctualité est une règle absolue et pas l’exception. Au milieu du plateau, une table ronde avec chaises en bois et et fauteuils en skaï rouge et noir années cinquante pour ceux qui jouent; les autres assis au fond, côté jardin et côté cour, attendent leur tour et apportent les accessoires. Un vieux truc brechtien passablement usé. Et pourquoi cette bagarre avec lumière blanche stroboscopique qu’on a vue partout au music-hall comme au théâtre, depuis au moins soixante ans

Ils s’appellent Julie, Thomas, Pauline, Damien… Certains en couple avec  un enfant et tous se retrouvent chez les uns ou les autres. Et ils parlent beaucoup, surtout au début, d’un émigré syrien qu’ils ont recueilli mais qui ne sort jamais de sa chambre: «Vous vouliez qu’il ait laissé ses problèmes en Syrie?» Et ils discutent, au cours d’un repas ou d’un verre, plaques tectoniques, La Bhagavad-Gita qui a une place importante dans la pensée religieuse hindouiste. Mais aussi régimes politiques, homophobie, P.M.A., philo et littérature avec l’amitié entre George Sand et Flaubert. Malgré leurs différences de pensée politique, l’une, baronne habitant un beau manoir et servie par une flopée de domestiques mais étant pour l’abolition des différends entre groupes sociaux. Et l’autre, pas très riche mais opposé aux lois sociales votées par la Commune… Rien de très passionnant et au bout d’une demi-heure, l’ennui pointe son nez. Dans la salle, les copains des jeunes acteurs rient souvent mais les autres spectateurs, beaucoup moins…

« Comme disait Thomas Bernhard, « les gens en théorie je les comprends, mais en pratique je ne peux pas les supporter.» Fort de cette maxime, Rémi De Vos a écrit une pièce qui, à la manière d’une ronde de personnages et de situations, explose le politiquement correct et les postures de tous bords, égratignant impitoyablement nos bien-pensances et éclairant avec un humour sans concession, les ambivalences de nos engagements. N’épargnant personne, l’auteur nous régale une nouvelle fois avec un sens unique du dialogue et de la comédie. À quelques semaines des élections présidentielles, voici de quoi se nettoyer les méninges! » Enfin dixit la note d’intention!

Mais sur le plateau, côté régalade, humour sans concession et nettoyage des méninges, il faudra repasser! Le texte, un poil laborieux, ne semble guère en accord avec les préoccupations des jeunes d’aujourd’hui que nous connaissons. Avec beaucoup d’énergie, les élèves de troisième année font ce qu’ils peuvent pour essayer de rendre crédibles les personnages peu convaincants d’un texte souvent caricatural et qui n’est pas du meilleur Rémi De Vos… Mais cela fait aussi partie du métier de jouer une pièce assez médiocre. Ici mission accomplie: rien à dire, même mal dirigés, ils font le boulot pendant… deux heures bien longues. Mais, à cause du retard, nous avons dû partir avant la fin et avons dû rater quelques minutes.

La mise en scène manque de rythme et quant à la direction d’acteurs, nous sommes restés sceptiques, alors que ces jeunes gens sympathiques -il faut tous les citer : Vincent Alexandre, Louis Battistelli, Théo Delezenne, Ryad Ferrad, Myriam Fichter, Yasmine Hadj Ali, Antoine Kobi, Samantha Le Bas, Agathe Mazouin, Basile Sommermeyer, Julie Tedesco, Zoé van Herck- ont de grandes qualités, notamment gestuelles. Comme cette jeune fille dans un étonnant solo dansé (au premier rang avec une canne sur la photo), ou d’interprétation, comme ce jeune homme ( juste derrière sa camarade sur cette même photo), aux airs de Philippe Noiret, son camarade au Cons… dans les années cinquante. Il dit remarquablement un long monologue face public.

Mais pourquoi diable, Remi De Vos et Carole Thibaut les font-ils tous si souvent crier et pourquoi -comme ailleurs, au Conservatoire National Supérieur (sic), la diction est parfois aux abonnées absents! La formidable acoustique de la salle n’est pas en cause mais le plateau nu, sans doute un peu. Ces élèves sont en toute fin de scolarité et nous attendons ici l’excellence dans un travail sur le texte d’un auteur contemporain ou classique, ici peu et mal dirigé. Bref, une soirée décevante…

 Philippe du Vignal

Présentation de travail vue le 21 avril, au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, 2 bis rue du Conservatoire, Paris (IX ème).

 

Trézène Mélodies, L’Histoire de Pèdre en chansons, d’après Jean Racine et Yannis Ritsos, mise en scène et musique de Cécile Garcia Fogel

Trézène Mélodies, L’Histoire de Phèdre en chansons, d’après Jean Racine et Yannis Ritsos, mise en scène et musique de Cécile Garcia Fogel

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Mélanie Menu et Cécile Garcia Fogel © Simon Gosselin

 Avec cette pièce en forme d’oratorio, la metteuse en scène tisse fragments de la célèbre tragédie classique, extraits du Mur dans le miroir et Phèdre du poète grec. L’action se passe à Trézène, dans le Péloponnèse: Phèdre se meurt d’amour pour son beau-fils Hippolyte. Quand on lui annonce la mort de son mari Thésée, parti combattre dans les Enfers, elle ose, sur les conseils de sa nourrice, la perfide Oenone, avouer sa flamme au jeune homme. Amoureux de la princesse captive Aricie, Hippolyte horrifié, la repousse. Thésée qui revient, trouvera son épouse pendue et accusant son fils de viol. Le Roi déchaîne alors le courroux des Dieux sur l’innocent garçon…

 Ce court spectacle nous fait revivre les moments-clefs de la tragédie dans l’intimité des personnages. Nous retrouvons avec plaisir la langue musicale de Racine jusqu’au magnifique récit de la mort d’Hippolyte par Théramène qui clôt la pièce: «À peine, nous sortions des portes de Trézène, /Il était sur son char; ses gardes affligés/ Imitaient son silence, autour de lui rangés / Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes… » Les textes de Yannis Ritsos font planer, entre les épisodes, un climat délétère. Avec une tonalité contemporaine il plonge dans le quotidien tourmenté de l’héroïne enfermée chez elle: «Cette maison est remplie de ton ombre. La maison est un corps – je le touche, il me touche, se colle à ̀ moi, la nuit surtout. Les flammes des lampes me lèchent les cuisses, les flancs, leur lave me brûle, me rafraîchit, me désigne. »

 La pièce est entièrement chantée. La musique, assez monocorde et répétitive, laisse entendre la fluidité des alexandrins, les lamentations et les plaintes des héros et se durcit pour faire sonner la prosodie heurtée et sensuelle de Yannis Ritsos. Elle se teinte d’accents empruntant aux âpres mélodies méditerranéennes et au rebetiko des anarchistes grecs. A la guitare sèche ou électrique, Ivan Quintero, qui signe les arrangements, impulse un rythme au chant de Cécile Garcia Fogel (Phèdre et Théramène) et Mélanie Menu (Aricie, Oenone, Aricie, Hyppolite). Elles monologuent, dialoguent ou entrelacent leurs voix avec simplicité, sans chercher la performance.

 Même simplicité dans la scénographie de Caroline Mexme : poteries, amphores, sable noir répandu pour circonscrire des aires de jeu. Un amas de chaises, sièges des personnages absents… Un dispositif léger et facile à implanter en tout lieu. Un beau concentré de Phèdre, qui, en à peine une heure, nous emporte avec émotion aux portes de Trézène…

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 30 avril, Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, Paris (XIV ème) T. : 01 45 45 49 77

 Le Mur dans le miroir anthologie de poèmes de Yannis Ritsos, traduction de Dominique Grandmont, Gallimard, collection Poésie.

Phèdre, traduction d’Anne Personnaz, Erosonyx éditions. 

 

Séquence Danse Paris: Simple, chorégraphie d’Ayelen Parolin

Séquence Danse Paris

Simplechorégraphie d’Ayelen Parolin

7.SIMPLE

©François Declercq

 La chorégraphe argentine, artiste associée au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, aime les ambiances colorées. Sur un fond de scène arc-en-ciel, le sol blanc fortement éclairé fait ressortir les juste-au-corps bariolés des trois interprètes. Sympathiques idiots, ils cherchent leurs phrases dansées, comme on cherche ses mots. Un langage bégayant d’abord où chacun propose son petit geste, isolément, puis découvre celui de l’autre et essaye de s’y associer ou de le contredire..

 La scène devient un terrain de jeu où ces trois bonshommes un peu simplets s’amusent et montrent à leurs copains de nouvelles bêtises à faire. Ils singent souvent la grammaire de la danse classique ou contemporaine mais avec une maladresse calculée. Pour le plus grand plaisir d’une assistance rieuse. «Si je désire aujourd’hui aller vers une forme de simplicité, dit Ayelin Parolin, c’est pour chercher à agir sans prétention, sans calcul et me débarrasser de la notion de sérieux, en touchant à quelque chose de l’ordre de l’enfance, une naïveté absolue… »

 Elle a confié cette recherche à Baptiste Cazaux, Piet Defrancq, Daan Jaartsveld, qui avaient déjà dansé dans WEG (2019), une pièce fondée aussi sur des jeux enfantins et récemment présentée au Théâtre National de Chaillot. Pas de pianiste ici pour les accompagner, comme dans WEG ou Autoctnos ll  créé à June Events 2018 (voir Le Théâtre du Blog). Les interprètes tirent les sons de leurs corps: martèlement de pieds dans un concours de rythmes, petits cris, chantonnements, coups de bâtons et de planches ramassés en bordure  de plateau. Après avoir expérimenté leurs ressources de bruitages, ils vont, dans la dernière partie, former un orchestre de tambours et cymbales…Trois imbéciles heureux de leurs trouvailles et semant une belle pagaille.

 Jouant avec les couleurs des costumes et le décor de Marie Szersnovicz, Laurence Halloy a créé  des balances de lumière franches : blanche, rouge, jaune, parfois jusqu’à l’ultra-violet… Cette pièce, fondée sur des ressorts comiques: répétitions, maladresses, gags faciles, reste drôle pendant cinquante minutes et déclenche même des crises de fou rire dans le public venu nombreux à ce festival. « 

 Ayelin Parolin, en travaillant à partir de la naïveté, de l’idiotie, a su créer une gestuelle libre et spontanée. «Une nouvelle approche que je voudrais ici approfondir, dit-elle, comme impulsion d’écriture d’une danse à la fois pleine de frictions, métissages inappropriés, piratages incessants et d’une légèreté inoffensive.» De quoi séduire les programmateurs…

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 20 avril au CENTQUATRE, 5 rue Curial, Paris (XIX ème). T. : 01 53 35 50 00.

 

 

Flowers (we are) chorégraphie de Claire Croizé

Flowers (we are) chorégraphie de Claire Croizé

 Un projet séduisant: mêler la musique de Jean-Sébastien Bach et les Elégies de Duino de Rainer-Maria Rilke. «Avec cette pièce, j’ai d’abord voulu assumer une dimension narrative, dit Claire Croizé. Le début de la seconde Élégie emprunte à l’Ancien Testament avec l’histoire de Tobie priant l’archange Raphaël de secourir son père, rendu aveugle par une malédiction. Cette courte histoire structure la pièce en offrant de multiples variations.»

 En fond de scène, se découpe sur un drapé d’argent sur lequel les effets lumineux d’Hans Meijer, découpent un paysage de montagnes. Les trois interprètes seront tour à tour les personnages de la légende. Le père aveugle et avançant à tâtons, mains tendues et se déplaçant avec l’aide de ses partenaires, l’ange aux pas légers et Tobie, priant à genoux. La chorégraphie fonctionne par ruptures de styles: la musique se déglingue et les danseurs se lancent dans une joyeuse débandade… Mais nous perdons de vue cette fable qui semble se répéter plusieurs fois avec des modalités musicales, gestuelles différentes et changements de costumes.

 La danse est banale et les costumes peu flatteurs mais les musiques de Matteo Fargion, un compositeur de musique minimaliste qui réinterprète ici Jean-Sébastien Bach, sont le point fort du spectacle. Et sa fille Francesca chante en anglais le texte de Rainer Maria Rilke mais en gardant un style baroque à la ligne mélodique. A ces morceaux joués au piano acoustique, se mêlent des variations pour piano à quatre mains, puis le compositeur transforme au synthétiseur plusieurs Préludes du clavier bien tempéré et fait sonner un métallophone à chaque fin de morceau, pour marquer les ruptures entres les séquence dansées.

«Au fur et à mesure de la pièce, dit la chorégraphe, j’ai ressenti le besoin de moments musicaux plus longs. Le métallophone semble sonner en décalé et créer d’autres lignes de temps, puis il s’efface complètement. Danse et musique progressent à des rythmes différents, s’accordent, puis s’éloignent à nouveau.» Parfois les musiciens rejoignent les danseurs pour quelques pas complices. Mais nous avons eu vraiment du mal à trouver nos marques dans ce travail ambitieux au fil dramaturgique décousu, oscillant entre narratif et abstraction.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 19 avril, Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris (XI ème). T.: 01 43 57 42 14.

 

Le Sicilien ou l’Amour peintre de Molière, musique de Jean-Baptiste Lully, mise en scène de Vincent Tavernier

Le Sicilien ou L’Amour peintre de Molière, musique de Jean-Baptiste Lully, mise en scène de Vincent Tavernier

Cette comédie-ballet en un acte créé en 1667 donc six ans avant sa mort juste après une représentation du Malade imaginaire, mêle chants, danse et comédie avec un équilibre entre intermèdes musicaux, jeu, chants et ensembles vocaux. Ancêtre direct de l’opérette et de la  comédie musicale, elle fut reprise à la Comédie-Française en 1679, avec, cette fois, une musique de Marc-Antoine Charpentier, puis en 1780, avec celle d’Antoine Dauvergne et enfin, pour la recréation en 1892, sur une partition de Camille Saint-Saens. La compagnie Les Arts florissants l’a remontée avec la musique de Lully en 2005… Une lecture de cette œuvre -à laquelle nous n’avons assister-  en a été récemment proposée, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, sous la direction artistique de Nicolas Lormeau.

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Vincent Tavernier a monté dix comédies et comédies-ballets de Molière. Celle-ci se passe sur une place publique de Messine dans une Sicile fantasque. Adraste, un élégant Français est très amoureux de la belle Isidore, une esclave grecque dont Don Pèdre, un Sicilien est aussi très amoureux qui entend bien se la garder comme Arnolphe dans L’Ecole des Femmes. Et il la surveille de près, quand Adraste, venu faire son portrait, soi-disant à la place d’un ami indisponible, essaye de lui parler. «Oui, jaloux de ces choses-là; mais jaloux comme un tigre, et, si vous voulez, comme un diable. Mon amour vous veut toute à moi.» Adraste, avec son valet turc Hali qui a tout compris : «Mais il est, en amour, plusieurs façons de se parler; et il me semble, à moi, que vos yeux, et les siens, depuis près de deux mois, se sont dit bien des choses. » Adraste lui va se lancer dans une aventure risquée  pour «tirer cette belle Grecque des mains de son jaloux ». Et il l’aime: «plus que tout ce que l’on peut aimer, et je n’ai point d’autre pensée, d’autre but, d’autre passion, que d’être à vous toute ma vie. » Il réussira à séduire la belle jeune fille en s’introduisant chez Don Pèdre et s’enfuira avec elle. L’intrigue de la pièce est bien mince, mince, entre comédie-ballet et farce, avec mascarade avec à la fin, une entrée de Maures que dansaient Louis XIV, Mademoiselle de Lavallière… costumés eux aussi, y dansaient.. C’est ce divertissement en une heure que Vincent Tavernier, qui a monté Le Médecin malgré lui, Le Mariage forcé et Le Malade imaginaire, a mis en scène pour célébrer le quatre centième anniversaire de Molière.

Cette comédie-ballet comme M. de Pourceaugnac créée deux plus tard et dont Lulli avait aussi écrit la musique des chansons et des danses est une forme hybride mais intéressante, ancêtre de notre comédie musicale. Et le metteur en scène la considère un « passage de relais » entre les arts. De fait, la musique inaugure puis passe le relais aux comédiens qui le passent à leur tour aux danseurs qui vont encore le passer, et ainsi de suite. La difficulté ici est celle de l’unité de style car ce n’est pas une juxtaposition mais une progression. La danse, par exemple, va alors amplifier le propos, le théâtre va le récupérer et de façon différente que précédemment… Il s’agit là d’une construction, somme toute très sophistiquée, que je trouve intéressante, c’est l’enjeu même de la forme de la comédie-ballet que seul, Molière a parfaitement maîtrisée selon moi.»

Reste à la mettre en scène aujourd’hui… Cette représentation a eu lieu au Montansier à Versailles, un beau théâtre à l’italienne avec une très bonne acoustique, inauguré en 1.777 par Louis XVI et Marie-Antoinette qui pouvait y accéder par un couloir privé depuis le château situé à quelque cent mètres. Comme seul décor, une petite maison aux murs ocres et à tuile romaines avec deux portes et une fenêtre en haut. Assez conventionnel ou au second degré? Une peu sale en bas mais bon… Rien à dire sur l’impeccable direction musicale d’Hervé Niquet ou de  Nicolas André, les chants et la chorégraphie de Marie-Geneviève Massé. Mais la mise en scène souffre singulièrement de rythme -les petites scènes se succèdent, curieusement sans véritable fil rouge- et nous avons même droit à quelques incursions d’Ali dans la salle, un procédé plus qu’usé! Quant à l’interprétation très médiocre, elle flirte avec un certain amateurisme: comment croire une seconde à ces personnages quand les acteurs, même s’ils ont une bonne diction, semblent être ailleurs et ânonnent parfois leur texte. Et mieux vaut oublier les costumes d’une laideur accablante et sans unité : un mélange, sans doute voulu, entre une époque vaguement Louis XIV pour les chanteurs et musiciens, un exotisme de pacotille pour ceux d’Isidore et d’Ali, et le XXème siècle pour Adraste et Don Pèdre, lui en complet veston et cravate! Sans doute une petite provocation teintée d’un vague brechtisme! Comme, pour faire davantage théâtre contemporain, les deux petits castelets portatifs de marionnettes, une référence au célèbre 1789 d’Ariane Mnouchkine, ? Que sauver de cette médiocrité: seule la musique discrète mais savoureuse de Lully, excellemment interprétée par le Concert spirituel d’Hervé Niquet mais c’est tout… Nous avons vite décroché! Le public versaillais, en majorité aux cheveux blancs ou grisonnants et visiblement peu exigeant, a, lui, beaucoup applaudi. Les places ne sont pas données: de 39 à 26 € ! Tarif réduit pour les moins de vingt six ans à 15 €. Mais vous aurez compris qu’il est inutile de vous déplacer.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 21 avril, spectacle vu le 20 avril au Théâtre Montansier, 13 rue des Réservoirs, Versailles (Yvelines). T. : 01 39 20 16 00.

 

Soixante-seizième édition du festival d’Avignon…

 Soixante-seizième édition du festival d’Avignon…

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Le plus important festival de théâtre au monde, créé en 1947 par Jean Vilar, aura lieu aux mêmes dates que d’habitude, du 7 au 26 juillet. Cette édition sera la dernière pilotée par Olivier Py, après un mandat de dix ans. Mais il restera avec sa compagnie en Avignon toute l’année. Et lui succèdera l’an prochain, Tiago Rodrigues, auteur et metteur en scène portugais bien connu en France, premier étranger à diriger ce festival. 

Olivier Py n’a voulu cette édition « ni récapitulative, ni commémorative». Mais s’y dégagent les mêmes lignes artistiques qui lui sont chères, avec une volonté, cette année encore, de privilégier les spectacles de metteuses en scène.  Comme en témoigne l’affiche. Ce qui est tout à son honneur… Anne Théron mettra en scène une adaptation dIphigénie de Tiago Rodrigues. Elise Vigier avec Anaïs Nin au miroir d’Agnès Desarthe.

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Solange Oswald, elle, avec le Groupe Merci, reprendra la fameuse Mastication des morts de Patrick Kermann, une pièce en plein air qu’elle avait créée en 1.999 (voir Le Théâtre du Blog).

En adaptant Dans ce Jardin qu’on aimait, un récit de Pascal Quignard, Marie Vialle nous fait entrer dans un univers sonore où « la solitude devient une écoute absolue du monde, le souvenir d’un être aimé et la manifestation d’une cruauté inattendue ». Elle s’est aussi inspirée de la vie du compositeur américain Simon Pease Cheney. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un pasteur musicien perd sa femme en couches, se réfugie dans le deuil et commence à noter les bruits, les chants d’oiseaux, les sons de la pluie…  ou encore la chorégraphe Maud le Pladec avec Silent Legacy.

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Et on peut espérer -s’il arrive à sortir de Russie- que le grand metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrenikov qu’Olivier Py avait invité bien avant l’invasion de l’Ukraine, présentera dans la Cour d’honneur du Palais des papes, Le Moine noir. Un spectacle tiré d’une nouvelle d’Anton Tchekhov, créé le mois dernier au Théâtre Thalia de Hambourg. Il a mis en scène des textes de Gorki, Ovide, Shakespeare, Pouchkine et des opéras pour le Bolchoï et en Europe. Mais la radicalité de ses spectacles et ses positions pro-démocratie et LGBT ne plaisent pas beaucoup là-bas! Il y a deux ans, il a été assigné à résidence et condamné à de la prison avec sursis… Bien connu en France, il a présenté au festival de Cannes Le Disciple (2016), Leto (2018) et La Fièvre de Petrov (2021) et au festival d’Avignon, Les Idiots (2015) et Les Âmes mortes l’année suivante,  puis Outside en 2019 (voir Le Théâtre du Blog) .
Mais très mal vu par Vladimir Poutine dont il critique le régime, à cause de ses spectacles jugés trop audacieux, mais aussi parce qu’il soutient ouvertement les LGBT, il n’a pas le droit de quitter Moscou, après avoir été condamné, soi-disant pour détournements de fonds…
Il y aura aussi d’autres spectacles étrangers comme Solitaire de Lars Noren mort l’an passé et dont Sofia Adrian Jupither a monté sept pièces. Et En Transit d’Amir Reza Koohestani; Il y a quatre ans, cet auteur et metteur en scène viranien partait pour le Chili. A une escale à Munich, il est transféré par la police des frontières vers la zone de transit. Motif : être resté quelques jours de trop dans la zone Schengen, suite à la délivrance inexplicable de deux visas de séjour différents. Il sera renvoyé en Iran. Dans la salle d’attente, il lit Transit d’Anna Seghers et se retrouve avec des gens semblables à ceux qui cherchaient, dans ce roman, un moyen de fuir l’Europe nazie.

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©x Micha Lescot

Cette année, peu d’œuvres d’auteurs «classiques», sinon cette adaptation de la nouvelle d’Anton Tchekhov et un Richard II de William Shakespeare, mise en scène de Christophe Rauck, le directeur du Théâtre des Amandiers à Nanterre. Avec, entre autres, Thierry Bosc, Murielle Colvez, Cécile Garcia Fogel… Et Micha Lescot dans le rôle-titre: «J’avais travaillé Richard II pour un hommage à Jean Vilar, à Avignon, avec Gérard Desarthe. C’était resté dans ma tête. Il fallait que je trouve la bonne personne. » Il avait déjà été mis en scène par   Christophe Rauck dans Départ volontaire de Rémi De Vos et lui dit qu’il avait envie du rôle. «Richard est à l’image de son époque: il est la crise. Lui-même est en crise. C’est pourquoi, il n’est pas assez radical, comme s’il avait eu le pouvoir trop tôt. Et au moment de sa destitution, son dépouillement est magnifique. »
Et il y aura un autre Shakespeare, La Tempesta, mise en scène du Turinois Alessandro Serra qui a reçu le prix Ubu en 2017 pour un Macbettu,  une version sarde d’après Shakespeare,
interprété uniquement par des hommes, avec sonnailles, instruments anciens, cornes et peaux d’animaux... Mais pas la moindre trace, pas le moindre hommage  à notre Molière à tous… Olivier Py a sans doute pensé que la coupe était bien assez pleine mais c’est vraiment dommage!

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©x Les Dark Daughters

Il avait écrit puis monté La Servante au Gymnase Aubanel en 95,  un spectacle fleuve en vingt-quatre heures joué par vingt-huit acteurs sans interruption pendant sept jours et sept nuits… Peut-être histoire de renouer avec ses trente ans,  il y créera cette année Ma Jeunesse exaltée, une sorte d’épopée en dix heures, avec un «dialogue entre un jeune arlequin et un vieux poète ». Et il reviendra au cabaret avec son personnage de Miss Knife à la fin du festival et avec aussi, les fameuses Dark Daughters, un  groupe de chanteuses et danseuses ukrainiennes que nous avions déjà pu voir dans les spectacles de Lucie Berelowitsch

Du côté épopée théâtrale, un genre auquel Olivier Py est très attaché, sera aussi monté Le Nid de cendres par son auteur Simon Falguières (voir Le Théâtre du Blog). Une pièce en sept parties, inspiré par l’univers de contes traditionnels. Il nous parle d’un Occident en pleine autodestruction où naît Gabriel, recueilli par une troupe de comédiens ambulants et d’un pays de conte avec roi, reine ubuesques et Anne, une jeune princesse des temps modernes qui traverse les mers pour trouver l’homme qui sauvera sa mère d’un profond sommeil..  » C’est l’histoire d’un monde coupé en deux morceaux, qui, comme une pomme coupée en deux qui vont tenter pendant toute la pièce de se réunir. Je tends, dit Simon Falguières, à parler du monde d’aujourd’hui, de ce mouvement de l’Histoire que traverse notre génération, non pas en essayant de le montrer tel qu’il est mais en parlant la langue des contes.» Mais Shakespeare, Homère et Sophocle ne seront sans doute pas très loin…

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©x Gretel, Hansel et les autres

Nous ne pouvons tout citer mais il y aura aussi, comme d’habitude, plusieurs pièces jeune public dont Le Petit chaperon rouge par Das Plateau et Gretel, Hansel et les autres, l’histoire d’une frère et d’une sœur perdus dans la forêt par leurs parents et vite aux prises avec une sorcière. «Mon adaptation, dit Igor Mendjinski, contera la fuite, la manière dont on abandonne les enfants aujourd’hui, la peur de certains de ne pas trouver le bon chemin, et surtout le besoin de grandir sans perdre de vu qu’il est important de continuer à se raconter des histoires. »

Il faut noter aussi deux expositions: L’œil présent de Christophe Raynaud de Lage qui a pris des milliers de clichés des spectacles à Avignon depuis dix-sept ans et qui, maintenant, apparaissent sur le site du festival  le soir de la première, puis dans de nombreux articles article de presse. Et First but not last time in America par Kubra Khademi. Cette artiste afghane, réfugiée en France depuis sept ans, croise gestes épiques, poésie classique et slogans des femmes de son pays. Avec des peintures et performances nourries par la situation de son pays. «Ses représentations de femmes ne naissent pas du désir de montrer leur nudité mais de mettre en scène des corps libres. » Elle a aussi dessiné l’affiche de ce festival.

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A noter aussi : pour la seconde année consécutive, la participation de l’École supérieure d’art d’Avignon, maintenant dirigée par Morgan Labar. Située dans de grands bâtiments mais à la périphérie donc souvent mal connue des habitants, elle offrira comme l’an passé sur son annexe, quartier Champfleury, des ateliers gratuits aux enfants de la ville et aux autres mais sur inscription préalable.

Au chapitre danse, cela sera aussi très international et c’est tant mieux, avec des créations comme, entre autres, Silent Legacy de Maud Le Pladec, avec Adeline Kerry Cruz, une enfant de Montréal qui, à huit ans, elle danse le krump né à Los Angeles il y a quelque vingt ans, et Audrey Merilus, une danseuse aux nombreux styles et techniques contemporains qui a travaillé avec Anne Teresa De Keersmaeker. Jan Martens qui était venu l’an passé avec un remarquable Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones, revient avec une création : Futur proche.

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©x Le Sacrifice

Et on pourra voir aussi Dada Masilo avec sa compagnie sud-africaine qui présentera Le Sacrifice. Et encore Tumulus de François Chaignaud.

Un festival aux multiples perspectives, bien dans la ligne des éditions précédentes. Sans grande surprise, à part l’arrivée très attendue mais peu probable, vu les circonstances, de Kirill Serebrenikov. Mais cette manifestation – et c’est regrettable- n’est pas vraiment populaire: les places, quels que soient les spectacles, selon Olivier Py s’arrachent dès l’ouverture de la location en ligne… Mais bon, l’an passé, la Cour d’honneur était loin d’être toujours pleine.  Restera à son successeur la tâche d’arriver à faire revenir un public, élargi et jeune, avec une carte de spectacles de théâtre exigeants mais moins longs et à l’accès plus facile. Une carte maintenant offerte par le festival off qui n’a plus rien à voir avec celui d’il y a vingt ans -nous vous en reparlerons très vite- et dont la qualité n’a cessé de progresser depuis quelques années…

Philippe du Vignal

Le 76 ème festival d’Avignon aura lieu du 7 au 26 juillet.
Prévente exceptionnelle de 10.000 places, uniquement en ligne, le samedi 4 juin à 14 h  et ouverture des ventes en ligne, le mardi 7 juin de 14 h à 19 h. Et par téléphone : + 33 (0)4 90 14 14 14, du 7 au 30 juin, du mardi au samedi de 11 h à 19 h.
Du 1er au 26 juillet : tous les jours de 10 h à 19 h et le samedi 11 juin de 14 h à 19 h. Ouverture des ventes au guichet, cloître Saint-Louis, 20 rue du portail Boquier, Avignon, du 11 au 30 juin, du mardi au samedi de 14 h à 19 h. Et du 1er au 26 juillet, tous les jours aux mêmes horaires.

 

 

 

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