Les Fables d’après Jean de La Fontaine, mise en scène de Philippe Car
Les Fables d’après Jean de La Fontaine, mise en scène de Philippe Car
L’Agence de voyages imaginaires, une compagnie marseillaise installée dans le quartier de l’Estaque, a su créer avec succès depuis des années, sous la houlette de Philippe Car, des adaptations populaires de textes classiques et les jouer aussi en tournée dans la région. Ici, un cabaret festif, impertinent et imagé, avec pour chaque tableau, un décor, souvent kitch, installé à vue, au rythme du petit orchestre que forment cinq acteurs et musiciens aussi habiles à interpréter les animaux qu’à joue d’un instrument. Sous les lumières de Julio Etiévant, les compostions de Jean-Luc Tourné et Yann Norry accompagnent aimablement ces courtes séquences, conçues comme des sketches.
Un rideau de scène chatoyant tendu ss s’ouvre parfois sur un écran où sont projetés des paysages bucoliques. Au fronton de ce petit théâtre, une inscription : «Aimez, aimez tout le reste n’est rien», clin d’œil aux Amours de Psyché et de Cupidon. Sur tout le plateau, ou à l’avant-scène, cette joyeuse compagnie commente, plus qu’elle n’illustre, vingt fables, plus ou moins connues. Elle reste fidèle à leur esprit, tout en faisant fi des morales de l’auteur qu’elle juge dépassées.
Ainsi la Cigale, en costume de majorette, entraîne la fourmi dans la danse, et la voisine peu prêteuse, au lieu de la tancer, la suit volontiers au son des tambours. L’Agneau, sous la menace d’un revolver brandi par le loup, se rebelle contre son rôle d’animal sacrificiel, égratignant au passage, la religion chrétienne. Le Corbeau, lui, est ravi de se débarrasser d’un gros fromage en polystyrène… Parfois, les comédiens se conforment à leur modèle, avec ironie : le temps d’une courte chanson, le Bûcheron repousse la Mort et passe son chemin. Les deux Pigeons devient une parodie. Nous avons apprécié le concert des grenouilles quand la plus vaniteuse se gonfle pour se faire aussi grosse que le bœuf, interprété, lui, par un guitariste coiffé d’énormes cornes…
Ces morceaux choisis s’articulent selon un fil conducteur : Gaïa (la Terre) ,dans une splendide robe rouge à crinoline, préside et nous sert une fable écologique de son cru, prédisant la fin de la Planète souillée par les hommes. Et joignant le geste à ses prophéties, elle répand un gaz mortel sur le plateau… Mais était-il nécessaire d’alourdir cette comédie humaine par un discours moralisateur pas très bien écrit, quand ce spectacle détourne déjà le moralisme de La Fontaine? Malgré cette réserve, le spectacle, bien enlevé, ravit petits et grands… Dans le hall du théâtre, l’Agence de voyages imaginaires offre un bonus: une exposition sur toutes les Fables ! Deux cent quarante-six créateurs ont illustré ces histoires, chacun à partir d’une fable tirée au sort. Soit une panoplie de textes, chansons, vidéos, dessins, installations à voir, avant ou après la représentation…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 1er avril, à Bonlieu-Scène nationale, 1 rue Jean Jaurès, Annecy (Savoie). T. : 04 50 51 45 40.
Les 12 et 13 mai, Théâtre du Parc, Adrezieux- Bouthéon (Loire).
Le 1er juin, CIRCA Pôle national du Cirque, Auch (Gers)