Les Précieuses ridicules de Molière, mise en scène de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux
Les Précieuses ridicules de Molière, mise en scène de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux
En 1659, Molière, comédien directeur de troupe mais aussi auteur, a trente-sept ans. Cette farce en un acte est sa troisième pièce et connaîtra immédiatement le succès. Ce sera sa première pièce à être éditée et très vite, ce qui n’était pas courant à l’époque. Molière s’inspire ici de L’Héritier ridicule de Scarron qu’il avait jouée. Elle a été jouée plus de 1.500 fois à la Comédie-Français et sera choisie pour la première retransmission cinématographique d’une représentation mise en scène par Léonce Perret en 1934.
Le vieux Gorgibus venu de province s’est installé à Paris avec Cathos sa fille et Magdelon, sa nièce. De jeunes petits marquis, La Grange et Du Croisy sont amoureux d’elles. Mais, assez prétentieuses et voulant faire partie du tout Paris mondain artistique et littéraire, elles les accueillent avec un certain mépris. Humiliés, ils vont se venger cruellement et travestissent leurs valets, Mascarille et Jodelet en aristocrates pour les séduire. Un vieux procédé hérité de la comédie espagnole où le valet prend un temps la place du maître… Cathos et Magdelon tombent aussitôt dans le piège, fascinées par ces jeunes gens qui se vantent d’avoir des relations à la Cour et qui leur montrent de soi-disant blessures de guerre. Mascarille, lui, se lance dans un piteux monologue pseudo-poétique… mais qui les éblouit! La Grange et Du Croisy mettront fin à cette farce qui vire au grotesque absolu et dévoilent la supercherie. Gorgibus est furieux, les valets reçoivent des coups de bâton et ces jeunes filles s’aperçoivent mais un peu tard qu’il vaut mieux ne pas trop se risquer à être aussi prétentieuses. Molière réussit là avec une superbe ironie une caricature farcesque de la préciosité du langage et des manières d’être.
Mais plus de quatre siècles après, comment monter cette courte pièce ? En 2009, Dan Jemmet avait sur ce même plateau assez bien réussi son coup avec sur un plateau presque nu, une distribution exceptionnelle : d’un côté Catherine Ferran et Catherine Hiegel et de l’autre, Andrzej Seweryn et Laurent Stocker. Et en Gorgibus, l’excellent Pierre Vial…
Ici, les metteurs en scène ont adopté un autre point de vue très contemporain: un plateau bi-frontale avec une scénographie très chargée. Sur un sol couvert de tapis, quelques fauteuils et un canapé, des piles de grands livres, un frigo vitré comme dans les salles de petit déjeuner d’hôtel. Et côté cour, un panier de volley-ball en billes de verre sur une carte du Tendre accroché sur un mur revêtu de tissu molletonné d’un bleu grec qui, à la fin, tombera en déchirant le tissu. Un probable clin d’œil aux créations de Macha Makeieff et Jérôme Deschamps où il y avait toujours des morceaux de plâtre qui se détachaient ou un nez de TGV qui défonçait un mur de cantine.
Côté cour, une batterie pour la bassiste Lola Frichet, un synthé et des guitares électriques pour un musique de Lully revue pop rock que joueront les deux metteurs en scène, et une cheminée au-dessus de laquelle est accrochée une peinture non figurative sur fond blanc avec quelques lacérations, sans doute une parodie des célèbres toiles monochromes de l’artiste italien Lucio Fontana dans les années soixante. Sur laquelle on donnera un coup de bombe noir. Bon…
Gorgibus est réduit à une voix off ; Séphora Pondi et Claire de La Rue du Can sont les naïves Précieuses de service, en costumes délirant. Très souvent drôles elles font dans le farcesque absolu, avec une impeccable diction. Jérémy Lopez, doté d’une petite moustache, lui, joue Mascarille, un rôle en or où dans un long monologue, il essaye de séduire ces nigaudes en en faisant des tonnes et en se mettant à chanter micro à la main. Noam Morgenstern, plus discret, est aussi très juste en Jodelet.
Les interprètes de cette farce donnent le meilleur d’eux-même mais cette adaptation avec, de temps à autr,e des phrases de langage contemporain et la mise en scène ne sont pas tout à fait convaincantes. Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux ont pris des libertés avec le texte original. Pourquoi pas ? Mais à condition que cela fonctionne. Et ce n’est pas toujours le cas. Il y a d’abord un manque d’adéquation ente le jeu et cette scénographie bi-frontale dont on ne voit pas du tout la nécessité!Sinon celle de faire contemporain? Séphora Pondi et Claire de La Rue du Can ont une belle présence mais ne sont pas toujours bien dirigées et boulent parfois leur texte ; quant au monologue de Mascarille, il paraît bien long. Et pourquoi avoir escamoté le rôle même secondaire de Gorgibus? Tout se passe comme si les metteurs en scène avaient voulu avant tout se faire plaisir avec un texte qui semble leur avoir servi un peu de joujou. Le public semblait ce soir-là partagé. Les enfants et adolescents riaient de bon cœur à cette farce et c’est tant mieux. Leurs parents, souvent moins, voire pas du tout. A vous de choisir! Ce spectacle nous a paru souvent facile et décevant mais heureusement sauvé par des acteurs impeccables.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 8 mai, Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris ( VI ème). T. : 01 44 58 15 15.
Bonjour,
Excusez-moi, mais vous dites que les actrices ont une diction impeccable, puis qu’elles boulent leur texte.
Lequel est vrai?
Cordialement,
Anne