Sizwe Banzi is dead d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona, traduction et mise en scène de Jean-Michel Vier

 

Sizwe Banzi is dead d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona, traduction et mise en scène de Jean-Michel Vier

6 DIAPORAMA

© Daniel Manoury

 Écrite en 1972, en plein apartheid, la pièce, d’abord interdite en Afrique du Sud, a ensuite fait le tour du monde. Son auteur a élaboré cette tragi-comédie sur la condition des Noirs dans son pays, en collaboration avec ses acteurs : John Kani et Winston Ntshona : «J’en suis aussi fier, dit-il, que de tout ce que j’ai déjà pu faire. Dans les moments-clés, c’est une célébration de la vie très joyeuse et merveilleuse. » Connue en France par la mise en scène de Peter Brook il y a quinze ans, la pièce a été peu jouée dans l’hexagone. Jean-Michel Vier, acteur et fondateur de la compagnie Liba Théâtre avec Marie-Hélène Jamet, reprend le flambeau et c’est sa douzième création.

 La pièce n’a pas pris une ride, au contraire. La vitalité de l’écriture nous saisit d’entrée: à New Brighton, township de Port Elisabeth (Province du Cap), un certain Styles nous raconte comment il est devenu photographe. Refusant de vendre sa force de travail aux Blancs pour un salaire de misère et d’être un « foutu singe dans un cirque», il a construit son studio à la force du poignet. Sur la pellicule, il veut «fixer les rêves et les espoirs des gens». Ce monologue, riche en images et en clins d’œil, est un numéro de comédien accrocheur qui a séduit le public populaire de l’époque. Ce que fait très bien Jean-Louis Garçon quand Sizwe Banzi (Cyril Gueï) entre chez le photographe, costumé de neuf et qui va poser pour un instantané…

Dans une deuxième partie qui s’avère être une sorte de flash-back, le ton change et Sizwe Banzi est dans une situation dramatique, face à Buntu aussi incarné par Jean-Louis Garçon. Grâce à un concours de circonstances, ce personnage malin et débrouillard, va conseiller à Sizwe d’endosser l’identité d’un homme mort: il devra renoncer à son nom pour vivre décemment. Il lui faudra savoir ruser, accepter de devenir le fantôme d’un autre. Et être un numéro sur le passe que tout Noir doit tenir à jour, un permis de circulation et de séjour. Reste à expliquer à sa femme et à ses quatre enfants pourquoi Sizwe Banzi est mort. Buntu ou Styles, incarnés par Jean-Louis Garçon, ont des stratégies de survie face au pouvoir blanc : résistance passive, voire marronnage à la manière de ses ancêtres esclaves. Sizwe Banzi, lui, s’interroge naïvement sur son humanité confisquée et ne se laissera convaincre qu’à contrecœur. « Le problème, dit-il, c’est d’être un homme dans ce monde. »

 Athol Fugard allie l’art africain du conteur et la tradition du théâtre occidental. «C’est un texte créé avec les acteurs et l’acteur y est au centre », dit le metteur en scène qui dirige ses comédiens selon les registres de la pièce: intime, comique ou tragique. Il use souvent (parfois trop) de l’adresse au public, dans l’esprit militant d’une œuvre écrite pour éveiller les consciences. Après une première partie dans le style bateleur, les comédiens prennent la fable et ses personnages à bras-le-corps. Nous partageons l’aspiration de ces hommes à la dignité et les suivons dans la «chambre forte des rêves», comme Styles nomme son studio-photo. Ces damnés de la Terre transmettent une note d’espoir. «Vous pouvez me mettre en prison, disait Nelson Mandela, vous ne ferez pas de moi un prisonnier ».

Mireille Davidovici

Jusqu’au 26 avril,Théâtre de Belleville, Passage Piver, (Paris XI ème). T. : 01 48 06 72 34 16.

Le 14 mai, La Courée, Collégien (Seine-et-Marne).

Le 11 octobre, Théâtre de Villeneuve Saint-Georges (Val-de-Marne).

Du 7 au 12 novembre, Théâtre Dunois, Paris (XIII ème).

 

 


Archive pour 12 avril, 2022

Erica Van Lee : un parcours féminin dans la magie

Erica Van Lee: un parcours féminin dans la magie

 

©x

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Après avoir vécu à Bayou Chicot (2.000 habitants) en Louisiane, elle a découvert  l’art de la magie quand elle a commencé des études de théâtre à l’université de Las Vegas. Elle y a rencontré Apollo Robbins, un spécialiste de manipulations puis est devenue son assistante. Et il l’a présentée à ses collègues. «Avec mon expérience théâtrale et musicale, dit-elle, la magie me semblait être tout à fait dans l’axe.» Mais après des années à aider de grands artistes, elle a voulu faire passer sa carrière au niveau supérieur et devenir elle aussi manipulatrice. Après avoir assisté à The World’s Greatest Magic Showau Sahara Hotel et Casino, elle a découvert Luna Shimada dont elle a beaucoup aimé le style et la présence sur scène et des années plus tard, a commencé à s’entraîner de façon très intensive avec celle qui est devenue son mentor : «Elle m’a aidé à créer mon style Cléopâtre magique des temps modernes. Pour la mise en scène et le mouvement, je me suis entraînée avec Kristi Toguchi, un coach en magie et acrobatie. J’ai aussi joué dans Masters of Illusion, The Pendragon’s, Criss Angel’s The Supernaturalists, Criss Angel’s Mindfreak Live et j’ai eu une longue tournée à Las Vegas avec Comedy Central’s-The Amazing Johnathan Show et j’ai aussi joué dans Opium de Spiegelworld au Cosmopolitan. Jouer dans ces spectacles m’a aidé à trouver ma propre voie et j’ai eu beaucoup de chance d’avoir les conseils et le soutien de la communauté des magiciens de Las Vegas. Actuellement, je viens de terminer cette année ma première mondiale à l’Adelaide Fringe Festival cette année. Mon premier spectacle en solo durait soixante minutes et ce fut un énorme accomplissement pour moi. »

« Chaque contrat est différent. J’aime m’assurer que tout le monde est sur la même longueur d’onde. Mes compétences? La manipulation, le « storytelling », les tours d’adresse et la magie comique. J’ai été influencée par The Amazing Johnathan, Luna Shimada, Sophie Evans, Juliana Chen et David Copperfield. Tous ont leur style et ont marqué l’histoire de notre art. J’aime aussi Erte (Romain de Tirtoff), le pop art, la mode, le Cirque du Soleil, Lady Gaga, The Killers, un groupe rock. Bruno Mars ou Lady Gaga dégagent une énergie incroyable quand  qu’ils jouent et je vois cela comme une source d’inspiration pour le public qui pourra alors créer et réaliser leurs propres rêves. Peu importe ce que c’est!»

Erica Van Lee aime depuis qu’elle a commencé la magie de scène, disparaître, se transformer en quelque chose de différent, réaliser manipulations et illusions, et la narration combinée à la magie. «Les gens me demandent souvent quels conseils je donnerais à un débutant. Quand vous êtes passionné par quelque chose, posez toujours des questions, faites des recherches et observez. N’ayez jamais peur d’apprendre. Mais rappelez-vous que cela prend du temps et vous commencerez alors à grandir comme artiste. Regardez ceux qui vous inspirent dans tous les domaines pour nourrir votre art : cela vous rendra unique! »

Elle aime les innovations des nombreuses plateformes en ligne mais reste une amoureuse de la magie classique: « Je pense donc que mélanger le contemporain et le classique est spectaculaire et que les artistes doivent vraiment puiser dans l’actualité et la culture pour créer leurs spectacles. Nous pouvons partager notre voix et nos opinions sur ce qui se passe dans le monde. A part cela, j’aime bien cuisiner pour des amis, aller à des concerts et dans les galeries, voyager à travers le monde, puisque je vis entre Las Vegas et Sydney. »

 Sébastien Bazou

 Entretien réalisé le 4 avril.
(https://www.ericavanlee.com/)

people united de Joanne Leighton, composition sonore de Peter Crosbie

people united de Joanne Leighton, composition sonore de Peter Crosbie

Ce dernier volet d’une trilogie commencée avec 9.000 Pas, puis Songlinesrelève de la danse contemporaine et du sous-genre écran de fumée qui a contaminé depuis belle lurette nombre de créations théâtrales (voir Le Théâtre du Blog). L’usage non guerrier de la machine à vapeur permet de simuler nuages, brumes et brouillard, de cristalliser les photons, d’«ambiancer» stades de foot, concerts rock, salles de bal, etc. mais est devenu un poncif…
Miss Leighton se situe dans le naturalisme et comme il n’y a pas de fumée sans feu!, avec ce people united, elle fait référence aux émeutes en général, au conflit russo-ukrainien en cours (une bannière azur et or entraperçue au milieu de l’agitation), aux guérillas urbaines d’autrefois et aux manifs estudiantines de mai 68: si notre mémoire ne nous a pas trahi, une bande-son électro-acoustique bruitiste diffuse même une harangue de Daniel Cohn-Bendit à la Sorbonne…

 

© Nicolas Villodre

© Nicolas Villodre

People united peut être rattaché, au moins par le thème, à Cela nous concerne tous de Miguel Gutierrez que créa en 2017, le Ballet de Lorraine à l’Opéra de Nancy, pour fêter gaiement le cinquantenaire des événements de mai 68. Nombre de chorégraphes ont aussi exploré ou exploité le filon comme, entre autres, Jocelyn Cottencin, Olivia Grandville, Tatiana Julien. Avant de faire feu de tout bois, la pièce est d’un calme olympien: huit interprètes en tenue de ville marchent tranquillement, gèlent leur mouvement et prennent la pose comme pour une photo, en obéissant au signal d’une meneuse de troupe qui doit in petto compter les pas. Ils vont ainsi et viennent puis reprennent leur déambulation. Ils varient postures, expressions du visage et leur allure. La bande-son délivre une comptine Maggie (2015) de Dave Dodds, chantée a cappella par le chœur féminin britannique The Unthanks. Mots et gestes font penser au jeu Un, deux, trois, soleil ou à celui, aussi britannique de Simon says,l’équivalent de notre Jacques a dit. Des gamineries grimaçantes, Joanne Leighton passe enfin aux choses sérieuses: de l’enfance à la post-adolescence, du calme à la tempête et aux sirènes des véhicules de la police face au soulèvement de la jeunesse.

 Ce ballet de groupe est interprété, en alternance par Lauren Bolze, Marion Carriau, Alexandre da Silva, Marie Fonte, Yannick Hugron, Philippe Lebhar, Maureen Nass, Thalia Provost et Bi-Jia Yang. Tous,techniquement de haut niveau, n’ont pas droit à leur «démo» personnelle mais nous avons été plus sensible à certaines qualités de mouvement, qu’à d’autres. Et plusieurs, pas leur fluidité corporelle et leur aisance, nous ont plus touché. Ce n’est pas une question de physique ou d’âge du capitaine, et pour une œuvre collective, cela paraît subjectif et arbitraire mais c’est ainsi…
people united, aussi déchaîné se veut-il, est plus apollinien, que dionysiaque et n’a rien d’un Sacre du Printemps ou d’une Messe pour le temps présent. Ici, rien non plus de survolté ni d’endiablé. Plus efficace que ce feu d’artifice, la belle musique de Peter Crosbie…

Nicolas Villodre

Spectacle vu le 1er avril, présenté dans le cadre du festival Le Grand Bain du Label Danse de Sylvain Groud et du Ballet du Nord, à la Condition publique, Roubaix (Nord).

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