Rencontre des Jonglages : quinzième édition/ Fabrik par la compagnie Kor

Rencontre des Jonglages : quinzième édition

Fabrik

© Cécile Prunet


La rencontre des Jonglages revient ce printemps, après un décalage en automne pour la précédente édition, au Centre culturel Jean Houdremont, le quartier général de la Maison des jonglages dirigée par Vincent Berhault, qui, toute l’année, accueille des artistes en résidence et développe une action culturelle vers les écoles et les habitants du secteur pour populariser le jonglage.

 Sur la place, des installations permettent aux enfants de grimper sans danger sur de petits mâts. Ce festival annuel donne une visibilité à ce lieu unique en son genre et permet de découvrir la création jonglée dans tous ses états et ouverte sur d’autres disciplines circassiennes, la danse et le théâtre. Avec, sur un mois, dans les salles et espaces publics: cinquante spectacles, une trentaine d’artistes et compagnies en Île-de-France: Evry,  Garges-lès-Gonesse, Tremblay-en-France, Bagneux, Aubervilliers, Saint-Denis, Paris, La Courneuve… Pour célébrer ses quinze ans, le festival nous invite au voyage avec des artistes venus du Japon, Polynésie, États-Unis, Royaume-Uni, Espagne, Belgique, Autriche, Allemagne.Jouer avec des objets, manipuler de la matière: leur énergie a quelque chose d’enfantin et le jeune public est convié, nombreux, à cette manifestation. Comme en cette matinée scolaire avec Fabrik.

Fabrikécriture et interprétation de Jean-Baptiste Diot et Bastien Dauss.

En mêlant jonglage et acrobatie, la compagnie Kor propose ici une belle rencontre entre des êtres bien différents. Assis devant une longue table blanche, un homme manipule de petites balles blanches, au rythme d’une musique légère, qui deviendra solennelle pour le numéro suivant, plus posé. Il est appliqué, concentré sur sa tâche. De temps en temps, une balle lui échappe et tombe, pour ressurgir comme par enchantement. On suppose un compère, caché quelque part, la lui renvoyant.

 Coup de théâtre: un corps inerte surgit d’une trappe aménagée dans la table. Il faudra toute la patience de Jean-Baptiste Diot pour faire enfin tenir debout son partenaire, Bastien Dausse, mou comme un pantin de son. Mais il devient entre les mains de son initiateur, un habile et facétieux jongleur. Ces artistes, l’un grand et costaud et l’autre menu et souple, forment un couple comique pour une suite de numéros inattendus, parmi lesquels quelques morceaux de bravoure vigoureusement applaudis…

Fabrik, un récit initiatique d’un homme qui va apprendre à se mouvoir, à jouer et à ressentir, mais qui va surtout exercer son libre arbitre. Une métaphore de la créature qui échappe à son créateur.

Ces personnages vont se découvrir et, au-delà de leur différence physique et technique, vont former un duo complémentaire, apprendre l’un de l’autre, chambouler les codes de leur discipline, en brouillant les pistes entre leurs savoirs respectifs. Explorer ensemble de nouvelles formes. 

Créée en 2019 en Île-de-France par Jean-Baptiste Diot, la compagnie Kor propose des spectacles atypiques, mêlant plusieurs disciplines et elle nous offre ici un numéro drôle et poétique pour tout âge. 

A suivre…

 Mireille Davidovici 

Spectacle vu le 6 avril, Maison des Jonglages, Centre culturel Houdremont, 11, avenue du Général Leclerc, La Courneuve (Seine-Saint-Denis). T. :01 49 92 61 74.
La Rencontre des Jonglages se poursuit jusqu’au 25 avril.

Les 24 et 26 avril, Chapiteau Sham, Le Bourget (Seine-Saint-Denis).

Du 18 au 20 mai, Espace Philippe Noiret, Les Clayes-Sous-Bois (Yvelines)

 

 

 

 


Archive pour 13 avril, 2022

Nina et les Managers de Catherine Benhamou, mise en scène de Ghislaine Beaudout

Nina et les managers de Catherine Benhamou, mise en scène de Ghislaine Beaudout

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© Joseph Banderet

 Cela se passe dans un lieu parisien tenu par une coopérative d’associations. Un petit théâtre jouxte une galerie d’art et à l’étage, des ateliers et espaces de résidences pour peintres, sculpteurs, graphistes… Nina dont le prénom fait référence au personnage d’Anton Tchekhov, est une Mouette du XXI ème siècle qui, dans l’espoir d’un rôle au théâtre, va se prendre les ailes dans les rets du «management» moderne. Embauchée pour entraîner un groupe à trouver des méthodes de travail plus performantes face à la crise, elle va, d’improvisations en jeux de rôles, pousser ces salariés-modèles à des solutions extrêmes, voire absurdes. Qui manipule qui, de l’actrice, de la direction, des sous-fifres ou des actionnaires ?

La scénographie de Clara Georges Sartorio évoque le monde complexe de l’entreprise: Nina s’enfonce dans un labyrinthe de châssis coulissants délimitant un espace à géométrie variable, avec ballet de meubles de bureau à usages multiples. En arrière-plan, un écran où seront projetées les séances du programme Top manager orchestré par Grégoire, le directeur (Renaud Danner), Léa, son assistante (Violaine Fumeau) et Nina (Adèle Jayle). Xavier, un manager adjoint (Adrien Michaud) servira la soupe à l’entreprise et sera le cocu de la farce qui, de fil en aiguille, vire au cauchemar.
Au départ, la vie presque stéréotypée d’une entreprise, en forme de comédie légère avec des personnages réduits à leur fonction. Puis, au fur et à mesure, face à la crise économique, l’équipe de direction se lance dans un combat forcené : ce sera à la guerre comme à la guerre, il faudra résister à la tempête, survivre au tsunami, et tant pis, si les plus faibles restent sur le carreau… Les relations entre protagonistes font apparaître des tensions internes: le couple de directeurs Léa-Grégoire se fissure, Xavier, employé- modèle et mouton docile du troupeau qui se prend pour un loup, finira par craquer…

Catherine Benhamou n’épargne personne et ses mots cognent juste: elle parle d’un monde qu’elle connaît pour y avoir pénétré. Une expérience qu’elle a vécue : « Nous étions quatre comédiens-formateurs et nous devions faire improviser les managers de l’entreprise sur le thème: Manager dans l’incertitude ou Gouverner dans la tempête. Un programme avec vaste plan de licenciement planant sur les salariés. Dans une inquiétude palpable, même si chacun se prêtait docilement au jeu .» Et ici derrière ce programme Top manager, se cache un «plan social» massif!

 Comme l’autrice, Nina porte une regard critique sur les pratiques managériales tout en participant elle-même au piège. Mais la fiction dépasse la réalité et Catherine Benhamou nous emporte dans un univers absurde. Sa mise en scène précise s’accompagne d’une création sonore discrète et pertinente : Vincent Guiot a su créer une musique électro-acoustique grinçante qui nous entraîne dans un monde inquiétant, peuplé de victimes consentantes: «Une logique de destruction est à l’œuvre, coproduite par ceux-là même qui en seront les première victimes», écrit le sociologue Vincent de Gaulejac dans Travail, les raisons d’être de la colère. A sa façon, avec humour et élégance, cette comédie joue les lanceurs d’alerte.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 25 avril, 100 Ecs Établissement Culturel Solidaire, 100 rue de Charenton, Paris (XI ème). T. : 01 46 28 80 94.

 

Beyrouth Hôtel de Rémi De Vos, mise en scène d’Olivier Douau

Beyrouth Hôtel de Rémi De Vos, mise en scène d’Olivier Douau

 ©x

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Nous sommes à Beyrouth dans un hall d’hôtel assez minable avec un comptoir d’accueil haut perché, un canapé défraîchi, un fauteuil au siège en plastique rouge, une table basse et un vieux juke-box (ou du moins un machin pas très réussi qui lui ressemble) rythmant l’action à coups de standards des années soixante-dix. Et il y a aussi une chambre, ici non représentée. Se rencontrent là une jeune réceptionniste assez curieuse mais qui passe son temps à lire des magazines sans intérêt et qui rêve à des jours meilleurs dans un autre pays que le sien  dévasté par la guerre civile. Elle s’ennuie mais va en boîte: »Je suis jeune, je veux surtout m’amuser. Vous devriez sortir le soir au lieu de rester à l’hôtel. Il y a des boîtes fantastiques ici, vous savez. Je suis sûre que vous n’en avez jamais vu de pareilles. Même les parkings font rêver, ils sont remplis de Mercedes ! »

Et en attendant, elle propose à ce nouveau client une rencontre tarifée; cet écrivain de théâtre français au bout du rouleau vient d’arriver et lui aussi, rêve mais à une collaboration avec un producteur libanais… dont on se demande s’il existe bien et il se pose des questions existentielles. Bref, deux pays et deux approches du monde différentes. Très seul, il passe des coups de téléphone en France à un ami: « Qu’est-ce qu’il fout, ce con ? Il m’avait dit qu’il serait à l’aéroport, ça fait deux jours que je l’attends à l’hôtel… Impossible de dormir… Il y a une boîte au rez-de-chaussée. Je suis descendu: la boîte était pleine de putes ! Et les types sortaient tout droit d’un film de Scorsese ! De vraies têtes de tueurs ! »
Et il appelle aussi son ex-femme en se la jouant: « Je suis invité dans un club en bord de mer… Je compte y aller demain… Peut-être faire un peu de bateau, pourquoi pas ?… Cette ville me fait un bien énorme… J’avais besoin de ça, je crois… Ce voyage… Mais tu me manques… Je voudrais vivre ces moments avec toi… » Et plus tard, il en rajoute encore  une louche:
« Bon… Ce voyage me fait vraiment du bien… je sors en boîte de nuit, je rencontre des gens merveilleux… Je me rends compte que l’écriture m’a trop absorbé ces derniers temps…

Peu ou pas de véritable intrigue mais un dialogue ciselé comme l’auteur sait si bien en écrire. Ces vies  parallèles finiront-elles par se croiser? Nous ne vous dévoilerons pas la fin… Beyrouth Hôtel n’est sûrement pas un Rémi De Vos grand cru mais cette piécette fonctionne, comme une machine bien huilée, parfois proche du théâtre de boulevard mais dans une bonne mise en scène et grâce à l’humour des personnages qui sont: «une façon de ne pas être dupe de l’absurdité de la vie». Joués par Olivier Douau et Nathalie Comtat, très crédibles et au jeu précis et rigoureux. Si vous n’êtes pas trop exigeant, allez découvrir ce nouvel opus de Rémi De Vos…

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre du Gymnase, 38 boulevard de Bonne Nouvelle, Paris (X ème).

Et au festival off, Avignon, à partir du 6 juillet.

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Lettres non écrites, conception et écriture de David Geselson

Lettres non écrites, conception et écriture de David Geselson

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L’acteur au Théâtre de la Bastille dans le cadre d’Occupation Bastille, avec, en compagnie de sept autres artistes présenté en 2016 son projet de «lettres non-écrites» que des dizaines de spectateurs avaient suivi. Puis avait aussi créé dans ce même théâtre plusieurs autres spectacles (voir Le Théâtre du  Blog).
David Geselson a eu une idée simple mais efficace, comme le faisaient et le font encore dans certaines mairies, des écrivains publics: écrire une lettre à la place d’un autre. Comme Jean Digne qui, il y a une quarantaine d’années, avait installé une petite caravane pour un écrivain public, au cœur d’Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques, une opération exceptionnelle qu’il avait imaginée et qui fut à l’origine de tout  théâtre, dit de rue…

Pourquoi faire écrire une lettre ? Non parce que nous ne savons pas mais parce que nous n’avons pas eu la force ni l’envie de commencer ou de reprendre un message adressé à quelqu’un que nous connaissions bien, parfois il y a de longues années. Trop longues, trop difficiles surtout à écrire. Mais dont le besoin, le désir est un jour une urgence absolue. Ici sont convoqués douleur de la séparation, souffrance enfouie mais bien réelle, « regrets sur quoi l’Enfer se fonde » comme disait Guillaume Apollinaire…

En général, un message envoyé pour soldes de tout compte à un amour disparu ou jamais avoué, à un enfant qu’une femme n’a pas ou n’aura sans doute jamais, comme Raquel qui lit maintenant une lettre très émouvante en 2036, écrite à son enfant à venir il y a vingt ans : «Ne cesse jamais d’apprendre. Mets-y toute ton âme. Parce qu’il n’y a rien au dessus ; sois en vie mon enfant. Et sois heureux, même quand il y aura l’obscurité. » Et il y aussi des missives à un père ou une mère qu’on recherche désespérément, ou pas revus depuis longtemps, etc.

Un protocole simple: David Geselson a un entretien de trente-cinq minutes avec l’auteur de cette lettre non vraiment écrite et ensuite il passe trois quarts d’heure à la mettre en forme pour le soir-même où il la lira accompagné par un ou une complice de son équipe dont des acteurs reconnus, anciens élèves de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot comme lui : Sharif Andoura, Servane Ducorps mais aussi Charlotte Corman, Samuel Achache… «  Il agit d’une forme de création volontairement courte, dit David Geselson, rapide, incomplète, construite en quelques heures, en essayant d’utiliser au maximum les récits du jour avec ceux d’habitants d’autres villes comme Orléans, Marseille, Saintes, Lorient, Toulouse, voire New York. (…) Une forme de communauté de mots invisibles se construit au fil des lieux. »

Pour David Geselson, il s’agit d’une à la fois d’une expérience d’écriture mais aussi de plateau, puisque les auteurs sont aussi parfois dans la salle. Ce qui donne une belle vérité aux textes de ces auteurs éphémères, et dont les textes sont lus mais bien entendu, de façon anonyme. Cela se passe dans une salle toute en longueur pour une cinquantaine de spectateurs avec au bout, une table avec un ordinateur où sont enregistrées ces lettres envoyées à chaque fois vers une imprimante à l’autre bout de la table que David Geselson ou son actrice liront ici à tour de rôle. Ainsi la petite machine noire rectangulaire débite en silence ainsi chaque feuille de ces lettres qui, posées au sol, après avoir été lues, formeront un archipel d’une quinzaine de feuilles…
Il s’agit à la fois d’une simple lecture qui tient aussi d’un spectacle ou une performance, puisque elle est accompagnée par un violoncelliste… Bien entendu les lettres sont de qualité inégale mais comme elle sont toujours justes et d’une rare sensibilité, nous les écoutons avec délice.

D’autant plus que les acteurs ont une excellente diction, que cela dure une petite heure et qu’il n’y a pas ici de fumigènes, comme très souvent actuellement sur les scènes -grande ou petites… Mais, même s’il s’agit d’une lecture, nous aurions aimé que les interprètes soient correctement habillés, et non en jeans délavés, avec un bout de chemise qui dépasse. Allez encore un effort, David Geselson, au théâtre tous les détails comptent…

 Philippe du Vignal

 Spectacle vu au au Social MAIF Club, 37 rue de Turenne, Paris (III ème). T. : 01 44 92 50 90.

 

 

 

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