L’Ecole des femmes de Molière, adaptation et mise en scène d’Anthony Magnier

L’Ecole des femmes de Molière, adaptation et mise en scène d’Anthony Magnier

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Rappelons le scénario, un peu compliqué mais particulièrement réussi. Arnolphe, un homme d’un certain âge a changé son nom de celui de La Souche. Comme il a peur d’être trompé, il veut se marier avec sa pupille Agnès, qu’il a fait élever dans l’ignorance. Par hasard il rencontre le jeune Horace, fils de son ami Oronte, tombé amoureux d’Agnès. Il confie en secret son amour à Arnolphe et lui dit qu’il se moque bien de ce M. de La Souche qui la retient enfermée chez lui. Arnolphe est en colère contre Alain et Georgette, ses serviteurs qui ont ouvert la porte à Horace. Grâce à eux, il a ainsi voir Agnès à qui il demande ce qui s’est passé mais elle le rassure… Mais il veut que son mariage avec Agnès ait lieu le soir-même. Horrible malentendu: elle croit que ce futur mari est Horace! Arnolphe la remet alors vite d’équerre et sur son ordre, les serviteurs refusent l’entrée à Horace.Agnès a envoyé une petite pierre… à laquelle était joint une lettre d’amour à Horace resté dans la rue. Comme il l’avoue ingénument à Arnolphe qui, très amoureux d’Agnès, est jaloux et entre dans une terrible colère.

Il exige qu’Alain et Georgette refoulent le jeune homme mais ils n’en font rien et Agnès cache son amoureux  dans une armoire. Horace dit à Arnolphe qu’il a un rendez-vous le soir même et qu’il veut aller retrouver Agnès dans sa chambre. Son ami Chrysalde essaye de calmer Arnolphe. Mais il demande à ses serviteurs de taper sur le jeune homme avec un bâton. Horace rencontre Arnolphe et lui dit être tombé dans un guet-apens tendu par Alain et avoir fait le mort pour éviter les coups quand il est tombé de l’échelle. Agnès s’enfuit avec Horace  ignorant que ce M. de la Souche est en fait… Arnolphe à qui il demande de protéger la jeune fille.
Arnolphe récupère donc Agnès qui est indifférente à son aveu d’amour. Arrive alors Oronte, le père d’Horace, qui veut marier son fils à la fille de son ami Enrique. Horace demande alors à Arnolphe d’intercéder auprès de son père mais Arnolphe dévoile alors son identité et prie le père d’Horace de refuser. Coup de théâtre: Agnès se révèle être la fille d’Enrique et solution miracle, elle pourra donc épouser Horace.  Et, avec cet Enrique, deux ex- machina, Molière sauve la situation. Mais Arnolphe, lui a tout perdu et s’en ira effondré.

Cette pièce à l’intrigue bien construite et aux multiples rebondissements, tient de la farce mais aussi d’une comédie aux sous-entendus érotiques visiblement appréciés à l’époque avec le bien connu: «Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose. » Et elle eut un grand succès à sa création en 1662 et fera de Molière, un auteur considérable. Quatre siècles après, au temps de Mitou, on peut trouver d’indéniables côtés féministes à ce texte engagé et écrit dans une langue qui nous parle encore…
Molière y posait déjà la question de l’accès des femmes au domaine intellectuel, de leur place dans la société et, comme en filigrane, de leur vie sexuelle. Molière ne rate pas sa cible quand Arnolphe, incarnant ici la position des catholiques, fait lire à Agnès ces incroyables maximes sur les devoirs de la femme mariée, extraites du Catéchisme du Concile de Trente. Alors que son ami Chrysalde est résolument plus ouvert.

Depuis le début du XX ème siècle, la pièce a été très souvent montée et Louis Jouvet qui remit cette pièce à la mode en donnant au personnage d’Arnolphe, un côté tragique et il la joua plus de six cent fois dans la très fameuse scénographie de Christian Bérard avec ce jardin qui se referme pour laisser place à une rue.
Jean-Paul Roussillon monta la pièce à la Comédie-Française avec Isabelle Adjani puis Antoine Vitez cinq ans plus tard la mit en scène avec Le Misanthrope, Tartuffe et Dom Juan. Il avait fait jouer Arnolphe à Didier Sandre alors jeune, ce qui introduisait un décalage intéressant. Des mises en scène radicalement différentes mais d’une rare intelligence et dont nous gardons un bon souvenir. Et il y eut en 2001, la mémorable Ecole des Femmes, mise en scène par Jacques Lassalle avec Pierre Arditi et Agnès Sourdillon. Puis en 2014, celle de Christian Schiaretti avec Robin Renucci et Jeanne Cohendy. Et enfin, la réalisation -moins convaincante- de Stéphane Braunschweig avec Claude Duparfait et Suzanne Aubert.

Et ici? Anthony Magnier semble être plus à l’aise quand il monte des pièces de Georges Feydeau. (voir Le Théâtre du Blog). «Un spectacle,dit-il, résolument féministe et humain» (Cela ne mange pas de pain !). « En ces temps de questionnement sociétal, comment ne pas se saisir de cette œuvre qui a pour épicentre la notion homme-femme?» Sur le petit plateau, une baraque peinte en rouge foncé à l’intérieur, avec, dans le fond, des petites ouvertures-fenêtres, une entrée avec un rideau de perles, et côté cour, une porte. Et un fond lumineux qui change de couleur du bleu au rose, violet, rouge: Bob Wilson a encore frappé.  Cette « scénographie », non signée et sans aucun intérêt, occupe tout le plateau. Les pauvres acteurs jouent donc la plupart du temps sur le devant de la scène…
Agnès nous y offre à plusieurs reprises une petite danse vaguement contemporaine. Georgette, la servante, est jouée par la même actrice, affublée de pommettes rouges.  Alain, lui, a un groin de cochon et est  interprété par le même comédien en charge d’Horace. Avec deux distributions. L’Agnès, ce soir-là, était assez solide comme Mickael Fusulo (Arnolphe) à l’excellente diction, ce qui devient rare et appréciable dans un texte en grande partie écrit en alexandrins. Mais on se demande pourquoi Anthony Magnier le fait aussi souvent crier.
Le jeune acteur (là aussi en double distribution) qui jouait hier Horace et Alain, semblait, lui, beaucoup moins à l’aise. Anthony Magnier tire la pièce vers la farce pure et simple, et sans trop de nuances et il n’y a pas l’intégralité du texte qui a été un peu traficoté. Il faut toujours se méfier des adaptations de grandes pièces classiques et des suppressions de personnages…
Mais nous «bénéficions» de quelques petites phrases ajoutées en bonus par Anthony Magnier dont la mise en scène laisse perplexe. Bref, le compte n’y est pas et ce spectacle est très décevant, malgré une bonne scène, celle où Agnès avoue à Arnolphe son amour pour Horace. Ce qui est un peu juste. Les costumes de Mélisande de Serres, entre XIX ème et XX ème siècle, sont corrects mais pourquoi avoir habillé Agnès d’un tutu rouge et pourquoi ces masques sont-il aussi laids? Enfin, rassurez-vous, pour une fois et par les temps qui courent, il n’y a heureusement ni vidéo, ni fumigènes, ni micro H. F. Le public -quelque dix-sept personnes et un bataillon d’une vingtaine de collégiens- a applaudi mollement et on le comprend. Bref, vous aurez compris que vous pouvez vous dispenser de cette adaptation qui ressemble à une petite escroquerie artistique et qui est une ersatz de la célèbre pièce. Dommage…

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 29 mai, Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris (VI ème). T. : 01 42 22 56 87.


 


Archive pour 15 avril, 2022

Klein, d’après la conférence d’Yves Klein à la Sorbonne, conception d’Olivia Grandville

Klein, d’après la conférence d’Yves Klein à la Sorbonne, conception d’Olivia Grandville

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© La Spirale de Caroline

 Depuis le Cabaret Discrépant (2011), inspiré de textes du poète lettriste Isidore Isou au Théâtre de la Colline et le bouillonnant Combat de carnaval et Carême, d’après le tableau de Pieter Brueghel l’Ancien en 2017 (voir Le Théâtre du Blog), la chorégraphe n’a cessé de diversifier ses créations. Elle en présente trois à la MC 93 de Bobigny, avant de regagner le Centre Chorégraphique National de la Rochelle dont elle a pris la direction. Elle veut faire de cette Maison, rebaptisée Mille Plateaux, un «Théâtre d’Opération chorégraphique transdisciplinaire et transculturel».

Klein est à l’image de ses audaces artistiques. Sur le plateau vide et sous des lumières bleues de plus en plus intenses, Iris Clert (Olivia Grandville), galériste et égérie des avant-gardes de l’époque, présente Yves Klein: «Je dois avouer quand j’ai vu pour la première fois ses tableaux, j’ai été sidérée. J’ai voulu d’abord penser à un énorme canular.» Après une brève biographie, elle laisse la parole à Manuel Vallade, un Yves Klein aérien et volubile. Guidé, comme elle, à l’oreillette, il entend en direct la voix de son modèle, enregistrée lors de sa conférence. Un troisième intervenant participait à cet événement, l’architecte allemand Werner Ruhnau (ici, le compositeur Benoît de Villeneuve). Yves Klein conçut avec lui ses Architectures de l’air, cœur de son allocution L’Evolution de l’art vers l’immatériel. Ils imaginaient de vastes constructions au toit maintenu en lévitation par de l’air pulsé: dans ce paradis, l’homme, libéré des aléas climatiques et de la pesanteur deviendrait un rêveur éveillé…

 Auparavant, le peintre revient sur son travail et ses recherches, comme dans une récente exposition à Anvers où il ne montrait rien. Cela l’amena à imaginer un Centre de la sensibilité, où Jean Tinguely serait professeur de sculpture et Pierre Henry, le compositeur-phare. Il parle aussi longuement de son choix du bleu monochrome, couleur de l’immatériel et explique que des couleurs juxtaposées se contredisent, qu’un pigment ne doit pas être terni par un liant, et que, dans la société, le liant, c’est l’argent… Ce bleu pur et solitaire, celui du ciel et de la mer, c’est l’azur qui le hante et l’aspire.

 Ponctués par des applaudissements et des rires enregistrés (ceux du public d’alors ou d’une boîte à rire ?), les mots du peintre se bousculent et il passe d’un thème à l’autre, comme si, en juin 1959, cet homme pressé de tout dire, pressentait sa disparition trois ans plus tard après une crise cardiaque/ Il avait trente-quatre ans ! Cet exposé gonflé d’un désir enfantin de toute puissance, nous amuse et parfois nous passe un peu au-dessus de la tête, comme ce fut sans doute le cas pour l’aréopage venu assister à cet événement mondain.

 Mais Olivia Grandville a invité deux judokas à rythmer de leurs passes harmonieuses le monologue de l’acteur-conférencier. Rappelons que le peintre fut, entre autres, quatrième dan de judo. L’envol des corps et leur chute sonore amplifiée donnent un certain relief à cette allocution disparate. Nous entendons aussi Symphonie monoton, une singulière composition d’Yves Klein avec un seul accord en continu : un ré majeur répété pendant vingt minutes… Transposée ici par Benoît de Villeneuve qui a conçu l’environnement sonore du spectacle, cette musique planante, conjuguée aux éclairages bleutés intenses, donne au spectacle une dimension sensorielle et nous emporte dans un rêve éveillé. Nous nous évadons dans le bleu…

 Certains resteront à la porte de cette œuvre conceptuelle à l’instar de la peinture d’Yves Klein mais Olivia Grandville apporte une réponse  théâtrale, plastique et musicale, à l’aridité et à l’abstraction des propos de cet artiste. Elle nous restitue aussi l’esprit d’utopie qui animait celui dont on ne connaît plus aujourd’hui que les empreintes de corps et d’objets trempés dans du bleu. Et Volare, une chanson de Domenico Modugno…

 Mireille Davidovici

Spectacle créé dans le cadre du programme New Settings de la fondation Hermès, vu le 13 avril, à la MC 93, 9 boulevard Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis) T. : 01 41 60 72 72.

La Guerre des pauvres, d’après Eric Vuillard, conception d’Olivia Grandville, du 15 au 17 avril.

 La conférence d’Yves Klein est publiée aux éditions Allia.

 

La Leyenda de Kulkatán, par La Doble Mandoble

La Leyenda de Kulkatán, par La Doble Mandoble

Cette compagnie circassienne a été fondée en 2007 par Luis Javier et Miguel Angel Córdoba. Formés à l’École Supérieure des Arts du Cirque ESAC à Bruxelles, ils ont été les pionniers de la magie nouvelle en Belgique. et cherchent à mêler  cirque, magie, théâtre physique, manipulation d’objets et les arts numériques, pour créer un langage capable de susciter la réflexion de leur public. Leur première création, un numéro de magie clownesque, Les Anneaux Indomptés, a été récompensée par le premier Prix du concours de magie Macamagie en 2008 à Wavre (Belgique), par le premier Prix de magie comique au concours mondial de magie FISM en 2012 à Blackpool (Royaume-Uni) et enfin par le Mandrake d’or en 2014 à Paris.

 

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Cinq ans plus tard, La Doble Mandoble présentait son premier spectacle de salle, Mi otro yo, une approche à la fois burlesque et absurde de magie mêlée au cirque, au théâtre et à la manipulation d’objets. En 2011, La Belle Escabelle, un spectacle de rue, à la fois physique et burlesque, rend un hommage délirant à l’escabeau pliable de nos maisons. Puis la Doble Mandoble crée en salle Full HD regorgeant d’effets visuels surprenants, où magie et cirque rencontrent les arts numériques. Inspirée par le transhumanisme, la compagnie propose une vision d’un futur pas si lointain, où nos limites biologiques seront «augmentées», grâce aux avancées technologiques. En 2018, le magicien-jongleur-dramaturge italien Andrea Fidelio rejoint la compagnie..

Nouvelle création pour salle il y a deux ans Le Dîner est un spectacle pluridisciplinaire avec cinq comédiens qui peint de manière drôle et métaphorique, une classe dirigeante sans aucune sensibilité et déconnectée de la réalité. Puis la compagnie crée un numéro de magie nouvelle Sweet Home qui reçoit le premier prix de grandes illusions au Championnat européen de magie FISM à Manresa, Espagne. Miguel Angel Córdoba et Andrea Fidelio nous donnent ici un avant-goût du Chapiteau Magique-La Leyenda de Kulkatan, septième création de cette compagnie. La pièce mélange entresort et magie nouvelle,  avec l’histoire de Galvani, un professeur de l’occulte qui voyage avec son attraction, cherchant une réponse à l’origine de la vie et un élu qui puisse le libérer de leur asservissement, lui et son «monstre». Inséparables mais contraints à errer dans le giron des damnés et à y chercher leur salut pour sortir de l’Enfer. Avec le récit de ces anti-héros, c’est aussi ’histoire du spectacle itinérant, des origines à nos jours et d’un mythe, vue par un regard contemporain. Cela commence en dehors du chapiteau, dans une file d’attente, avec  l’idée de créer un lieu inspiré de l’univers des spectacles de foire. Le public, pour accéder au chapiteau, doit voir une exposition de curiosités et prodiges et il est ensuite accueilli par l’énigmatique professeur Galvani qui lui présente le lieu. Il en dévoile le contexte scientifique et alchimiste, les guide dans ce voyage, en narrant une mystérieuse histoire qui a marqué sa vie. La deuxième partie se passe dans le chapiteau avec un petit nombre de spectateurs.

«Nous avons créé, disent ses auteurs, un espace magique contemporain, en prenant racine dans les pièces du théâtre nomade du passé. Pour faire ressentir au public la fascination et la curiosité pour l’insolite et le mystère, en lui proposant une expérience fantastique et en l’intégrant à une histoire magique. Cette forme itinérante de spectacle est née de notre rêve d’avoir un petit chapiteau itinérant accueillant une vingtaine de personnes.
Nous avons déjà pu assister à des pièces de ce format, quand nous étions en tournée dans les festivals de rue. Ces espaces intimes favorisent une proximité maximale avec le public, et nous ont donné envie de créer le nôtre: une yourte de 5,5 m de diamètre et 4 m de haut. Pour suivre notre parcours de magie nouvelle qu’on voit surtout dans des théâtres et : nous souhaitions sortir de ce cadre traditionnel pour aller dans un espace plus convivial. Posséder notre propre chapiteau a aussi l’immense avantage pour nous, magiciens, de concevoir des effets non réalisables, si nous changeons systématiquement de lieu.»

«Le nôtre favorise le jeu avec des objets plus petits, voire minuscules et des effets subtils où les atmosphères lumineuses, sonores et olfactives jouent un rôle important. L’art de créer des illusions et la proximité font de cette expérience, une rencontre privilégiée avec le public. Ce chapiteau permet aussi de nous approprier l’espace  urbain avec un côté foire du XIX ème siècle, à la fois énigmatique et mystérieux. Mais nous aimerions l’agrandir pour en faire un micro-village de magie, en y insérant une caravane pour accueillir aussi des micro-spectacles de quelques minutes pour une seule personne et une petite arène extérieure avec un gradin pour un plus grand nombre de spectateurs. Conception, écriture et mise en scène sont de Miguel Angel Cordoba et Andrea Fidelio. La scénographie et les visuels de María Solà Font et  Laura Jaqueson. La prothèse de la tête a été fabriquée par Jean-Raymond Brassinne, un artiste spécialisé dans le maquillage SFX. Les costumes ont été réalisés par nous-même. La construction de la yourte pliable a été confiée aux menuisiers de la Fabrique de Théâtre. Enfin, la musique a été composée par Basile Richon. »

Mais dans ces conditions assez rares dans le monde de la magie, quel message cette compagnie souhaite-elle faire passer avec ce Professeur Galvani?  « C’est une sorte de fable, disent ses créateurs, à raconter à un public de tout âge, et dont les éléments prennent racine dans une tradition millénaire de récits s’inspirant de mythes de lointaines cultures. Cet archétype du chercheur, en proie à une soif inextinguible de connaissances, veut trouver le sens caché et les réponses aux questions profondes de l’existence. Il représente aussi le rêveur, l’esprit d’initiative de chacun et qui nourrit notre idéal. Poussé par le désir de connaissance, il devient chercheur de mystères, éternel voyageur à la poursuite du Graal. La vie de Galvani est marquée par un voyage qui n’atteint pas son objectif, parce qu’un nouveau défit se représente à chaque étape et le condamne à des recherches sans répit. Bref, le mythe de l’éternel retour, de Sisyphe ou du tonneau des Danaïdes, avec un Galvani obligé de s’orienter vers une destination qui s’approche et s’éloigne à la fois.»

Il y a un entresort avec un deuxième personnage important: la tête parlante du magicien Kulkatán, suspendue dans le vide au-dessus d’une table. Pas un robot ou une marionnette mais bien une tête humaine détachée du corps et capable de réaliser de vrais prodiges, comme transmettre et lire dans les pensées, faire apparaître et disparaître des objets.Une illusion rendue vraisemblable au point de créer un court-circuit dans les perceptions de celui qui l’observe.  L’histoire de Kulkatán est inspirée de celle des freaks, ces monstres des baraques de foire. Cela débuta au Moyen-Age et connut son âge d’or avec des spectacles à la fin du XIX ème siècle où ils étaient exposés dans les cirques et théâtres, pour satisfaire la soif de curiosité des classes les plus élevées. Ces humains physiquement anormaux nains, géants, siamois, êtres aux ressemblances animales, ou très maigres etc. ont fait l’objet de ségrégation et d’exploitation au cours des siècles.

La Leyenda de Kulkatán veut être aussi une réflexion sur la marginalité et les êtres différents. Autrefois, la société a été dominée par une aristocratie toute puissante à l’origine d’un idéal auquel le peuple devait se soumettre ou périr. Ces aristocrates voulaient sélectionner quelques élus et asseoir leur pouvoir. Mais c’était une négation de la diversité sous toutes ses formes. Les marginaux, les a-normaux, tolérés comme phénomènes de foire pour distraire et rassurer les autres sur leur prétendue normalité, étaient humiliés par une société, dite bien pensante et leur mise à l’écart rassurait aussi les bourgeois dans leur légitimité. Auparavant, les aides n’existaient pas et si, aujourd’hui, la société a évolué, les exclus du système existent toujours et les marginaux restent victimes de voyeurisme. Les valeurs normatives dominent toujours la gestion de la cité et font le lit des populismes. Les êtres différents ou faibles, trop sensibles ou introvertis, qui ne s’adaptent pas à la rentabilité, à l’hyper-connexion ou aux standards de beauté, sont encore mis à l’écart, tournés en dérision, ou utilisés quelques heures sur les réseaux sociaux. Nous sommes partis de là pour créer La Leyenda de Kulkatan où nous voulons témoigner de l’immense richesse des gens différents. Et caresser l’invisible splendeur de l’exclu, pour enfin le mettre en lumière et suggérer au public d’avoir un regard sur les éléments voilés d’histoires souvent moins racontées, en montrant la sensibilité et la profonde humanité cachée dans ces apparents monstres. Nous voulons réveiller la découverte du merveilleux. »

Sébastien Bazou

La Leyenda de Kulkatan sera créée à Louvain (Belgique) le 13 mai.

La Doble Mandoble: https://www.doblemandoble.com/fr/accueil/

 

 

 

 

 

 

 

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