Ovni d’Ivan Viripaev, mise en scène d’Éléonore Joncquez
Ovni d’Ivan Viripaev, traduction de Tania Moguilevskaia et Gilles Morel, mise en scène d’Éléonore Joncquez
OVNI: l’objet volant non identifié a fasciné des générations de gens qui voyaient souvent au crépuscule, des soucoupes volantes débarquées de la planète Mars, là où il y avait en fait… des ballons-sondes de la météo. Comme en 1947, le pilote américain Kenneth Arnold… Ou bien réelle entre Paris et Lille, une boule rouge qui s’avéra être… une boule à facettes pour un concert de Jean-Michel Jarre, tombée d’un camion qui l’emportait à Londres! L’auteur russe aurait, grâce à l’argent d’un oligarque, bénéficié d’un budget conséquent pour recueillir les témoignages de quatorze personnes ayant eu cette expérience de rencontre avec un ovni. La pièce avait déjà été créée par le très bon metteur en scène dijonnais Etienne Grebot… Mais cette deuxième mise en scène d’Eléonore Jonquez, après La Vie trépidante de Brigitte Tornade de Camille Kohler (2020) où elle jouait le rôle principal, (voir Le Théâtre du Blog) est d’une rare intelligence et tout à fait remarquable.
Comme Ivan Viripaev le dit en voix off au début du spectacle, il aurait gardé dix de ces témoignages que la metteuse en scène a confié à quatre acteurs et à elle-même. Mais à la toute fin, l’oligarque russe (Grégoire Didelot) avouera n’y être pour rien, ce dont on se doutait… Il y a là un chef d’entreprise, un livreur, une étudiante, etc. Ils ne se connaissent pas mais ont une envie évidente de se confier, après avoir subi cette expérience où ils ont eu le sentiment d’être en parfaite connexion avec l’univers et avec eux-même, même si nous pouvons vite douter de la véracité de ces récits… Mais qu’importe…
Ils se succèdent devant nous, le précédent restant là discrètement dans l’ombre de celui qui parle. En fond de scène, une belle vidéo d’un ciel étoilé. Rigueur, précision, humour et fantaisie de la mise en scène d’Eléonore Joncquez qui dirige très bien Coralie Russier, Grégoire Didelot, Patrick Pineau, Vincent Joncquez… et elle-même interprétant, remarquablement comme les autres, deux de ces curieux personnages.
Et il y a ici une belle unité de jeu chez ces acteurs tous crédibles et à l’aise dans ces doubles rôles. Mention spéciale aussi à Jean-Marc Hoolbecq pour la chorégraphie de ses intermèdes qui aèrent ce texte-pudding et à Natacha Markoff pour sa scénographie drôle et inventive. Sur de petits praticables roulants: un lit d’enfant, un fauteuil, une mini-salle de bain, une table avec billot…
Mais cette suite de monologues, même bien ficelés entre eux par Eléonore Joncquez, n’est pas toujours aussi subtile que sa mise en scène et a quelque chose d’assez répétitif et de pas toujours passionnant. La metteuse en scène n’a peut-être pas eu le choix mais était-il bien nécessaire de garder la totalité de ces dix monologues d’Yvan Viripaev sur deux heures? Dans la deuxième partie du spectacle, cette litanie commence à devenir longuette. Et il faudrait ou resserrer chacun ou, plus radicalement, en supprimer quelques-uns. Mais ce beau travail de mise en scène, avec une impeccable direction d’acteurs, vaut le détour.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 24 avril, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro: Château de Vincennes+ navette gratuite. T. : 01 43 28 36 36.
Le texte de la pièce est publié aux Solitaires intempestifs.